Faut-il fermer la pêche du Sandre


France Bleu la Rochelle, la radio des pêcheurs accueille Bruno Garcia de la fédération de pêche de Charente-Maritime pour répondre aux questions des auditeurs ; Question d’Alexis de Marans qui voudrait savoir pourquoi il n’existe pas une fermeture du sandre pendant sa période de reproduction.

Bruno Garcia :

Eternel débat que celui de la fermeture spécifique du sandre. Question récurrente qui revient tous les ans juste après l’ouverture du brochet. La Fédération est investie de deux missions : la protection du milieu aquatique et la satisfaction du pêcheur. Et, très souvent la question se pose de savoir si l’on doit choisir de pénaliser les pêcheurs dans un contexte où  la gestion de l’eau est à l’origine de bien des problèmes. 

C’est un vrai dilemme

Aujourd’hui en Charente-Maritime, plusieurs espèces profitent déjà de mesures de protection temporelles depuis la loi pêche de 1984. Le brochet, l’alose, la truite, la grenouille, etc. pendant leur période de reproduction. Qui osera dire actuellement que nos populations de brochets et de grenouilles se portent bien ? Comme tous les pêcheurs le savent notre département était, jusqu’en 1990, un haut lieu de la pêche du brochet et de la grenouille. Ces espèces ont commencé à péricliter depuis que les « terres basses » sont en culture et depuis que l’on ne supporte plus une goutte d’eau sur le marais et surtout pas à cause du prélèvement effectué par les pêcheurs.

Il se reproduit facilement le sandre

On va ouvrir et je pense que c’est indispensable, une petite parenthèse sur la biologie du sandre. Le sandre est une espèce très prolifique puisque chaque femelle est capable de produire 200 000 ovules par KG de son poids. Il est en plus très opportuniste par rapport à son support de fraie en l’absence de graviers, c’est son support de prédilection il est capable de s’adapter à un support végétal voire un racinaire ancré dans la berge et même un morceau de bois immergé. Il fait preuve d’une agressivité impressionnante pour la défense de ses œufs. Encore un point fort mais paradoxalement, c’est là effectivement que se situe sa faiblesse puisqu’à ce moment précis il saute aveuglément, sur tout ce qui bouge, du leurre au vairon en passant par le ver de terre. Sa reproduction a lieu d’avril à juin en fonction des conditions de température en général entre 12 et 14 degrés et c’est là précisément qu’il rencontre des difficultés. Il n’est pas rare à cette période de constater des marnages (différence de niveau d’eau) très importants sur les cours d’eau. Très régulièrement ces baisses de niveau journalières peuvent aller jusqu’à un mètre, mettant à sec les zones de reproduction et réduisant à néant les efforts des géniteurs.

Et c’est à ce moment précis, si j’ai bien compris, qu’Alexis souhaiterait une période de fermeture de la pêche

Oui c’est ça, alors on peut fermer le brochet jusqu’à fin avril, le sandre jusqu’à fin juin, on peut également interdire le black-bass jusqu’à fin juillet et bien sûr proscrire toutes les techniques comme les leurres qui sont susceptibles de les capturer et on va se retrouver avec une période d’interdiction qui s’étalera du dernier dimanche de janvier à la fin juillet. Non, la solution c’est de reconquérir les milieux et retrouver une gestion rationnelle de l’eau. Pour aller dans le sens des puristes qui souhaitent une fermeture pendant la période de frai, l’article R-436-8 du Code de l’Environnement donne au Préfet la possibilité de protéger certaines espèces pendant une période donnée et c’est ce que nous avons mis en place sur quelques secteurs du département en imposant la remise à l’eau obligatoire toute l’année ou simplement pendant la période de reproduction du sandre. Nous devrions pouvoir évaluer assez vite l’impact de telles mesures. Malgré tout, je reste persuadé que le prélèvement effectué par les pêcheurs n’a pas un impact aussi désastreux que l’on veut bien le dire.