"Donner de l’espoir à la jeunesse" : à Toulon, François Hollande répond aux questions des lecteurs du groupe Nice-...


Le « Président normal » n’a pas changé depuis son départ de l’Élysée, en 2017.

Normal, François Hollande salue chaleureusement nos neuf lectrices et lecteurs de 17 à 70 ans à son arrivée, en avance, au restaurant Les Pins Penchés à Toulon.

Normal, il n’a éludé aucune de leurs questions, se livrant même à plusieurs confidences lui qui peut désormais… tout dire (ou presque).

Normal, il encourage les plus jeunes, approuve les analyses des plus perspicaces sur les pouvoirs publics, l’hôpital, les crises internationales.

Normal, il prend le temps, à la fin de l’exercice, de poser avec chacun, réalisant parfois lui-même selfies et vidéos avec les téléphones de ses interlocuteurs, prolongeant le dialogue avec ceux qui ont eu « un goût de trop peu » malgré plus d’une heure quinze de conversation.

Normal, François Hollande a toujours cultivé cette image d’élu de proximité ressentie par nos lecteurs, qui ont certainement eu envie de lui dire sincèrement merci… pour ce moment.

C’est dans l’actu

Le remaniement: 

« La manière de faire de mes prédécesseurs et de moi-même, c’était plutôt d’aller vite. Parce que c’est une période d’incertitude. Là, cette latence, j’avoue que c’est assez inédit. »

François Bayrou : 

« Il avait envie de servir. Lui refuser alors qu’il a été un de ceux qui ont permis l’élection de Macron en 2017, c’est vrai que je peux comprendre son courroux. Je pense que dans un gouvernement il faut des jeunes, il faut aussi des femmes et des hommes d’expérience. »

Les Houthis: 

« Au Yemen, ce groupe bombarde les navires dans le détroit de bab el mandeb. Je pense que la France devrait, avec les États-Unis, réagir. »

L’Ukraine : 

« Si Poutine envahit l’Ukraine ce n’est pas simplement pour récupérer des territoires, il veut nous mettre à l’épreuve. Aider l’Ukraine, c’est nous défendre nous-même. »

Le conflit Israël/Hamas: 

« La France a un rôle à jouer. Il faut trouver un plan de paix. La paix, c’est un État palestinien. »

L’hôpital : « L’argent public, il y en a plus beaucoup. Il faut changer l’organisation si l’on veut que le service public soit assuré et mobiliser davantage la médecine de ville (.) Pour moi, il y a deux grands enjeux : la santé et l’éducation. »

« La candidature de Glucksmann est une bonne chose, mais. »

Comment percevez-vous l’état actuel de la gauche?

La gauche doit montrer qu’elle peut gouverner, en commençant par revendiquer ce qu’elle a fait quand elle était au pouvoir (sourire). Et puis, elle ne peut gagner que si elle a de l’audace, de nouvelles idées, tout en répondant aux questions des Français sur l’immigration, la sécurité. Ce ne sont pas des questions qui appartiennent uniquement au Rassemblement national.

Il faut aussi que les dirigeants du Parti socialiste souhaitent être forts, comme à l’époque de Mitterrand, Jospin et moi-même. Si la gauche est emmenée par son aile la plus radicale, LFI, Mélenchon, on ne peut pas être majoritaire. Pour atteindre plus de 50% des votes, il faut aller chercher les autres, au centre et au centre droit, voire ceux qui sont partis vers les extrêmes. D’où l’enjeu des élections Européennes.

La candidature de Raphaël Glucksmann est une bonne chose, il s’affirme. Mais ça ne suffira pas. Pour la présidentielle, il sera temps de décider quel sera le candidat. Ne vous en faites pas, quand un mouvement est dynamique, on trouve toujours quelqu’un. C’est quand vous n’avez aucune chance de gagner que ça se complique. D’ailleurs, certains ont fait des scores bien plus bas que ce qu’ils avaient imaginé. Ça peut tomber très bas. Aujourd’hui, tous les électeurs veulent voter utile dès le premier tour.

« Nous devons être lucides face à l’extrême droite »

Photo Camille Dodet.

Comment lutter contre les extrêmes?

La politique a perdu beaucoup de son prestige, de sa force, il y a beaucoup moins de partis qui sont capables d’exprimer des positions fortes. C’est plus facile dans ces cas-là, pour les mouvements extrémistes, d’influencer la population. Les jeunes notamment ont envie de pouvoir exprimer une colère. Avant, c’était plutôt vers la gauche qu’on se tournait pour cela. Aujourd’hui, cela se dirige vers ceux qui n’ont pas gouverné. L’argument principal de l’extrême droite, c’est “essayez-nous ». On n’empêchera plus l’extrême droite en disant de ne pas voter pour elle. Le meilleur argument, c’est de dire « votez pour nous parce qu’on a des idées, des propositions, parce qu’on a envie de changer le pays, parce qu’on veut donner à la jeunesse de l’espoir. »

Nous devons être lucides par rapport à la montée de l’extrême droite à l’échelle du monde. Quand il y a des crises, des guerres, la tentation c’est de se replier sur soi. Et c’est cela qui explique l’extrémisme de toute sorte. Face à cette tentation, la meilleure réponse c’est de défendre ce que nous sommes: l’identité même de la démocratie. Nous devons défendre notre modèle. Le promouvoir. Il ne faut pas baisser les bras, ne pas baisser la tête.

« Une sixième année m’aurait permis d’avoir de bons résultats »

Photo Camille Dodet.

Combien de temps faut-il pour être opérationnel dans le poste de président de la République?

On n’est jamais assez préparé. Une fois élu, la réalité est souvent brutale. Pour la crise économique, j’avais des réponses. Mais quand il s’agit de la guerre au Mali, de la Syrie… Je n’avais pas non plus imaginé que mon mandat puisse être autant confronté au terrorisme, d’une ampleur inouïe. On découvre en chemin le sang froid, la maîtrise, la compassion. Pendant les campagnes, on parle assez peu de politique internationale, du climat, alors que ce sont les questions qu’il faut se poser.

L’action dont vous êtes le plus fier?

Les 700.000 personnes qui ont pu partir à la retraite à 60 ans parce qu’ils avaient travaillé plus de 42 ans. Tous les emplois qui ont pu être sauvés grâce au pacte de responsabilité, je le prends aussi pour moi. Comme chaque fois que je vois des familles de couples homosexuels qui me disent vivre comme les autres.

Et vos regrets?

Les frondeurs qui m’ont empêché. Les lois incomprises, comme la loi El Khomri (sur la réforme du droit au travail, Ndlr). C’est douloureux, frustrant de ne pas trouver la bonne approche. J’ai également le sentiment de ne pas avoir fait assez sur l’éducation et la santé, qui sont les deux plus grands enjeux. J’ai créé des postes, mais ça ne suffit pas. Il faut changer le système, notamment pour les étudiants. Que les universités qualifient davantage pour éviter ce gâchis de gens qui abandonnent. Et sur le mariage pour tous, on aurait dû aller plus vite. Pendant ce temps-là, on fait moins ailleurs.

Le quinquennat, une bonne chose?

Je l’avais approuvé quand il a été proposé et l’ai regretté au bout de mes cinq ans. Parce qu’une sixième année m’aurait permis d’avoir de bons résultats sur le chômage. Aujourd’hui, je serais donc pour une présidence de six ans, pourquoi pas renouvelable une fois. Avec des élections législatives en milieu de mandat, pour une aération, au risque d’une cohabitation. Ça permettrait au peuple de corriger, si besoin.

À quoi pensez-vous en vous rasant, aujourd’hui?

Pas à ce que j’ai fait avant. J’essaie toujours d’être utile, mais d’une autre façon.

« Il y a une perte de confiance dans les politiques »

Comment redonner confiance aux citoyens envers les politiques, notamment à cause des affaires qui les éclaboussent?

Il y a la complexité des règles D’ailleurs ils auraient peut-être une meilleure connaissance de la société.

C’est dit

Photo Camille Dodet.

« Poutine m’a le plus impressionné par son agressivité et son esprit de revanche. C’est physique. On a toute suite l’impression qu’il va utiliser la force »

  • « Obama est extrêmement brillant, très charismatique, très bon orateur, mais il n’est pas sympathique, pas chaleureux dans son rapport personnel. C’est désagréable. Il pensait toujours en savoir plus que nous. J’avais envie de lui dire qu’on avait aussi fait des études. »
  • « Merkel, c’est la plus simple. Elle est têtue, ça prend du temps avec elle, mais à la fin, on trouve toujours un compromis. C’est une femme droite, pas tordue. Elle disait ce qu’elle pensait. Sauf quand elle parlait Russe avec Poutine. Quand elle ne voulait pas que je comprenne (sourire). »
  • « On demande toujours plus d’argent, mais l’argent public, il n’y en a plus beaucoup compte tenu de la dette. »
  • « Le Rassemblement national n’est fort que de la faiblesse des autres. »
  • « Quand on dit qu’on va faire un dépassement, qu’il n’y aura plus de gauche, de droite, on finit par faire un gouvernement. de droite. »
  • Ce que nos lecteurs en ont pensé

    « Simple », « humain », « accessible ». Les adjectifs flatteurs n’ont pas manqué pour décrire François Hollande parmi les neuf lecteurs de Var-matin, à l’issue de leur rencontre avec l’ancien président de la République.

    « Il a su porter attention à chacun d’entre nous, par exemple il s’est tourné vers moi à l’évocation de la santé », salue Audrey Bentafennouchet, 41 ans, infirmière à l’hôpital, même si, sur le sujet, elle soupire qu’ »il faut se lever tôt pour nous convaincre…. ».

    Sur le fond, Tim Bailly, 23 ans, entrepreneur à Camps-la-Source, reconnaît également que « ça reste imprécis » sur certains points. Il repart pourtant satisfait de l’intérêt porté à ses questions sur la mise en avant des projets locaux : « On voit que l’on peut aboutir à des solutions grâce au dialogue ».

    Lisa et Louison, 17 ans toutes les deux, ont elles aussi relevé cet intérêt pour les questions sur la jeunesse : « Il a su nous mettre à l’aise, on se sent concernées par ce qu’il dit », raconte Lisa.

    « C’est bien qu’il s’intéresse aux jeunes, de prendre le temps de venir nous parler, cerner ce qu’on lui demandait. Ses réponses correspondaient à l’avis que j’avais » a, quant à elle, apprécié Louison.

    Tous décrivent, à l’image de Jean-Pierre Galliano, 69 ans, un ancien Président « à l’écoute ». Bryan Jacquin, adjoint à La Roquebrussanne (44 ans) a apprécié sa « vision réelle du local », qu’il explique par le parcours politique de son interlocuteur.

    « Il est au courant de l’action des maires ruraux de France, il a une analyse pertinente de la situation des élus », se réjouit-t-il. « J’avais peur qu’il ne me réponde pas sur l’international, sur Gaza », confie Nadir Bouchaour (24 ans), étudiant sur le campus de La Garde, finalement agréablement surpris, et convaincu.

    « Des réponses simples mais profondes », résume Éliane Sabatier, 71 ans, qui décrit une personnalité « empathique ».

    Un terme employé également par Thierry Casino, 69 ans, un « fan » reparti encore plus sous le charme qu’il n’était arrivé : « Il est tel qu’on l’imagine, disponible, attentionné. »