De la force de l'Homme à celle de l'industrie : une histoire de l'énergie


/h2> par voie maritime, en utilisant la force du vent. Autant de manières de composer avec les diverses sources d’énergie disponibles sur des territoires donnés.

La force de l’homme, de la bête, de l’esclave.

dont les crues périodiques se couplent parfaitement à la générosité d’un soleil jamais avare de ses rayons C’est probable. « Quelle que soit la part du mythe dans les récits anciens, estiment Debeir, Delage et Hémery, la mobilisation fut, au vrai, considérable. La seule alimentation des constructeurs représentait, à l’évidence, un prélèvement important pour une société à bas profil énergétique. Car ces chantiers étaient engagés par une civilisation dont la ressource d’énergie mécanique essentielle était celle des hommes dont les seuls artefacts étaient des machines simples du genre levier ou traîneau. Même si les chiffres d’Hérodote sont manifestement exagérés, on ne peut que souscrire à l’esprit de la conclusion de ce dernier  : l’organisation sociale pharaonique avait fait un bond en avant de cinq mille ans pour créer la première machine motrice à une large échelle. » On est alors en droit de se demander si une telle architecture, de tels travaux « pharaoniques », au premier comme au deuxième sens du terme, auraient été possibles sans l’existence d’un système reposant largement sur l’esclavage et le pouvoir absolu d’un chef politique, assimilé à un Dieu tout-puissant ? La réponse est évidemment négative et constitue ce que Marx désignera plus tard « une servitude généralisée ». Bien sûr, il n’y a pas qu’en Égypte que la réduction en esclavage se répand. En Grèce antique, et plus particulièrement à Athènes, on estime à 100 000 le nombre d’esclaves affectés aux tâches domestiques ou aux besognes dans les champs. Si bien que selon l’helléniste émérite Moses Immanuel Finley, le recours massif à la servitude était nécessaire à la plupart des cités grecques de l’époque classique, dont un aspect fondamental est bien, le cheminement « la main dans la main de la liberté et de l’esclavage ». Quant à Rome, Marc Bloch fait état d’un niveau d’esclavage rarement atteint  : « Dans le monde romain des premiers siècles, l’esclave était partout  : aux champs, à la boutique, à l’atelier, à l’office. Les riches en entretenaient des centaines ou des milliers ; il fallait être bien pauvre pour n’en posséder au moins un. » Pour donner un ordre de grandeur, sous l’empereur Auguste, on estime qu’il y avait 3 millions d’esclaves sur une population italienne totale de 7 500 000 habitants.

De la force de l'Homme à celle de l'industrie : une histoire de l'énergie

Le temps des moulins

on peut se demander si, pendant longtemps, l’esclavage ne constitua pas un obstacle à l’innovation. Pour les auteurs d’Une Histoire de l’Énergie, cela ne fait aucun doute  : « Une société qui dispose d’une source d’énergie dont elle n’a pas à assurer les coûts de reproduction, mais qui prend seulement en charge son entretien, n’est pas poussée à produire plus. Les stimulations sociales pour le développement d’un machinisme animé par d’autres sources d’énergie que l’homme sont faibles, voire absentes. Ce qui ne signifie pas tout arrêt du progrès technique  : les grands ouvrages hydrauliques, le pressoir à vis pour l’huile, le pétrin dans la boulangerie, le soufflage du verre marquent un progrès certain par rapport à la technologie alexandrine. Mais fondamentalement, pour ce qui est de l’énergie mécanique, aussi longtemps que prévalut un type de croissance basé sur l’extension de la main-d’œuvre servile, tant que les prisonniers de guerre, comme aux IIe et Ier siècles av. J.-C. en furent le principal réservoir, aucune machine énergétique nouvelle ne connut une large diffusion. » C’est ainsi que l’invention du moulin à eau en Palestine et celle de la moissonneuse, en Gaule, passent quasiment inaperçues dans un Empire qui n’avait pas intérêt à les utiliser. Tout change véritablement au Moyen Âge. En proposant une organisation nouvelle de la société, l’époque qui s’ouvre permettra au moulin de s’imposer partout en Europe. D’abord à eau, puis à vent, le moulin deviendra un symbole. Tout à la fois un instrument de pouvoir, un outil à défendre, un moyen de transformer le grain en farine (donc un élément capital dans la préparation du pain) et de produire des huiles, et plus largement, de se nourrir. « Au Moyen Âge, analyse Alain Floriant, professeur honoraire d’histoire-géographie, le moulin est l’un des trois « piliers » de la seigneurie, avec le château et l’église. C’est une machine et un lieu indispensables à la vie, liés à la paix et au travail. C’est une machine vivante, en cela qu’il faut, si elle est à vent, la réorienter, la freiner, l’alimenter, la réparer. Elle s’anime, travaille, gémit, grince. On lui donne un nom, parfois on la baptise en bonne et due forme ou on enregistre sa destruction comme un décès. On se sert aussi des ailes du moulin à vent pour passer des messages. » Ouverts à tous, sans distinction de richesse, les moulins ont ainsi une fonction sociale doublée d’un puissant aspect symbolique. Infiniment plus qu’un outil, ils deviennent des marqueurs du paysage.

Vertiges et accélérations de l’ère industrielle

l’homme peut enfin créer de l’énergie dans les proportions qui lui conviennent le pétrole ensuite, autant de nouveautés précieuses pour le développement de l’industrie lourde (les mines et la métallurgie notamment). L’énergie mécanique semble alors booster l’énergie humaine. Dans ce contexte social, économique et politique favorable, le capitalisme se trouve alors en plein essor. Là encore, c’est bien la disponibilité de la ressource qui conditionne l’organisation de la société, nous explique François Jarrige  : « La société du capitalisme industriel a eu besoin du couple charbon-vapeur pour s’étendre au XIXe siècle. Elle a dû lever les limites et contraintes des systèmes énergétiques anciens, à force animale, à eau ou à vent, qui imposaient globalement des activités de petite taille, dispersées, faiblement concentrées, intermittentes, alors que le charbon a permis de répondre à l’exigence de continuité dans la production des capitalistes tout en développant la concentration de la production dans de grandes régions industrielles. » L’organisation de la société autour du charbon porte aussi à conséquence sur le plan politique. Pour Jarrige, c’est un fait  : « La société du charbon implique l’émergence de nouveaux groupes sociaux comme les mineurs et les dockers, indispensables à l’extraction et au transport, façonnant donc l’apparition de nouveaux groupes sociaux au rôle historique inédit, et aux capacités politiques originale. Enfin, le choix du charbon impose de s’en remettre aux importations, de sécuriser les approvisionnements (puisqu’un pays comme la France a toujours manqué de charbon, et encore davantage de pétrole ensuite), de négocier des accords de libre-échange. » Autant de questions qui persistent avec l’entrée dans l’ère du pétrole.

Pétrole et nucléaire  : du rêve au retour de bâton

à compter de 1879 le travail est harassant et les salaires médiocres dans les centrales À ce jour, le parc géré par EDF compte 56 réacteurs répartis sur 18 sites. Devenu un fleuron français, l’énergie nucléaire possède, sur le papier, des atouts indéniables  : n’émettant pas de gaz à effet de serre, elle est très compétitive et peut être utilisée en grande quantité. En somme, une énergie pour tous, théoriquement idéale. Mais pas sans risque. Dans un rapport sur la question, l’ONG Greenpeace s’insurge  : « Le nucléaire est certes bas carbone mais cela n’en fait pas pour autant une solution réaliste et efficace contre les dérèglements climatiques. Pire, il est trop lent à déployer face à l’urgence climatique, trop vulnérable aux impacts du réchauffement climatique et aux aléas naturels, trop dangereux pour être développé massivement aux quatre coins de la planète, trop coûteux par rapport aux autres options bas carbone dont nous disposons pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre dans le monde. » La solution que l’on pensait miraculeuse semblerait finalement avoir du plomb dans l’aile. Et l’on mesure alors tous les efforts politiques, économiques et philosophiques qu’il faudra fournir pour sortir une nouvelle fois de l’ornière pour inventer – enfin  ! – le mix énergétique de demain. À n’en pas douter, le sujet continuera d’électriser l’opinion  ! Finley, M.I. « La civilisation grecque était-elle fondée sur le travail des esclaves ? », Économie et société en Grèce ancienne, trad. J. Carlier, Paris, La Découverte, 1984. Bloch, Marc, « Comment et pourquoi finit l’esclavage antique », Annales. Économies, sociétés, civilisations. 2e année, n° 1, 1947. Le Monde des Moulins, n° 79, janvier 2022. Le nucléaire : un mal nécessaire face à l’urgence climatique ? Greenpeace, 2020… ACTUELLEMENT EN KIOSQUE ET DISPONIBLE SUR NOTRE BOUTIQUE EN LIGNE