des ficelles de communication à la Coluche


Tous les jours, Bruno Donnet scrute les grands rendez-vous médiatiques. Ce matin, il revient donc sur l’interview qu’Emmanuel Macron a accordé hier soir à TF1.Sur le front de la communication politique, le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant !

Pourquoi ?

Parce la logique, la mécanique, entre celui qui pose les questions et celui qui est sensé y répondre est toujours absolument la même.

Et cet équilibre, quelqu’un qu’on a beaucoup aimé, ici, à Europe 1, l’avait déjà décrit, extrêmement précisément, en mai 1985, lorsqu’interrogé au sujet de la mécanique des interviews… politiques, un certain Coluche, avait répondu ça « C’est très simple, on fait venir un homme politique, on lui pose une question, il répond pas et on passe à une autre ! »Un politique, on lui pose une question, il répond pas et on passe à une autre.Et bien c’est exactement ça qui s’est passé hier.

Alors on va prendre trois exemples.

Primo, hier soir, Gilles Bouleau a posé une question, très simple, au président de la république, à propos de la visite de Volodymyr Zélensky : « Il vous a forcément demandé des avions de chasse, comme il le demande à tous les dirigeants occidentaux qu’il rencontre. Vous lui avez dit non ? Non pour aujourd’hui ? Non pour demain ? Non pour toujours ? »Il lui a demandé s’il allait fournir des avions, à l’Ukraine. Et voici ce qu’Emmanuel Macron lui a répondu : « Nous avons ouvert la porte pour former des pilotes.

»Il n’a pas répondu à sa question et, probablement, pour rester fidèle à l’esprit de Coluche, Gilles Bouleau est donc naturellement passé à une autre.Deuxio, il l’a donc questionné sur l’inflation et sur ceux qui exagèrent l’augmentation des prix, mais avec cette fois-ci un petit glissement stratégique : « Si une entreprise de l’agro-alimentaire ne joue pas le jeu, une grande surface ne joue pas le jeu, vous leur tordez le bras ? Vous les dénoncez ? Vous donnez leur nom en public pour qu’ils s’alignent ?Voilà, ici le changement, c’est qu’étant donné que le président ne répond pas quand on lui pose une question, Gilles Bouleau lui a donc proposé un QCM, un questionnaire à choix multiple. Manque de bol, l’interviewer de TF1 n’a pas eu davantage de succès avec cette méthode-là.

Car Emmanuel Macron est resté sur un constat. Un constat que tout le monde avait déjà fait avant lui : « On a des grands groupes, sur certains produits bah ils ont vite répercuté la hausse, ils ont moins vite répercuté la baisse. »Enfin, tertio, Gilles Bouleau a questionné le président sur Elisabeth Borne et sur son avenir politique : « Un mot, un mot de votre première ministre.

Demain, elle fêtera son premier anniversaire à Matignon, est-ce qu’elle sera là encore à Matignon dans un an ? »Voilà, la question était claire : allez-vous la virer, ou pas ?Mais, la réponse fût une nouvelle fois extrêmement alambiquée : « ça, c’est la vie des institutions, la vie politique et la constitution donne au président de la république la responsabilité de nommer un premier ministre ou une première ministre. Mais je suis très fier d’avoir nommé Elisabeth Borne il y a un an. »Voilà, pas de réponse, on ne saura pas si Elisabeth Borne sera encore à Matignon dans un an.

Au sujet de la question que Gilles Bouleau a posé à Emmanuel Macron au sujet de la réforme des retraites et de l’usage du 49.3, il aurait fallu changer de Coluche.Et oui, à la question sur le 49.

3, le président de la république a répondu, très étonnement, au journaliste de TF1 : « Vous travaillez depuis plusieurs années sur une chaîne que nos français aiment, qui a été privatisée parce qu’une loi l’a permis dans les années 80. Elle est passée avec l’article 49.3.

»Une réponse sans aucun rapport avec la question des retraites. Une réponse qui m’a fait penser que notre cher Coluche avait, également, très brillamment théorisé les réponses qu’apportent quelquefois les politiques : « C’est des mecs que quand tu leur poses une question, le temps qu’ils ont fini de répondre, tu comprends plus la question que tu as posé ! »Coluche, meilleur éditorialiste de France pour démêler les ficelles de communication d’un président de la république qui n’avait pas encore 10 ans, quand il est mort. Qui l’eut cru ?