Frederik De Klerk, responsable ambigu de la fin de l’apartheid


Frederik Willem De Klerk dans son bureau du Cap, en juillet 2017. RODGER BOSCH / AFP Pour un homme qui avait eu le cran, en 1990, de donner l’impulsion décisive pour changer un monde, son monde – celui de l’Afrique du Sud blanche, raciste et violente – en enclenchant la mécanique destinée à mettre fin à l’apartheid quatre ans plus tard, et qui aurait pu terminer son existence auréolée de ce courage, Frederik De Klerk n’a pas vieilli avec grâce. Cela n’avait échappé à personne : quelque chose, sans cesse, semblait l’irriter, dans cette Afrique du Sud qu’il avait pourtant contribué à façonner. De toute évidence, il en avait une conscience douloureuse, lorsque, peu avant de s’éteindre, miné par le stade terminal de son cancer, il avait décidé d’enregistrer une déclaration, son « dernier message », destiné à être posthume. Cette vidéo a été diffusée jeudi 11 novembre, quelques heures après sa mort. Frederik De Klerk, venait de disparaître à 85 ans, mais avait encore des comptes à régler avec la postérité. L’ex-président sud-africain avait reçu le prix Nobel de la paix en 1993, conjointement avec Nelson Mandela, pour avoir amené le pays vers la démocratie multiraciale au lieu de sombrer dans un bain de sang. Lire aussi Nelson Mandela : il y a 30 ans, une libération qui signait la « mort » de l’apartheid Pourquoi alors avait-il fallu que Frederik De Klerk, prenant de l’âge, retiré des affaires publiques, multiplie les déclarations malheureuses, ambiguës, au sujet de l’apartheid, la politique de « développement séparé » dont le but ultime était de faire vivre dans des zones différentes Blancs et Noirs ? Dans son message posthume, il se défend d’avoir été un nostalgique de ce passé honteux et tient à « présenter ses excuses pour la douleur, l’indignité, les blessures profondes et les destructions que l’apartheid a fait subir aux Noirs, aux personnes d’origine mixte et aux Indiens sud-africains ». Il s’en excuse en tant qu’ex-responsable du parti au pouvoir, mais aussi à « titre individuel », admettant – ce qui au passage n’a jamais fait aucun doute – avoir soutenu ce système en ses « jeunes années ».

Sous la contrition, surgit l’accusation

Et puis le fantôme de la vidéo dit que l’esprit qui a présidé à la fin de l’apartheid est en danger, et ses mots se font bien flous, lorsqu’il glisse qu’il faut déceler la responsabilité du trouble actuel sud-africain dans « des idéologies », ou encore la « discrimination positive ». Discours connu, et immédiatement reconnaissable, reposant sur une critique du présent, avec ses difficultés – chômage, criminalité, pillage des sociétés publiques (une partie du pays était plongée dans l’obscurité par des coupures d’électricité tournantes quand le message a été mis en ligne) – imputables au pouvoir noir. Par une volte-face rhétorique, sous la contrition, surgit l’accusation. Il vous reste 77.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.