Full text of « Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers \ »


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DICTIONNAIRE RAISONNE

DES SCIENCES.

DES ARTS ET DES MÉTIERS,

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES^
MIS EN ORDRE ET PUBLIÉ PAR M’. *«*.

Tantùm feries junSuraque pollet ,
Tantùm de medio futnpds accedit honoris ! HoRAT.

TOME DIXIEME.

MAM= MY

A NEUFCHASTEL,

C n.E z SAMUEL FAULCHESc Compagnie , Libraires &: Imprimeurs..

M. D C C. L X V,

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j55h^t!îv’t^t8Evîv^§î AMMELLE ou mamelle,

^ .u#***#*i ^1 tin OTa/72/wd , partie du corps
it i* * T^/f * «, ^ humain plus ou moins élevée.
If W* IVl **^? ‘^1 charnue, glanduleufe , pofée
fe « ^#####**|t ^ extérieurement vers les deux
It .•**’^’^./t^ »^-. ^1 côtés de la poitrine.

On donne le nom de mam-
mdlis à deux émincnces plus
ou moins rondes, fituées à la partie antérieure & un
peu latérale delà poitrine , de manière que leur cen-
tre eft à-peu-près vis-à-vis l’extrémité ofleufedela fi-
xieme des vraies côtes de chaque côté. Elles varient
en volume & en forme , félon l’âge & le fexe.

Dans les enfans de l’un & l’autre fexe , & dans les
hommes de tout âge , elles ne font pour l’ordinaire
que des tubercules cutanés , comme des verrues
mollaffes, plus ou moins rougeâtres, qu’on appelle
mammellons , & qui font environnés chacun d’un
petit cercle ou difque médiocrement large , très-
mince , d’une couleur plus ou moins tirant fur le
brun, & d’une furface inégale. On l’appelle aréole.

Dans les femmes, à l’âge d’adolefcence-, plutôt
ou plus tard , il fe joint à ces deux parties une troi-
ficme , comme une grofleur ou. protubérance plus
ou moins convexe & arrondie , dont la largeur va
jufqu’à cinq ou fix travers de doigts , & qui porte
à-peu-près au milieu de fa convexité le mammel-
lon & l’aréole. C’eft ce qui eft proprement appelle
mammdlt , & que l’on peut nommer aufîi le corps
de la mammdli , par rapport à fes deux autres par-
ties. Ce corps augmente avec l’âge , acquiert beau-
coup de volume dans les femmes groffes, & dans
celles qui nourriffent. Il diminue aufTi dans la vieil-
leffe , qui lui fait perdre de même fa fermeté & fa
confiflance naturelles.

Le corps de la mammdk eft en partie glanduleux
& en partie grailfeux. C’eft un corps glanduleux
entremêlé de portions de la membrane adipeufe ,
dont les pellicules cellulaires foutiennent un grand
nombre de vaiftcaux fanguins , de vaifleaux lym-
phatiques , de conduits fércux & laiteux , avec plu-
fieurs petites grappes glanduleufes qui en dépen-
dent , le tout fermement arrêté entre deux mem-
branes qui font la continuation des pellicules.

La plus interne de ces deux membranes & qui
fait le fond du corps de la mammdk , cft épaifle ,
prefque plate , & attachée au mufcle du grand
peftoral. L’autre membrane ou l’externe eft plus
Hne , & forme au corps de la mammdU une cfpece
de tégument particulier, plus ou moins convexe,
& elle eft fortement adhérente à la peau.

Le corps graifleux ou adipeux de la mammclU en
particulier cft un peloton fpongieux , entrelardé plus
ou moins de graifle. C’eft un amas de pellicules
membraneufes , qui forment enfcmblc , par l’arran-
gement de leurs faces externes, comme une mem-
brane particulière en manière de fac , dans lequel
tout le refte du corps graifleux eft renfermé. La por-
tion externe de ce fac , c’eft-à-dirc celle qui touche
la peau cft fort mince , au lieu que l’autre ([ui cft
contre le mufcle grand pedoral eft fort épaiflTc.

Le corps glanduleux renferme une niafle blan-
che , qui n’eu qu’un amas de conduits membraneux,
étroits en leur origine , larges dans le milieu, qui
accompagnent principalement la mafTe blanche 6c
fe rctréciffent de rechef en allant au mammellon ,
vers lequel ils font une efpecc de cercle de commu-
Tomt X,

nlcation ; on les appelle conduits laiteux.

Le difque ou cercle coloré eft formé par la peau,’
dont la furface interne foutient quantité de petits
corps glanduleux de cette efpece , queM. Morgagny
appelle glandes fébacées. Ils paroifTent alTez vifible-
ment dans toute l’aréole , même en-dehors , où ils
font de petites éminences plates qui s’élèvent d’ef-
pace en efpace comme des monticules tout autour,
dans l’étendue du cercle ou du difque.

Ces monticules ou tabercules font percés d’un
petit trou , par lequel on peut faire foriir une ma-
tière fébacée. Quelquefois on en exprime une li-
queur féreufe , d’autrefois une férofité laiteufe , ou
même du lait tout pur , fur-tout dans les nourrices.

Ce fait donne à penier que ces tubercules com-
muniquent avec les conduits laiteux , & qu’on pour-
roit les regarder comme de petits mammelons auxi-
liaires qui fuppléent un peu aux vrais mammelons.
Les matières ou liqueurs différentes qu’on peut ex-
primer fucceffivement d’un même corps glandu-
leux , donnent encore lieu de croire que le fond de
ces petits trous eft commun à plufieurs autres plus
petits.

On voit par ce détail que la fubftance des mam-
melles eft compofée de plufieurs chofes différentes.
1°. On trouve les tégumens communs qui font l’épi-
derme , une peau tendre & une quantité confidéra-
ble de graiffe. 2°. On trouve une fubftance particu-
liere , blanche, qui paroît être glanduleufe, &qui
n’cft pas différente de la fubftance qui compofe la
plus grande partie des mammdks des animaux ; elle
occupe fur-tout le milieu de la mammelk^ & elle eft
environnée d’une grande quvitité de graiflTe , qui
forme une partie confidérable des mammdks…. Les
corps glanduleux qui ont été décrits comme des
glandes parNuck, mais fur-tout par Verheyen, &
par d’autres qui ont fuivi ces anatomiftes : ces
corps, dis-je , ne font pas des glandes , ils ne font
que de la graifl^e. On trouve 3^. les tuyaux qui por-
tent le lait , qui marchent à-travers la fubftance glan-
duleufe , & qui fe joignent par des anaftomofes ; ils
ramaffent & retiennent le lait qui cft féparé dans les
filtres. Toutes ces chofes font fort fenfibles dans
les mammdks gonflées qui font grandes , & fur-tout
dans les nourrices ; mais à peine peut-on les voir
dans les filles qui n’ont pas encore l’âge de puberté,
dans les femmes âgées , dans celles qui font extrê-
mement maigres , ou qui ont les mammdks deffé-
chécs. 4°. Quant aux vaifTeaux à&s mammdks , on
fait que les artères & les veines qui s’y diftribuent,
le nomment mammaires internes & externes., &c qu’el-
les communiquent avec les épigaftriques. Warthon
a décrit les vaift’eaux lymphatiques. Les nerfs mam-
maires viennent principalement des nerfs coflaux ,
& par leur moyen communiquent avec les grands
nerfs lympathiqucs.

Les mammelks bien conditionnées font le princi-
pal ornement du beau fexe , & ce qu’il a de plus
aimable & de plus propre à faire naître l’amour , fi
l’on en croit les Poètes. L’un d’eux en a tait le re*
proche dans les termes fuivans à une de fes maî-
trcffes coquette.

Num qiiid lacleoliim fmum , & ipfas
Pfit te fers fine linteo papillas ?
Hoc ejî dicere , poj’ce , pofce , trado ;
Hoc eji ad vencrem vocare amantes.

Mais les mammdks font fin-tout dcftinées par la
nature à cribler le lait & à le contenir , jufqu’à c<

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que l’enfant le face ; delà vient que les femmes dont
ks mammdUs l’ont en forme de poire , paffent pour
les meilleures nourrices , parce que l’entant peut
alors prendre dans la bouche le mammellon , con-
jointement avec une partie de l’extiémitc de la mam-
melU. , ,

Cet avantage eft fort au-deflus de la beauté réel-
le des nuimmeUcs , qui coiihlîe à être rondes, fermes,
bien placées fur la poitrine , & à une certaine di(-
tance l’une de l’autre ; car fuivant la régie de pro-
portion mife en oeuvre par nos ftatuaires , il taut
qu’il y ait autant d’elpacc de l’un des mammelons à
l’autre , qu’il y en a depuis le mammelon julc[u’au
milieu de la foifette des clavicules ; enforte que ces
trois points fafTent un triangle équilatéral ; mais
hiiifons ces chofes acceffoires pour nous occuper de
faits plus intéreffans.

La première queflion qui fe préfente , c’cft fi le
tiflu des mammdUs n’ell pas celluleux auffi-bien que
glanduleux. 11 paroît qu’il s’y trouve des cellules ou
des organes, dans lefquels le lait filtré fe verfe. De-
4à naillent fans doute les tuyaux ludés qui font longs,
^rolfifiént dans leurs progrès , & en approchant du
mammelon forment des tuyaux plus étroits ; ces ca-
aiaux font accompagnés d’un tillu fpongieux dans
lequel le fang fe répand , & cet affemblagc va fe
rerminer de deux façons ; car les tuyaux ladés re-
frécis vont aboutir à une efpece de tuyau circulaire
qui forme un conflueni ; & le tifîu fpongieux va for-
mer le corps du mammelon , & finit par un amas de
mèches & de faifceaux plilîes. Cet amas ell un tiffu
qui peut prendre divers degrés de fermeté , qui s’al-
longe 6i. fe racourcit , 6i qui eit extrêmement fenfi-
Lle à caufe des houpcs ncrveufes que M. Ruyfch y
a obfcrvées.

Du confluent dont nous avons parlé , partent plu-
fieurs tuyaux , lelquels vont s’ouvrir à la furtacc du
bout du mammelon , & qui font réferrés & racour-
cis par le pli des mèches du mammelon.

Autour de la bafe du mammelon , on volt un
plan circulaire parfemé de petites glandes dont les
ouvertures excrétoires font affez vilibles ; il eft cer-
tain que par les ouvertures qui font répandues fur
la furface de ce plan circulaire , il fort une matière
fébacée & une matière laiteufe ; c’eft Morgagny
qui a fait cette découverte.

On demande , r » ». quelle eft la nature du lait qui
fort des rnammdUs des femmes. Je réponds qu’il eft
de la nature même du lait des animaux : ce lait a
quelque rapport avec le chyle , tel qu’il eft dans les
inteftins , mais il en ditfere par plufieurs de fcs pro-
priétés -, car 1°. le lait a moins de férofité , parce
que la férofité qui fe trouve dans le chyle, fe par-
tage à toute la mafle du fang ; il ne doit donc y
en avoir qu’une partie dans le lait. 2″. Le lait a été
plus triture , puifqu’il a paffé par le cœur & par les
vaifTeaux. 3″. On en peut faire du fromage , ce
qu’on ne peut faire du chyle, parce que rhuil? n’cft
pas affez féparéc du phlegme, & mêlée avec la ma-
tière gèlatineufe & tcrreufc qui eft mêlée avec le
fang. 4°. Le lait ne fe coagule pas conmie la féro-
fité du fang , parce que la férofité du fang a plus
fouvcnt pafle par les filières ; dans ce paffage la par-
tie la plus aqucufe, coule dans les filtres & dans les
vaiffeaux lymphatiques ; alors la partie huileufe fe
ramafle davantage , cnfuite elle ne fe mêle plus fi
bien avec l’eau. 5″. Le lait devient acre &: rend à
s’alkalifer dans les fièvres , il change de couleur ;
on l’a vil quelquefois devenir jaune du foir au len-
demain ; on donne cette couleur au lait en le faifant
bouillir avec des alkalis; la chaleur qui s’excite dans
le fane par la fièvre, produit le même effet, aufïï les
nourrices qui ont la fièvre ou qui jeûnent , donnent
un lait jaunâtre & très : miifible aux enfans j on

A M

voit par -là que les matières animales font moins
propres à former de bon lait que les matières végé-
tales, car les parties des animaux font plus difpofecs
à la pourriture.

La trolfieme queftion qu’on propofe , c’eft fi le
lait vient du fang dans les mamdUs , ou fi le chyle
peut y être porté par les vaiffeaux fanguins. Nous
répondons , i*^. qu’on a des exemples qui prouvent
que le lait peut Ibrtir par plufieurs endroits du corps
humain , comme par la culfTe , &c. or dans ces par-
ties , il n’y a pas lieu de douter , que ce ne foit le
fang qui y porte le fuc laiteux. 2″. Les injeclions
démontrent , qu’il y a un chemin continu des artè-
res aux tuyaux laiteux ; or cette continuation de
canaux ne peut être que pour décharger les artè-
res. On objedera que le fang pourroit changer le
chyle ; mais il faut remarquer que Iç chyle mêlé au
fang ne quitte pas d’abord la blancheur , & qu’il cir-
cule au contraire affez loog-tems avec le fang, fans
fe dépouiller de la couleur ; fi on ouvre la veine
d’un animal quatre ou cinq heures après qu’il a beau-
coup mangé, on verra une grande quantité de chyle
femblable au lait qui nage avec le fang coagulé. Lo-
wer a obfervé qu’un homme qui avoir perdu beau-
coup de fang par une longue hémorrhagie , rendoit
le chyle tout pur par le nez.

On demande comment le lait fe filtre , & com-
ment il eft fucé par l’enfant. Voici le méchanique
de cette filtration. Le fang rempli de chyle , étant
porté dans les artères mamaires, fe trouve trop grof-
fier pour paffer par les filtres, tandis que le lait dont
les molécules font plus déliées s’y infinue ; parmi
les organes qui féparent le lait, il y a des vaiffeaux
lymphatiques ; la partie aqueufe pafTe dans ces vaif-
feaux , ce lait porté dans les follicules & dans les
tuyaux , eft pouffé par le fang qui fe trouve dans le
tiltu fpongieux dont les canaux laiteux font envi-
ronnés , & dont le mamelon eft formé. Les tuyaux
qui reçoivent le lait filtré , s’élargiffent vers leur
partie moyenne , & par-là peuvent contenir une
grande quantité de lait qui coulera de lui-même,
lorfque la détenfion de ces vaiffeaux furmontera le
refferrement du mamelon ; pour ce qui regarde l’ac-
tion de l’enfant qui fuce. Foyei-en la méchanique j
au mot SucTiON ou au mot Tetter.

La cinquième queftion qu’on fait ici, c’eft pour-
quoi les hommes ont des mamdUs ? On peut répon-
dre qu’on en ignore l’ufage , & que peut-être les
mamdUs n’en ont aucun dans les hommes. La natu-
re a d’abord formé les parties qui étoient nécefïai-
res à la confervation de l’efpece ; mais quoique ces
parties foient inutiles dans un fexe , elle ne les re-
tranche pas , à moins que ce retranchement ne foit
une fuite néceffaire de la ftrufture qui différencie les
fexes. Il eft certain que les mamdUs font les mêmes
dans les hommes & dans les femmes ; car dans les
deux fexes elles filtrent quelquefois de vrai lait , de
forte que les menftrues & la matrice ne font que des
caufes occafionncUes qui déterminent l’écoulement
du lue laiteux. Les enfans dés deux {qxqs qui ont
fouvent du lait fuintant de leurs mamdUs , en font
une nouvelle preuve.

Mais, dira-t-on , pourquoi les hommes en géné-
ral n’ont-ils pas du lait comme les femmes, &: pour-
quoi leurs mamdUs font- elles plutôt feches ? Tâ-
chons d’expliquer ce phénomène. 1°. Dans les en-
fans de l’un & de l’autre fexe , les mamdUs font fort
gonflées , & contiennent ordinairement du lait ; ce-
la doit êtreainfi, puifque les organes font les mê-
mes , & qu’il n’y a pas plus de tranfpiration d’un
côté que d’autre, durant que le fœtus elldans lefein
de la mère , & durant l’enfance. 2°. Dès que les fil-
les font venues à un certain âge , & que la plénitu-
de arrive dans l’utérus , alors les mamdUs fe gon-

M A M

flent , le /ang dilate les valfleaux artériels , quî font
encore fort flexibles à cet âge , où coulent les menf-
trues pour la première fols ; le gonflement dont nous
venons dé parler , arrive à proportion que les filles
approchent de l’âge de treize ou quatorze ans ; mais
il fe fait fur-tout lentir quelques jours avant que les
mcnflrues coulent ; & il efl: fi vrai qu’il fe fait Ccn-
tir d’avance , que fi l’on examine attentivement le
pouls , on trouvera qu’il s’élève cinq ou fix jours
avant l’écoulement des mcnftrues ; le fang quî rem-
plit extraordlnairement les valfleaux utérms , em-
pêche celui qui vient après , d’y entrer ; ce fang qui
vient après entre en plus grande quantité dans les
artères, qui de l’abdomen vont communiquer avec
les mamalres ; par-là les mamelles fe gonflent , dès
que les tuyaux excrétoires de l’utérus viennent à
s’ouvrir, le fang ne paflTe plus en aufll grande quan*
tlté par les artères communiquantes avec les ma-
malres : & alors le fang qui gonflolt les mamelles ,
s’écoule peu-àpeu; voilà donc deux caufes qui pro-
dulfent le gonflement des mamelles ; la première efl
la préparation de la nature au flux menftruel , &
cette préparation dure affez long-tems : ainfi on ne
doit pas être furprls , fi les mamelles fe gonflent long-
tems avant cet écoulement : 3°. le gonflement eil:
encore caufé par les efforts que fait la nature dans
les premiers écoulemens.

Ajoutez à tout cela les aiguillons de Tamour , qui
fouvent ne font pas tardifs dans les filles ; les impref-
iions de cette paflion s’attachent à trois organes qui
aglfl^ent toujours de concert , la tête , les parties de
la génération & les mamelles ; le feu de la paflion fe
porte de l’une à l’autre ; alors les mamelles fe gon-
flent , le fang fait des efforts contre les couloirs qui
doivent filtrer du lait , &c les difpofe par-là à le
recevoir un jour ; or ce que nous venons de dire au
fujet de l’accord de ces trois parties , quand elles
font agitées par les impreffions de l’amour , doit nous
rappeller une troifieme caufe qui agit dans le gonfle-
ment des mamelles , c’efl l’aftion des nerfs lympa-
tiques ; quand l’utérus fe prépare à l’écoulement
menftruel , il eft agité par les efforts du fang ; cette
agitation met en jeu les nerfs fympathiques, qui agif-
fent d’abord fur les mamelles ; ces nerfs par leur ac-
tion , rétréciflTent les valfTeaux qui rapportent le
fang des mamelles ; il eft donc obligé de féjourner
dans leur tiffu fpongieux , & de le gonfler ; tous ces
mouvemens dilatent les couloirs des mamelles & fa-
vorlfent l’ufage auquel la nature les a deftinées. On
voit par-là , que la raifon qui montre qu’il ne doit
pas y avoir un écoulement réglé dans les hommes ,
nous apprend que le lait ne doit pas fe filtrer dans
leurs mamelles ; comme ils n’éprouvent pas de plé-
nitude ainfi que les femmes , les vaifTeaux mamal-
res qui ne font jamais gonflés , ne fc dilatent point ;
au contraire , comme ils fe fortifient & fe durclf-
fent , les foflîcules & tuyaux laiteux acquièrent de
la dureté , parce qu’ils font membraneux ; ainfi le
fang a de la peine à y féparer le lait, quand même
il arrlvcroit dans la fuite quelque plénitude , com-
me on le voit fouvent par les ccoulcmens périodi-
ques qui fe font par les vaiflTeaux hémorrhoïdaux. Il
peut cependant fe trouver des hommes en qui la
plénitude, les canaux élargis dans les mamelles^ la
preflîon ou le fuccment produiront du lait ; tout
cela dépend de la dilatation des canaux.

La fixicme queftlon qu’on peut former, c’cft pour-
quoi le lait vient aux femmes après qu’elles ont ac-
couché. Pour bien répondre à cette queftion 6c com-
prendre clairement la caufe qui poufl’c le lait dans les
mamelles après l’accouchement, il faut le rappeller,
i°.quc le lait vient du chyle, i**. que les vallfcaux
de l’utérus font extrêmement dilatés durant la grol-
felTc, i^. que l’utérus fc rétrécit d’abord après l’ac-
Tome X,

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1%. IV

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3

eouclierhent , 4*^. qu’il pafToit une grande quafitité
de chyle ou de matière laireufe dans le foetus.

De la troifieme propofition, 1°. il s’enfuit que îë
fang ne pouvant plus entrer en fi grande quantité
dans les artères afcendantes , par confcquent les ar-
tères qui viennent des fouclavieres & des axUlaires
dans les mamelles , feront plus gonflées ; 2°. il s’en-
fuit de cette même propofition que le fang qui entrs
dans l’aorte defcendante ne pouvant plus s’infinuer
en fi grande quantité dans l’utérus, remplira davan-
tage les artères éplgaftriqucs qui communiquent
avec les mamalres. Voilà donc les mammelles plus
gonflées de deux côtés après l’accouchement. 3°. Dô
la quatrième propofition il s’enfuit que le chyle fu^
perflu à la nourriture de la mère , lequel paflbit dans
le fœtus , doit fe partager aux autres vaifl »eaux &
fe porter aux mamelles. A la première circulation quî
fe fera , il en viendra une partie ; à la féconde il en
viendra une autre , &c. & comme cinq ou fix heures
après le repas le chyle n’eft pas encore changé eit
fang , les circulations nombreufes qui fe feront du-
rant tout ce tems y porteront une grande partie de
ce chyle , qui aurolt paflTé dans le fœtus s’il eût été
encore dans le fein de la mère*

Dans le tems que le chyle eft alnfi porté aux ma*
melles , les foflîcules fe remplifll^ent extraordlnaire-
ment , les tuyaux gonflés fe preflcnt beaucoup ; ÔC
à l’endroit où ils s’anaftomofent, cette prefTion em-
pêche que le lait ne s’écoule. Les tuyaux extérieurs
qui n’ont pas encore été ouverts , contribuent auflî
par leur cavité étroite à empêcher cet écoulement ;
mais dès qu’on a fucé les mamelles une fois , 1°. les
tuyaux externes fe dilatent , 2″. les cylindres de iait
qui font dans les tuyaux Internes font continus avec
les cylindres qui font entrés dans les externes : alors
le lait qui ne coulôit point auparavant rejaillira
après qu’on aura fucé une fols ces tuyaux , donc
l’ouverture étolt fermée au lait , parla même raifoa
que l’urètre eft quelquefois fermée à l’urine par la
trop grande dilatation de la vefîie , laquelle étant
trop gonflée , fait rentrer fon col dans fa cavité.

On peut ajouter une autre caufe qui ne contribue
pas moins que celles dont nous venons de parler, à
faire entrer le lait en grande partie dans les mamelles
après l’accouchement ; il faut fe rappeller le grand
volume qu’occupe l’utérus pendant la groflcffe î
après l’accouchement , l’utérus revient dans peu de
tems à fon premier volume : durant les premiers
jours la révolution y eft extraordinaire , c’efl-à-dire
que la conftru61ion des fibres , l’expulfion du fang y
caufent des mouvemens fiirprenans & pour alnfi dire
fubits. Or, par l’adion des nerts fympathiques , le
mouvement fe porte avec la même violence dans les
mamelles ; elles fe gonflent par ces mouvemens ,
leurs couloirs s’ouvrent, & le lait fe filtre & s’écou-
le. Le lait entre dans les filtres par la même raifon
que fi les vaifTeaux de la matrice étolent mis en jeu
par les inouvemcns des nerfs, le fang ou une matière
blanche , pourroient s’écouler.

Par cette méchanlque qui fait que le lait fe filtre
dans les mamelles des femmes accouchées , il peut fe
filtrer dans les filles dont les règles font fùpprimées ;
car le fang ne pouvant ni circuler librement ni fe
faire jour par la matrice , fe jettera dans les mamelles ^
ce qui n’eft pas rare. On voit aulîl par-l.’i (|ue cela
peut arrivera quelques temmcsqui n’ont plus le flux
menftruel; cependant comme les fibres fc tliirLillcnt
par l’âge , ce cas ne fe rencontrera point ou très-
rarement dans les femmes âgécj , dont les parues fe-
ront defléchces.

Les filles qui font fort lafcives pourront avoir du
lait par une raifon approchante de celle que je viens
de donner ; car les convulfions qui s’exciteront dans
leurs parties génitales feront monter une plus grande

Ai,

4 M A M

quantité de fang dans les artères épigaftriques, parce
que Ls convuUions rctrOciffent la cavité des vaiffeaux
dans la matrice , le vai;in, &c. cet etfct ariiveralur-
toui dans les tilles qui^lu^ont les règles liipprimées ;
& le lang éiant retardé dans l’utéius, ira toujours
remplir les artères cpii^alhiques, juiqu’à ce que les
mouvemensqui agiflcnt fur la matrice ayant cefTé, le
fan^’ trouve un paflage plus libre. Il faut fur-tout
ajouter à cette caufe l’aftion des nerfs fympathiques,
qui Ibnt ici les principaux agens.

Le même effet pout arriver fi les femmes manient
fouvent leurs tcttons. i°. Les houpes nerveulesqui
fe trou vent au mamelon étant ch.itouillées, tiraillent
le tilTu fpongicux & les vaiiléaux (aiiguins ; ce tirail-
lement joint à l’adlion du fang de ce tifTu , exprime
le lait des vaifîeaux fanguin^ & le fait couler. De
plus, le chatouillement des mamelles produit des fen-
fations voluptucufes , met en jeu les parties de la
génération , lefquelies à leur tour réagilîént fur les
mamelles. On a vu (\cs hommes qui en le maniant
les mammelles fe font fait venir du lait par la môme
raifon.

Il ne fera pas difficile d’expliquer pourquoi les
vuidanges diminuent par l’écoulement du lait , &
vice verj’à , & pourquoi elles augmentent par la fup-
preffion du lait ; le fang qui le décharge par une ou-
verture doit fe décharger moins par une autre.

De tout ce que nous venons de dire , il s’enfuit
encore que le foir durant la grolTefle, la douleur, la
tenfion, la dureté de la mamelle doivent augmenter.
1°. Les mouvemens que les femmes fe donnent pen-
dant le jour , font que le fang fe porte en plus grande
quantité vers les mamelles ; 2°. la chaleur diminue le
foir , la pefanteur de l’air augmente , les pores fe
trouvent moins ouverts, la furfaytodu corps fe trouve
plus comprimée : tout cela peiir faire que le fang
regorge vers les mamelles ; on ne doit pas être fur-
pris fi alors il en découle une liqueur féreuie, fur-
tout dans les pays feptcntrionaux.

Voilà la réponié aux principaux phénomènes qui
regardent les mamelles : la nature n’a pas exempté
cette partie de (es jeux. Ordinairement les femmes
n’ont que deux mamelles ; cependant Blafius , »Walo-
cu*; & Borrichius en ont remarqué trois. Thomas
Bariholin parle d’une feninie qui en avoit quatre.
JeanFaber Lyneœus a fait la même remarque d’une
femme de Rome, & toutes quatre étoient pleines de
lait. Lamy , fur les oblervat’ons duquel on peut
compter , afiiire qu’il a vu quatre mamelles à une
femme accouchée à l’hôtel-dieu, qui toutes rendoient
du lait. Il y en avoit deux à la place ordinaire d’une
grofl’eur médiocre , & deux autres immédiatement
au-deffous beaucoup plus petites.

On lit dans un recueil de faits mémorables , com-
pofé par un moine de Corbie , & dont il eft parlé
dans la république des lettres Septembre 1686 ^ qu’ime
payfanne qui vivoit en 1 164 avoit quatre mamelles^
deux devant & deux derrière, vis-à-vis les unes des
gutres , également pleines de lait ; & cette femme ,
ajoute-til , avoit tu déjà trois fois des jumeaux qui
l’avoientteaéde part& d’autre: mais un fait unique
fi fingulier rapporté par un amateur du merveilleux
& dans un fiecle de barbarie , ne mérite aucune
croyance.

Pour ce qui regarde la grofi »eur & la grandeur des
mamelles , elle efl inonftrucufe dans quelques per-
fonncs &. dans quelque pays. Au cap de Bonne- Ef-
pérance & en Gioeniand , il y a des femmes qui les
ont fi grandes, qu’elles donnent à tetter à leurs enfans
par-dclfus l’épaule. Les mamelles des femmes de la
terre des Papous & de la nouvelle Guinée font fem-
blablement fi longues , qu’elles leur tombent fur le
nombril , à ce que dit le Maire dans fa defcription
de ces deux contrées. Cada Mofto, qui le premier

M A M

nous a certifié que les pays voifins de la ligne étoient
couverts d’habitans , rapporte que les femmes des
deltrts de Zara font confifier la beauté dans la lon-
gueur de levir^ mamelles. Dans cette idée , à peine
ont-elles douze ans qu’elles fe ferrent les mamelles
avec des cordons , pour les faire defcendrc le plus
bas cpi’il eft pofiible.

Outre les jeux que la nature exerce fur les ma-
melles , elle les a encore expofécs à des maux terri-
bles dont il ne s’agit pas de parler ici , c’eft la trille
beibgne de la Médecine & de la Chirurgie.

Finifi »ons cette phyfiologie des mamelles par quel-
ques obfervations particulières qui s’y rapportent
direftement.

Première obfervation. Pour bien voir exa£lement
la ftrudlure des mamelles., outre le choix de la ma-
melle bicn conditionnée , médiocrement ferme , d’un
volume aflTez conlidérable dans une nourrice ou
femme morte en couche, ou peu de tems après l’ac-
couchement , il faut diviler le corps de la mamelle en.
deux parties par une fedlion verticale qui doit fe
continuer fur le mamelon , pour le partager aufiî
fuivant fa longueur , comme l’enfeigne Morgagny ,
l’auteur à qui l’on doit le plus de recherches lur cette
matière.

Seconde obfervation. Le tems oii les mamelles fe gon-
flent eft l’âge où les filles commencent à devenir nu-
biles , à j 2 ans , 1 4 ans , 1 6 ans , fuivant les pays ,
& plutôt ou plûtard dans les unes que dans les au-
tres ; ce gonflement s’exprime en latin par ces ter-
mes , maminœ fororiantur , 6c par d’autres qu’Ovide
& Catulle connoifl^oient mieux que moi. Le tems où
les mamelles diminuent varie femblablement , fans
qu’il y ait d’âge fixe qui décide de leur diminution.

Troijieme obfervation. Le lait dans une femme n’eft
point une preuve certaine de grofl^efle ; elle peut être
vierge 6l nourrice tout-à-la-fois: nous en avons dit
les raifons. Ainfi Bodin a pu afîiirer fans menfonge
qu’il y avoit dans la ville de Ham en Picardie un pe-
tit enfant qui s’amufant après la mort de fa mère à
fucer le tetton de fa grand’mere , lui fit venir du lait
& s’en nourrit. On trouve dans Bonnet d’autres
exemples femblables , attefiés par la célèbre Louife
Bourgeois , accoucheufe de l’hôtel-dieu. Enfin on
peut lire à ce fujet la difl’ertation de Francus, intitu-
lée yfatyra medica lac virglnis.

On cite aufll plufieurs exemples d’hommes dont
les mamelles ont fourni du lait ; & l’on peut voir fur
ce fait \e fepulchretum. On peut confulter en parti-
culier Fiorentini ( FrancifciMariae) , de genuino pue-
rorum lucle , & de mamillarum in viro laclifero fèruclurâ ,
difquifîtio , Lucœ iS’S^. Mais comme perfonne ne
doute aujourd’hui de cette vérité, il ell mutile de
s’y arrêter davantage.

Quatrième obfervation. Nous avons dit ci-defiîis
que le lait pouvoit fortir par plufieurs endroits du
corps humain , comme par la cuifi~e : voici un fait
très-curieux qui fervira de preuve, fur le témoignage
de M, Bourdon , connu par fes tables anatomiques
in-folio y difpofécs dans un goût fort commode. Il
aflTure avoir vu une fille de 20 ans rendant une aufii
grande quantité de lait par de petites pullules qui
lui venoient à la partie fupérieure de la cuilfc gau-
che fur le pubis, qu’une nourrice en pourroit rendre
de fes mamelles. Ce lait lailfoit une crème , du fro-
mage & àiwferum , comme celui de vache , dont il ne
difFéroit que par un peu d’acrimonie qui piquoit la
langue. La cuific d’où ce lait découloit étoit tumé-
fiée d’un œdème qui diminuoit à proportion de la
quantité de lait qui en fortoit; cette quantité étoit
confidérable , & affoibliifoit beaucoup cette fille.
Quand ce lait parut, elle cefi »a d’être réglée , & d’ail-
leurs fe portoit bien à i’afFoiblifiement près dont qn

M A M

vient de parler, yoyei Iq Journal diS Savans , du S
Juin 1OS4.

Cinquicmi obfzrvation. Si le phyfîcicn , après avoir
confidcré tout ce qui concerne les rnarnci.Us\\\\mài-
«es , jette finalement les yeux liir l’appareil de certe
partie du corps dans les bétes, il le trouvera égale-
ment curieux & digne de fon admiration , foit qu’il
examine la ftrudure glanduleule de leurs teîtincs,de
leurs rrayons , les arterts , les veines , les nerfs , les
tuyaux la£tés qui s’y diiîribuent ;{oitqu’il conlidere
le nombre convenable de leurs pis proportionné aux
diverles circonilances de l’animal , & placé dans
l’endroit le plus commode du corps de chaque el-
pece pour dilpenfer le lait à Tes petits.

Les animaux qui ont les pies (olides , qui rumi-
nent & ceux qui portent des cornes, comme la
cavale, l’âncfTe , la vache, &c. ont les mamdUs pla-
cées entre les cuifTes, parce que les petits fc tiennent
fur leurs pies dès le moment de leur naiflancc, &
que les mères ne fe couchent point pour les alaiter.
Les animaux qui ont des doigts aux pies & qui tbnt
d’une feule j;ortée p!ufieu*s petits , ont une double
rangée de mamdks placées le long du ventre , c’cll-
à-dire de|)uis l’aine juiqu’à la poitrine ; dans le lapin
cette rangée s’étend juiqu’à la gorge : ceux ci fe cou-
chent pour donner le tcttiu à leurs petits , comme
cela fe voit dans l’oarfe , dans la lionne , &c.

Si CCS animaux portoient leurs niamdUs unique-
ment aux aî.ies, en le couchant leurs cuilTes empê-
cheroient les petits d’approcher des mamdtes. Dans
l’éléphant les trayons font près de la poitrine , parce
qvie la merc eit obligée de fucer fon lait elle-même
par le moyen de fa trompe , & de le conduire en-
fuite dans la bouche du petit, ^oye^ les Tranf.iclions
philojhphiques n ». 336, fanât mie comparée de Blafuis
& autres écrivains. Us fourniront au lecteurpkifieurs
détails fur ce iujet que je fupprime ; & il s’en faut
bien que les recherches des Phyficiens aient épuilé
la matière. « Une chofe qui montre , dit Ciceron ,
»» q\!e ce font-là les ouvrages d’une nature habile 6c
» prévoyante , c’eft que les femelles qui comme les
» truies 6i. les chiennes font d’une portée beaucoup
j» de petits , ont beaucoup de mamdUs , au lieu que
» celles-là en ont peu , qui font peu de petits à-Ia-
» fois. Loifque l’animal le nourrit de lait , prefque
» fous les alimens de fa mère fe convertirent en lait;
» & par le feiil inftinft l’anim?.! qui vient de naître
» va chercher les mamdks de la mère , & fe ralîafie
» du lait qu’il y trouve. Liv. 11. ch. xlj. denat. dtorum.
{D.L)

MAMMELON,f. m.(/^/2^;o/«,) en anglois nipph.
On appelle mamdon le tubercule ou bouton qui s’é-
lève du centre de l’aréole de la mamelle ;(on volume
cft différent félon l’âge & le tempérament en géné-
ral, & félon les diftérens états du fexe en particulier.
Dans les femmes enceintes & dans celles qui alai-
tent , il cil d’un volume allez confidérable , ordinai-
rement plus en hauteur ou longueur qu’en largeur
eu épailleur. Il y en a qui l’ont trcs-court , ce qui
eft tres-incommole à l’enfant qui tette.

Le tilfu du mamdon eft caverneux, élaftique, &
ftijet à ties changemens de confiftence , en fermeté 6i.
en flaccidité. Il paroît compolé de pluficurs failceaux
ligamenteux , dont les extrémités forment la baie &
la Ibmmité du mamdon ; ces failceaux paroilfent
être légèrement pliflés dans toute la longueur de
leurs fibres: de forte qu’en le tirant & l’aliongeant
on en efface les pliffures, qui reviennent auill-tôt
qu’on celle de tircï’.

Entre les failceaux claftiqucs font placés , par de
petits intervalles & dans la même diredion , Icpt ou
huit tuy.uix particuliers qui du côté de la bafe du
vianidon aboutiircnt à un confluent irrégulièrement
«irculaire des conduits laiteux ; & du’ côté de la

M A

5

fommité du même mamdon s’ouvrent par auînnt de
petits trous prelque impercejnibies. Ces tuyaux
étant é;roKeine.nt liés avec les faifceaux élaftiques ,
le piiil.nt de même.

Le corps du mamelon efl enveloppé d’une produc-
tion cutanée extrêmement mince, & de l’épiderme;
la lurface externe du mamelon eft fort inégale , par
quantité de petites éminences & rugofités irrégulie-
res dont celles du contour 6c de la circonférence du
mamdon le tiouvent eu quelques fujets avoir un ar-
rangement iranfverfal ou annulaire , quoique trcs-
interrompu 6l comme entrecoupé.

Cette diredion paroît dépendre delà pîifïïire élaf-
tique des faifceaux dont je viens de parkr , & on
peut par cette fimpie ftrucftire expliquer comment
les enfans en fuçant le mamdon , & les p jyfannes en
tirant les pis de la vache , font fortir le lait ; car les
tuyaux excrétoires étant ridés conformément aux
plis des faifceaux , ces rides , comme amant de val-
vules , s’oppofent à la iortie du lait , dont les con-
duits laueux font remplis: au lieu que le mamelon
étant tiré & allongé , ces tuyaux perdent leurs plis
& préfentent un pallage tout dioit. Ajoutez ici que
li l’on tire avec quelque violence , on allonge en
même tems le corps de la mamelle , d’oii rélulte un
retréciffementldceralquiprcflêlelaii vers les tuyaux
ouverts. On peut encore, en comprimant feulement
le corps de la mamelle, prefler le lait vers le mame-
lon , éc forcer le pafTage par les tuyaux.

Comme la fubftance du mamdon eft caverncufe,
de même que celle du pénil , c’eft pour cette raiion
quil giolfi; & fe relevé quand on le manie , q ;e les
imjjreirions de l’amour agili’ent , & que les enfans
tcttent ; outre que cette j.iartie eft compolée de vaif-
fcaux languins très-nombreux , de tuyaux ladtés, &
d’une épiderme fenfible qui le couvie , les trous &
les orifices des tuyaux ladcb font au nombre de fept,
huit , dix , & paroiiîent bien dans les nourrices : l’a-
réole qui eft parfemée de glandes eft d’un rouge vif
dans les jeunes filles ; il devient d’une couLi/r plus
obscure dans les femmes mariées, & iivdes ans les
vieilles. Hollier a vu un double /w^/mt/o/z dans une
feuie mamelle , 6ile lait dëcouloit de chacun de ces
deux mumdons.

Quand le mamdon dans r.ne jeune femme no.i vel-
lement accouchée eft fi petit & fi en once dans le
corps de la mamelle, que l’enfant ne peut s’en (aifir
pour tetter,il tant alors fe fervir d’un enfuit plus
âge , plubfort,d un adulte, d’un inftniuient de verre
à tetter, de la partie fupérieure d’une pipe à fumer ,
&c.

Les femmes en couches qui nourriffont leurs en-
fans font allez fréquemment affligées de gercjUres &
d’ulcérations douloureufes nu mamdon: on lefiottera
du mucilage de lenience de coings, d’huile de myrrhe
par défciillance , ou l’on fera tomber dellus te mame-
lon à-travers une moulTeline, un peu Je pinulie fine
de gomme adraganth : on tâchera d’empêcher le
mamdon de s’atuicherau linge ; c’eil pourquoi lorf-
que l’enfant aura tet’é , on lavera ic mamdon avec
une folution d’un peu de lucre de faturne dans de
l’eau de plantain, & on appliquera de^u^ un cou-
vercle d’ivoire oude cireblanche fait exprès. {l^J)

M AMMi-LOtiS de la langue, (^Anat. ) font .!es |ie-
tites éminences ue la tangue, qu’on appelle amfi
parce qu’elles ref^émblent au peut bout de^ mamel-
les, t’oye^ Langue.

De la tunique papillaire de la langue s’é’evcnt
quantité de mamd<>ni nerveux qui , pénétian. les
lubilances viKjUeufes qui l’ont au-dvlli^s, le teiiui-
nent à la l’urtaeede la langue.  »<»)<■{ PapillaIRé.

C’efl par le moyen de CeS mamdon^ .jue I.1 langue
eft fu|i|;olée avoir la lâculté du goût.  »<>)<^GoUT,

MaMMELONS, (////?. nat. Minerai.) c’eft i.infique

6 M A M

Ton nomme clos concntlons picrreures & minérales ,
tlont les uirfaccs prcleniont des cl’peccsde tubercu-
les ou d’oxcrcCcenccs , ailczfcmblablesau bout d’un
itetton. Plulicurs pierres & incruftations prennent
cette tormc ; on la remarque pareillement dans
plulleurs mines métalliques, iur-tout dans l’héma-
îite , dans quelques pyrites qui ont la forme d’une
grappe de laifm, &c. { — )

Mammf.lon , Cm. ( Conchyl’wl. ) Ce mot fe dit ,
en Conchyliologie , de toutes lortes de tubercules
qui ic trouvent lur les coquillages , & en particu-
lier de la partie ronde & élevée qui (e voit lur la
robe des ourllns , de laquelle le petit bout s’en-
grène dans les pointes ou piquans dont la coquille
de cet animal cil revêtue. ( Z). /. )

M AM. MELON , ( Jardinage. ) c’ell le bouton d’un
fruit. , . ,

M AM MELON, ( Jrt mkhan’iq. ) c’cfl: l’extrcmite
arrondie de quelques pièces de ter ou de bois. Le
mamelon (e place & le meut dans la lumière. La lu-
mière eft la cavité où il cil reçu. Ainfi le mamelon
<i’un gond eft la partie qui entre dans l’œil de la pen-
îiere ; le mamelon d’un treuil eil l’extrémité algue de
i’arbre , fur laquelle 11 tourne.

MAMMELUC , f. m. {Hiji. d’Egypte.) milice com-
pofée d’abord d’étrangers , & enfuite de conqué-
rans ; c’étolt des hommes ramaffésde la Circaffie &
des côtes feptentrlonales de la mer Noire. On les
enrôloit dans la milice au Grand-Caire , & là on les
€xerçoit dans les fondions militaires. Salah Nugiu-
meddin inftituacette milice Acsmammelucs qui devin-
rent fi puidans , que félon quelques auteurs arabes ,
ils élevèrent en 11^5 un d’entr’eux fur le trône. Il
s’appellolt Aboufaid Berkouk , nom que fon maître
lui avoit donné pour défigner fon courage.

Séllm I. après s’être emparé de la Syrie & de la
Méfopotamle , entreprit de foumettre l’Egypte.
C’eut été une entreprlfe alfce s’il n’avoit eu que les
•Egyptiens à combattre ; mais l’Egypte étolt alors
gouvernée & défendue par la milice formidable d’é-
trangers dont nous venons de parler , femblable à
celle des janilTalres qui feroient fur le trône. Leur
nom Ac m amme lu cii’^ni’àc en fyriaque homme de guerre
ù la folde ., & en arabe efclave : foie qu’en etiét le
premier foudan d’Egypte qui les employa , les eût
achetés comme efclaves ; folt plutôt que ce fût un
nom qui les attachât de plus près à la perfonne du
fouverain , ce qui eft bien plus vraifemblable. En
effet , la manière figurée dont on s’exprime en
Orient, y a toujours mtroduit chez les princes les
titres les plus ridiculement pompeux , & chez leurs
ferviteurs les noms les plus humbles. Les bâchas du
grand-feigneur s’intitulent fes efclaves; & Thamas
Kouli-Kan , qui de nos jours a fait crever les yeux
à Thamas fon maître, ne s’appellolt que fon efclave,
comme ce mot même de Kouli le témoigne.

Ces mammelucs étolent les maîtres de l’Egypte de-
puis nos dernières crolfades. Ils avolent vaincu &
pris faint Louis. Ils établirent depuis ce tems un gou-
vernement qui n’efl: pas différent de celui d’Alger.
Un roi &: vingt -quatre gouverneurs de provinces
ctoicnt choifis entre ces foldats. La molleffe du cli-
mat n’affolblit point cette race guerrière qui d’ail-
leurs fe renouvelloit tous les anspar l’affluencedes
autres Circaffes , appelles fans ceffe pour remplir
ce corps toujours fubûilant de vainqueurs. L’E-
gypte fut ainfi gouvernée pendant environ deux
cens foixante ans. Toman-Bey fut le dernier roi
mammtluc\ Il n’eft célèbre que par cette époque, &
par le malheur qu’il eut de tomber entre les mains de
Séllm. Mais il mérite d’être connu par une fmgula-
rité qui nous paroît étrange , & qui ne l’étoit pas
chez les Orientaux , c’eft que le vainqueur lui con-
fia le gouvcrnfmcnt de l’Egypte dont il lui avoit ôté

M A M

la couronne. Toman-Bey de roi devenu bâcha , eut
le Ibrt des bâchas , 11 fut étranglé après quelques
mois de gouvernement. Ainfi finit la dernière dy-
naflle qui ait régné en Egypte. Ce pays devint par
la conquête de Séllm en 1 5 17 une province de l’em-,
pire turc, comme il l’eft encore. (Z>./. )

MAMMEY, ( Botan. exot. ) ou mamey , en latin
mammea par le P. Plumier , genre de plante que Lln-
nsus caraftérlfe ainfi. Le calice particulier de la
fleur eft formé de deux feuilles ovales qui tombent.
La fleur cil compofée de quatre pétales concaves ,
arrondis, & plus larges que le calice. Les étamines
font des filets nombreux , de moitié moins longs
que la fleur. Leurs boflTcttes alnfl que le germe du
piilil font arrondis. Le fllle eft en forme de cône.
Le fruit eft une baie très-groffe , charnue , ronde-
lette & pointue à l’extrémité. Les graines font ova-
les , quelquefois renfermées au nombre de quatre
dans une ftmple loge.

Le P. Plumier ayant cuoccafion devolrdes?7za/w-
mty en plufieurs endroits des Indes occidentales,
n’a pas oublié de décrire cette plante avec toute
l’exadltude d’un botanlfte confommé.

C’eft, dlt-11, un fort bel arbre & un des plus agréa-
bles qu’on pulflTe voir , mais moins encore par fa
grandeur remarquable , que par la bonté de fon
fruit & la beauté du feuillage dont H eft couvert
en tout tems. Ses feuilles font attachées deux à
deux, vis-à-vis l’une de l’autre, & foutenues par
une groflTe nervure , & par plufieurs petites côtes;,
traverfieres.

Les fleurs font compofées de quatre pétales ar-
gentins , un peu charnus, difpofés en rofe , ovales,
creux , & deux fois plus larges que l’ongle. Leur
calice eft d’une feule pièce rougeâtre & fendue en
deux quartiers , en façon de deux petites cuillers ;
il poufl’e un piftil entouré d’une belle touffe d’étaml-
nes très-blanches , furmontées chacune d’un petit
fommet doré.

Lorfque la fleur eft tombée, le plftll devient un
fruit à-peu-près femblable à nos pavles , mais fou-
vent aufll gros que la tête d’un enfant. Il eft pour-
tant terminé par une pointe conique , fon écorce
eft épaiflTe comme du cuir, de couleur grisâtre, &
toute couverte de tubercules qui la rendent rabo-
teufe. Elle eft fort adhérente à une chair jaunâ-
tre , un peu plus ferme que celle de nos pavles ,
mais de même odeur & de même goût. Le milieu
du fruit eft occupé par deux, trois, & fou vent qua-
tre noyaux, afTez durs , filalTeux, couleur de châ-
taigne , & un peu plus gros qu’un œuf de pigeon.

Cet arbre fleurit en Février ou Mars , & fes fruits
ne font mûrs que dans les mois de Juillet ou d’Août.’
On volt des mammey en plufieurs endroits des îles
de l’Amérique, mais plus particulleremeqt dans llle
Saint Domingue, où on les appelle abricots de S,
Domingue.

Ray dit qu’il fort en abondance des inciflons qu’on
fait à cet arbre , une liqueur tranfparente , que les
naturels du pays reçoivent dans des gourdes, & que
cette liqueur eft extrêmement diurétique. ( Z>, /. )

MAMMIFORME , adj. ( Anatomie. ) eft un nom
que l’on donne à deux apophyfes de l’os occipital,
parce qu’elles refl^emblent à une mamelle. Foyei
Mastoïde.

MAMMILLAIRE , adj. ( Anatomie. ) eft un nom
que l’on donne à deux petites émlnences qui fe trou-
vent fous les ventricules antérieurs du cerveau , &
qui reflTemblent un peu au bout d’une mamelle. On
les regarde comme les organes de l’odorat. Voye^
nos Pi. d^ Anatomie & leur explication. Voye^ aujji
Varticle OdEUR.

Mammillaires , f. m. ^^\\xr.{Thèolog. ) feéle des
Anabatiftes , qui s’eft formée à Harlem \ on ne fait

M A

pas en quel tcms. Elle doit fon origine à la liberté
qu’un jeune homme fe donna de mettre la main fur
le fein d’une fille qu’il aimoit & qu’il vouloitépou-
l’er. Cette aâion ayant été déférée au tribunal de
l’églife des Anabatiftes , les uns foutinrent qu’il de-
voit être excommunié ; & les autres dirent que fa
faute méritoit grâce , & ne voulurent jamais con-
fentir à fon excommunication. Cela cauia unedivi-
fion entr’eux , & ceux qui s’étoient déclarés pour
ce jeune homme , furent appelles du nom odieux de
mammillains. M. \A\X2X\\y% ^ fyntagm. hiftor. eccUf.
pag. loiz , édic. i6’yç). Bayle, diclionn. critiq. z édit.

MAMMINIZZA, ( Ge’og’.) bourg de Grèce dans
laMorée, fur la côte occidentale, à dix ou douze
milles de Patras, des deux côtés d’une rivière, &
à trois milles de la mer. M. Spon croit que ce lieu
étoit la ville ^OUnus , & la rivière celle de Piras.
{D.J.)

MAMOÉRA,f. m. {Hlft. nat.Bot.) arbre du Bréfil
dont il y a deux efpeces. L’un eft mâle , il ne donne
point de fruit , mais il porte des fleurs iufpendues à
des longues tiges , & formant des grappes qui ref-
femblent à celles du fureau , & qui lont inodores &
d’une couleur jaunâtre. La femelle ne porte que
du fruit fans aucune fleur, mais pour que cet arbre
produife il faut que la femelle foit voifine du mâle.
Le tronc efl ordinairement de deux pies de diamètre
& s’élève de neuf pies ; le fruit efl rond & fembla-
ble à un melon ; fa chair efl jaunâtre , elle renferme
des grains noirs & luifans. Ses feuilles refTemblent
à celles de l’érable , elles n’ont aucune différence
dans les deux fexes.

MAMMONA , ( Cntlq.facréc.^ ce nom efl pro-
prement fyriaque , & fignifîe les nchejfes. Jefus-Chrifl
dit qu’on ne peut fervir à la fois Dieu 6c les richejjes :
non poujlis firvire Dto & mammonœ. Mathieu , v/.
24. Dans faint Luc, xvj. c). les richefTes font ap-
pellées injujles , ;xa.jj.ixma. àS’txiciç, foit parce qu’elles
ibnt fouvent une occafion d’injuflice , foit parce
qu’elles s’acquièrent ordinairement par des voies
injufles ; cependant Bcze a , ce me femblc , fort
bien traduit ces paroles du j/-. 1 i^àS^iau juctjujuonS ,par
lichejjcs trompeuj’cs ; parce que Jefus-Chrifl les oppofc
aux véritables richejjes , tw ixAnfl/fw.

On peut appuyer cette interprétation par les re-
marques de Graivius fur un paflage d’Hcfiode , oper.
& dier. v. 280 , où le poëte s’efl fcrvi du mot «T/xa/» ,
jufle , à la place de «AmÔji, vrai. Auffi cet habile criti-
que l’a-t-il traduit de cette dernière façon. Ce ter-
me , dit-il , ne fignifie pas ici Jujle , comme on le
croit communément ; mais vrai , comme il paroît
par l’oppofition que le poëte fait.

Il feroit lupcrflu , ajoute GriEvius , de m’étendre
à faire voir que dans l’une & l’autre langue ces ter-
mes fe confondent fouvent , & fe prennent fré-
quemment l’un pour l’autre; &c les Grecs & nous,
dit Prifcien , employons fréquemment le terme de
y«/?t; pour celui de vrai, & celui de vrai pour celui
iie jiife. Héliode lui-même s’efl fervi plus bas du
terme de vérité ^ àp^i’iQuu., h la place de celui ûc /uj-
tice.

II en efl de même dans les écrivains facrés. m«u-
/u»i’«ç T«ç ctSiKioL’; 6i. fÀci/ufj.mui àS’ti’.cç , les ric/u’ffes ini-
ques , font des richejjes qui ne méritent pas ce nom ,
qui n’ont rien dcfolide,qui (« ont caduques &:périlla-
blcs. AufTi font-elles opi)olces h/jtafx/uLmi « ;vhô/iyJ , aux
vraies richejjes , c’cft-ù-dire , ù celles que Dieu dlf-
pcnfe. Le favant Louis de Dieu a fait voir que les
Hébreux, les Syriens & les Arabes, n’a voient qu’un
léul mot pour exprimer les idées de /uflice &i de » t-
rité. Toutes ces remarques iont bonnes , mais la
parabole qui précède , fait voir qu’il s’agit pourtant
de richejjes iniques j c’cll un intendant injidcU,

Mm. Simon & le Clerc ne font point d’accord
fur l’origine du mot rnammona. Le premier le tire
du verbe aman., croire , fe confier ; mais cette étymo-
loglc efl moins vrailfcmblable que celle qui dérive
ce terme de manah^ nombrer; voyei, fi vous vou-
lez , le grand dictionnaire de Buxtorif. (^D.J.^

MAMMOTH, os de , ( Hiji. nat. Minéral.’) nom
que l’on donne en Ruffie & en Sibérie à des ofTe-
mens d’une grandeur très-confulérable , que l’on
trouve en grande quantité dans la Sibérie, furies
bords des rivières de Lena & de Jenifci , & que quel-
ques-uns ont regardé comme des ofTemens d’élé-
phans. M. Gmelin les regarde comme des refies d’u-
ne efpece de taureau , & dit qu’il faut les diflin-
guer des os des éléphans que l’on trouve aufTi dans
ce même pays. Voye^^ l’art. Ivoire fossile, où
cette queftiona été fuffifamment dlfcutée. LesRuf-
fiens appellent ces offemens mammotovaholi,

MAMORE, LA , {Géog.) c’étoit une ville d’A-
frique au royaume de Maroc , à quatre lieues E.
de Salé ; on n’en connoît plus que les ruines. L’an
1 ^ 1 5 , les Portugais y perdirent plus de cent bâti-
mens dans une bataille contre les Maures, qui font
préfentement les maîtres de cette côte. ( Z)./. )

MAMOTBANI , f. m. ( Com. ) toile de coton,
blanche , fine , rayée , qui vient des Indes orienta-
les , les plus belles de Bengale. Les pièces ont huit
aunes de long , fur trois quarts, à cinq , fix de large.
Dictionnaire de Commerce.

MAMOUDI, f. m. ( Com. ) monnoie d’argent
qui a cours en Perfe. Un mamoudi vaut neuf lois,
trois deniers , argent de France ; deux mamoudis
font un abalfi ; fix mamoid s &: un chayer , équiva-
lent à l’écu ou nos foixante fols.

MAN, f. m. ( Mythoi. ) divinité des anciens Ger-
mains. Ils célébroient par des chanfons, entre au-
tres le dieu Tuiflon, & fon fils appelle Man, qu’ils
reconnoifToient pour les auteurs de la nation , 6c les
fondateurs de l’état. Ils ne les repréfentoient point
comme des hommes, & ne les cnfcrmoient point
dans les temples ; les bois & les forêts leur étoient
conCacrés , & cette horreur fecrete qu’infpire le u-
lence & l’obfcurité de la nuit , fervoit à ces peuples
d’une divinité inconnue. ( D. J. )

M AN ou Mem, ( Com. ) poids dont on fe knzwx
Indes orientales , particulièrement dans les états du
grand Mogol. Il y a de deux fortes de mans ., l’un
qui efl appelle wa/z du roi , o\\ poids de roi , & Tauîre
que Ton nomme fimplement man. Le man de roi ferc
à pefer les denrées & chofes nécefîaircs à la vie ,
même les charges des voitures. Il efl compofé de
40 ferres, chaque ferre valant jufle une livre de Pa-
ns , de forte que 40 livres de Paris font égales à un
man de roi. Le fleur Tavcrnier , dans fés obierva-
tions fur le commerce des Indes orientales , ne fem-
ble pas convenir de ce rapport du man avec les poids
de Paris. Selon lui , le man de Surate ne revient qu’à
34 livres de Paris, & ell compofé de 40, î>: quel-
quefois 41 ferres; mais la ferre ell d’un feptiemc
moins forte que la livre de Paris. Il parle aulii d’un
man qui ell en ufage à Agra capitale des états d »
Mogol , qui efl la moitié plus fort que celui de Sur-
rate , «S^ qui fur le pié de 60 ferns dont il ell com-
pofé , fait ^ I à 52 livres , poids de Paris.

Le fécond man , dont l’ufage cil pour pcfer les
marchandifes de négoce , cil aufli compofé de 40
terres ; mais chaque de les ferres n’ell ellimée que
douze onces , ou les trois quarts d’une livre de Pa-
ris ; de nianien,- que ce deuxième m.m ne pefe que
30 livres de Paris , ce qui ell \\n quart moins que le
//;,:/; de roi.

On fo fcrt encore dans les Indes orientales d’une
trolùeme foi te de poids , que l’on appelle auffi man^
lequel efl fort en ufage à God vilic capitale du

s

M A N

royaume de Dccan , poffcdcc par les Portugais.
Cette troiilcnic clpcce de man ci\ de 24 rotoiis ,
chaque rotoll tallant luie livre & demie de Vcniic,
ou 1 3 onces un gros de Paris ; en lorte que le man
dcGoa pci’e trente-fix livres de Vcnile, &dix-ncul’
livres on/.c onces de Paris. Le r/un pei’c i\ Mocha ,
ville célèbre d’Arabie , un peu moins de trois livres ;
10 rrniMS font un traiicl , dont les 1 5 font unbahart,
& le bahart eft de 40 livres.

Man , ( Com. ) c’eft pareillement un poids dont
on fe fert à Cambayc dans l’île de Java , principa-
lement à Bantam , 6c dans quelques îles voifines.

Man , ( Co’n. ) qu’on nomme plus ordinairement
BaTiMAN, elt auiîi un poids dont on fe fert en Pcr-
ie ; il y en a deux , le man de petit poids , & le man
de grand poids. On les appelle auffi rnun de roi, &
man de Tauris. f^oyci Batman. .

Man , ( Com. ) c’ell encore un des poids de Ban-
daar-Amcron , dans le fein pcrfiquc ; il eft de fix li-
vres ; les autres poids font le man cha qui pefe douze
livres , Si le man-furats qui en pcle trente.

Il faut remarquer que les proportions qui fe ren-
contrent entre les mans des Indes & le poids de Pa-
ris , doivent être regardées de même à l’égard des
poids d’Amllerdam , de Strasbourg , de Befançon ,
&c. où la livre eft égale a celle de Paris. DiÙion~
nairc de Commerce.

Man , îU de , ( Gcog. ) île du royaume d’Angle-
terre dans la mer d’Irlande , avec un évêché , qui
eft à la nomination du comte de Derby , & non
pas à la nomination du roi , comme les autres évê-
ques du royaume. Aufîi n’a-t-il point féance au par-
lement dans la chambre haute : il eft préfenté à l’ar-
chevêque d’Yorck , qui le facre.

L’ile de Man a environ 30 milles en longueur ,
1 5 dans fa plus grande largeur , & huit dans la moin-
dre. Elle contient cinq gros bourgs ; Douglas &
Rufhin en font les lieux principaux ; le terroir y eft
fertile en avoine, bétail, ôc gibier; le poiflbn y
abonde. Foyt:^ fur cette île la defcription curieufe
qu’en a faite M. King , Kings defcription of the isle
of Man. Sa long, eft 11. 36. 55. lat. 54, 35.

L’île de Man eft nommée par les anciens auteurs
Menavia &C Menapia dans Pline. Elle eft plus fep-
tentrionale que l’île d’Anglefey , & beaucoup plus
éloignée de la côte. L’île Mona de Tacite, n’eft
point l’île de Man , c’eft l’île d’Anglefey , fituée au
couchant du pays de Galles , & les Gallois la nom-
ment encore ïile de Mon.

MANA , {. f. (^ Mythol. ) divinité romaine qui
préfidoit particulièrement à la nailfance des enfans ,
office que les Grecs donnoicnt à Hécate ; c’eft la
même que Genita-Mana. f^oye^ ce mot.

MANACA , f. m. (Botan. exot. ) arbriflean du
Bréfil , décrit par Pifon ; l’écorce en eft grife , le
bois dur & facile à rompre ; fes feuilles approchent
de celles du poirier. Ses fleurs font dans de longs
calices, découpées comme en cinq pétales de cou-
leurs différentes ; car fur le même arbrilfeau on en
trouve de bleues , de purpurines , & de blanches ,
toutes d’une odeur de violette fi forte , qu’elles em-
baument des bois entiers. Il fuccede à ces fleurs des
baies femblablcs à celles du genièvre , enveloppées
d’une écorce grife , fendues par-deflus en étoile ,
renfermant chacune trois grains gros comme des
lentilles ; cet arbrifleau croît dans les bois ik autres
lieux ombrageux : fa racine qui eft grande, lolide,
& blanche , étant mondée de fon écorce , eft un vio-
lent purgatif par haut & par bas , comme les racines
d’éfule. On s’en fert pour l’hydropifie , mais on ne
l’ordonne qu’aux pcrfonnes très-robuftes avec des
correctifs , & dans une dofe raifonnable ; elle a un
peu d’amertume 6c d’aigreur.

MANACHIE , ( Géog, ) nom moderne Ue l’an-

MAN

cicnne Magnéfie du mont Slpyl^e. C’eft à préfcnt
une ville de la Turquie afiatique dans la Natolie ,
fituée au plé d’une haute montagne près duSarabat,
qui eft VHcrmus des anciens. Lucas dit que Mana-
chie eft grande, peuplée , qu’on y voit de très-beaux
bal’ars ; enfin , que le pays eft abondant , §i fournit
tout ce qui ell néceffaire à la vie. Long, ^3. /^. lat.

MANAH , ( Hi(}. ancienne. ) Idole adorée parles
anciens arabes idolâtres : c’étoir une groife pierre,
à qui l’on pffroit des facrlfîces. On croit que c’eft la
mêmechofe (\\iz Meni^ dont parle le prophète ïfaie;
d’autres croyent que c’étoit une conftcllation.

M ANALE, PIERRE , manalis lapis, ( Anùq. rom. )
& dans Varron , manalis petra : c’étoit une pierre à
laquelle le peuple avoit grande confiance , & qu’on
rouloit par les rues de Rome dans un temsde féche-
reffe pour avoir de la pluie. Elle étoit pla,cée proche
du temple de Mars ; on lui donna peut-être ce nom ,
parce que manalis fons ^ fignifioit une fontaine dont
l’eau coule toujours.

MANAMBOULE, ( Géog.) grand pays très-cul-
tivé dans l’île de Madagafcar. Flacourt dit qu’il eft
montueux , fertile en riz , fucre , ignames , légumes,
& pâturages.

MANAI^IA , ( Géog. anc. ) ville d’Hîbernie dont
parle Piolomée. Ses interprètes croient que c’eft
préfentement Waterford en Irlande.

MANAR , ( Géog. ) île des Indes , fur la côte oc-
cidentale de Ceylan , dont elle eft une dépendance,
n’en étant féparée que par un canal afl’ez étroit. Les
Portugais s’emparèrent de cette île en 1560; mais
les HoUandois la leur enlevèrent en 1658. Long. c^8.
20. lat. C). (^D.J.)

MAN ATI LAPIS , ( Hifi. nat. ) c’eft une pierre;
ou plutôt un os qui fe trouve dans la tête de la va-
che marine ou du phoca , qui calcinée , réduite en
poudre, & prife dans du vin blanc, a dit-on, de
grandes vertus pour la guérifon de la pierre. Il fem-
ble que tout os calciné ou réduit en chaux , doit pro-
duire les mêmes effets ; peut-être même que l’eau
de chaux, que quelques auteurs regardent comme
un puiflTant litontriptique , feroit un meilleur effet ,
quoique plus fimple & moins rare. ( — )

MANBOTTE , f. f . ( Jurifprud, ) vieux mot dé-
rivé de manbotta^ terme delà baffe latinité qui figni-
fioit l’amende ou intérêt civil que l’on payoit à la
partie intéreflee pour le meurtre de quelqu’un. Voye^
le Glojfaire de Ducange, au mot Manbotta. (-<^)

MANCA , f. f. ( Hifl. mod. ) étoit autrefois une
pièce quarrée d’or , eftimée communément à 30 fols ;
mancufa étoit autant qu’un marc d’argent. Foye^i les
lois de Canut; on l’appelloit mancufa , comme manit
cufa.

MANÇANARÈS , le , ( Géog. ) je l’appellerai
pour un moment petite rivière d’Efpagne , dans l’Al-
garia. Elle a fa fource dans la Sierra Gadarama ,
auprès de la petite ville de Mançanarcs , paffe au
fud-oueft de Madrid , & va fe jetter dans le Xara-
ma , autre rivière qui fe dégorge dans le Tage au-^
deffous d’Aranjuez.

Le Mançanarès , à proprement parler , n’eft ni un
ruiffeau ni une rivière ; mais tantôt il devient riviè-
re, & tantôt il devient ruiffeau , félon que les nei-
ges des montagnes voifines font plus ou moins fon-
dues par les chaleurs; pour s’y baigner en été, il
faut y creufer une foffe. C’eft cependant fur cette
efpece de rivière , que Philippe II. fit bâtir un pont,
peu inférieur à celui du pont-neuf fur la Seine à
Paris ; on l’appelle puente de Segovia , pont de Sé-
govie. Apparemment que Philippe ne le fit pas feu-
lement bâtir pour fervir à traverfer le ruiffeau du
Mançanarès, mais fur-tout afin qu’on put paffer plus
commodément le fond de la vallée, &C dans le cas

des

M A N

des (lébordemens du Mançanarès , qui au refte n’en-
tre point dans Madrid, mais pafl’e à côté, vis-à-vis
du palais roy;il.

Mançanarès , ( Géog. ) petite ville d’Efpagne
dans la nouvelle Caltille , au pié des montagnes de
Gadarama, (|iii partagent les deux Caftdles. C’ell
le chef-lieu d’un petit petit pays de Ion nom , à la
fource du ruifleau de Mançanarès , & à huit lieues
de Madrid. {D.J.)

MANC ANILLA , ( Bot. ) genre de plante à fleur
en chaton , formée de pUilieurs fommets ferrés les
uns contre les autres , & attachés à un axe. Les em-
bryons naill’ent fur le même arbre , mais (éparés des
fleurs , & deviennent dans la fuite un fruit rond ,
charnu , qui contient une amande ligneufe , ridée &
de même forme que le fruit. Plumier , nova plant,
amir. gen. Foyei PLANTE.

MANCENILLIER , f. m. ( Botan. ) grand arbre
très-commun fur les bords de la mer, le long des côtes
de le terre-ferme & des îles de l’Amérique fituées en-
tre les tropiques.

Les feuilles de cet arbre ont du rapport à celles du
poirier ; il porte un fruit rond , peu charnu , rempli
d’une fubftance olTeule & Loriace ; ce fruit jaunit un
peu en mùriffant, & reffemble beaucoup, à la couleur
près, aux pommes d’api. L’odeur en ell fi fuave & fi
appétiflfante , qu’on elî vivement tenté d’en manger.
C’ell un des plus violenspoilons de ia nature; facauf
ticité efttelte , qu’elle occafionne en peu de tems des
inflammations & de douleurs fi vives , qu’il efl im-
poflible d’y rélilier.

Le remède le plus efficace pour ceux qui ont eu le
malheur d’eu manger , eft de leur faire avaler beau-
coup d’huile chaude , pour les exciter à vomir. On
leur fait prendre enluite des choies adouciffantes ,
comme du lait ; mais quelques ibins que l’on appor-
te , l’imprefîion refte long-tems dans le corps , 6c le
malade traîne une vie languifîantc.

L’ccorce & les feuilles du mancaûUkr renferment
un lue laiteux , extrêmement blanc & fort épais ; il
s’écoule à la moindre incifion ; & s’il tombe fur la
chair, il y produit l’effet de l’huile bouillante. L’eau
qui fé|Ourne pendant quelques minutes iur les feuil-
les du manccnilUcr , contrafto une qualité fi mal tai-
fante, que ceux qui ont l’imprudence de le réfugier
fous ces arbres, lorlqu’il pleut, font bientôt couverts
de bouffoles très-douloureules , qui laifîent des ta-
ches livides fur tous les endroits de la peau qui ont
reçu des gouttes d’eau. Il eft même dangereux de
s’endormir à l’ombre des manccniUiers ; leur atmof-
phcre elt fi vemmcuie , quelle caufe des maux de
tête ,des inflammations aux yeux, ôddes cuifTonslur
les lèvres.

Le manccnlUur fert A conflruire de très-beaux meu-
bles ; c’efl un des plus beaux bois de l’Amérique ; il
cfl dur , com[)ade , pelant , incorruptible , prenant
très-bien le poli lorlqu’il cil travaillé Sa couleur ell
d’un gris clair , un peu jaunâtre , onde & varié de
nuances couleiar d’olive tirant fur le noir. Ce bois efl
fort difficile à employer , non-feulement par le dan-
ger auquel s’expofent ceux qui abattent les arbres ,
mais encore par la pouffiere dangereufè que peu-
vent rcfpirer les ouvriers qui le fcent & le mettent
en œuvre , (ur-tout lorlqu’il n’cll pas bien (ec.

Quand on veut abattre un manccnilUcr ^ on com-
mence par allumer au-tour du pié un grand feu de
bois (ec : il faut en éviter la tumee , crainte d’en être
incommodé ; &: quand on juge que l’humidité eft
confumée , on peut y mettre la hache : malgré cette
précaufion , on a bien de la peine ù le garantir des
accidens. Plus de vingt travailleurs que j’employais
couper un grand nombre de ces arbres fur les côtes
de rîlc de la Grenade , à quelque diflancedu port ,
revinrent tous fi maltraités de te travail , que plu-
Toinc X,

M A N

fieurs d’entr’eux ne voyoient plus à fe conduire ,
ayant les yeux couverts de croûtes aufîî épaifTes que
le doigt. Cette incommodité lubfifla plus de quinze
jours , malgré les foins que l’on prit de les frotter
avec des linimens adouciffans & defficatifs.

On prétend que le lait de femme tout chaud , for*
tant des mamelles , efl un fouverain remède contre
les inflammations des yeux caufées par le fuc du
mancenillicr. Ce fuc fert aux fauvages pour cmpoi-
fonner leurs flèches , dont les bleffures deviennent
prefqu’incurables , fi l’on n’efl promptement fecouru*

Le manccnillur , ou l’arbre de mancenilles , a été
ainfi nommé par les Efpagnols de la nouvelle Efpa-
gne , en latin macanilla. Arbor toxlca & laclea .,fru3u.
Juavi pomi-formi , quo Indianifagittas inficiunt. Voyez
Surian.

Le père Plumier, minime, dzns (on livre des plan-
tes cCylmèriquc , diffingue trois efpeces de mancenil-
liers ; mancanllla piri-facie , mancanilla aqui foiû fo-
ins , & mancanilla lauri foliis oblongis. M, LE Ko-
MAIN.

MANCHE , f . m ( Gram. ) c’eft dans un marteau ,
par exemple , le morceau de bois que l’on fixe dans
l’œil , & qu’on prend à la main pour s’en fervir. Ainfi
en général un manche ou une poignée que l’on adapte
à quelqu’inflrument, c’ell la même choie. Les limes
font emmanchées , les couteaux , les canifs , preique
tous les inftrumens de la Chirurgie , les rafoirs , les
biflouris , les lancettes , tous les outils tranchans
de la menuiférie , &c.

Manche de Couteau, ( Conchyliol.) ( Plan»
XIX. fig. ^.^ coutelier .^ folene. Coquillage de mer,
auquel on a donné le nom de manche de couteau , par
rapport à la grande reflTemblance qu’il a avec le man-
che d’un vrai. couteau. Ce coquillage ell compofé
de deux pièces , allongé ^ ouvert par les deux extré-
mités , fouvent un peu courbe , & quelquefois droit.
Les manches de couteau ne relient pas furie fond de
la mer, comme la plupart des autres coquillages. Ils
fe font un trou dans le fable , qui a quelquefois juf-
qu’à deux pies de profondeur ; ils font pofés verti-
calement dans ce trou , relativement à leur lon-
gueur ; de tems en teins ils remontent jufqu’audelTus
du fable , &: ils redefcendent bientôt après au fond
de leur trou. Quand la mer fe retire , on trouve
beaucoup de ces trous dans le fable. On fait monter
l’animal juiqu’à la furface , en y jettant un peu de
fel. Il y a plufieurs efpeces de manches de couteau ,
qui différent entr’elles par la longueur & par les
couleurs. Foye^ COQUILLAGE w- COQUILLE.

Manche de Couteau , ( Conchyliol. ) LesOTa/i-
ches de couteau , appelles en l^ùn folenes , compofent
unedesfix familles de coquilles bivalves; leur figure,
qui reffemble à un manche de couteau , cil toujours
la même , 6c très-ailée à reconnoître. On .appelle ce
coquillage dans le pays d’Aunis , coutelier. Foye:^
Coutelier.

Le poiilbn de ce coquillage s’enfonce jufqu’àdeux
pics en terre , & revient perpendiculairement à fa
iurface. Lorlqu’il elt entièrement dégagé de fbn trou,
6t qu’on l’abandonne à lui-même , il s’allonge , re-
courbe la partie la plus longue de Ion corps , &i creu-
fé promptement un nouveau trou où il fe cache. On
|)eut deliiuer \cs manches de couteau liir le rivage , en
jettant un peu de ici Iur le trou où ils font placés ,
ce (|ui lestait ibrtir aulfitôt.

Il faut avoir grand foin de changer Peau de la mer
tous les jours , ik de laillcr un peu à Icc les ani-
maux , environ pendant vingt-quatre heures , en-
fuiie onlesalperge légèrement avec les barbes d’une
plume. Le poilion , qui a été privé d’eau pendant
quelques heures, revient à lui , fort de la coquille ,
6i s’épanouit peu-;\-peu pour chercher l’eau de la mer.

Quand CCS animau.v font rebelles X U volonic de

10 M A N

rôbà’ervntciir,jufqu’à refufer d’allonger leurs trasoiï
quclqu’autre membre , on entrouvre la coquille, &
on la perce avec un fer pointu du côté oppoié à la
bouche de l’animal, ou à la partie qu’on icnihaitede
faire ibrtir. Pour lors on tait entrer par cette petite
ouverture , plulîeurs grains d’im fel noir& piquant ,
qu’on nomme à la KochcWcJ’cl de chaudure-, l’eiletdc
cet acide eft fi violent , qu’on voit anifi-tôt l’animal
revenir de l’a léthargie , & céder à cet cifort , en ou-
vrant la coquille , ou allongeant quelques-uns de les
m’embrcs. C’cft ainil qu’on peut venir à bout de ces
animaux , pour avoir Icttms de les examiner , & de
terminer (« es deffeins.

Il faut encore obferver que comme ces animaux
nereftent pas long-tems dans la même fituation, on
peut recommencer à leur donner du nouveau fel ,
pourvu qu’entre les deux obfervations , il y ait un
certain intervalle de tems.

La lumière leur eft très- contraire , & ils fe reti-
rent à Ibn éclat ;c’eft donc la nuit qui ert le tems le
plus favorable pour les examiner: une petite lampe
lourde réulTit à merveille pour les fuivre , & profiter
de ce qu’ils nous découvrent. On doit avoir grand
foin de les rafraîchir le foir avec de l’eau nouvelle ,
ou de changer le foir & le matin l’herbe dans laquelle
ils doivent éire enveloppés. On les trouve fou vent
qui rampent la nuit fur cette herbe, & cherchent les
infccles qui y font contenus.

Cette herbe qui ne fe trouve que fur les bords de
la mer , fe nomme pr à la Rochelle , & s’appelle
varec ou ‘goémon dans d’autres endroits. Outre l’a-
vantage qu’elle a d’être remplie d’une multitude de
petits infe£les très -propres à la nourriture du co-
quillage, fongoiit marin le trompe; & quoique placé
dans un grand vafc , il le croit proche des côtes de
la mer. Htfi. nat. éclairée , tom. I. & II. (^D. J. )

Manche faux a tremper, ( Coutelier. ) c’eft
une barre de fer terminée par une efpece de douille
oii l’extrémité des pièces qu’on a à tremper eft reçue.

Manche a émoudre, c’eft un manche de bois
fur lequel on place les pièces à émoudre , pour les
tenir plus commodément.

Manche a polir, c’eft un manche de bois fur
lequel on place les pièces à polir, pour les travailler
plus commodément.

Une pièce trempée, émoulue ou polie , le faux
rnancheicn tout de fuite à une autre qui eft prête à
ctre ou polie , ou émoulue , ou trempée.

Manche , ( Anméchaniq. ) c’eft dans tout vête-
ment moderne , la partie qui couvre depuis le haut
du bras jufqu’au poignet. La //w/zcA.; eft difficile à bien
tailler. La chemifea des manches ^ la vcfte , l’habit,
la foutane , le furplis , 6’c.

Manche, {Pharmac. ) manche d’Hippocrate ,
manîca Hippocratis. Voye^^ ChaVSSE , Pharmac.

Manches du bataillon , ( An miUt. ) c’eft ainfi
qu’on appelle différentes divifions du bataillon. Voye^
Divisions.

Manche a eau , ou Manche pour l’eau,
( Marin. ) c’eft un long tuyau de cuir fait en manière
de manche ouverte par les deux bouts. On s’en fcrt
à conduire l’eau que l’on embarque, du haut d’un
vaiffcau jufqu’aux futailles qui font rangées dans le
fond de cale , pour faire pafTer l’eau d’une futaille
dans l’autre. On applique pour cela une des ouver-
tures de la manche (ur la futaille vuide , ôd l’autre
ouverture lur celle qui cft pleine , & où l’on a mis
line pompe pour faire monter l’eau. On fè fert de ce
moyen pour conferver l’arrimage Ôc l’alTicte, ou l’ef-
tive d’un vailleau , en rempHfiant les futailles vui-
desdu côte oii ilfautquele vaiflcaufbit plus chargé.

Manche de pompe , c’eft une longue manche de
toile goudronnée , qui étant clouée à la pompe , re-
çoit Peau qu’on en fait fortir, 6i la porte juiqueshors
le vaifTeân.

M A N

Manche, la Manche, ( Marin. ) fe dit d’une
efpece de mer de figure oblongue , qui eft renfermée
entre deux terres. Il s’applique plus particulière-
ment à quelques endroits.

Manches , terme de Pêche , ufité dans le relTort de
l’amirauté de Marennes , forte de rets. Ce font les
véritables guideauxà hauts étaliers , à la différence
qu’au lieu d’être aufti folidement établis que ics gui-
deaux de cette efpece , qui font fur les côtes de la
haute Normandie , au lieu d’être montés fur des
pieux , ils ne font tendus que fur des perches , qui
ont à la vérité quatre , cinq , julqu’à lix brafl’es de
hauteur. Le lac qui forme le guideau a environ qua-
tre à cinq brafl’es de long , ëi prefqu’autant d’ouver-
ture ; à chaque coin du manche, tant du haut que
du bas de l’entrée du guideau , il y a une raque on
annelet de bois, qui fert de couet ou œil pour arrê-
ter le fac ; on pafîe ces raques dans les deux perches
qui tiennent le fac du guideau , dont l’ouverture eft
tenue ouverte par une traverfe de corde , comme aux
autres guideaux. Les pêcheurs ont befbin d’un ba-
teau pour tendre leur reis ; & pour faire couler les
raques le long des perches & defcendre le guideau
autant qu’ils le jugent à propos , ils fe fervent d’une
petite perche croilée par le bout , pour abaiffer ôi
arrêter les raques ; fouvent même la tête du guideau
relie à un pié ou deux au-defïïis de la furface de
l’eau.

Les manches pèchent de la même manière que les
guideaux, c’eft-à-dire , tant de marée montante que
de juffant. Il faut du beau tems pour faire cette pê-
che avec fuccès : les groffes mers & les tempêtes ,
ainfi que les molles eaux y font contraires. On prend
dans les guideaux des chevrettes, des lalicots ou de
la fanté , &C généralement toutes fortes de poifTons
que la marée y peut conduire.

Cette pêche a le même abus de celle des guideaux,’
Les manches ont les mailles très-larges à l’ouverture;
mais elles diminuent , de manière que vers le fond ,
ou à la queue du fac , à peine ont-elles deux à trois
lignes au plus en quarré. Deux perches f uffifent pour
chaque guideau , qui s’étendent la plupart fépare-
ment & non en rang & contigus, comme font les
rangs d’étaliers des côtes de Caux & du pays d’Aude.

Les mailles des manches ont à l’entrée dix – huit
lignes ; elles diminuent vers le milieu , où elles ont
environ neuf lignes, & vers le fond du fac , à peine
ont-elles trois lignes en quarré. Foye^ la figure dans
nos Pi. de Pêche.

Manches , Maniolles ou Sanet. Foyei Ma-
NiOLLE. Cet inftrumenteftune efpece de bouteux ,
ou bout-de-quievre.

Les pêcheurs qui font la pêche avec cet inftru-
ment , montent dans leur chalan : c’eft un petit ba-
teau ièmblable en toutes manières aux pirogues de
la Martinique. Pluf’eurs font faits comme d’un feul
tronc d’arbre. Ceux qui font conftruits avec du por-
dage , n’ont que deux ou trois plates petites va-
rangues affez foibles ; cette forte de bateau refTcm-
ble à une navette de tifferand , dont les deux bouts
font un peu relevés ; le deffous eft plat , l’avant poin-
tu , & l’arriére un peu quarré en deffous. Un cha-
lan de dix- neuf pies de longueur , a deux pies un
quart de hauteur dans le milieu , & deux pies neuf
pouces de largeur. Deux hommes fufîilent pour
faire la pêche , l’un tend le rets , & l’autre rame ,
de la même manière que nous l’avons ci-devant ex-
pliqué des pêcheurs de la rivière d’entre le pont &
la barre de Rayonne. Quand ces bateaux portent
voile , elle eft placée fur un petit mât à l’avant , &
faite comme celle des tillollcs , & la voile leur fert
aufTi de teiix.

Quand les chalans pèchent à la manche , ils fuivent
le bord de la levée de la rivière , en tenant leur

M A N

manche de la même manière qu’on tient une écumet-
te , avec quoi ils prennent généralement tout ce qui
range le bord de l’eau ; l’ufage alors en eft auffi per-
nicieux , que celui du bouteux ou bout-de-quievre
fur les fables durant les chaleurs. Les pêcheurs ne le
fervent ordinairement de ces manches , que durant
les tavalTes & débordemens provenant de la tonte
des neiges des Pyrénées , qui arrive toujours dans
les mois de Juillet & d’Août.

Manche , en termes de Potier de terre , eft une ef-
pcce de poignée arrondie , par laquelle on prend
imo pièce quelle qu’elle foit.

Manche , en termes de Blafon , efl la repréfenta-
tion d’une manche de pourpoint à l’antique , telle
qu’on en voit dans quelques armoiries.

Manche, la {Gcog. ) contrée d’Efpagne dans la
nouvelle Cailille , dont elle eft la partie méridio-
nale , le long de la Guadiana qui la traver/e. Elle eft
bornée au couchant par i’Eftramadure , au midi par
le royaume de Grenade & par l’Andaloufie ; au le-
vant par la Sierra , & par le royaume de Valence &
de Murcie , & au nord par le Tage, qui la fcpare de
l’Algarrie. La Guadarména qui fe perd<lans le Gua-
dalquivir , & la Ségura qui arrofe le royaume de
Murcie , ont leurs fources dans la Manche. Cieudad-
Real , OrgazSc Calatrava , font les principaux lieux
de cette contrée ; mais elle n’eft vraiment fameufe ,
que depuis qu’il a plu à Miguel Cervantes d’y faire
naitre Dom Quixote , & d’y placer la fcène de fon
ingénieux roman. Le feul village du Tobojb eft im-
niortalilé par l’imagination de cet aimable auteur ,
qui l’a choifi pour y loger la dulcinée de fon cheva-
lier errant. ( Z?. /. )

Manche, la ( Géog. ) nom que l’on donne à cette
partie de la mer qui fe trouve refl’errce entre l’An-
gleterre au nord , & la France à l’orient, & au midi;
ce qui eft au nord-eft eft le détroit , & s’appelle le
pas de Calais. Horace voulant faire lacouràAugufte ,
lui dit dans une de fes odes :

Te belluofus qui remotis
Ohjîrepii Occanus Britannis
Audit.

1r Vous voyez couler fous vos lois l’Océan, qui nour-
» rit dans Ion fcin une infinité de monftres , & bat
» de fes flots bruyans les côtes britanniques ». Obj^
trtpit eft un terme propre à cette mer, dont les flots
font d’ordinaire dans une grande agitation , à caufe
des terres qui les rclferrent , & du refoulement con-
tinuel qui s’y fait par l’Océan, & parla mer du nord.
Mais on nomme aujourd’hui la Manche , Oceanus
britannicus , & l’on peut avancer qu’elle coule fous
les lois de la Grande Bretagne , tant en vertu de
fes forces maritimes , que parce qu’elle pofl’ede les
îles de Jerfey & de Guerneley du côté de la France,

Manche de BriJIol, la^ ( Géog.^ bras de la mer
d’Irlande, fur la côte occidentale de l’Angleterre,
entre la côte méridionale du pays de Galles, Si les
provinces de l’oueft , à l’embouchure de la Sever-
ne, auprès deBrillol. (D.J.)

Manchf. de Diincmaihy lut (^Géogr.^ partie de
l’Océan, entre le Danemark, la Suéde & la Nor-
vège. Ceux du pays l’appellent le Schager-ILich ;
les Flamands 6l les HoUandois la nomment Cauegat.
(D.J.)

Manche de S. Georges ,/<«»( Gcogr. ) c’eft la par-
tie méridionale de la mer d’Irlande ; elle comprend
/a Manchd de la Scverue ou de Hrlftol. (^D.J.)
, MANCHESTER, (Géog.) c’eft, felonM.Gale,
IcMancnnium des anciens , vdle i\ marché î< ik poftc
^’Angleteire , en Lancafliire, avec titre de duché;
elle eltbolle riciie, bien pcuplce,6i: tiès-for.Uaine
^ar fes mauiifdilurcs de kiuc &de coton; clic cil i\
Tenu X,

M A N II

46 lieues N. O. de Londres, fur le Spelden. Long. t5^
ix.lat. jj. 2.cf. Long, félon Street. 16. //. 16. lot.
S3.24. {D.J.)

MANCHET f E , f f ( Gram. ) garniture ou d’une
toile plus fine, ou d’une broderie , ou de dentelle
qui s’attache au bout des manches d’une chemife , &
qui couvre le bras aux femmes , & une partie de la
main aux hommes. Il y ^. àcs manchettes à’homm^s^
des manchettes de femmes.

Manchette, terme de marchand de modes. Les
marchands de modes ne font que des manchettes de
gafe, bordées tout -au -tour par en bas de blonde,
6c par en haut elles font fort plift’ées fur un petit ru-
ban de fil fort étroit, de façon que l’on y peut paf-
fer le bras ; elles forment l’éventail par en bas ; elles
en font à un , deux ou trois rangs qui (ont plus courts
les uns que les autres, c’eft-à-dire celui de deffus eft
le plus court , le fécond un peu plus long , & le troi-
fieme aulfi \m peu plus long : les deflTus de bras font
aufli plus longs que le dedans.

Les femmes s’en fervent pour garnir leurs bras,
& les attachent au bout des manches de leurs che-
mifes.

Les marchands de modes font aufîî des manchettes de
robes de cour qui font toutes rondes , pasplus larges
par en haut que par en bas, & qui font de dentelle ou
de blonde ; ces manchettes s’attachent fur les manches
du corps de robe , & ont quelquefois fix rnn<Ts.

Manchette, (Lmpri) les Imprimeurs appellent
un ouvrage à manchettes un manufcrit dont les marges
font chargées d’additions. J^oyei Addition

MANCHON, f m. (Pe//.’^me.) eft une fourrure
qu’on porte en hiver pour garantir \ts mains du
froid: c’eft une efpece de fac fourré en dedans ôc
dehors, apercé par les deux bouts, qu’on attache
à la ceinture, & dans lequel on met les mains pour
en conlerver la chaleur pendant le tems froid. On
fait des manchons avec toutes les fortes de Peaux qui
entrent dans le commerce de la pelleterie, comme
martres, tigres, ours, loups-cervicrs , renards, &c.
Ce font les marchands Pelletiers qui les font & les
vendent. ‘•

On fait encore des manchons de plumes, d’étof-
fes, &c. mais ceux-là font partie du commerce des
marchands merciers.

MANCIPLUM, ou MANCUPIUM, ( Antiq.
rom. ) droit de propriété d’acquifition qu’avoient les
feuls citoyens romains fur tous les fonds d’Italie, &
fur leurs appartenances , comme les cfclaves SÎ le
bétail.

Ces fonds, ainfi que leur dépendances, ne pou-
voient être poftédcs que par les Romains , 6c ils en
failoient l’acquifitionavec de certaines cérémonies,
en préfence de cinq témoins , & d’un porte-balance,
cette manière de vente s’appelloit nexum, ou nexusy
&C les chofes ainfi achetées, Jure nc.xi empta , ou per
Œs & iibram. On appelloit ces fonds, res mancipii y
ou res Juris avilis , c’eft- ;\ – dire romani , \\\\c chofe
poflédée par droit de propriété. (Z>. /. )

M AND, {H^ff. mod. Comm.) efpece de poids
ufité dans rindoftan , 6c qui varie dans les ditîércn-
tcs provinces. A Bengale le mand eft de 76 livres; à
Surate il eft de 37 livres \ ; en Perfc le mand n’cil
que de 6 livres.

MANDAR, (6\V7^’. ) province de l’île de Ccicbes,
dans la nier des Indes, au royaume de MacalTar,
dont elle occupe la partie feptentrionale : la capitale
porte le même nom que la province, & eft à fept
journées de chemin de la ville de Macaflar: fa long,
eft à 1 37. lat. mcrid. y<^. 5′. ( D. J. )

M A N D A R i N , f. m. ( ffiff. mod. ) nom qnc IcS
Portugais donnent ;i la noblclfe ^ aux magillrars ,
^’ pariicidierement îi ceux de la Chine. Le mot man-
darin cil inçcMinu en ce fens n.irmi les Chinois , qui

B.j

Il M A N

au-lieu de cela appellent leurs grands & leurs ma-
gillrats ./«j/2, ou quan-fu, ce qui ù’^m^c fcrvifair ou
minijlrc d’un prince. Il y a à la Chine neuf fortes de
mandarins ou degrés de noblefTe qui ont pour mar-
que divers animaux. Le premier a une grue , pour
marque de fon rang ; le fécond a un lion ; & le troi-
fieme a un aigle; Te quatrième a un paon, &c. Ily a
en tout 3 2 ou 33 mille mandarins ; il y a des manda-
rins de lettres & des mandarins d’armes. Les uns £i les
autres fubillent plufieurs examens ; il y a outre cela
des mandarins civils ou de jurtice. Depuis que les
Tartares fe (« ont rendus maîtres de la Chine , la plu-
part des tribunaux font mi-partis, c’elt- à -dire au-
lieu d’un prcfident on en a établi deux, l’un tartare
& l’autre chinois. Ceux de la fede de Confucius
ont ordinairement grande part à cette diftinftion.
Dans les gouvernemens qu’on leur confie , & qui
font toujours éloignés de leur naiflance , pour évi-
ter les injuilices que Tamitié , la proximité du lang
pourroient leur faire commettre , ils ont un vaile
& riche palais ; dans la principale falle eft un lieu
élevé où eft placée la fîatue du roi , devant laquelle
le mandarin s’agenouille avant que de s’afTeoir fur
fon tribunal. On a un fi grand refpeft pour les man-
darins qu’on ne leur parle qu’à genoux ; les voya-
geurs vantent fort leur intelligence & leur équité.
Le mandarinat n’eft pas héréditaire , & l’on y élevé
que des gens habiles, yoyci Lettrés.

Mandarin, (^Licurat,’) ei\ auffi le nom que les
Chinois donnent à la langue favante du pays, f^oy-e^
Langue. Outre le langage propre & particulier de
chaque nation & de chaque province , il y en a un
commun à tous les favans de l’empire , qui eft ce
qu’on appelle le mandarin , c’eft la langue de la cour :
les officiers publics , comme les notaires ou gref-
fiers , les jurifconfultes , les juges , les magiltrats
écrivent & parlent /e mandarin. ^oye{ CHINOIS.

MANDARU , ( Botan. cxot. ) arbre de Malabar ,
qui porte des filiques & des feuilles divifées en deux ;
arbor Jiliquofa y malabarica^ foliis bifidis .,foliis purpura
jlriatis , de Syen. Il eft décrit dans l’hifloire des plan-
tes de Zanoni , fous le nom à^affïcra , ou arborjancli
Thomcz , parce que fes feuilles font tachetées de rou-
ge. Ray en compte quatre efpeces , dont on peut
voir la defcription dans fon Hijloire des plantes.
{D.J.)

MANDAT ou PROCURATION , ( Jurifp. ) man-
datum, c’eft un contrat par lequel quelqu’un fe char-
ge gratuitement de faire quelque chofe pour une
autre perf’onne.

Ce contrat appelle mandatum chez les Romains ,
étoit mis au nombre des contrats nommés de bon-
ne foi & fynallagmatiques qui font parfaits par le
feul confentement.

Parmi nous on fe fert plutôt du terme de mande-
ment^ & encore plus de celui i^o. procuration. Le man-
dat diffère néanmoins de la procuration , en ce que
celle-ci fuppofe un pouvoir par écrit , au -lieu que
le mandat peut n’être que verbal ; néanmoins le ter-
me de mandat eft plus général , & comprend tout
pouvoir donné à un tiers , foit verbalement ou par
écrit. yoy^\ Procuration.

Le mandat produit une double aâion que les Ro-
mains appelloient dincle & contraire.

La première appartient au mandant contre fon
mandataire, pour lui demander compte de fa mif-
fion ; le mandataire eft tenu, non-feulement de fon
dol , mais aufïï de fa faute & de fa négligence ; il ne
doit point excéder les bornes du mandat.

L’aftion contraire appartient au mandataire pour
répéter les frais qu’il a fait de bonne foi.

Le mandat peut être contrarié en diverfes maniè-
res , favoir en faveur du mandant feul , ou du man-
«iant 6c du mandataire , ou en faveur d’un tiers , ou

M A N

bien en faveur du mandant & d’un tiers, enfin eri
faveur du mandataire & d’un tiers.

Le mandat finit , 1°. par la mort du mandant , à-
moins que le mandataire, ignorant cette mort , n’ait
achevé de bonne foi de remplir fa commifîion.

z°. Il finit aufïï par la mort du mandataire , les
chofes étant encore entières.

3*^. Il peut être révoqué pourvu que ce foit à
tems.

4°i Le mandataire peut renoncer au mandat pour-
vu que le mandant puiffe y fuppléer, foit par lui-
même ou par un autre. Voye:^ au Digejie le tirrd
mandat! vel contra , & au Code de mandata , & aux
Injlitutes , Av. III. tit. vij. (^A)

Mandat apostolique, (Jurifprud.^ eft un ref-
crit ou une lettre du pape , par lequel il enjoint à
un collateur ordinaire de conférer le premier béné-
fice qui vaquera à fa collation, à l’eccléfiaftiquc
qui eft dénommé dans le mandat.

Tous les interprètes du droit canon font d’ac-
cord que cette façon de conférer les bénéfices n’a
point été en ufage dans les onze pi’emiers fiecles de
i’Eglife; & en effet il ne s’en trouve aucun exemple
dans le décret de Gratien qui fut publié l’an 1 1 5 1 .

On tient communément que ce fut Adrien IV.
lequel monta fur le faint fiege en 1154, qui intfo-
duifit l’ufage de ces fortes de mandats , en deman-
dant que l’on conférât des prébendes aux perfonnes
qu’il défignoit. Il y a une lettre de ce pape qui prie
l’évêque de Paris , en vertu du refpeâ: qu’il doit au
fucceffeur du chef des apôtres, de conférer au chan-
celier de France la première dignité ou la première
prébende qui vaqueroit dans l’églife de Paris.

Les fucceffeurs d’Adrien regardèrent ce droit
comme attaché à leur dignité, & ils en parlent dans
leurs decrétales comme d’un droit qui ne peut leur
être contefté.

Au commencement, l’ufage de ces mandats étoit
peu fréquent ; ce n’étoient d’abord que de fimples
prières que les papes adreffoient aux collateurs or-
dinaires , lef quels fe faif oient honneur d’y déférer
volontairement ; dans la fuite , ces requifitions de-
venant plus fréquentes» S: les collateurs ordinaires
fe trouvant gênés par-là , il y eut des évêques quî
ne voulurent point y avoir égard. C’eft pourquoi
le pape accompagna la prière qu’il leur faifoit d’une
injonftion &; d’un mandement. Et comme il y avoit
des évêques qui refufolent encore d’exécuter ces
mandats^ les papes nommèrent des exécuteurs pour
conférer les bénéfices aux mandataires, au cas que
les collateurs négligeaffent d’en difpofer en leur
faveur. Etienne de Tournay fut nommé exécuteur
des mandats adreffés par le pape au chapitre de
S. Agnan , & déclara nulles les provifions que ce
chapitre avoit accordées, au préjudice des mandata
apoJloUqucs,

La pragmatique attribuée à S. Louis, abolit indi-
reftement les mandats , en maintenant le droit des
collateurs & patrons; mais on n’eft pas d’accord
fur l’authenticité de cette pièce ; ce qui eft de cer-
tain, c’eft qu’on fe plaignit en France des mandats.
Peu de tems après S. Louis , le célèbre Durand évê-
que de Mendes , les mit au rang des chofes qu’il fal-
loit faire reformer par le concile général : cepen-
dant le concile de Vienne ne changea rien à cet
égard.

Dans le xv. Iàecle,tems auquel le fchifme d’oc-
cident duroit encore, les François s’étant fouftraits
à l’autorité des papes de l’une & l’autre obédience,
firent des réglemens contre \e,s mandats ; mz\s ce\^
n’eut lieu que pendant celte féparation : le concile
de Bafle & la pragmatique-fandlion confervcrent
au pape le droit d’accorder des mandats.\ \

Cependant le concile de balle en modéra l’ufage,

M A N

M A N

i?

§rt ordonnant que le pape ne pourrbît accorder qu’-
une lois en la vie, un mandat fur les collateurs qui
ont plus de dix bénéfices à leur difpofition & moins
de cinquante, & deux mandats fur les collateurs qui
confèrent cinquante bénéfices ou plus.

Le concordat pafTé entre Léon X. & François I.
renouvella ces réglemens : on y inféra même la for-
me des mandats.

Enfin le concile de Trente a aboli les mandats ; &
les papes s’étant fournis à cette loi , les collateurs
ordinaires de France & des autres pays catholiques
ont depuis ce tems ceffé d’être fujets aux mandats
apoflolïqu&s.

Les mandats apofloliques étoient de plufieurs for-
tes, ce que nous allons expliquer dans les fubdi-
.Vifîons fuivantes :

Mandat de confcrcndo, n’étoit autre chofe qu’un
mandat apcflofloUqui ordinaire , par lequel le pape
prioit un coilateur ordinaire de conférer à un tel
Je premier bénéfice qui vaqueroit. Voyei Castel.

Mandat exécutoire^ étoit celui par lequel le pa-
pe donnoit pouvoir à l’exécuteur par lui délégué
de conférer le bénéfice , en cas de refus de la part
du coilateur.

Mandat in forma dignum, eft un limple mandat de
providendo ; cQ font de véritables provifions , mais
conditionnelles, & la condition eft de juftifier à l’or-
dinaire de fa capacité.

Mandat in forma gratiofa , n’étoit pas adreffé à
l’ordinaire ; le pourvu n’étoit pas tenu de fe pré-
senter devant lui, parce qu’il avoit juftifié de fa
capacité avant la provifion de Rome.

Mandat général, eft celui qui n’eft point limité à
un tel bénéfice, mais pour le premier bénéfice qui
vaquera.

Mandat monitoire, étoit celui qui rte contenoit de
la part du pape qu’un fnnpie confeil ou prière de
conférer, tel qu’étoientd’abord tous les OTa«^û/5.

Mandat préceptoire, étoit celui par lequel le pape
Tie fe contehtoit pas de prier le coilateur^ mais lui
enjoignoit de conférer.

Mandat de providendo, eft celui qui n’a de force
& d’effet que par le vifa de l’évêque; lequel vift
a un effet rétroaûif à ce mandat.

Mandat ad vacatura. On entend par-là que le man-
dat devoit être donné pour les bénéfices qui vaque-
roient dans la fuite, & non pour un bénéfice déjà
vacant.

Sur les mandats en général , voy^^ Us définitions
canoniques, & la. bibliothèque canonique, les lois ecclé-
Jîajliques. Fcrret , le traité de Vufage &■ pratique de
cour de Rome.

MANDATAIRE, f. m. {Jurifprud.) eft celui qui
eft chargé d’un mandat ou procuration pour agir
au nom d’un autre. Voye^^ ci-devant Mandat,
O Procuration & Procureur.

Mandataire, {Jurifprud.’) eft aufll celui qui a
un mandat ou reicrit de cour de Rome, adreffé à
tjuelque coilateur à l’effet d’obliger ce coilateur de
donner au mandataire le premier bénéfice qui va-
quera à la nomination de ce coilateur. Foye^ ci-de-
yant Mandat apostolique, (y^)

MANDELE, (Gc’o^. anc.^ Mandela, hameau , vil-
lage d’Italie dans la Sabine , arroléc par la dili-
gence. Horace y avoit fa niaifbn de campagne,
épit. Xyill. l, I. vcrf. civ. On croit que ce village
eft préfcntcnicnt Poggio mirteto. (Z>. /. )

MANDEMENT, {Ccog.) en latin, madamentum.
Ce mot, dans les chartulaircs & dans les adcs du
moyen Age, qui regardent IcDauphiné, la Provence,
la Brcfle,le Lyonnois,& autres cantons , fiiznifie
la même choie que difhicl, territoire, jurifdiclion.
C’cft ce qu’on nonimerolt ailleurs bailliage. (^D.J.^
MANDtMtN T, f. xn. {Tliiolo^.) ctiU qui le public

Ûé là pai-t d’un ëvêque dans l’étendue de fon dio-
cèfe ; par lequol l’évôquc enjoinL aux fidèles quel-
ques précautions relatives aux mœurs ou à la re-
ligion.

Les mandcmens des évêques ne font point fournis
à l’examen des cenfeurs ; cependant l’expérience a
montré plus d’une fois que cette attention du gou-
vernement n’auroit pas été fuperflue. L’objet d’un
mandement eft communément important. Un évêque
eft cenfé avoir beaucoup d’autorité fur l’efprit des
peuples ; les peuples fournis à l’inftrudion des évê-
ques, doivent l’être auffi à l’autorité du fouverain.
Il ne peut donc pas être indifférent au fouverain
de connoître d’avance ce que l’évêque qui peut
être par hafard un fanatique, \m mauvais elprit, un
fadieux, enjoindra à fes fujets dans un ouvrage
qu’il va publier : cela eft d’autant plus raifonnable
que tout ouvrage de religion, compofé ou par un
curé , ou même par un dofteur de Sorbonne ne
s’imprime point lans la perniiffion du chancelier &
l’approbation du cenfeur royal.

Mandement, {Jurifprud.) fignifie quelquefois la
même chofe que mandat ou procuration ; quelque-
fois on entend par ce terme un ordre ou commiffîori
de faire quelque chofe , ou une injonclwn de venir –
comme quand on donne à un officier un veniat , ou
qu’un accufé eft mandé par le juge, foit pour être
blâmé ou pour être admonefté. Voye^^ Mandat
Mandataire, Procuration & Veniat. (A)

MANDIBULE. {Anat.) Voyc^ MACHOIRE.
MANDIL, f. m. {Hift. mod.) nom d’une efpece
de bonnet ou turban que portent les Perfes. Foyer
Bonnet ou Turban. Le mandil fe forme premie-
ment en roulant au-tour de la tête une pièce de
toile blanche, fine, de cinq à fix aunes de lon^ ,
en tournant enluite fur cela & de la même ma-
nière , une pièce de foie ou écharpe de la même
longueur, qui fouvent eft de grand prix. Il faut,
pour avoir bonne grâce , que l’écharpe foit roulée
de telle forte que fes diverfes couleurs, en fe ren-
contrant dans les différens plis, faffent des ondes ,
comme nous voyons fur le papier marbré. Cet ha-
billement de tête eft fort majeftueux, mais très-
pefant; il met la tête à couvert du grand froid 6c
de l’ardeur exceffive du foleil. Les coutelas ne peu-
vent entamer un mandil : la pluie le gâteroit , fi L-s
Perfes n’avoient une efpece de ca[nichon de gros
drap rouge dont ils couvrent leur mandil dans le
mauvais tems. La mode du mandil di un peu changé
depuis quelque tems : pendant le rogne de Scha-
Abba II. le mandil étoit rond par le haut ; du
tems de Schà Soliman , on faifoit fortir du milieu
du mandil 6c par-deffus la tête un bout de l’échar-
pe ; & récemment fous le règne de Schahuffein , au
lieu d’être ramaffé, comme auparavant, on l’a porté
pliffé en rofe, les Perlans ont trouvé que cette nou-
velle forme avoit meilleure grâce : & c’cft ainfi
qu’ils le portent encore.

MANDINGOS, {Hifl. mod. Géog.) peuple indé-
pendant de brigands qui habitent le royaume des
Foulis en Afrique. Ils ne vivent que de pillage, ne
font point fournis au jirjtick. Si. fe difpcnfent de
payer aucune impofiiion ou de contribuer aux
charges de l’état. On dit que ce peuple relVemhle
lieaucoup aux Arabes vagabonds qui infellcnt l’A-
fie : ils ont un langage particulier.

MANDINGUES, LES (Céog.) peuple d’Afrique
dans la Nigritic, à i8o milles de la côte occiden-
tale, fur la rivière de Gambie, au iud du royaume
de Bambouc Leur contrée cû appellee par les El-
pagnols Mandincn^a. Leur principde habtaiion eft
Son’^o. Les Nègres de cette contrée font mieux faits
que ceux de Guinée, plus laborieux, plus fins, ic
zelv’ï uiahomeiiuis i niau U> adaieticnt ici Icuimes

14 M A N

dans le paradis , & pour leur en donner des affu-
ranccs , ils les font circoncire d’une manière con-
venable îi leur {c\e. f^oy^i ce qu’en dilent de la
Croix & Labat. (D. J.)

MANDOA , (6VV)i,^) ville de l’Indouftan , dans la
province de Malva, au midi de Ratipor. lut. zz.

M AN DORE , f. f. ( M’ifique anc. & mod.) inftru-
ment de mufique à cordes.

La mandon des modernes cft une cfpece de luth ,
compote pour l’ordinaire de quatre cordes ; ia lon-
gueur ordinaire cft d’un pié & demi : la première
corde eft la plus déliée, & Ce nomme cliumcrcUc ;
les autres qui la fuivcnt vont toujours en augmen-
tant de qroUeur. Son accord cil de quinte en quarte,
c’eft-à-dire que la quatrième corde cil à la quinte
de la troifieme , la troilieme à la quarte de la lecon-
de ; & la féconde à la quinte de la chanterelle. On
abaiffe quelquefois la chanterelle d’un ton , afin
qu’elle falfe la quarte avec la troilieme corde, ce
qu’on appelle accorder à corde avalée i fouvent auffi
Ton abaifle la chanterelle & la troifieme corde d’une
tierce : enfin cet infirumcnt peut encore être monté
à l’unilTon ; il étoit autrefois à la mode , & n’y eft
plus aujourd’hui.

La mandorc n’eft pas de l’invention des modernes,
elle étoit fort d’ul »age chez les anciens, qui l’appel-
loient ^TctnTopy, ■^f-a.iS’oDpAf TTctvS’ci/ptç. Il en eu parle
dans Athénée, dans PoUuxe , dans Hefychius, dans
Nicomaque, dans Lainpride, & quelques autres.

Suivant la defcription que nous donne de la. man-
dorc ancienne le lavant Perrault , elle étoit mon-
tée de quatre cordes, dont la chanterelle fervant à
jouer le fujet, étoit pincée par le doigt index armé
d’une plume , faifant l’effet du pledrum. Pendant
qu’on la pinçolt ainfi , les trois autres cordes, qui
falfoient l’odave remplie de fa quinte, étoient frap-
pées l’une après l’autre fucceffivement par le pouce.
On tachoit de faire enforte que ces trois cordes, qui
tenoient lieu d’autant de bourdons, s’accordafTent
avec les tons du fujet, qui devoit être néanmoins
dans le mode , fur lequel étoit accordé le bourdon ;
c’eft-à-dire que la chanterelle devoit êire accordée,
de manière que les cadences principales & les domi-
nantes tombaflent fur les bourdons que le pouce
frappoit , fulvant la cadence propre à l’air que l’on
jouoit. On voit par-là que les anciens formolent
une efpcce de fymphonie , oîi entroient trois con-
fonnances; mais ils n’en demeurèrent pas là , ils allè-
rent jufqu’à faire ufage de quelques difîbnnances
dans le concert, & de ce nombre ont été certaine-
ment la tierce & la fixre. (Z?. /. )

MANDOD AVATTE, f. m. {HiJÎ. nat.Botan.) ar-
briffeau de l’Ile de Madagafcar, qui porte un Iruit
femblable à l’aveline.
MANDOUTS,f.m. (////?. nat.) Ceftuneefpecede
ferpent de l’île de Madagafcar, qui eft gros comme
le bras ou comme la jam.be d’un homme. On dit
qu’il n’eft point venimeux , & qu’il fe nourrit de
chauvcfouris & de petits oifeaux.

MaNDPvAGORE , mandragora^i. {.ÇBot. ) genre
de plante à fleur monopétale en forme de cloche &
profondément découpée. Il fort du calice un plflil
qui pénétre jufqu’au-bas de la fleur ; ce plftil devient
dans la fuite un fruit mou, ordinairement rond , &
dans lequel on trouve des femences qui ont le plus
fouvent la figure d’un rein. Tournefort , Jnjî. rù herb.
/^oj£7 Plante.

. On pourroit prefque reconnoître les mandragores’^
même avant qu’elles foient en fleurs , à la grofleur ‘
de leurs racines , & à la grandeur de leurs Veuilles
rondes S: puantes.

Les deux principales efpcccs decc genre de plante
f^ûi la mandragort blanciie ou mâle , ik la luaadragorc

noire ou femelle , car il plaît aux Botaniftes de par-
ler ainfi.

La mandragore mâle , nommée par Bauhin , Tour-
nefort , Ray, mandragora fruclu rotundo ^ C. B. P.
169. J. R. H. 76. Kay ////i. 668. n’a point de tige.
Sa racine eft épaiffe , longue , quelquefois fimple &
unique , fouvent partagée en deux , trois ou quatre
parties. Elle ell blanchâtre en -dehors , ou d’une
couleur cendrée , ferrugineufe , pâle en-dedans. Il
fort du iommet de la racine , des feuilles longues
d’environ une coudée , prefque larges d’une palme
& demie , pointues des deux côtés , d’un verd foncé,
fctides. On voit naître d’entre les feuilles plulieurs
pédicules longs de deux , trois ou quatre pouces.
Ces pédicules portent chacun une fleur d’une feule
pièce , en cloche , divifée en cinq parties , légère-
ment velue, blanchâtre, un peu purpurine ôc fétide.
Le calice eft velu , verd , partagé en cinq lanières.
Le plftil perce la partie inférieure de la fleur , fe
change en un fruit de la figure & de la grofleur d’une
petite pomme , verd d’abord , enfuite jaunâti e , char-
nu , mol , d’une odeur forte & puante. Sa pulpe
contient des graines blanches , arrondies , applatles,
& prefque de la figure d’un rein.

La mandragore janelle , parTournefort , J. R. H. 76.
mandragora jiore fub coeruLeo , purpurajccnte , a les
feuilles femblables à celles de la mandragore mâle,
mais plus étroites & plus noires. Ses fleurs font de
couleur purpurine, tirant fur le bleu: les fruits font
plus pâles , plus petites , de la figure de ceux dû
lorbler ou du poirier , mais d’une odeur aufTi forte
que ceux de la mandragore mâle. Ses graines font
plus petites & plus noires : fa racine eft longue, plus
noirâtre en-dehors, blanchâtre en dedans. L’une 6c
l’autre mandragore viennent naturellement dans les
pays chauds , en Italie , en hfpagne , dans les forêts,
à l’ombre & fur le bord des fleuves.

On les trouve dans les jardins de médecine, où
on les feme de graine , & leurs racines f e confervent
laines , fortes & vigoureufes penaant plus de cin-
quante ans : les feuilles & l’éccrce des racines de
cette plante font de quelque ufâge rare. (£)./.)

Mandragore, {^Pharmac. 6 » Mac. mèdic.) les
feuilles & les racines de mandragore répandent une
odeur puante , naujcabonde , 6l qui porte à la tête.
On ne doit point les prelcrire intérieurement , quoi-
que les auteurs de matière médicale ne foient pas
abfolument d’accord fur leur qualité vénéneufe ; car
le foupçon feul qu’on peut en avoir fuffit pour les
faire rejetter de l’ordre des remèdes intérieurs , pulf-
que d’un autre côté la vertu narcotique fébrifuge
& utérine qu’on lui a attribuée n’eft pas évidente,
& que nous ne manquons pas de remèdes éprouvés
qui poflTedent ces dlverfes vertus. La propriété de
purger par haut & par bas avec violence , quoique
plus conflatée, fur-tout dans les racines , n’eft pas
un meilleur titre , pulfque rien n’eft fi commun que
les remèdes qui ont ces qualités.

Les feuilles &: l’écorce de la racine de mandragore.
appliquées extérieurement pafTent pour émoUientes,
difcuirives &: éminemnient ftupéfiantes , elles font
recommandées par divers auteurs , pour réfoudre
les tumeurs dures & skirrheufcs, &pour appalfer la
douleur des tumeurs inflammatoires , fur-tout de
rércfipele : dans ce dernier cas , on les fait ordi-
nairement bouillir avec du lait ; mais les Médecins
prudens craignent l’application des remèdes qui cât
ment trop efficacement & trop foudalncment la dou-
leur, & qui peuvent opérer des réfolutioni précipi-
tées. Voye?^ ReplRcussif, Stupéfiant,Topiqùe
6’ Inflammation.

L’application extérieure des feuilles, des racines
& du iuc de mandragore fous forme de cataplafme ÔC
de foipemafion , qu mêlés 3 y€« d’autres fubftaiKes

M A N

plus ou moins analogues , telles que la ciguë , le
tabac, &c. dans des onguens ou des emplâtres ; leur
application , dis-je , fous toutes ces formes eft tort
recommandée contre les obftrudions des viiceres,
& fur-tout contre les tumeurs dures de la rate.

On prépare aufTi une huile de mandragore par in-
fufion & par décoâion , à laquelle on a attribué les
mêmes vertus.

Le fruit de mandragore , dont on ne fait aucun
lifage , a été regardé aufFi comme ayant la vertu
d’affoupir & d’engourdir, foit par fa pulpe , foit par
fes graines. Mais il a été démontré par des expé-
riences , qu’on pouvoit manger des fruits de rnan-
dragorc avec leur graine , fans en éprouver le moin-
dre aflbupiflem.ent , ni aucune autre incommodité.

La mandragore entre dans les comportions fui-
vantes de la pharmacopée de Paris ; favoir , fes
feuilles dans le baume tranquille, dans l’onguent po-
puleum , & l’écorce de fa racine dans le requies de
Nicolas Mirepfe.

Les fables que les anciens ont débitées fur la man-
‘Jragore , fe font dès long-tems répandues chez le
peuple ; il fait que la racine de mandragore produit
iàes effets furprenans par fa prétendue figure hu-
imaine , qu’elle procure fur tout la fécondité aux
femmes ; que les plus excellentes de ces racines
font celles qui font arrofées de l’urine d’un pendu ;
<]u’on ne peut les arracher fans mourir ; que , pour
éviter ce malheur , on creufe la terre tout autour
de cette racine ; qu’on y fixe une corde qui eft atta-
chée par fbn autre extrémité au cou d’un chien ; que
ce chien étant enfuite chafle , arrache la racine en
s’enfuyant ; qu’il fuccombe à cette opération , &
^e l’heureux mortel qui ramafTe alors cette racine,
ne court plus le moindre danger, mais qu’il polfede
au contraire en elle un tréfor inellimable , un rem-
yart invincible contre les maléfices, une Iburce éter-
nelle de bonheur, &c. On ne meurt point en arra-
chant la racine de mandragore ; cette prétention feule
a paru digne d’être examinée , & elle l’a été ; les
autres font trop miférables , pour qu’elles méritent
de faire naître le moindre doute.

MANDRALiE , ( Géog. anc. ) peuple de l’Inde
en-deçà du Gange , & qui s’ctendoient jufqu’à ce
fleuve. Ptolomée leur donne pour capitale Pâli-
hothra.

MANDRE , f. f. Mandra , ( Hijl. eccUf. greq. ) les
favans conviennent du fensde ce mot qui , dans les
écrivains ecclcfiaftiques fur-tout de l’Eglife d’Orient,
fignifie un couvent , un monafUre. Les Grecs moder-
nes l’emploient dans cette fignification , & on a
formé de ce terme celui Aq mandrue ^ pour dire un
moine. Dans la langue grecque , les gloffaircs appel-
lent une caverne , une grotte , ixoLv^foL. Les folitaires
d’Orient ont anciennement logé dans les grottes.
Le Carmel, le mont Liban , le mont Sinaï & la haute
Egypte font pleines de grottes , qui ont fervi de
retraite à des folitaires. Ainfi le mot mandrc ^ dans
le fens de monafiere , convient afTez à cette origine,
.& c’eft vraifrembla!)lement la véritable.

MANDRIA , i^Géog.’) petite île de l’Archipel,
près de la côte de la Natolie. Elle elt défcrte , &
toute entourée de rochers en l’île de Samos au fep-
tcntrion & celle de Calamo au midi , ;\ i 5 milles de
celle de Palmolb , anciennement Pathmos. (Z?. 7.)

MANDRIN , f. m. (^yJrt méchaniq.) inftmment ;\
l’ufagc d’un grand nombre d’artilans. f^’ojc;;^ les arti-
cles J’uhans , prc(que par-tout il fait la fonéHon de
moule ou modelé , & a la forme d’une autre pièce.

Mandrin de porte-mouclutte , en terme d\4rgcn-
teur ^ eft un cercle de for un peu ovale, foutenu fur
trois pies , travcrfé en long par deux barres immo-
biles , 6c perces de pluficurs trous pour recevoir
jdeux autres traverfcs qui s’approchent <k s’éloignent

M AN 15

autant qu’on veut , félon la longueur de la pièce :
ces traverfes y font attachées par d’autres petites
parties c/ui y font vifTées ; & deux efpeces de pe-
tites m.achines aufîî retenues par des vis , arrctent
le porte mouchette entr’elles & les traverfes. Y. i.\ux.
que tout mandrin d’argenteur foit toujours éoale-i
ment chaud , (« ans quoi l’argent ne prendroit^pas.
J^oye:^ Planche de L’ Argenteur.

Mandrin à éguien^ {Argenteur.^ eft une efpece
d’étau creux dans fon intérieur, dont les Argent eurs
fe fervent pour argenter les éguieres.

Mandrin , ttrme d’ Artillerie , efpece de moule ou
de petit cylindre de bois , dont on fe fert pour for-
mer les cartouches propres au fulîl. Les mandrins y
doivent être parfaitement cylindriques , & avoir 7
à 8 pouces de longueur , & 6 lignes 3 quarts de dia-
mètre , fuivant une ordonnance fur les cartouches
donnée en 1738. ils doivent être creufés dans les
deux bouts en cavité fphérique , en forte que de
quelque côté que l’on s’en ferve , cette cavité puifTe
recevoir & embraffer environ un tiers de la balle

Mandrin , en terme de Chauderonnier c’eft un
long bâton de fer qui diminue proportionnellement
& fur lequel on forme le tuyau d’im cor-de chalfe.
Voye^^ les PI. du Chauderonnier.

Mandrin , en terme de Doreur ^(om. desplateaux
de bois de plufieurs grandeurs , fur lefiquels on tra-
vaille les pkis grandes pièces. Il n’eft guère pofTible
de leur donner une foriue qui ferve de modèle. Ils
la doivent au caprice , comme les pièces auxquelles
ils fervent, f-^oyeidans nos Planches du Doreur les fi-
gures qui repréléntent les mandrins nécefTaires pour
tenir toutes les pièces d’une épée.

Il y a le mandrin de plaque ; le coin pour faire
ferrer le mandrin.

Le poinçeau monté fur fon mandrin.

Le plaque d’épée montée fur fon mandrin.

Le coin dudit m.indrin.

Le mandrin de corps , fur lequel eft monté un
corps d’épée.

Le coin dudit mandrin.

Mandrin à boutons , (^Doreur en feuilles.^ font
des formes de boutons de cuivre montés fur une
branche de fer, fur leiquelles on brunit les boutons. Il
faut avoir foin de faire chaufîer ces mandrins à cha-
que bouton que l’on brunit, f^oye^ Brunir.

Mandrin, {Fourbijfcur.^ les Fourbifîeurs appel-
lent ainli un outil qui leur fert à ibutenir , entr’ou-
vrir & travailler plufieurs pièces de la garde de
leurs épces & des fourreaux. Ils en ont de cinq
fortes , qui font le mandrin de plaque , le mandrin
de garde , le mandrin de corps , le mandrin de bran-
che & le mandrin de bout. Ce dernier fert pour le
bout du fourreau , & les quatre autres aux manœu-
vres. Tous ces outils font de fer. f^oyc^ bloc de
corps , bloc de plaque & mandrin de bout , Planche
du Fourhijjcur & du Ci\clcur-D amafquineur .

Mandrin </<: bout ^ {Fourbi jfcur.^ les Fourbifleurs
fe fervent de deux morceaux de fer forges, relfem-
blant à des limes , mais qui font unis , qui font plus
larges au milieu , & finifl’cnt un peu en diminuai. t,
pour relever les bodes des bouts des fourreaux d e-
pées &: les viroles d’en haut , &: autfi pour palier
fur les fourreaux quand ils ont peine à entrer fiir les
lames ; cela fe fait en tenant ces deux morceaux de
fer des deux mains , & mettant entre les deux la
lame dans fon fourreau , & faifant glilfcr ces deux
morceaux de ter de bas en-haut , cela prelfe le four-
reau , & l’élargit tant foit peu. / <>>v^ ^^ ]’•§• ^^»
du Fourbijjcur.

Mandrin de chapes , en terme de Fourbi ffeur ^ cd
un fer triangulaire , dont les pans (ont ariondis , fur
lequel on dore ou l’on argenté des chapes d’epécs.

i6

M A N

r<y^î Chapes, f^ojc^ les f g. dans les Planches du
Fourbijfcur.

Mandrin de corps , en terme de Fourhiffeur , eft un
morceau de ter quarré , recourbe & percé pour re-
cevoir le bout de la branche iju’on dore ou qu’on
argenté deffus. f-^oje^ Flanche du Doreur.^

Mandrin , parmi les Horlogers lignitic un outil
dont ils le fervent pour tourner ccriaines pièces ;
cet outil elt monté lur un arbre , tantôt on lait en-
trer la pièce que l’on veut tourner iiir fa circonté-
rence , tantôt on l’appuie contre ion plan : dans le
premier cas , le mandrin doit être tourné parfaite-
ment rond , & dans le fécond parfaitement droit du
côté oii la pièce s’appuie. FoyeiPL d’Horlog.

Mandrins , ce font , en terme d’Orfcvre en taba-
tières, des maires de cuivre jaune de bois ou de ter,
contournées différemment, fur lefquelleson emboutit
les tabatières , en leur imprimant le contour & les
moulures qui font modelées lur ces mandrins, hoyei
UsFl.d’Orfèv.

Mandrin , outil de Potier d’étainy c’ell un mor-
ceau de fer ordinairement quarré , dont la moitié
entre dans l’arbre du tour , s’il eft creux ; & cette
partie de mandrin eft percée , ainfi que l’arbre , pour
y pouvoir palTer une clavette de fer qui tient le
mandrin attaché à l’arbre , comme fi c’étoit une
feule pièce. L’autre bout du mandrin qui fort de
l’arbre , fert à faire les gaines des empreintes ou ca-
libres , & c’eil fur ce bout qu’on les monte iorlqu’on
veut tourner. fVye^ Tourner l’étain.

A l’égard de la longueur & groffeur du mandrin ,
il n’y a rien de déterminé pour cela , parce que la
différence & la groffeur des arbres de tour en fait
la règle ; mais communément il doit avoir environ
fept à huit lignes fur chaque face en diminuant peu-
à-peu jufqu’aux bouts , & cinq à fix pouces de lon-
gueur en tout, yoyei les PL di Potier detain.

Mandrin , (^Serrurerie & Taillanderie.^ pièce de
fer ou d’acier un peu plus renflu dans fon milieu
qu’à Ces extrémités , ce qui lui donne la facilité d’en-
trer & de fortlr plus facilement , & en même tems
de former un trou plus égal à celui qu’on demande.
Ainfi ce mandrin eft une eipece de pointe ou d’inftru-
ment à percer ou à froid ou à chaud. Il y en a de
différentes formes , félon le trou à percer. On fe
fert du mandrin chaud, lorfqu’il eft qutftion d’ouvrir
pliifieurs trous fur la longueur d’une barre , comme
aux traverfcs des grilles où les barreaux font com-
pris dans l’épaiffeur das traverles. Il faut que le
mandrin foit de la groffeur des barreaux. On le fert
auffi de mandrin à froid : celui-ci doit être d’acier
trempé. On le chaffe à force dans les trous faits à la
lime , & il marque les endroits qu’il faut diminuer.
On commence l’ouvrage ou l’ouverture au poinçon,
& on l’achevé au mandrin. Le poinçon perce , le
mandrin dirige en perfedionnant. l^. PL de Serrur.

Mandrin, (Tailland.^ eipece de poinçon rond
ou quarré , qu’on paffe dans un trou qu’on a percé
dans une efpecc de fer , lorlqu’il s’agit de finir ce
trou , & de lui donner la grandeur jufte , & la forme
convenable ; c’eft ainfi qu’on forme l’œil d’un mar-
teau , d’une coignée , la douille d’une bêche, f^oye^
PL de Taillandier .

Mandrin, en terme de Tahletier-Cornetier , eft un
rouleau de bois uni & égal dans fa circonférence ,
que l’on enfonce à force dans les cornets pour les
redreffer. f^oye^ Redresser, f^. PL du Tabl. Corn.

Mandrin , ( Tourneur,’) eft un morceau de bois
de hêtre ou de poirier, ou autre qui pulffe fe cou-
per net , qui fert à monter l’ouvrage fur le tour.
Voye^ Tour à lunette.

M ANDRERIE , f. f. ( yannier. ) les Vanniers fe
fervent de ce terme pour défigner tous les ouvrages
pleins, & d’oûcr leulcment , fans lattes ou cerceaux.

M A N

MANDRISE, (//i/7. nat.Bot.) arbre de l’île de
Madagafcar , dont le bois eft fort beau , il eft marbré
&. violet dans le cœur; fes feuilles font auffi petites
que celles de l’ébénier.

MANDSJADl, f. m. {Botan. exot.) arbre Indien de
Malabar, qui porte des filiques dont la fleur eft pen-
tapétale 6i. en épi ; fes filiques contiennent des fèves
noueules 6c de couleur d’écarlate : cet arbre eft un
des plus grands des Indes ; il ne donne du fruit qu’an
bout de io ans, & fubfifte 200 ans. On emploie fon
bois à plulicuis ouvrages domeftiques, & l’on mange
fes fèves bouillies, ou réduites en farine. Foj e:^ Ray.
{D.J.)

MANDUBIENS, les, {Géog. anc.) Mundubii,
dans Célar de Bello gall. iib. VU. cap. G8 . ancien
peuple de la Gaule ; Aléfia ctoit une de leurs villes.
On lait qu’Aléfia eft Alife en Bourgogne, dans le
Duefmois, quartier qui eft tout engagé dans le dlo-
cèfe de Langres , & qui dépend néanmoins du dio-
cèfe d’Autun. ( Z>. /. )

MANDUCATION, f. f. (^Gram.) c’cft l’adion
de manger : il eft de peu d’ulage. Voyei^ Manger.

MANDUCUS , (Littér.) eipece de manonette
hldeule ; lesRomains appellerent manducus certaines
figures on certains perlonnages qu’ils produifoient
à la comédie, ou dans d’autres jeux publics, pour
faire rire les uns, & faire peur aux autres. L’origine
du nom manducus vient de ce qu’on donnoit au
perfonnage qui jouoit ce rôle, de grandes joues,
une grande bouche ouverte, des dents longues 6c
pointues, qu’il taifoit craqueter à merveille. Les
enfans , au rapport de Suétone , en étoient fort ef-
frayés , & les mères leur en failoient un épouvantait.
Les hommes n’ont jamais lu fe conduire eux-mêmes,
ni conduire les autres par les lumières de la railon,
qui devroient feules être employées. ( Z>. /. )

MAN DU RI A, {Géog. anc. ) ville de la grande
Grèce, au pays des Sakntins. Pline liv.II. ch. ciij.
dit qu’il y avoit près de cette ville, un lac qui ne
décroiffoit ni n’augmentoit par les eaux qui y tom-
boient, ou qui en iortoient. Ce lac eft encore recon-
noiffdble à Ion ancien nom, on VdppeWe A ndoria ;
le nom moderne de Manduria eft Cafal-Nuovo , félon
Léandre. {D.J.)

MANÉAGE, i.m.^Com.Mar.) forte de travail
de main des matelots, dont ils ne peuvent deman-
der aucun falaire au marchand ; tel eft celui qui
confifte à charger des planches , du mairrein & du
poiffon, tant verd que lalé.

MANÈGE, f. m. {MaréchalL) art de dompter,
de difcipliner , & de travailler les chevaux, f^oye:^^
Cheval.

Le manège , pris dans toute fon étendue, embraffe
tout ce qui concerne la figure , la couleur , Tage , les
tempéramens èc les qualités des chevaux,, leur pays
refpedif & leurs climats, la manière de les nourrir
& d’en multiplier l’efpece, &c. les ufagcs auxquels
ils font propres, ioit la guerre , les haras, la felle
ou le labour, & les moyens de les rendre propres à
tous ces ufages. Il embrafle aufli la connoiffance
des défauts 6c des maladies des chevaux, des remè-
des qui leur conviennent, avec les diverfes opéra-
tions qui y ont rapport, comme écouer, châtrer,
ferrer, ce qui eft du reflbrt du maréchal, f^oye^
Maréchal, Ecouer, Châtrer, Ferrer, &c.

Ce mot fe dit de l’art de monter à cheval , ou de
manier un cheval avec avantage , non • feulement
dans les mouvemens ordinaires , mais particulière-
ment dans les dofl’es , airs, &c. Foye^ Manier,
DossES , Airs, &c.

Manège par haut. C’eft la façon de faire travailler
les lauteurs qui s’élevant plus haut que le terre- à-
terre, manient à courbettes, à croupades, à ballota-
Ues, F. CouKB6TT£S, Croupades, Ballotades.

^anégi

M A N

Manège. de guerre , efl le galop inégal, tantôt plus
écouté, tantôt plus éiciidi, clans lequel le cheval
change aiiément de main uans les occalîons où on
en a bcioin.

MANEQUïN, f. m. ( Cowct. ) ancienne mefure
dont on fe lervoit autrefois en Angleterre ; elle con-
tenoit huit balles ou deux cuves, autres meliires
angloifes. Ces mefures étoient des elpeces de pan-
niers d’ofier : on ne lait pas leurs reduâlons aux
jiiefures modernes. Dicllonn. de comniirce. (G)

Manequin ou Manne, (^Jardinage. ) eft une ef-
pcce de panier de gros oilcr, fait à claire voie;
ce peut être encore des paniers qui entourent les
racines d’ifs, d’ormes , de tilleuls, Si d’arbres à fruit,
refervés pour regarnir les places viiides d’un jardin.

La Quintinie veut que les arbres deflinés aux ef-
paliers foicnt un peu caches dans les mamquins ^
afin qu’ils fuivent l’inclination que l’on donne aux
autres plantes en efpalier , & qu’ils approchent plus
facilement de la muraille. Quant aux arbres de
haute tige ou en buiffon, ils ieront plantés droits
dans les mancquins.

Ils doivent être ronds , faits d’un ofier très-verd ,
leur profondeur & grandeur feront proportionnés
à la force des arbres.

Manequin, en Peinture , ftatue ou modèle de
cire ou de bois , dont les parties font jointes de fa-
çon qu’on peut la mettre dans toutes les fituations
qu’on veut. Sun principal ufage ell de jetter & aju-
fter des draperies : il y a des manequins de grandeur
naturelle &L au-deffous. Foye^^dans nos PL de Dej-
Jiin un manequin décailli.

MANES, 1. m. (^M^t/w/ogie.) divinités doniefti-
ques des anciens payens , & dont il paroît par leur
mythologie qu’ils n’avoient pas des idées bien fixes,
ce qu’on peut en recueillir de plus conflaté , c’eft
quefouvent ils les prenoient pour les âmes léparées
des corps, d’autres fois pour les dieux infernaux,
ou fimplement comme les dieux ou les génies tuté-
laires des défunts.

Quelques anciens , au rapport de Servius , ont
prétendu que les grands dieux céleiles étoient les
dieux des vivans ; mais que les dieux du fécond or-
dre , les rnanes en particulier , étoient les dieux des
morts ; qu’ils n’exerçoient leur empire que dans les
ténèbres de la nuit, auxquelles ils préiidoient, ce
qui , fuivant eux, a donné lieu d’appeller le matin
mane.

Le mot de mânes a auffi été pris quelquefois pour
les enfers en général, c’eû-à-dire pour leslieux lou-
tcrreins, oii le dévoient rendre les âmes des hom-
mes après leur mort , & d’où les bonnes étoient en-
voyées aux champs Elijccns , & les méchantes au
lieu des fupplices appelle le Tartare.

C’clt ainli que Virgile dit :

Hœc mânes veniet mi’iii fama fub imos.

On a donné au mot de mânes diverfes étymolo-
gics : les uns le font venir du mot latin manare, fortir,
découler, pnrce, dilént-ils, qu’ils occupent l’air qui
tll entre la terre &: le cercle lunaire, d’où ils def-
cendent pour venir tourmenter les hommes; mais fi
ce mot vient de manare , ne leroitce point plutôt
parce que les payens croyoient que c’étoit par le
canal des riuincs que découlent particulièrement les
biens ou les maux de la vie privée: d’antres le ti-
rent du vieux mot latin manu s y qui fignifie bon ^
& fuivant cette idée ils ne les confiderent que com-
me des divinités bienfaifantes qui s’intéreflent au
bonheur des humains , avec leiqucls elles ont fou-
tenu pendant leur vie des relations particulières,
comme leurs proches ou leurs amis. Un auteiu- alle-
mand , prévenu en faveur de (a langue, tire mânes
du vieux mot munn ^ homme, qu’il prétend être un
Tofiic X,

A N 11

mot des plus anciens , & qui vient de la langue
étrufquc. Or il dit que mânes fignifie des hommes
par excellence, parce qu’il n’y a que les âmes véri-
tablement vertueufes qui puiifent eipérer de deve-
nir, après la mort de leurs corps, des efpeces de
divinités, capables de faire du bien aux amis de la
vertu : niais la véritable érymologie du mot mams
fe trouve dans les langues orientales, & vient ians
doute de l’ancienne racine moun , d’où fe font
formés les mots chaidaïque & arabe, moan^ man ,
hébreux , figura , Jimuluudo , imago , phuntafma ,
idea , fpecics intilUd^ibids , forma imaginis cujujdam ,
dicitiir enim de rébus , tam corporaiihus quam ffiri »
tualibus ^pnfcrtim de Dco. F i d^ Kohcïi. Tlief. lins,
fanclœ. Ce Ibnt là tout autant de fignincations
analogues aux idées qu’on fe formoit des mânes ,
&C aux diverfes opérations qu’on leur attnbuOit.

De tous les anciens, Apulée ell celui qui, dans
fon livre ^eZ)êo5’ocram, nous parle le plus claire-
ment de la dodrine des mânes. « L’elpnt de l’hom-
» me , dit-il , après être foni du corps , devient une
» efpece de démons , que les anciens Latins appel-
» loient lémures ; ceux d’entre les défunts qui
» étoient bons , & prenoient loin de leurs deicen-
» dans , s’appelloient lares familiares ; mais ceux
» qui éioient inquiets, turbulens & malfaifans , qui
» épouvantoient les hommes par des apparitions
» nocturnes, s’appelloient larvce , & lorfqu’il étoit
» incertain ce qu’étoir devenue l’ame d’un défunt,
» fi elle a voit été faite lar ou larva, on l’appelloit
» mane>i , &c quoiqu’ils ne déïfîdffent pas tous les
morts, cependant ils établilîoient que toutes les
âmes des honnêtes gens devenoient autant d’efpe-
ces de dieux , c’efl pourquoi on lifoit fur les tom-
beaux ces trois lettres capitales D. M. S. qui figni-
fioient diis manibusfacrum. Je ne lais OÙ les compi-
lateurs du célèbre diftionnaire de Trévoux ont pris
qu’à Rome il étoit défendu d’invoquer les mânes y
s’ils avoient confuhé Fellus , il leur auroit appris
que les augures même du peuple romain éioient
charges du foin de les invoquer , parce qu’on les
regardoit comme des êtres bienfaifans & les pro-
tefteurs des humains; il paroit même que ceux qui
avoient de la dévotion pour les manjs , Se qui vou-
loient foutenir avec eux quelque commerce parti-
culier , s’endormoient auprès des tombeaux des
morts , afin d’avoir des fonges prophétiques & des
révélations par l’entremilé des mânes , ou des âmes
des défunts.

C’cft ainfi qu’Hérodote, dans Melpomene , dit
que les Nafamons, peuples d’Afrique , « juroient par
» ceux qui avoient été juftes 6c honnêtes gens,
» qu’ils devinoient en touchant leurs tombeaux, &c
» qu’en s’approchant de leurs (épulcres, après avoir
» fait quelques prières ils s’endormoient ,& étoient
» inllruits en fonge de ce qu’ils vouloient lavoir >^.

Nous verrons dans l’article de l’ob des Hébreux,
ce qui regarde l’évocation des morts 6i. leur préten-
due apparition.

Au refte, il paroît clairement par une multitude
d’auteurs , que les payens attribuoieiu aux âmes des
défunts, des elpeces de corps très ■ fubtils de la na-
tiu-e de l’air, mais cependant organifés, & capables
des diverles fondions de la vie humaine, comme
voir, parler, entendre, fe communiquer, palier
d’un lieu à un autre , ôw il femble même que fans
cette luppolîtion nous ayons de la peine à nous tirer
des grandes diiHcultés que l’on fait tous les jours
contre les dogmes fondamentaux & conlolans de
rimmortalité de l’ame, & de la refurcdion des corps.

Ch.icun lait que l’idée de corps, ou du-mouis de
figures particulières unies aux intelligences celelles ,
à la divinité même, a été adoptée par ceux des
thictlcns (|u’on appclloit Ar}tropomorphytci , parce

i8

M A N

qu’ils repréfentoient Dieu fous la figure humaine.

Nous Tommes redevables i\ cette erreur de je ne
fais combien de belles peintures du Fere- Éicrncl ,
qui ont imniortaliié le pinceau qui les a taitcs , dé-
corent aujourd’hui plulieurs autels , &L fervent à lou-
tenir la toi & la piéié des fidèles, qui fou vent ont
befoin de ce fecours.

MANETS ou APPLETS, terme di pêche. Foyei
Maquereaux.

MANFALU , ( Géog. ) les voyageurs écrivent ce
mot divcrfement , les uns Monfulu , il’autres Maiife-
lou , d’autres Monfcloiu , d’autres Momfallot , ÔCc.
Le fi&ur Lucas dit que c’eft une ville de conféquence
de la haute Egypte, fituée près du Nil à roucll;
qu’elle ell fermée de murs , que tous les bafars font
couverts , c’ell à-dire toutes les rues ; & que la plu-
part des habitans y travaillent en toiles. On la donne
pour être la capitale d’un des vingt-quatre gouver-
hemens de l’Egypte, & la réfidence d’un bey. Le
grand feigneur y tient des janiflaires & des fpahis en
garnifon , pour empêcher les incurfions des Arabes.
Elle eil à cinq lieues au-delfous de Siouth. Long, ^c, ,
:iy , lut. 16 , 60. {D.J. )

MANFREDONIA, ( Géog. ) petite ville d’Italie,
au royaume de Naples , dans la Capitanate, au pié
du mont Saint-Ange , avec un archevêché. Elle a été
bâtie en 1156 par Mainfroi , bâtard de l’empereur
Frédéric II. & s’eft accrue des ruines de l’ancienne
Siponie qui en étoit à un mille. Les Turcs la prirent
en 1620, & l’abandonnèrent après y avoir mis le
feu. Elle eft fur le golfe de même nom , connu des
Latins fous le nom (\eJîpontinus finus , à 1 5 lieues
N. de Cirenza , zo N, O. de Bari , 40 N. E. de Na-
ples. long. 2>2> y 3^ y lat.41 ,jo.(^ D.J.)

MANGABA , f. m. {Hijl. nat. Bot.) grand arbre du
Brefil, qui ne fe trouve qu’aux environs de la baie
de tous les Saints. Il a 1 ecorce du hêtre & la feuille
du frêne. Ses feuilles font toujours vertes , & il ne
s’en dépouille jamais. Il porte du fruit deux fois par
année ; fcs boutons font bons à manger , quand ils
s’ouvrent il en fort une fleur femblable au Jafmin ,
& qui ne lui cède point pour l’odeur. Le fruit elî
jaune & tacheté de noir, il renferme des pépins qui
fe mangent avec l’écorce ; le goût en eft charmant,
& ce fruit eft d’une facile digeftion. Les Brafdiens en
font une liqueur femblable à du vin. Ses feuilles &
fon fruit, avant d’être mûr, donnent une liqueur
laiteufe , amere & vifqueufe.

MANGAIBA, f. m. ( Botan. exot.) arbre du Bre-
fil, prunifere , à fruit de figure arrondie, contenant
un grand nombre de graines. Cet arbre très-beau
fleurit au mois d’Août, & eft chargé de fruits pen-
dant neuf mois de l’année. Il fe multiplie tellement
qu’il remplit des forêts. Il eft grand comme un de
nos pruniers , &c fe cultive dans les terres grafles.
Ses feuilles font petites , oblongues , dures , ran-
gées l’une vis-à-vis de l’autre, fur une branche qui
en porte plufieurs. Elles font d’un beau verd , mar-
quées dans leur longueur de plufieurs filions para-
lelles , très-menus. Ses fleurs font petites , blanches ,
fort odorantes, & en étoile , comme celles du jaf-
min. Son fruit cft rond, reflemblant à un abricot,
de couleur dorée , mélangée de taches rouges. Il eft
couvert d’une peau fine , &c contient une pulpe moël-
leufe , fucculente , fondant dans la bouche , d’un
goût délicieux , contenant cinq ou fix petites grai-
nes jaunes. Il achevé fa maturité après être tombé
de l’arbre. Si on le cueille avant le tems , il a un
goût ftyptique , amer , & eft aftringent ; mais quand
il eft mûr, il humcQe, appaife l’ardeur de la fièvre,
&: îâche le ventre ; voye^Pifon , Marcgrave & Ray.
{D.J.)

MANGALIS, f. m. (Co/w/n.) petit poids des Indes
orientales qui pefe environ cinq grains. On ne s’en

M A N

fert que pour pefer les diamans , les émeraudes &
les autres pierreries fe pefant par catis de trois
grains chacun. Le m an galis eu différent du mangelin.
Foye::^ ci-après MaNGELIN. Diclionn. de Comm. (G’)

MANGALOR o« MANGUELOR ,( Géog. ) ville
de l’Inde fur la côte de Malabar , appartenant au roi
de Banguel. Lorig. jpa , 4^ , lat. /j , 6 , félon lesPP-
Thomas & Clava , jéfuites. {D.J.)

MANGANESE, MAGALAISE , MAGNÉSIE,
M AGNÈS E , (. f. ( Hijî. nat. Minéralogie. ) rnagne-
yw, fubftance minérale aflcz femblable à l’aimant;
elle eft d’un gris noirâtre, compofée à l’intérieur de
ftries comme l’antimoine , (ans que la maflé totale
ait une figure régulière & déterminée. Wallerius en
compte quatre elpeccs ; favoir , 1°. la manganefc
ou rnagnejle compade ou folide, la nianganefc ftriée ,
la mangancfc par écailles , & la manganejc dont les
parties ibnt cubiques. Quelques gens ont diftingué
la manganejc en mâle & en femelle, mais la diffé-
rence étoit uniquement tondée furie plus ou le moins
de longueur des ftries dont elle étoit compofée.

Cette fubftance fe trouve en Piémont; il s’en
rencontre aufli en Styrie, en Mifnie , en Bohème,
en Siléfie , en Norvège & en Angleterre , &-c. Quel-
ques auteurs françois femblent avoir confondu la
manganeje avec le pcrigueux qui eft une pierre noire ;
d’autres l’ont confondue avec le cobalt ou le (affre.
Henckel &i Wallcrius ont cru que la munganefe étoït
une mine de fer qui en contenoit très-peu à la véri-
té ; mais M. Pott a fait voir dans les mijcellancabero-
lincnjla , année /740 , que cette fubftance pure ne
contient pas le moindre atome de fer , & lorfqu’il
s’y en trouve ce n’eft qu’accidentellement , & ce
métal n’eft point efl’entiel à fa compofition. ^oy^^la
Lithogéognofie , tome II. p. 2J/.

Le plus grand ufage de la manganefe ou magncjic eft:
dans les verreries ; on s’en fert pour nettoyer le
verre , & le dégager de la couleur verte qui lui eft
très-ordinaire , voilà pourquoi on l’a quelquefois
appellée lefavon du verre. Mais pour que la manga-
nefe produife cet effet , il faut avoir grand foin de
prendre un jufte milieu , & de n’en mêler ni trop , ni
trop peu, à la fritte, c’eft-à dire, à la compofition
du verre ; en effet , en en mettant trop , le verre de-
viendroit d’une couleur brune & enfumée , en en
mettant trop peu, il feroit trop blanc ; c’eft de-là ,
fuivant M. Henckel , que vient la différence qui fe
trouve entre le verre de Venité , qui eft ordinaire-
ment noirâtre parce qu’on y fait entrer trop de man-
ganefe , & le verre de Bohème qui eft blanc comme
du cryftal. II faut auflx obferver de laifl’er le verre
afîez long- tems en fufion , pour que \à manganefe ?àx.
le tems de le nettoyer ôc de le déban-affer parfaite-
ment de fa verdeur. Avant que d’employer cette
fubftance à cet ufage on aura foin de la calciner, ou
de la griller parfaitement pour la dégager des matiè-
res étrangères qui pourroient nuire à la couleur du
verre. En mêlant une certaine quantité de cette man-
ganefe grillée avec du verre , on pourra lui donner
une couleur d’un très beau rouge. Les potiers fe fer-
vent aufti de la manganefe pour donner un vernis ou
une couverte noire à leurs poteries.

Les Alchimiftes , accoutumés à pervertir toutes
les dénominations , ont donné le nom latin de ma-m
gnefla à plufieurs lubftances qui n’ont aucun rapport
avec celle que l’on vient de décrire. C’eft ainfi que
Rulandus dit que la magnéfie ejl la même chofe que la
marcaffite , quife combine avec le mercure & qui forme
avec lui une majj’e blanche & caffante ; dans un autre
endroit il dit que c’eft la matière de la pierre philofo-
phalt , enfin il la confond avec le bifmuth. D’autres
auteurs ont entendu par-là le mercure tant véritable
que celui des métaux ; d’autres ont défigné fous ce
nom le cobalt &c la pyrite, f^oye^la. Pyrithologie ^ ch; ijt

M A N

Il ne faut point confondre la fiibftanCe dont il s’a-
git ici avec celle que les Chimiftes appellent magne-
Jia ou magnéjie blanche , qui ell un produit de l’art.
Foyei Magnésie. ( — )

MANGARZAHOC , f. m.(^//?./24;.)grandanimaI
quadrupède de l’ilede Madagafcar , que l’on regarde
comme un onagre ou ânefauvage, ôi qui fait braire
comme lui.

MANGAS , f. m. ( Hlfi. nat. Bot.) fruit des Indes
orientales, qui eft très-commun dans l’île de Java.
Son goût furpaife celui de nos meilleures pêches ;
l’arbre qui le produit reffemble à un noyer , mais
dont les branches font peu touffues & chargées de
feuilles. Ce fruit eft oblong , d’un verd jaunâtre , ti-
rant quelquefois furlerouge; il renferme un noyau
très-amer, mais qui rôti fur les charbons , ou confit
dans dufucre perd fon amertume ; on vante fa vertu
contre le flux de fang & contre les vers. Il y a en-
core une efpece de mangas , que l’on regarde com-
me un poifon très-fubtil.

MANGAS£JA,(GVon’.) Le Brun écrit Mungafeja ;
ville de l’empire rulfien dans la partie feptcntrionale
delà Sibérie , dans la province de Jenifcéa, fur la
droite de la rivière de Jenifcéa vers le cercle polaire ,
au 105 degré de longitude. (^D. J.’)

MANGELIN , f. m. (^Commerce. ) poids dont on
fe fert pour peler les diamans aux mmes de Raolcon-
da &deGani , autrement Coulours. Le mangelinAc
ces deux mines pefe un carat ou trois quarts de carat,
c’eft-à-dire , fept grains. Il y a aufïï dans les royau-
mes de Golconda & de Vil’apour des mangdins qui
pefent un carat & trois huitièmes de carat. Les ot^/:-
gd’ins de Goa dont fe fervent les Portugais, ne pefent
que cinq grains. On les nomme plus ordinairement
mangalïs. f^ojei MangaliS. Diciionnaire de Commcr-
cc.{G)

MANGEOIRE ou CRECHE , f. f. ( MaréchalUre. )
auge des chevaux qui eft appliquée fous le râtelier ,
où l’on met l’avoine , le fon , ou autre chofe qu’on
leur donne à manger. On met des anneaux de fer de
diftanceendiftance au-devant ou à la devanture de
Ja mangeoire en- dehors , dont les uns fervent à atta-
cher les longes du licou de chaque cheval , & les au-
tres à arrêter les cordes d’un bout des barres qui lé-
parent les chevaux les uns des autres. Devanture de
mangeoire j c’en l’élévation ou bord delà mangeoire
du côté du poitrail des chevaux. Enfonqure de la
mangeoire , eft le creux ou le canal de la mangeoire ,
dans lequel on met le fon , l’avoine, &c.

MANGER , verbe ou f. m. ( Méd. Diète.) fe dit de
l’aftion de prendre des alimensfolides pour fe nour-
rir : cette adion fe fait par l’intrufion dans la bouche,
fuiviede lamaftication, de la déglutition & de la
digeftion.

On ne peut pas dire que ce foit manger^ que de
prendre par la bouche & d’avaler même des matiè-
res qui ne font pas fufceptibles d’être digérées : ainfi
ce n’eft qu’improprement qu’on peut dire de quel-
qu’un , qu’il mange de la terre , de la craie , des
pierres, du charbon, &c. parce que ces différentes
matières ne peuvent être priles comme aliment : il
n’y a que celles qui font alibilcs,qui Ibient la matière
du manger , comme les fluides convenables lônt
celle du boire : quoiqu’on dife aufli très-impropre-
ment que l’on boit du fang , de l’urine , Oc. c’clf ,
dans l’un & l’autre cas, pour exprimer que l’on
prend ces différentes chofes par la bouche , & que
l’on les avale par le même méchanifmc qui fert A
manger & à boire. A’oyf^ Aliment , Nouhkiture,
Mastication, Déglutition, Digestion.

Le manger 6c le boire font une des lix choies
qu’on appelle , dans les écoles, non-naturelles. Voye:^
NON-NATURELI.FS , cliofcs ., HyGIENI. , RlGlME.

Mangi’K. ( Manne. ) Ce terme n’cll en uf.igc
Tome X.

M A N

19

qu’au pafTif. On dit être mangé parla mer , pour dire
que la rner étant extrêmement agitée entre par les
hauts du vaiffeau , fans qu’on puifîè s’en garantir.

Manger du fable : avoir mangé du fable. Cela fe
dit du timonnier qui , étant au gouvernail , a fecoué
le fable de l’horloge pour le faire paffer plus promp-
tement , ou qui a tourné le fablier trop-tôt & avant
que tout le fable foit paffé.

MANGERA , ( Géog. ) petite île de la mer du
Sud , entre les terres baffes du golfe d’Anapalla &
la pointe de Cafwina ; on lui donne environ deux
lieues de circuit; elle n’a qu’un bourg habité par des
Indiens. {D.J.)

MANGEUR DE FOURMIS , PL FI. fig. 3.
( HLJi. nat. ) voj-e^FoURMiLLlER.M. Briffon diftin-
gue quatre efpeces Ac fourmillier. 1°. Lq fourmillier
à la defcription duquel nous renvoyons, & qu’il
a\>\^e\\e fourmillier tamanoir ^ voyei FoURiMILLIER.
^°-^^fi’^ » »^^^^^^ » ^’^mandua-i c^m eft plus petit de
moitié que \q fourmillier tamanoir ; fa queue eft pref-
que rafe , la tête , les jambes , les pies , la queue &
toute la partie antérieure du corps font de couleur de
pallie ; la partie poftérieure a une couleur brune ,
roufl’âtre, qui couvre la poitrine tranfverfalement ,
qui paffe fur les côtés & s’étend jufque fur le dos :
cet animal fe trouve dans la Guyane & au Brefil. 3*.
Lq fourmillier à longues oreilles ; il a trois doigts aux
pies de devant & un à ceux de derrière. L’ongle
du doigt du milieu des pies de devant eft beaucoup
plus long que les autres; les oreilles font longues &C
pendantes ; le corps eft couvert de longs poils d’un
châtain clair en-defTus , & d’un brun plus foncé en-
deffous : ce fourmillier eft dans les Indes occidentales*
4°. Le petit fourmillier ; il n’a qu’environ quinze pou-
ces de longueur depuis le bout du mufeau julqu’à
l’extrémité de la queue qui eft plus longue que le
corps & la tête. Il n’a que deux doigts aux pies de
devant & quatre à ceux de derrière; l’ongle exté-
rieur des pies de devant eft très-grand. Le poil eft:
doux comme de la foie, & de couleur jaunâtre mê-
lée de gris. Cet animal fe trouve dans la Guyane.
Foyei le règne animal , &c. pag. ai & fuiv. Foye^
Quadrupède.

Mangeur de feu , {Hijl. mod.) Nous avons une
grande quantité de charlatans qui ont excité l’atten-
tion & l’étonnement du public en mangeant du feu ,
en marchant dans le feu , en fe lavant les mains avec
du plomb fondu , &c.

Le plus célèbre eft un anglois nommé Richardfon,
dont la réputation s’eft étendue au loin. Son fecret ,
qui eft rapporté dans \e journal des Savansde l’année
lù’So , conlîftoit en un peu d’efprit de foufre pur
dont il le frottoit les mains & les parties qui étoienc
deftinées à toucher le feu ; cet efprit de foufre brû-
lant l’épiderme , endurciflbit la peau &: la rendoit
capable de rélifter à l’adion du feu.

A la vérité ce fecret n’eft pas nouveau. Ambroife
Paré nous afl’urc qu’il a éprouvé par lui-même qu’a-
près s’être lavé les mains dans fa propre urine ou
avec de l’onguent d’or, on peut en fureté les laver
avec du plomb fondu.

Il ajoute qu’en iè lavant les mains avec le ju<; d’oi-
gnon , on peut porter deffus une pelle rouge, tandis
qu’elle tait dilliller Uu l.ird.

M.UMGEURES , 1′. f ( réncric. ) ce font les pâtu-
res des loups & lani^liers.

MANGI, (Gif’g-) contrée de l’Aile à rextrcmité
orientale du continent. Marco Polo , vénitien, nous
donne une idée charmante de les habitans. Le Mangi
ell la partie méridionale de la Chine , comme le Ca-
th.ii eft la i)anie lé[)tentrionale. (Z>. J. )

MANCiLE, f ni. (Z^oMw.) genre de plante ;\ fleur
nionopétale en forme d’entonnoir , tiibulée & pro-
fyndeincnt dcvoupée, do même que le calice, du-

Ci,

ao M A N

quel ion le plftil qui eft attache à la partie inférieure
do la fleur comme un clou , & qui devient dans la
luitc un Iruit charnu en forme de poire renverlée ,
doii il fort une femence rclfcmblant à un tufeau. La
tête de cette lemcnce eft renfermée dans le truit &c
couverte d’une coelTe charnue, numicr, nova p Une.
amer. gai. f^ojci Vlant^. .

Celt un arbre très-commun fur les rivages de la
mer fituée fous la zone torride , principalement le
lonc des eûtes de la nouvelle Efpifgne en Amérique
& aux îles Antilles. On en compte de trois lortes ;
lavoir le blanc , le rouge & le noir , qu’on nomme
aufli palétuvier; c’clt de ce dernier dont on parlera ,
les deux autres pouvant être regardés comme des
efpeces différentes , tant par la figure que par la qua-
lité de leur bols , & même par leurs propriétés.
Voyei lesamc/eiMAHOTS é-RAlSINIER.

Le mangle ou palétuvier ne croît jamais que dans
les marécages du bord de la mer , & prefque tou)Ours
vers l’embouchure des rivières. Ses feuilles font ob-
longues , fort unies , lifles & d’un verd gai ; fon bois
e!t dur , pefant , aflez liant , ayant les fibres longues
& ferrées : il elt rare de le trouver roulé ou vicié.
Sa couleur eft d’un brun un peu rougeâtre : le grain
en eft fin & fort égal. Cet arbre ne s’élève guère
au-defTiis de 25 pies, & fon diamètre n’excède pas
ordinairement 1 5 à zo pouces ; il eft couvert d’une
peau médiocrement épaiffe , très – unie , fouple &
d’une couleur grife tirant fur le brun;fes branches font
flexibles ; elles s’étendent autour de l’arbre & pouf-
fent une multitude de jets aflez droits , fe dirigeant
vers le bas en continuant de croître jufqu’à ce qu’ils
aient atteint le fond de la mer ou du marais , où ils
produifent un grand nombre de groffes racines qui
s’élèvent de plufieurs pies au-defl’us de la furface de
l’eau , s’entremêlent les unes dans les autres , fe re-
courbent en arc vers le fond , & pouflent de nou-
velles tiges & de nouveaux jets qui par fuccefîion
de tems continuent ainfi à fe provigner de telle for-
te , qu’un feul arbre forme une efpece de forêt fort
épaifle qui s’étend quelquefois à cinq & fix cens pas
dans la mer: ces endroits font toujours remplis d’une
ptodigieufe quantité de bigailles , c’eft ainfi que les
habitans du pays nomment en général toutes les dif-
férentes efpeces de petites mouches parafites qui
rendent le voifinage des manglards & des mahotieres
prefqu’inhabitable. ^oy*;^ Maringoin , Varreux
6- Moustiques.

Les racines & les branches qui baignent dans la
mer font chargées d’une multitude innombrable de
petites huîtres vertes qui n’excèdent guère la gran-
deur des moules ordinaires : leurs écailles font baro-
ques, inégales , difficiles à ouvrir , mais l’intérieur eft
irès-dclicat &c d’un goût exquis.

Quoique le mangU ne vienne jamais bien gros,
fon boispourroit cependant être employé à dilferens
ouvrages ; il eft franc , fans nœuds ni gerçures ; il fe
travaille très-bien fans s’éclater , & il fe conferve
dans l’eau. On en fait quelquefois des courbes &
des membrures pour des petites barques ôc des
canots. M. le Romain.

M ANGONNEAU,f. m. ( Art milit. ) vieux mot qui
fe difoit autrefois des traits & des pierres qui fe jet-
toient dans les villes aftiégées par le moyen des
baliftcs & des catapultes , avant l’invention de la
poudre. Ce mot s’appliquoit tant à la machine
qu’aux pierres qui étoient lancées par fon moyen.

« On voit , dit le P. Daniel , dans fhijloirc de la
» milice françoiji , les mangonneanx mis en ufage fur
w la fin du règne de Charles V. cinquante ans après
» qu’oncut commencé aie lervir du canon en France.
» On les voit encore bien avant dans le règne de
♦» Charles VL où avec les bombardes ou canons , il
» eft fait mention de ces autres machines fous le nom

M A N

» CCenglns. Les engins & bombardes , dit Jean Ja-
» vénal des Urfms en parlant du fiége de Ham que
» le lire Bernard d’Albret défendoit contre Jean duc
» de Bourgogne , furent ajfis & tiraient bien chaude-
» ment. On jettoit , dit-il plus bas , dans la ville di
» Bourges ,par le moyen des engins , grojfes pierres qui
» faij’oient beaucoup de mal aux habitans ».

■ MANGOREIRA , f. m. (Hi/l. nat. Bot. ) arbrif-
feau des Indes orientales qui ne fe trouve que dans
rindouftan. C’eft une efpece de jafl’emin dont les
fleurs font blanches , on les nomme mangorins : leur
odeur eft plus douce que celle du jafl! »emin, qui d’ail-
leurs n’a que fix feuilles , tandis que les mangorins en
ont plus de cinquante.

MANGOUSTAN, f. m. {Bot. exot.’) arbre pomifere
des îles Moluques, mais qu’on a tranlporté dans celle
de Java , & dont on cultive auffi quelques pies à Ma-
lacca , à Siam, aux Manilles & ailleurs. Il a la touffe
fi belle , fi régulière , fi égale , qu’on le regarde ac-
tuellement à Batavia comme le plus propre à déco-
rer un jardin. Il eft vraiflemblable que s’il pouvoit
vivre dans nos climats,il ne tarderoit pas à y paroître
& ày détrôner les maronniers d’inde : fon fuccès fe-
roit prefqu’aflùré par la feule bonté de fon fruit , qui
eft agréable, fain,hume£lant & rafraîchiffant ; enfia
fon écorce a les mêmes vertus que celle de la grenade:
elle eft très reflerrante , & l’on pourroit l’employer
à tanner les cuirs. Tout concourt donc à rendre ici
quelques honneurs à cet arbre étranger , en le décri-
vant de notre mieux.

C’eft un arbre grand , gros , touffu & branchu ;
fes feuilles font longues de fix à fept pouces , larges
de deux , d’un beau verd ; elles font coupées par
diverfes nervures , dont les unes font un double
rang , qui partant de la queue vont par les bords fe
réunir à la pointe , tandis que d’autres fe rendent du
milieu aux extrémités.

La fleur eft compofée de quatre petits pétales
verds aflez épais, & arrondis par l’extrémité : ils ne
tombent point ; mais quand ils viennent à s’ouvrir ,
ils découvrent les premiers rudimens du fruit qui
commence à fe former, lui reftent toujours attachés
par le bas , & lui fervent comme de foutien.

Ce fruit s’appelle mangoufian ainfi que l’arbre, &
même les voyageurs qui ne font pas botaniftes n’en-
tendent que le fruit fous ce nom. Il eft parfaitement
rond & gros comme une orange ; fon écorce eft grile
& quelquefois d’un verd obfcur femblable à celle de
la grenade , un peu amere, épaiflTe d’une ligne , rouge
en-dedans , jafpée & fiUonnée de filets jaunes. Elle
eft couronnée de petits rayons qui viennent fe ren-
contrer enfemble & fe terminer en pointe.

La chair ou pulpe du fruit eft blanche, tendre,’
aflez femblable à celle de l’orange , d’un goût doux
fort agréable, & approchant de celui des framboifes.
Elle eft compofée de plufieurs lobes qu’on peut fé-
parer les uns des autres comme ceux des oranges,
quoiqu’ils ne foient pas enveloppés de pellicules. Il
y a autant de lobes que de rayons à la couronne , or-
dinairement fix ou fept.

On trouve dans les gros mangouflans parfaitement
murs, une amande verte en-dehors & blanche en-
dedans , aflez infipide , ce qui fait qu’on la rejette
ordinairement fans la manger ; mais dans les petits
mangouflans qui ne font pas bien mûrs, cette amande
n’eft qu’un germe fort tendre qui fe mange avec le
refte.

Ce fruit eft très-eftimé , parce qu’il eft délicat ,
agréable au goût , plein de fuc , & qu’il raffraîchit.
Les européens qui ne font pas faits à l’odeur du du-
rion , donnent au mangoufian le premier rang parmi
les fruits des Indes. On fait de la décoûion de fon
écorce une tifane aftringcntc qu’on prelcrit pour
arrêter le cours de ventre.

I

A N

Il y a une efpece de mangoujUn fauvage d’Amcrique
que les Portugais appellent mato , moins beau que le
vrai mangoufian^bi. dont le fruit n’eft pas bon à man-
ger. {D.J.)

MANGOUSTE, ichnmmon , (. f. (^Hiji. nat.’) animal
quadrupède qui a , depuis le bout du mufeau jufqu’à
l’origine de la queue, un pié neuf pouces de longueur,
celle de la queue ell d’un pié & demi. La mangoujlevi
les jambes de derrière un peu plus longues que celles
de devant , les oreilles très-courtes , larges 6c arron-
dies , la queue grofle à fon origine & terminée en
pointe. Le ventre eil: d’un roux jaunâtre, tout le refte
du corps a des poils variés de noirâtre & de blanchâ-
tre. On trouve cet animal en Egypte. Foye-^ le règne
animal de M. Briflbn. La mangoujh ell fort agile &
fi courageufe , qu’elle ne craint pas de fe battre con-
tre un grand chien ; elle a le mufeau fi effilé , qu’elle
ne peut pas mordre les corps un peu gros. Elle fe
nourrit de limaces, de lézards , de caméléons, de
ferpens , de grenouilles, de rats , &c. &. elle recher-
che par préférence les poules ik les pouffins. On
l’apprivoife & on la garde dans les maifons comme
un chat. Les Egyptiens lui donnent le nom de rat de
Pharaon. Rai. jynop. anim. quadr. Feye:^ Quadru-
pède.

MANGRESIA , ( Géog. ) ville de Turquie en Na-
tolie , dans l’Aidia – ili , fur le Madré , au pié des
montagnes, à 70 milles de Smyrne. C’eft laMagnélie
du Méandre des anciens. (2?. 7. )

MANGUE , f. m. (^Bot. exoc.^ arbre étranger nom-
mé mangas ,Jive amba par J. B. 173. arbor mangifera
de Bontius 95. Jouf. dendre 72. mar ^ five mau H. M.
4. I.tab. 1.2. manga indica^fruclu magno , rétif or mi
Ray, H. 2. 1550. Coxnmc\Jlor. mal. i. 170.

On diftingue le mangue cultivé & le fauvage.

Le mangue cultivé eft un grand arbre de 40 pies de
haut , & de 1 8 ou 20 pies de diamètre , étendant fes
branches au loin à la ronde , toujours vcrd , & por-
tant du fruit deux fois par an , depuis fix ou fept ans
jufqu’à cent. On le multiplie , foit en greffant, foit
en le femant , dans le Malabar, à Goa , à Bengale ,
à Pégu , & dans pluficurs autres contrées des Indes
orientales. Son fruit elt d’une figure ronde , oblon-
gue , plate , tant foit peu recourbé ou creufé par les
côtés, fait en forme de rein , plus gros qu’un œuf
d’oie , poli , luifant , d’abord verd , marqueté de
blanc , tirant enfuitc fur le jaune , enfin d’une cou-
leur d’or. Sa pulpe efl: jaunâtre &fucculente , aflez
fcmblable à celle de la poche ou plutôt de la prune,
<l’abord acide , enfuite aigre , douce & agréable au
goût. Elle contient un noyau oblong, comprimé ,
lanugineux, dur, tenace quoique mince, & renfer-
mant une amande calleufe, oblongue , aflez fembla-
hle au fruit qui porte parmi nous le même nom , de
la même grofleur , & d’un goût tant foit peu amer
& aflez agréable.

Il y a différentes fortes de ce fruit , comme nous
avons différentes pommes & poires ; il fe divcrfifie
félon les contrées d’où il vient. L’efpccc qui eft fans
noyau & qui eft très-agréable au palais , paffe pour
un caprice de la nature ou pour un fruit qui dégé-
nère. On le coupe par morceaux , & on le mange
crud ou macéré dans du vin : on le conlcrvc auifi
confit. Les Indiens l’ouvrent quelquefois avec un
couteau & le rempliflent do gingembre nouveau ,
d’ail, de moutarde <k. de fcl , pour le manger avec
du riz ou comme ^cs olives dans leur faumure.

Le mangue fauvage cil: plus petit que le domofti-
que : fes feuilles font plus courtes &. plus épaiflès ;
fon fruit crt gros comme un coing , de couleur verte
& refplendiflantc , peu charnu , empreint d’un fuc
laiteux &. venimeux. Son noyau eft fort gios &
dur. Les Portugais appellent ce iVuit mangas bravas.

M A N ,11

MANGUERA,f m.(^i/?. /E^^r.^^/.) arbre des In-
des orientales qui eft de la hauteur d’un grand poirier,
mais fes feuilles font plus grandes & plus minces.
Son fruit efl verd à l’extérieur, fa chair eft d’un blanc
jaunâtre ; il eft fort pefant &furpendu par une queue
très-longue: on l’appelle mangue ou mangoué. Tous
les voyageurs difent que fon goCit eft délicieux. Le
tcms de la maturité eft dans le mois d’Avril , de Mai
& de Juin. On le cueille verd pour le la:fl »er mûrir
dans les maifons. On le confit , foit dans du fucre ,
foit dans du vinaigre ; on fait , avec celui qui a été
confit de la dernière façon , des falades que l’on
nomme achar.

MmWkTAU,{Géog. ) les François difent Man.
hâte ; île de l’Amérique leptentrionale , fur la côte de
la nouvelle Yorck, entre l’île Longue 6c le continent ,
à l’embouchure de la rivière Hudfon, qui a pris fori
nom de Hudfon, navigateur anglois , qui la décou-
vrit en 1609.

MANHARTZBERG , {Géog.) contrée d’Allema-
gne entre la haute Autriche , la Bohème , la Hon-
grie & le Danube. C’eft la partie feptentriorale de
la bafle Autriche.

MANHEIM , ( Géog. ) en latin moderne Manhe^
mium , ville d’Allemagne dans le bas Palatinat , avec
une citadelle & un palais où l’éieaeur Palatin fait
fouvent la réfidence. Les François la prirent en
1688 6c en démolirent les fortifications , mais on
les a relevées. Mankeim eft au confluent du Necker
& du Rhin , à 4 lieues N. E. de Spire , 3 O. d’Hei-
delberg. Long. 26′. 8. lat. 4^, 2.S. {D. J.)

MANI , f. m. ( Hijl. mod. ) titre qu’on donne dans
le royaume de Loango en Afrique à tous les grands
ofiicicrs , aux gouverneurs & aux miniftres du roi.
Le mani-bomma eft le grand amiral ; le mani-mambo
eft le général en chef& gouverneur d’une province;
le mani-beloor eft le chef ou le furintendant des for-
ciers & devins ; le mani-bellulo eft une efpece de fou-
verain indépendant ; le mani-canga eft le chef des
prêtres ; le mani-matta eft le capitaine des gardes du
roi , (S’c.

Mani , ( Géog.) ce mot dans la baffe Guinée veut
dire le feigmur ^ le roi de Congo. Quelques auteurs,
faute de lavoir la fignification du mot mani , ont fait
du Congo 6c du Manicongo deux états de la baffe
Guinée différons l’un de l’autre. {D. J.)

MANIA , f. f. ( Mytfwl. ) divinité romaine. Elle
paffoit pour la mère des dieux lares, qui prehdoient
aux carrefours , lares compitalitii. On lui oflroit le
jour de fa fête , qui étoit le même que celui de fes en-
tans , des figures de laine, en pareil nombre qu’il y
avoit de perfonnes dans chaque famille ; on la prioit
de s’en contenter , 6c d’épargner les perfonnes qui
lui rcndoient cet hommage. {D.J.)

Mania , ( Géog. anc. ) ville de la Parthic , feloti
Pline, Le P. Hardouin croit que ce peut être la Zania
de Ptolomée ou la Genonia d’Ammicn Marcellin.

M ANJA , f. m. {Corn. ) poids d’ufage en quelques
endroits de la Perfe , mais fur-tout dans le Servant
& aux environs de Tauris. Il pefe douze livres un
peu légères. C’eft au munja que fe vend lepugnas ,
racine propre à la teinture.

xM ANl ABLE , adj. ( Gram. & art. rnéchun. ) qui fe
manie facilement , ou qui fe prête facilement à l’ac-
tion de la main. On dit d’un drap qu’il eft doux , &
maniable-^ d’un Cuir ou d’une peau bien travaillée ,
qu’elle c^ maniable ; d’un fer , loriqu’il eft refroidi ,
qu’il eft maniable : alors maniable a une acceptioa
diftérentc ; il défigne qu’on peut toucher fans le blef-
1er. Maniable le prend aulfi au moral , îk l’on dit
d’uM homme d’une humeur difficile , qu’il n’cft pas
maniable.

MANJAPUMERAM, f m. {Bot. cx<n.) grand arbre
des Indes occidentales , que nousnoconnoiflbns qn«

ai M A N

par le nom qu’on lui donne clans le pays. Ses fleurs
iont d’un blanc UVau , & ont l’odeur du miel. On la
rccu.dlo (olgneulcment , & on en tait une eau diitil-
Ice pour les maux des yeux. ( -O. y. )

MANIAQUE, r. m. ( Gmm. ) qui eft attaque de

MANIBELOUK, (H^/l ‘ »od.) c eft le nom
qu’on donne dans le royaun.c de Loango en Atri-
que au premier miniftre du royaume , qui exerce
un pouvoir abfolu , & que les peuples ont uroit
d’élire fans le confentement du roi.

MANICA, ( Géog. ) contrée d’Atnquc dans la
Cafrerie. Il v a royaume , rivière , ville 6l mines de
ce nom. La rivière eft la même que celle de Laurent
Marc’uez. Elle a la fourcedans les montagnes de Lu-
para! vers les 42. 30. ck longu. & par le 20. de
lut. méridionale ; elle fe perd dans un petit golte ,
qui forme file d’Inhaqua. Le royaume s’étend à l’o-
rient 5c au nord de cette rivière. Le roi du pays s’ap-
pelle Chicanga. Manïui ou Mugrudi eft fa ville capi-
tale , & la feule qu’on connok. Au midide cette ville
font des mines d’or , connues fous le nom de nûms
de Manica. (^ D.J,^

M ANICABO , ( Giog. ) ville des Indes , fur la côte
occidentale de l’ile de Sumatra , entre Priaman au
nord , &: Indrapoura au midi. Il croît aux environs
beaucoup de poivre. Latit. mcridïon.i. ( D. J. )

MANICHÉISME, f. m. ( Hifl. ccdcj\ Métaph.)
Le Manichcifmc eft une fecte d’hérétiques , fondée
par un certain Manès , peifc de nation , & de fort
baffe na:fl »ance. Il puifa la plupart de fes dogmes
dans les livres d’un arabe nommé Scythion. Cette
fede commença au troifiemc fiecle , s établit en plu-
fieurs provinces , &; fubfifta fort long-tems. Sonfoi-
ble ne confiftoit pas tant dans le dogme des deux
principes , l’un bon & l’autre méchant , que dans les
explications particulieresqu’elle en donnoit , & dans
les conféquences pratiques qu’elle en tiroit. Vous
pourrez le \oix à^nsVhifioirc cccUJiaflique de M. l’ab-
bé Fleuri , & dans le duiionnaire de Bayle, l’article
des Manichéens , & dans Vhijhin des variations de M.
deMeaux.

Le dogme des deuxprincipes eft beaucoup plus an-
cien que Manès. Les Gnoftiques , les Cerdoniens ,
les Marcionites & plufieurs autres fcdaires le firent
entrer dans le Chriltianiline, avant que Manès fît par-
ler de lui. Ils n’en furent pas même les premiers au-
teurs ; il faut remonter dans la plus haute antiquité
du paganifme , pour en découvrir l’origine. Si l’on
s’en rapporte à Plutarque , ce dogme étoit très-an-
cien. Il fe communiqua bientôt à toutes les nations
du monde , & s’imprima dans les coeurs fi profon-
dément, que rien ne put l’en détacher. Prières , fa-
crifices , cérémonies , détails publics & fecrets de re-
ligion , tout fut marqué à ce coin parmi les barbares
& les grecs. I! paroît que Plutarque lui donne trop
d’étendue. Il eft bien vrai queles payens ont recon-
nu 6c honoré des dieux malfaifans , mais ils cnfei-
gnoient auffi que le même dieu qui répandoit quel-
quefois fes biens fur un peuple , l’aflligeoit quelque
tems après , pour fe venger de cjuelquc ofFenle. Pour
peu qu’on lifc les auteurs grecs, on connoîtcelama-
nifeftemcnt. Difons la même chofe de Rome. Lifez
T. Live , Cicéron , & les autres écrivains latins ,
vous comprendrez clairement que le même Jupiter,
à qui l’on offroit des facrlfices pour une viftoire ga-
gnée , étoit honoré en d’autres rencontres , afin qu’il
ceftat d’affliger le peuple romain. Tous les poctcsne
nous le rcprcfcntcnt-ils pas armé de la foudre & ton-
nant du haut des cieux , pour intimider les foiblcs
mortels ? Plutarque fe trompe auftl , lorfqu’il veut
que les philosophes & les poètes fe loient accordés
dans la do£lrine des deux principes. Ne fe fouvenoit-
ïl pas d’Hoir.crc , le prince des poètes , leur modèle

M A N

& leur (or.rce commune ; d’Homère, dis- je , qui n’a
propofé qu’un dieu avec deux tonneaux du bien & du
mal ? Ce père des poètes fuppofe que devant le palais
de Jupiter font deux tonneaux, où ce dieupuife con-
tinuellement ik les biens & les maux qu’il verfe fur
le genre humain. Voilà fon principal emploi. Encore
s’il y puifoit également , & qu’il ne fc méprît jamais ,
nous nous plaindrions moins de notre fort.

Zoroaftre , que les Pcrfes & les Chaldéens recon-
noilfent pour leur inftituteur , n’avoit pas manqué de
leur enfeigner cette doctrine. Le principe bienfiiifant,
il le nommoit Oromajè , & le malfaifant , ^rimanius.
Selon lui, le premier refl’cmbloit à la lumière, & le
fécond aux ténèbres.

Tous les partifans du fy ftème des deux principes ,
les croyoient incréés , contemporains , indépen-
dans l’un de l’autre , avec une égale force & une
égale puiflance. Cependant quelques perfes , au rap-
port de M. Hyde, qui l’a pris dans Plutarque , fou-
tenoient que le mauvais principe avoir été produit
parle bon , puifqu’un jour il devoit être anéanti. Les
premiers ennemis du Chriftianifme , comme Celfe ,
Crefconius , Porphire , fe vantoient d’avoir décou-
vert quelques traces de ce fyftème dans l’Ecriture-
fainte , laquelle parle du démon & des embûches
qu’il drefl^a au Fils de Dieu , &: du foin qu’il prend
de troubler fon empire. Mais on répondit aifément
à de tels reproches. On fît taire des hommes vains,
qui pour décréditer ce qu’ils n’entendirent jamais ,
prenoient au pié de la lettre beaucoup de chofes al-
légoriques.

Quelque terrein qu’ait occupé ce fyftème des deux
principes , il ne paroît pas , comme je l’ai obfervé ,
que les Grecs & les Romains fc le loient approprié.
Leur Pluton ne peut être regardé comme le mauvais
principe. Il n’avoit point dans leur théologie d’autre
emploi,que celui de préfider à rafl »cmblée des morts ,
ians autorité fur ceux qui vivent. Les autres divini-
tés infernales , malfailantes , trifte» , jaloufes de
notre repos , n’avoient rien aufîî de commun avec
le mauvais principe , puifque toutes ces divinités
fubordonnées à Jupiter , ne pouvoient faire de mal
aux hommes , que celui qu’il leur permcttoit de faire.
Elles étoient dans le paganifme ce que font nos dé-
mons dans le Chriftianilme.

Ce qui a donné naiffance au dogme des deux prin-
cipes , c’eft la difficulté d’expliquer l’origine du mal
moral & du mal phyfique. ÎJ faut l’avouer, de tou-
tes les queftions qui fe préfentent à l’efprit , c’eft la
plus dure & la plus épineufe. On n’en fauroit trou-
ver le dénoument que dans la foi qui nous apprend la
chute volontaire du premier homme , d’où s’cnfuivi-
rent èc fa perte , &c celle de toute fa poftérité. Mais
les payens manquoient de fecours furnatqrel ; ils fe
trouvoient par conféquent dans un pafl »age très-étroit
& très-gênant. Il falloir accorder la bonté & la fain-
teté de Dieu avec le péché &c les différentes mife-
res de l’homme, il falloir juftifier celui qui peut tout,
de ce que pouvant empêcher le mal , il l’a préféré
au bien même , &: de ce qu’étant infiniment équi-
table , il punit des créatures qui femblcnt ne l’avoir
point mérité , & qui voyent le jour pluficurs fiecles
après que leur condamnation a été prononcée. Pour
fortir de ce labyrinthe , où leur railo;i ne faiioit que
s’égarer , les philofophes grecs curent recours à des
hypothèfes particulières. Les uns fuppolerent la
préexirtence des âmes , & foutinrent qu’elles ne ve-
noient animer les corps que pour expier des fautes
commifes pendant le cours d’une autre vie. Platon at-
tribue l’origine de cette hypothèfe à Orphée , qui l’a-
voit lui-même puiiée chez les Egyptiens. Les autres
raviftoient à Dieu toute connoiffance des affaires lub-
lunaircs , perfuadés qu’elles font trop mal afforties
pour avoir été réglées par une main bienfailante.

M A N

Dôilâîlstiroient cette conclufion , qu’il faut renon-
cer à l’idée d’un être jufte , piir,faint , ou convenir
qu’il ne prend aucune part à tout ce qui le paffe dans
le monde. Les autres établillblent une lucceffion
d’événemens , une c’naîne de biens Ô£ de uiaux que
rien ne peut altérer ni rompre. Que fert de le plain-
dre , diloient-ils, que fert de murmurer ? le doftin
entraîne tout , le dclbn manie tout en aveugle ik fans
retour. Le mal moral n’eft pas moins indifpenfable
que lephyfique ; tous deux entrent de droit dans le
pian de la nature. D’autres enfin ne goûtant point
toutes ces diverles explications de l’ongine du mal
moral & du mal phylique , en cherchèrent le dénou-
nient dans le fyftwme des deux principes. Quand il
cft queftion d’expàquer les divers phénomènes de la
nature corrompue , il a d’abord quelque choie de
plaufible ; mais fi t^n le confidere en lui môme, rien
n’eft plus monftrueux. En effet, il porte iiir une fup-
pofition qui répugne à nos idées les plus claires, au
Jieu que le fyilci-ne des Chrétiens elt appuyé iur ces
notions-là. f’ar cette feule remarque la fupériorité
des Chrétiens fur les Manichéens ell décidée ; car
tous ceux qui le connoilTent en raifonnemensj de-
meurent d’accord qu’un fyllème eft beaucoup plus
imparfait , lorfqu’il manque de conformité avec les
premiers piincipes , que lorfqu’il ne fauroit rendre
ra’ifon des pîiénomenes de la nature. Si l’on bâtit fur
une fuppolitioa abfurde , embarraffée , peu vraif-
femblable , cela ne fe répare point par l’explication
heureufc des phénomènes ; mais s’il ne les explique
pas tous heureufement , cela ell compenfé par la
netteté , par la vraiffemblance & par la conformité
qu’on lui trouve aux lois ôi aux idées de Tordre ; &
ceux qui l’ont embrafle , à caufe de cette perfection ,
n’ont pas coutume de fe rebuter, fous prétexte qu’ils
ne peuvent rendre raifon de toutes les expériences.
Ils imputent ce défaut aux bornes de leur elprir. On
objeftoit à Copernic , quand il propoi’a fon fylîème ,
que Mars & Vénus devroient en un tems paroîrre
beaucoup plus grands parce qu’ils s’approchoient de
la terre de plufieurs diamètres. La conléquence éioit
néceffaire , & cependant on ne voyoit rien de cela.
Quoiqu’il ne fût que répondre , il ne crut pas pour
cela devoir l’abandonner. Il difoit feulement que le
tems le feroit connoître. L’on prenoit cette raifon
pour une défaite ; & l’on avoit , ce femble , raifon :
mais les lunettes ayant été trouvées depuis , on a vu
que cela même qu’on lui oppofoit, comme une grande
objeâion , étoit la confirmation de fon fyflcme , &
le renverfemcnt de celui de Ptolomée.

Voici quelques-unes des raifons qu’on peut pro-
pofer contre le Manichéijme. Je les tirerai de M.
Bayle lui-même , qu’on fait avoir employé toute la
force de fon efprit pour donner à cette malheureufe
hypothèfe une couleur de vraiffemblance.

i ». Cette opinion eft tout-à-fait injurieufe au dieu
qu’ils appellent bon ; elle lui ôte pour le moins la
moitié de fa puillance , & elle le fait timide, injuf-
te, imprudent & ignorant. La crainte qu’il eut d’une
irruption de ion ennemi , diloient-ils , l’obligea ;\ lui
abandonner une partie des âmes , afin de lauver le
refte. Les âmes croient des portions & des membres
de fa fubltance , 6»: n’avoient commis aucun péché.
Il y eut donc de (a part de l’injullice à les traiter de
la forte , vu principalement qu’elles dévoient être
tourmentées , & qu’en cas qu’elles contradalVcnt
quelques fouillurcs , elles dévoient demeurer éter-
nellement au pouvoir du mal. Ainlî le bon principe
n’avoit lu ménager les intérêts , il s’étoit expolé à
une éternelle & irréparable mutilation. Joint ;\ cela
que fa crainte avoit été mal fondée ; car, puilquedc
toute éternité , les états du mal étoient féi)>iies des
états du bien, il n’y avoit nul lu jet de craiiuire que
le mal fît une irruption fur les terres de ion ennemi.

M A N

23

D’ailleurs ils donnent moins de prévoyance & m.oins
de puilfance au bon principe qu’au mauvais. Le boa
principe n’avoit point prévu l’infortune deSdétaciic-
mens qu’il expoloit aux allants de l’ennemi , mais le
mauvais principe avoit fort bien lu quels léroient les
détachemens que l’on en verroit contre lui , & il a voit
préparé les machines néceffaires pour les enlever.
Le bon principe tu: alfez limpie pour aimer mieux fe
mutiler, que de recevoir fur lés terres les détache-
mens de l’ennemi , qui par ce moyen eût perdu uni
partie de les membres. Le mauvais principe avoit
toujours été lupéricur , il n’avoit rien perdu , & il
avoit fait des conquêtes qu’il avoit gardées ; mais le
bon principe avoit cédé volontairement beaucoup
de choies par timidité , par injuftice & par impru-
dence. Ainfi , en refufànt de connoître que Dieu
ioit l’auteur du mal , on le fait mauva’s en toutes
manières.

x »^. Le dogme des Manichéens eft l’éponge de tou-
tes les rehgions , puifqu’en raifonnant conféqucm-
ment , ils ne peuvent rien attendre de leurs prières ,
ni rien craindre de leur impiété. Ils doivent être per-
fuadés que quoiqu’ils faflent , le dieu bon leur fera
toujours propice, & que le dieu mauvais leur fera
toujours contraire. Ce iont deux dieux , dont l’un ne
peut faire que du bien , & l’autre ne peut faire que
du mal ; ils font déterminés à cela par leur naturel ,
& ils fuivent , félon toute l’étendue de leurs forces ,
cette détermination.

3″. Si nous confultons les idées de l’ordre , nous
verrons fort clairement que l’unité , le pouvoir in-
fini & le bonheur appartiennent à l’auteur du mon-
de. La nccellité de la nature a porté qu’il y eût des
caules de tous les effets. Il a donc fallu neceffaire-
inent qu’il ex. ftài une force fuffifante à la produfton
du monde. Or , il cft bien plus félon l’ordre , que
cette puilfance ioit réunie dans un feul fujet , que li
elle étoit partagée à deux ou trois , ou à cent mille.
Concluons donc qu’elle n’a pas été partagée , &
qu’elle rélide toute entière dans une feule nature ,
& qu’ainfi il n’y a pas deux premiers principes , mais
un leul. Il y auroit autant de raifon d’en admettre
une infinité, comme ont fdic quelques-uns, que
de n’en admettre que deux. S’il eft contre l’ordre que
la puilfance de la nature (oit partagée à deu : fiijets,
combien leroit-il plus étrange que ces deux fujcts
fulfent ennemis. Il ne pourroit naître de-là que rou-
te ibrte de confulion. Ce que l’un voudroit faire,
l’autre voudroit le défaire , & ainfi rien ne fe feroit ;
ou s’il le faifoit quelque choie , ce ieroit un ouvrage
de bifarrerie, Ù. bien éloigné de li jufteiTe de cet
univers. Si le Municldif/nc eût admis deux principes
qui agiffent de concert , il eût été expolé à de moin-
dresinconvénicns; ilaiiroit néanmoins choqué l’idée
de l’ordre par rapport ;\ la maxime , qu’il ne faut point
multiplier les êtres fans neceffué : car , s’il y a deux
premiers principes , ils ont chacun toute la force né-
ceflaire pour la production de l’univers , ou ils ne
l’ont pas ; s’ils l’ont, l’un d’eux cft fuperflu ; s’ils ne
l’ont pas , cette force a été partagée inutilement , tJt
il eût bien mieux valu la réunir en un feul fujct , elle
eût été plus adive. Outre qu’il n’eft pas ailé de cmn-
prendrc qu’une caule qui exifte par elle-même , naît
qu’une portion de force. Qu’cft-ce qui l’auroit bor-
née à tant ou ;\ tant de degrés ? Elle ne dépend de
rien, elle tire tout de Ion tond. Mais fans trop infif-
ter lur cette railon , qui palîe pour folide dans les
écoles , je demande li le pouvoir de faire tout ce
que l’on veut , n’eft pasellénticUcment renferme dans
l’idée de Dieu ? La raifon m’apprend que l’idte de
Dieu ne renferme aucun attribut avec plus de net-
teté & d’évidence , que le pouvoir de laire ce que
l’on veut. C’eft en quoi confifte la béatitude. Or,
dans l’opinion des Manichéens, Dieu n’auroit pas la

^4

A N

puifianc€ de faire ce qu’il defire le plus fortement;
donc il né feroit pas heureux. La natur*; du bon prin-
cipe , diient-ils , cil telle qu’il ne peut produire que
au bien, & qu’il s’oppole de toutes les torces à Tin-
troduaion du mal. Il veut donc, 6c il louhaite avec
la plus grande ardeur qu’il n’y ait point de mal ; U a
fait tout ce qu’il a pu pour empêcher ce délordrc. S’il
a donc manqué de la puiilance néceflaire à l’empê-
cher, les volontés les plus ardentes ont éiéh-uitrees,
& par conlcqucnt Ion bonheur a été troublé ÔL in-
quietté ; il n’a donc point la puiflance qu’il doit avoir
félon la conllitution de Ibn être. Or , que peut-on
dire de plus abùirde que cela ? N’eit-cc pas un do-
gme qui implique contradiftion ? Les deux principes
des Manichéens lérolent les plusmaiheureuxdetous
les êtres. Le bon principe ne pourioit jeiter les yeux
fur le monde , que les regards ne hiUent blelléb par
une infinité de crimes & de délbrdres , de peines &
de douleursqui couvrent la face de la terre. Le mau-
vais principe ne léioit pas moins affligé p.:r le ipec-
tacle des vertus & des biens. Dans leur douleur , ils
dtvroient le trouver malheureux d’être immortels.

4°. Enfin , je demande aux Manichéens , l’ame qui
fait une bonne adion , a-t-elle été créée par le bon
principe , ou par le mauvais ? Si elle a été créée par
le mauvais principe, il s’enùiit que le bien peut naî-
tre de la lource de tout mal. Si c’ell par le bon prin-
cipe, le mal, par la même railon, peut naître de la
fource de tout bien ; car cette même ame en d’au-
tres rencontres commet des crimes. Vous voilàdonc
réduits à renverler vos propres railonnemens , & à
foutenir , contre le lentiment intérieur , que jamais
l’ame qui fait une bonne adion , n’cit la même que
celle qui pèche. Pour lé tirer de cette difficulté, ils
auroient belbin de luppoler trois premiers princi-
pes ; un elTentiellement bon , & la caufé de tout
bien ; un elTentiellement mauvais , 6c la caule de
tout mal ; un efléntiellement iulceptible du bien &
du mal , & purement pafîif. Apres quoi il faudroit
dire que l’ame de Ihomme cil formée de ce troilie-
me principe, & qu’elle fait tantôt une bonne a£lion,
& tantôt une mauvaiié , félon qu’elle reçoit l’influen-
ce ou du bon principe , ou du mauvais. Rien n’ell
donc plus ablurdeniplus ridicule, que les deux prin-
cipes des Manichéens.

Je néglige ici plulieurs autres raifons ,parlefquel-
les je pourrois attaquer les endroits foiblesdecefyf-
tème extravagant. Je ne veux point me prévaloir
des abiurdités palpables que les Maniehécns débi-
toient , quand ils delcendoient dans le détail des ex-
plications de leur dogme. Elles font fi pitoyables ,
que c’efl les réfuter luffilamment , que d’en faire un
fimple rapport. Par les f’ragmens de leur fyflème,
qu’on rencontre çà & là dans les pères , il paroîtque
cette (ede n’étoit point heureufe en hypothèfés.
Leur première fuppolition étoitfaufTe , comme nous
venons de le prouver ; mais elle empiroit entre leurs
mains , par le peu d’adreflé & d’efprit philolophique
qu’ils employolent à l’expliquer. Ils n’ont pas affez
connu, félon M. Bayle , leurs avantages, ni fu faire
jouer leur principale machine , qui étoit la difficulté
fur l’origine du mal. Il s’imagine qu’un habile hom-
me de leur parti , un Defcartes , par exemple , au-
roit bien embarrafle les orthodoxes , & il fcmble que
lui-même , faute d’un autre , ait voulu fe charger
d’un foin fi peu néceffaire , au jugement de bien des
gens. Toutes les hypothefes , dit-il , que les Chré-
tiens ont établies, parent mal les coups qu’on leur
porte ; elles triomphent toutes quand elles agiffent
ofFcnfivement ; mais elles perdent tout leur avanta-
ge , quand il faut qu’elles foutiennent l’attaque. Il
avoue que les dualijics , ainfique les appelle M. Hy-
de , auroient été mis en fuite par des rail’ons<i/;/-/o/-/
prifes de la nature de Dieu i mais il s’imagine qu’ils

M A N

triomphent à leur tour , quand on vient aux ràifôns à
pojienori^ priiés de l’exiftence du mal. Il faut l’avouer,
M. Bayle , en écartant du Man’ichîifme les erreurs
grodieres de les premiers défenfeurs , en a fabriqué
un f^’lteme , lecjuel , entre les mains, paroit armé
d’une force nouvelle qu’il n’avoit pas autrefois. Les
objedions qu’il a lemees dans«ciivei s endroits de fes
ouvrages , lui ont paru fi fortes 6l fi triomphantes,
qu’il ne craint pas de dire , que la railon fuccombe-
ra fous leur poids , toutes les fois qu’elle entrepren-
dra d’y répondre. La railon , félon lui , eft un prin-
cipe de dcllrudion , & non pas d’édification : elle
n’ell propre qu’à former des doutes , à éternifer les
difputes , & à faire connoitre à l’homme fes ténè-
bres , fon impuiffance , & la nécelfité d’une révé-
lation , & cette révélation eft celle de l’Ecriture.
C’ell:-là que nous trouvons de quoi réfuter invinci-
blement l’hypothefe des deux principes , & toutes
les objedions des Manichéens ; nous y trouvons l’u-
nité de Dieu Ôc les perfedions infinies , la chute du
premier homme , & les fuites tuneftes.

Comme M. Bayle n’efl pas un antagonifle du
commun , les plus lavantes plumes de l’Europe fe
font eflayécs à le réfuter. Parmi ce grand nombre
d’auteurs, on peut compter M. Jaqueîoi,M. le Clerc,
& M. Leibnitz : commençons par M. Jaquelot , &
voyons fi dans cette dilpute il a eu de l’avantage,

M. Jaquelot fuppofé pour principe que la liberté
de l’homme peut réfoudre toutes les difficultés de
M. Bayle. Dieu ayant formé cet univers pour fa
gloire, c’efl-à-dire pour recevoir des créatures l’a-
doration & l’obéifiance qui lui efl due : l’être libre
étoit feul capable de contribuer à ce delfein du
créateur. Les adorations d’une créature qui ne fe-
roit pas libre , ne contnbuerolent pas davantage à
la gloire du créateur que ne feroit une machine de
figure humaine , qui fe proflerneroit par la vertu
de fes refforts. Dieu aime la fàinteté ; mais quelle
vertu y auroit-il, li l’homme étoit déterminé né-
ceflairement par la nature à fuivre le bien, comme
le feu elf déterminé à brûler? Il ne pourroit donc
y avoir qu’une créature libre qui put exécuter le
defiéin de Dieu. Ainfî , quoiqu’une créature libre
put abufer de fon franc arbitre, néanmoins un être
libre étoit quelque choie de fi relevé & de fi au-
gufle, que fon excellence & fon prix l’emportoient
de beaucoup fur toutes les fuites les plus fâcheufes
que pourroit produire l’abus qu’il en feroit. Un
monde rempli de vertus , mais fans liberté, eft beau-
coup plus imparfait que celui où règne cette li-
berté, quoiqu’elle entraîne à fa fuite bien des défbr-
dres. iM. Bayle renverfé tout cet argument par cette
feule confidération, que fi l’une des plus fublimes-
perfedions de Dieu , efî d’être fi déterrpiné à l’a-
mour du bien, qu’il implique contradidion, qu’il
puifTe ne pas l’aimer: une créature déterminée au
bien feroit plus conforme à la nature de Dieu , &
par conféquent plus parfaite qu’une créature qui
a un pouvoir égal d’aimer le crime & de le haïr.
Jamais on n’efl plus libre que lorfqu’on eft fixé
dans le bien. Ce n’efl pas être libre que de pou-
voir pécher. Cette malheureufe puiflance en eft
l’abus & non la perfedion. Plus la liberté eft un
don excellent de Dieu , plus elle doit porter le$
caradcres de fa bonté. C’efl donc mal-à-propos,
conclut M. Bayle , qu’on cite ici la liberté pour
expliquer l’origine du mal. On pouvoit lui répon-
dre que Dieu n’efl pas obligé de nous douer d’une
liberté qui ne fe porte jamais vers le mal ; qu’il ne
peut la retenir conflamment dans le devoir, qu’en
lui accordant de ces grâces congrues, dont le foufle
falutaire nous conduit au port du falut. J’avoue,
diloit M. Bayle, qu’il ne nous devoit pas une li-
berté (x parfaite i mais il fe devoit à lui-même

d’empêcheç

M A N

M A N

ïl’èrtipêchrîr tous les défordres qu’enfante Vzhus de
la liberté ; (« a bonté, ia iagelie, 6c pius encore ia.
Sainteté, lui en tailoient une loi. Or, cela polë,
comment donc concilier avec tous ces attributs la
chute du premier homme ? Par quelle étrange fata-
lité cette liberté û précieufe , gage de l’amour di-
vin , a-t-elle produit , des Ion premier coup d’eliai ,
«& le crime 6l la milere qui tes fuit, & cela ious
les yeux d’un Dieu infiniment bon , infiniment Tamt
& infiniment puilTant ? Cette liberté qui pouvoir
ctre dirigée conllamment & invariablement au
bien, ians perdre de ia nature, a voit-elle donc été
donnée pour cela ?

M. Jaquclot ne s’arrête pas à la feule liberté ,
pour expliquer l’or.gine du mal ; il en cherche aufli
le dénouement dans les intérêts & de la lagefTe
& de la gloire de Dieu. Sa fageffc & fa glojre
l’ayant déterminé à former des créatures libres ,
cette puifTante railon a du l’emporter fur les fâ-
cheules fuites que pouvoit avoir cette liberté qu’il
donnoit aux hommes. Tous les inconvéniens de la
liberté n’étoient pas capables de contre-balanccr les
raifons tirées de la fageffe, de fa puiifance 6c de fa
gloire. Dieu a créé des êtres libres pour la gloire.
Comme donc les delfcins de Dieu ne tendent qu’à
fa propre gloire , & qu’il y a d’ailleurs une plus am-
ple moiifon de gloire dans la direéltion ues agens
libres qui abulent de leur liberté que dans la direc-
tion du genre humain toujours vertueux , la per-
inifîion du jiéché 6c les luîtes du péchc font une
choie tres-contorme à la iagelié divine. Cette railon
de la gloire paroît à M. Jaquelot un bouclier impé-
nétrable pour parer tous les coups àxxManichéiJmc. il
la trouve plus torte que toutes les aitîicidtés qu’on
oppoié, parce qu’elle eli: tuée immédiatement de la
gloire du créateur. M. Bayle ne peut digérer cette
exprelîion, que Duu ne travaille que pour Ju gloire.
il ne peut comprendre que 1 être luuni, qui trouve
dans (es propres perfections une gloire & une béati-
tude aufiî incapaDles de diminuiion que d’augmen-
tation, puiflc avoir pour but, en produiiant des créa-
tures, quefiu’acquilition de gloire. En effet. Dieu
efl au-Jelfus de tout ce qu’on nomme dejir de louan-
ges , difir de réputation. Il pjroît donc qu il ne peut
y avoir en lui d’autre motif de créer le monde
que fa bonté. Mais enfin, dit M. Bayle, fi des mo-
tifs de gloire l’y déterminoient , il icmble qu’il choi-
firoit plutôt la gloire de maintenir parmi les hom-
mes la vertu & le bonheur, que la gloire de mon-
trer que par une adrcHe 6c une habileté infinie il
vient à bout de conîérver la ibciété humaine, en
dépit des confufions & des délbrdres, des i.rimes
& des miferes dont elle eft remplie; qu’à la vérité
un grand monarque fe peut eilimer heureux, lorl-
que contre ion intention 6c mal-à-propos, la rébel-
lion de fes fujets & le caprice de les voifins lui
ont attiré des guerres civiles & des guerres étran-
gères , qui lui ont fourni des occalions de taire
briller l’a valeur & fa prudence ; qu’en diilipant tou-
tes fes tempêtes, il s’acquiert un plus grand nom,
& fe fait plus admirer dans le monde que par un
règne pacifique. Mais, fi de crainte que ion cou-
rage & les grands talcns de ia politiqi.c ne demeu-
raifcnt inconnus, faute d’occalions, il ménageoit
adroitement un concours de circor.liances , dans
lefquellcs il icroit pcriuadé que les iujets le lévol-
teroicnt, & que (« es voifins dévorés de jaioulie ie
ligucroicnt contre lui , il afpireroit à une g’ouc
indijune d’im honnête homme, ÔC il n’auioit p.is de
goût pour la véritable gloire; car elle confille beau-
coup plus à faire régner la paix, fubondance iic les
bonnes mœurs, qu’à faire connoitre au jmbuc qu’on
a l’adrcHe de réfréner les icnlitions, ou qu à rcpouller
& difîiper de puillantcs 6c de formidables ligues

q^te f on aura fomentées fous main. En iiti mot , il
iemble que fi Dieu gouvernoit le monde par art
principe d’amour pour ia créature quil a faite à
Ion image , il ne manqueroit point d’occafions auiïi
favorables q-ie celles que l’on al egue^ de mani-
fefler fes perfeû.ons infinies ; vu que la Icience 5c
fa puifiance n’ayant point de bornes , les moyens
également bons de parvenir à les fins ne peuvent
être limités à un petit nombre. Mais il femble à de
certaines gens, obferve M. Bayle, que ie genre hu-
main innocent n’eût pas été aîicz m,.l-adé à con-
duire, pour mériter que Dieu s’en mclar. La fcenc
eût été il unie, fi finiple , fi peu intriguée, que ce
n’eût pas été la peine dy faire intervenir la pro-
vidence. Un printems éternel, une terre fertile lans
culture, la paix 6c la concorde des animaux 6c deS
élémens^, & tout le refte de la delcription de l’à^e
d’or , n’étoient pas des choies où l’art divin pût
trouver un affez noble exercice • ce n’eft que uans
les tempêtes & au milieu des écueils que paroît
l’habileté du pilote.

M. Lcionit ell allé chercher le dénouement de
toutes ces difficultés dans le fylU-me du monde le
p us beau, le plus rcglé , le meilleur enfin , & le
p us digne de la grandeur 6c de la iagelle de l’être
luprëme. Mais pour le bien comprendre, il faut
obfervcr que le meilleur confiiie non dans la per-
fection d’une partie du tout, mais dans le meilt^.ur
tout pris dans la généralité. Un tableau , par exem-
ple , eft merveilleux pour le naturel des carnations :
Ce mérite particulier fait honneur à la main dont
il iort; mais le tableau dans tout le rerte n’a po:nt
d’ordonnance, point d’attitudes régulières j point
de feu, point de douceur. Il n’a rien de vivant
ni de p.iiïionné; on le voit fans émotion , fans inté-
rêt; l’ouvrage ne lera tout au plus que médiocre.
Un autre tableau a de légères imperfedtions. On y
voit dans le lointain quelque perionnage épifodique
dont la main ne ie trouve pas régulièrement pro-
noncée ; mais le rcfîe y eft fini , tout y parie , tout y
ell animé, tout y reipire, le dell’ein y eft correct,
l’adion y eft fouteiiue, tous les traits y font élé–ans!
Héfue-ton fur la préférence ? non, lans dou;c. Le
premier peinire n’eft q-‘un élevé à qui le aénie
manque ; l’autre eft un maître hardi dont la main
favante court à la perfeâion du tout, aux dépens
d’une irrégularité dont la corredion retarderoit i’an-
tiioufialme qui l’emporte.

Toute pioportion gardée, il en eft de la forte A
l’égard de Dieu dans le choix des mon ‘es poilîbles.
Quelques-uns le feroient trouves e.venits des défcc-
tuofites femblablesdansle nôtre; mai-, le nôtre avec
les défauts, eft plu^ parfait que les autres qui dans
leur conrtitution componoicnt de plus «Grandes ir-
régularités jointes à de moindres beautés. L’être
infiniment fage, à qui le meilleur eft une loi, devoit
donc préférer la piOvjuCtion admrab’e qui tient à
quelques vices à la produdion dégainée de crimes
mais moins heurcule, moins féconde, moins riche
moins belle dans fon tout. Car comme le moindre
mal eft une efpece de bien; de même un mo lulre
bien eft une clpece de mal, s’il fait obllacle à ua
plus grand bien;& il y .luroit quelque choie à cor-
riger dans les avions de Dieu, s’il y avoit un moyen
de micuv faiic.

0{\ du a peut-être que le monde autoit jiu être
fins le péché & fans les ibuffianccs, mais alors il
n’auroit |)as été le mcilLur. La bonté de Dieu au-
roit eu plus d’éclat dans un tel monde, mais fa
fageile auroit été bicfléc ; & tomrnc l’un de ics
attributs ne doit point ê rc iàcrlfit à l’autre, il étoit
convenable (|ue la bonté de Dieu pour les hom-
mes fût tempérée par fa fageft’e. Si i(uo!qu’un al-
lègue l’expérience pour prouver que Dieu auroit

D

i6

M A N

pu mieux faire, il s’érige en cenfeur ridicule de
les ouvrages. Quoi, peut- on lui répondre , vous
ne connoi’lVez le monde que depuis trois jours , &
vous y trouvez à redire ! Attendez à le connoître da-
vantai^e, & confidérez y fur-tout les parties qui
préfentcnt un tout complet , tels que font les corps
organiques, & vous y trouverez un artifice & une
beauté bien fupérleure à votre imagination.^ Le dé-
faut ell dans quelque partie du tout, je n’en dil-
conviens pas : mais pour juger d’un ouvrage, n’ell-ce
pas le tout qu’il faut envifager? Il y a dans l’iliade
quelques vers Imparfaits & informes, en eft-elle
moins un chef-d’œuvre de l’art? C’eil la totalité ,
c’eft l’enfemble , pour ainfi dire , qui décide de la
perfcftion ou de l’imperfedion. Or l’univers confi-
dérc dans cette généralité valle , eft de tous les pol-
fibtes le plus régulier. Cette totalité dont je parle,
n’elt pas un effet, comme on pourroit fe l’imagi-
ner ; c’eft l’amas fcul des êtres & des révolutions
que renferme le globe qui me porte : i’univers n’ell
pas reftreint à de fi courtes limites. Dès qu’on veut
s’en former une notion philofophlque , il faut por-
ter fes regarda plus aaut & plus loin ; mes fens ne
voient ùilllndement qu’une foibie portion de la
terre; & la terre elle-mcme n’eft qu’une des planètes
de notre fokil , qui à fon tour n’eft que le centre
d’un tourbillon particijlier, chaque étoile fixe ayant
le même avantage que lui. Quiconque envifage
l’univers fous une image plus retrécie, ne connoît
rien à l’œuvre de Dieu ; il eft comme un enfant
qui croit tout reaft-rmé dans le petit berceau où
Tes yeux commencent à s’ouvrir. L’homme qui penle
met fa raifon à la place de fes yeux; où fes regards
ne pénètrent pas , fon efprlt y eft. Il fe promené
dans cette étendue immenfe , pour revenir après
avec humiliation & furprife fur fon propre néant,
& pour admirer l’auteur dont l’inépuifable fécon-
dité a enfinté cet univers, & a varié la pompe des
ornemens que la nature y étale.

Quelqu’un dira peut-être qu’il eft impofTible de
produire le meilleur, parce qu’il n’y a point de créa-
ture , pour fi parfaite qu’on la fuppofe , qu’on ne
puifTe toujours en produire une qui le folt davan-
tace. Je réponds que ce qui peut fe dire d’une créa-
ture ou d’une fubftance particulière qui peut tou-
jours être furpaffée par une autre, ne doit pas être
appliqué à l’univers, lequel fe devant étendre dans
toiuc l’éternité future , eft en quelque façon Infini.
Il ne s’agit donc pas d’une créature, mais de l’uni-
vers entier ; & l’adverfaire fera obligé de foiuenir
qu’un univers poffible peut être meilleur que l’au-
tte à l’infini : mais c’eft ce qu’il ne pourra jamais
prouver. Si cette opinion étolt véritable, Dieu
n’en auroit produit aucun, car il eft incapable
d’agir fans raifon; & ce fcroit même agir contre
la raifon. C’eft comme fi l’on s’imaglnolt que Dieu
eut imaginé de faire ui\e fphere matérielle, fans
qu’il y eût aucune raifon de la faire d’une telle
grandeur. Ce décret feroit inutile; il porteroit avec
lui ce qui en cmpêchcroit l’cffer.

Mais 11 Dieu produit toujours le meilleur, il pro-
duira d’autres dieux ; autrement chaque fubftance
qu’il produiroit ne feroit point la meilleure ni la
plus parfaite. Mais on fe trompe faute de confidc-
rer l’ordre & la liaifon des chofes. Si chaque fubf-
tance prilé à part étoit parfaite, elles feroitnt tou-
tes fcmblables : ce qui n’eft point convenable ni pol-
fible. Si c’érolt des dieux, il n’auroitpas été poffi-
ble de les produire. Le meilleur fyftème des chofes
ne contiendra donc point de dieux ; il fera toujours
un fyfleme de corps, c’eflà-dire , de chofes rangées
félon les lieux & les tems, & d’ames qui les régif-
fent & les gouvernent. Il eft aifé de concevoir
qu’une ftrutture de l’univers peut être la meilleure

M A N

de toutes, fans qu’il devienne un dieu. La liaifoil
& l’ordre des chofes fait que le corps de tout ani-
mal & de toute plante vient d’autres animaux &C
d’autres plantes. Un corps fert à l’autre ; alnli leur
perfection ne fauroit être égale. Tout le monde
conviendra fans doute qu’un monde qui rafî’emble
le matériel & le jpirluel tout enlemble , eft beau-
coup plus parfait que s’il ne renfermoit que des
clprits dégagés de toute matière. L’un n’empêche
point l’autre : c’eft une peifedlon de plus. Or vou-
droiton, pour la perfettlon de ce monde, que tous
les corps y fuflent d’une égale beauté ? Le monde
peut être comparé à un bâtiment d’une flrudure
admirable. Or dans un bâtiment, il faut non feule-
ment qu’il y ait des appartemcns, des falles , des
galeries, des jardins, mais encore la cuifine, la
cave, la baffe -cour , des écuries, des égouts, &c.
Alnfi il n’auroit pas été à-propos de ne faire que des
foleils dans le monde , ou de faire une terre toute
d’or 6l de dlamans, mais qui n’auroit point été ha-
bitable. Si l’homme avoit été tout œil ou tout
oreille , il n’auroit point été propre à fe nourrir.
Si Dieu l’avoit fait fans paffion, il l’aurolt fait ftii-
pide ; 6c s’il l’avoit voulu faire fans erreur , il auroit
fallu le priver des fens, ou le faire fentir autrement
que par les organes, c’eft – à – dire , qu’il n’y auroit
point eu d’homme.

Je vous accorde , dlra-t-on , qu’entre tous les
mondes polîlbles, il y en a un qui eft le meilleur de
tous; mais comment me prouverez-vous que Dieu lui
a donné la préférence fur tous les autres qui comme
a lui prétendoient à l’exllf ence ? Je vous le prouve-
rai par la raifon de l’ordre qui veut que le meil-
leur folt préféré à ce qui eft moins bon. Faire moins
de bien qu’on ne peut , c’eft manquer contre la fa-
geffe ou contre la bonté. Ainfi demander fi Dieu a
pu faire les chofes plus accomplies qu’il ne les a
faites, c’eft mettre en queftlon ft les adtions de
Dieu font conformes à la plus parfaite fageffe &
à la plus grande bonté. Qui peut en douter ? Mais
en admettant ce principe, voilà les deux conféc.aen-
ces qui en réfultent. La première eft que Dieu n’a
point été libre dans la création de l’univers; que le
choix de celui ci parmi tous les pofïïbles a été l’effet
d’une infurmontable néceffité; qu’enfin ce qui eft fait
eft produit par l’impulfion d’une fataUté fupérleure
à la divinité même. La féconde conféquence eft
que tous les effets font néceffaires 6c inévitables;
6c que dans la nature telle qu’elle eft, rien ne
peut y être que ce qui y eft & comme il y eft ;
que l’univers une fois choifi , va de luim.ême , fans
le laiflèr fléchir à nos juftes plaintes ni à la trifte
voix de nos larmes.

J’avoue que c’eft-là l’endroit folble du fyftème
Leibnltzlen. En paroiffant fe tirer du rhauvais pas
où fon fyffème fa conduit, ce phllofophe ne fait que
s’y enfoncer de plus en plus. La liberté qu’il donne
à Dieu , & qui lui parolt très-compatlbie avec le
plan du meilleur monde , eft une véritable néceffité,
malgré les adouciffemens & les corredifs par lef-
quels il tâche de tempérer l’auftérité de fon hypo-
thèfc. Le P. Mallebranche , qui n’eft pas moins
partifàn de i’optlmifmc que M. Lelbnitz , a- fii
éviter l’écueil où ce dernier s’eft brlfé. Perfuadé
que l’effence de la liberté confifte dans l’indiffé-
rence, il prétend que Dieu a été indifférent à pofer
le décret de la création du monde ; cnforte que la
nécelfiic de créer le monde le plus parfait , auroit
été une véritable néceflité ; & , par conféquent,
auroit détruit la liberté , fi elle n’avoit point été
précédée par un décret émané de l’indifférence mê-
me , & qui l’a rendue hypothétique. « 11 faut pren-
» dre garde, dlt-il, dans fon traite de la Nature &dc Li
» Cruce, que bien que Dieu fuive les régies que fa fa-

M A N

h gciïclui prcfcrit ,ilne fait pas néanmoins néceflai-
» rement ce qui eft le mieux , parce qu’il peut ne
» rien faire. Agir & ne pas fuivre exadement les
» règles de la fageffe , c’eft un défaut. Ainfi fup-
« pofc que Dieu agifTe , il agit néceifairemcnt de la
» manière la plus lage qui puiffe fe concevoir. Mais
» être libre dans la produûion du monde , c’ell une
» marque d’abondance , de plénitude , de fuffifance
» à foi-mêmc. Il eft mieux que le monde foit , que
» de n’être pas. L’incarnation de J. C. rend l’ou-
» vrage digne de fon auteur ; mais comme Dieu
» eft cflentiellement heureux & parfait , comme il
» n’y a que lui qui foit bien à fon égard , ou la caufe
» de fa perfcdion & de fon bonheur , il n’aime in-
» vinciblemcnt que fa propre fublîance ; & tout ce
» qui eft hors de Dieu , doit être produit par une
» aûion éternelle , & immuable à la vérité ; mais
» qui ne tire fa néceffité que de la fuppofiiion des
» décrets divins».

II y en a qui vont plus loin que le P. Mallebran-
the , & qui donnent plus d’étendue à la liberté de
Dieu. Ils veulent non-léulcment que Dieu ait pîi
ne point produire le monde ; mais encore qu’il ait
choifi librement , entre les degrés de Ijien & de per-
feftion pofTibles , le degré qu’il lui a plu ; qu’il ait ju-
gé à propos d’arrêter là l’exercice de ion pouvoir
infini , en tirant du néant tel nombre précis de créa-
tures douées d’un tel degré de pcrteCtion , & capa-
bles d’une telle mefure de bonheur. Quelque lyf-
tème qu’on adopte , foit que l’on di!e que la la-
geffe de Dieu lui a fait une loi de créer le monde
le plus parfait , & qu’elle a feulement enchaîné fa
liberté , fiippoic qu’il fe déterminât une fois à créer,
foit que l’on Ibutienne que la Ibuveraine liberté a
mis aux chofes créées les bornes qu’il a voulu , on
peut réloudre les difficultés que l’on fait fur l’ori-
gine du mal. Dites- vous que Dieu a été parfaite-
ment libre dans les limites qu’il a données aux pcr-
fedlions de fes créatures ? Donc il a pu leur don
ner une liberté flexible pour le bien & pour le mal.
De-là l’origine du mal moral , du mal phyfique , &
du mal métiiphyfiquc. Le mal métaphylique pren-
dra fa fource dans la limitation originale des créa-
tures ; le mal moral , dans l’abus de la liberté ; &C
le mal phyfique , dans les peines & les douleurs qui
feront ou un effet de la punition du péché, ou une
fuite de la conftitution naturelle des corps. Vous
■en tenez-vous au meilleur de tous les mondes pofîl-
bles ? Alors vous concevez que tous les maux qui
paroilïent défigurer l’univers , étant liés avec le
plan du meilleur monde , Dieu ne doit point en
avoir choifi un moins parfait , à caufe des incon-
véniens qu’en reffentiroient certaines créatures. Ces
inconvéniens font les ingrédiens du monde le plus
parfait. Ils font une fuite nécefl’aire des règles de
convenance , de proportion , de liailon , qu’une
fageffe infinie ne manque jamais de luivrc , pour
arriver au but que la bonté le piopole , (avoir le
plus grand bien total de cet afl’emblage de créatu-
res qu’elle a produites. Vouloir que tout mal tùc
exclu delà nature, c’eft prétendre que la bontc de
Dieu devoit exclure toute régularité, tout oidre,
toute proportion dans fon ouvrage , ou , ce qui
revient au même , que Dieu ne lauroit être infini-
ment bon , fans fe dépouiller de fa lagclfe. Suppo-
ser un monde compofé des mêmes cires que nous
voyons , &: dont toutes les parties feroieni iices
d’une manière avantageule au tout , (ans aucun
mélange du mal, c’cll liippoler une cliimere.

M, Bayle (e trompe adurénient , quand il pré-
tend que celte bonté , qui fiit le caradere de la
divinité, doit agir à rin(ini pour prévenir tout mal
&: produire tout bien. Un être qui cil bon , & qui
n’ett que cela , un être qui n’agit que par ce leul at-
Torru X.

M A N

27

tribut, c’eft un être coatradiaoire , bien loin que
ce foit l’être parfait. L’être partait comprend tou«
tes les perfeciions dans fon effence ; il eft infini
par l’affembiage de toutes enfemble , comme il
l’eft par le degré où il poiîede chacune d’elles. S’il
eft infiniment bon , il eft aulli infiniment fage , infi-
niment libre.

Les maux mv’:taphyfiques font injurieux à la faw
geffc & à la puiiîhnce de Dieu : les maux phyfi-
ques bleffent fa bonté ; les maux moraux ternifient
l’éclat de fa fainteté. C’eft là , en partie , où fe
réduilent tous les raiibnncmens de M. Bayle ; alfu-
rément il outre les chofes. On accorde que quel-
que vices ont été liés avec le «ireilleur plan de l’u-
nivers ; mais on ne lui accorde pas qu’ils foient
contraires à fes divins attributs. * Cette objection
auroit lieu s’il n’y avoit point de vertu ^ û le vice
tenoit (a place partout. Il dira , fans doute ,
qu’il fuffit que le vice règne , & que la vertu efl
peu de choie en comparaifon. Mais je n’ai garde
de lui accorder cela ; & je crois qu’efieaivemenî >
à le bien prendre , il y a incomparablement plus de
bien moral , que de mal moral dans les créatures
raifonnabies , dont nous ne connoifibns qu’un très-
petit nombre. Ce mal n’eft pas même fi grand dans
les hommes qu’on le débite. Il n’y a que les c^ens
d’un naturel malin , ou des gens devenus un peu
(ombres 6l mifantropes par les malheurs , com.ne
le Timon de Lucien , qui trouvent de la méchanceté
par-tout , qui empoilonnent les meilleures actions
par les interprétations finiftrcs qu’ils leur donnent
6c dont la bile amere répand fur la vertu la plus
pure les couleurs odieufes du vice. Il y a des per-
lonnes qui s’appliquent à nous faire appercevolr
djs crimes , ou nous ne découvrons que des ver-*
tus ; & cela , pour montrer la pénétration de leur
eipiit. On a critiqué cela dans Tacite , dans M. de
Ici Rochefoucauld , & dans le livre de l’abbé Elprit,
touchant la faufleié des vertus humaines. Mais lup-
polons que le vice (urpafte la vertu dans le f’enrc-
humain , comme l’on fuppofe que le nombre des
reprouvés (ùrpaiîc celui des élus ; il ne s’enfuit nul-
lement que le vice &c la mifere lurpaffent la vertu
& la félicité dans l’univers. Il faut plutôt juoer
tout le contraire , parce que la cité de Dieu doit
être le plus parfait de tous les états polliblcs, puif-
qu’il a été formé , & qu’il eft toujours gouverné
par le plus grand & le meilleur de tous les monar-
ques. L’univers n’elt pas contenu dans la (eule
planète de la terre. Que dis-je ? cette terre que
nous habitons, comparée avec l’univers , (e perdSc
s’évanouit prcl’que uans le néant. Quand même la
révélationncm’apprcn. roit pas déjà qu’il y a des in-
telligences créées , aulîi di.fcrentes entre elles , par
leur nature , qu’elles le lont de moi , ma railon ne
me conduiroit-elle pas à croue que la région des
(ubftanccs penfanicb eft , peut-être , aulli variée dans
(es eipeces, que la matière l’eft dans (es parties }
Quoi ! cette maiiere , vile 6i. monc par e<le même»
reroit un million île beautés diverles , qui font pref-
que méconnoître (on imité parmi tant de di(î’ércn-
ces ; & je voudrois peniér que dans Tordre des ef-
prits il n’y a pas de différences pareilles ? Je vou-
drois croire que tous ces elpnts iont enchaînes dans
la même (phcre de pert’cdion. Or, dès que le puis
&c que je dois (uppofer des efprits d’un autre ordre
que n’eft le mien , me voilà conduit à des nouvelles
conléquences , me voilà force de reconnoître qu’il
peut y avoir , quM y a même beaucoup plus <lc bien
moral que de mal moral dans l’univers, tli bien ,
me direz-vous , quand je vous accor !croi.s tout cela,
il (ci oit toujours vrai de dire, que l’amour do Dieu
pour la vertu n’eft pas (ans bornes , puitqu il toicrc
le vice que la puillance pourroit lupprimer oa prc-

Dij

28

M A N

venir. Mais cette objedion n’cll établie que fur une
équivoque (lonipcute. Effcdivenient , il n’ell pas
vcritable que la haine de Dieu pour le vice , 6l Ion
amour pour la vertu foient inrinis dans leur exer-
cice. Quoique chacune de fes perfedions l’oit en
lui fans bornes , elle n’eft pourtant exercée qu’avec
rertriftion , & proportionnellement à fon objet ex-
térieur. La vertu ert le plus noble état de l’être
créé : qui en doute ? mais la vertu n’ell pas un ob-
jet inhni ; elle n’elc que l’être fini , penlani & vou-
lant dans l’ordre avec des degrés finis. Au-dcffus de
la vertu l’ont d’autres pertédions plus grandes dans
le tout de l’univers , qui s’attirent la complailance
de Dieu. Cet amour du meilleur dans le tout , l’em-
porte en Dieu l’ur les autres amours particuliers.
De-là le vice permis ; il faut qu’il loit , parce qu’il
fe trouve nécellairement lié au meilleur plan , qui
ii’auroit pas été le meilleur de tous les poliibles , fi
la vertu intelligente eût été invariablement ver-
tueufe. Au relte, l’amour de la vertu , & la haine
du vice, qui tendent à procurer l’exiltence de la
vertu , 6c k empêcher celle du vice , ne l’ont que
des volontés antécédentes de Dieu prilcs cnfemble,
dont le rélultat t’ait la volonté conléquente, ou le
décret de créer le meilleur ; & c’eil de ce décret que
l’amour de la vertu & de la félicité des créatures rai-
fonnables , qui ell indéfini de foi , & va aufTi loin
qu’il fe peut , reçoit quelques petites limitations , à
caulé de l’égard qu’il faut avoir au bien en général.
C’eft ainfi qu’il faut entendre que Dieu aime fouve-
rainement la vertu , & hait fouverainement le vice;
& que néanmoins quelque vice doit être permis.

Après avoir dilculpé la providence de Dieu fur
les maux moraux , qui font les péchés, il faut main-
tenant la jullifier f’ur les maux métaphyfiques , &
fur les maux phyfiques. Commençons par les maux
mét.iphyfujues , qui confident dans les imperfections
des créatures. Les anciens attribuoient la caufe du
mal à la matière qu’ils croyoient incréée & indé-
pendante de Dieu. 11 n’y avoit tant de maux , que
parce que Dieu , en travaillant lur la matière , avoit
trouvé un fujet rébelle , indocile , & incapable de
fe plier à fes volontés bienfaifantes : mais nous qui
dérivons tout de Dieu, où trouverons nous la fource
du mal . » La réponle ell , qu’elle doit être cherchée
dans la nature idéale de la créature , entant que
cette créature ei\ renfermée dans les vérités éter-
nelles , qui font dans l’entendement divin. Car il
faut conlidérer qu’il y a une imperfection originale
dans les créatures avant le péché , parce que les
créatures font limitées elfentieilement. Platon a dit,
dans fon Timée , que le monde avoit fon origine de
l’entendement joint à la nécelfité. D’autres ont
joint Dieu & la nature. On y peut donner un bon
fens. Dieu fera l’entendement & la nécelTité , c’efl-
à-dire, la nature efTentielle des choies fera l’objet
de l’entendement , entant qu’il confilte dans les vé-
rités éternelles. Mais cet objet eft interne, & fe
trouve dans l’entendement divin. C’efl la région
des vérités éternelles qu’il faut mettre à la place de
la matière , quand il s’agit de chercher la fource des
chofes. Cette région ell la caufe idéale du mal &
du bien. Les limitations & les imperfcdions naif-
fent dans les créatures de leur propre nature , qui
borne la production de Dieu ; mais les vices & les
crimes y naiffent du contentement libre de leur vo-
lonté.

Chryfippe dit quelque chofe d’approchant. Pour
répondre à la queflion qu’on lui faiioit touchant l’o-
rigine du mal , il foutieni que le mal vient de la
première conflituîion des amcs, que celles qui font
bien faites naturellement réiiflent mieux aux impref-
fions des caufes externes ; mais que celles dont les
défauts naturels n’avoient pas été corrigés par la

A N

difcipline , fe laiiToient pervertir. Pour expliquer
fa penfée , il fe Icrt de la comparaifon d’un cylin-
dre , dont la volubilité & la vitefîc , ou la facilité
dans le mouvement vient principalement de fa fi-
gure , ou bien , qu’il feroit retardé s’il éroit rabo-
teux. Cependant il a befoin d’être poufîe , comme
l’ame a beloin d’être foUicitée par les objets des
fens, & reçoit cette impreffion félon h conftitution
où elle fe trouve. Chryfippe a raiton de dire que
le vice vient de la conititution originaire de quel-
ques elprits. Lorfqu’on lui objeCtoit que Dieu les a
formés, il repliquoir , par l’iniperfeâ: on de la ma-
tière , qui ne permettoit pas à Dieu de mieux faire.
Mais cette réplique ne vaut rien; car la matière eft
elle-même indifférente pour toutes les formes , 6c
Dieu l’a faite. Le mal vient plutôt des formes mê-
mes , mais abftraites ; c’efl-à-dire , des idées que
Dieu n’a point produites par un afte de fa volonté,
non-plus que les nombres & les figures , que toutes
les ellences poffibles , qui font éternelles & nécef-
faires ; car elles fe trouvent dans la région idéale
des pofiibles , c’efl-à-dire , dans l’entendement di-
vin. Dieu n’ell donc point auteur des effences en-
tant qu’elles ne font que des polfibilités ? mais il n’y
a rien d’aftuel à quoi il n’ait donné l’exiflcnce. Il a
permis le mal , parce qu’il eft enveloppé dans le
meilleur plan qui fe trouve dans la région des pof-
fibles , que la fageffe f uprème ne pouvoit pas man-
quer de choifir. Cette notion fatisfait en même
tems à la fagefTe , à la puifTance , à la bonté de
Dieu , & ne lailTe pas de donner lieu à l’entrée du
mal. Dieu donne de la perfeClion aux créatures
autant que l’univers en peut recevoir. On pouffe le
cylindre ; mais ce qu’il y a de raboteux dans la fi-
gure , donne des bornes à la promptitude de fon
mouvement.

L’être fuprême , en créant un monde accompa-
gné de défauts , tel qu’efl l’univers adtuel , n’eft donc
point comptable des irrégularités qui s’y trouvent?
Elles n’y font qu’à caufe de l’infirmité naturelle ,
foncière , infurmontable , & originale de la créa-
ture ; ainfi. Dieu eft pleinement & philoibphique-
ment juftifié. Mais , dira quelque cenfeur audacieux
des ouvrages de Dieu , pourquoi ne s’eft-il point
abftenu de la production des choies , plutôt que
d’en faire d’imparfaites? Je réponds que l’abondance
de la bonté de Dieu en efl la caufe. Il a voulu fe
communiquer aux dépens d’une délicatelle , que
nous imaginons en Dieu, en nous figurant que les
imperfections le choquent. Ainfi , il a mieux aimé
qu’il y eût un monde imparfait , que s’il n’y avoit
rien. Au refte , cet imparfait eft pourtant le plus
parfait qui fe pouvoit , & Dieu a dû en être pleine-
ment content , les imperfections des parties fervant
à une plus grande perfeClion dans le tout. 11 eft vrai
qu’il y a certaines chofes qui auroient pu être mieux
faites , mais non pas fans d’autres incommodités en-
core plus grandes.

Venons au mal phyfique , & voyons s’il prête au
ManichciJ’me des armes plus fortes que le mal métaphy-
fique & le mal moral, dont nous venons de parler.

L’auteur de nos biens l’eft-il auffi de nos maux ?
Quelques philofophes effarouchés d’un tel dogme
ont mieux aimé nier l’exiftencc de Dieu , que d’en
reconnoître un qui fe faffe un plaifir barbare de tour-
menter les créatures , ou plutôt ils l’ont dégradé du
titre d’intelligent , & l’ont relégué parmi les caufês
aveugles. M. Bayle a pris occafion des différens
maux dont la vie eft traverfée , de relever le fyftème
des deux principes , fyftème écroulé depuis tant de
fiedes. 11 ne s’efl apparemment fervi de fes ruines
que comme on fe fert à la guerre d’une mafure
dont on efî’aye de fe couvrir pour quelques momens.
Il cioit trop philofophe pour être tenté de croire

M A N

en deux divinités , qu’il a lui-même Ci bien combat-
tues , comme on a pu voir dans cet article. Son
grand but , du moins à ce qui paroît , étoit d’humi-
lier la railon , de lui faire fentir fon impuiffanc j , de
la captiver fous le joug de la foi. Quoi qu’il en loit
de fon intention qui paroît fufpecte à bien des per-
fonnes , voici le précis de fa doctrine. Si c’étoit
Dieu qui eût établi les lois du fentiment , ce n’au-
roit certainement été que pour combler toutes (es
créatures de tout le bonheur dont elles font fufcep-
tibles , il auroit donc entièrement banni de l’univers
tous les fentimens douloureux, Si. fur-tout ceux qui
nous font inutiles. A quoi fervent les douleurs d’un
homme dont les maux font incurables , ou les dou-
leurs d’une femme qui accouche dans les déferts ?
Telle eft la fameufe objedion que M, Bayle a éten-
due & répétée dans fes écrits en cent façons diffé-
rentes ; & quoiqu’elle fût prefque aufîi ancienne que
la douleur l’eft au monde ; il a fu l’armer de tant de
comparaifons éblouiflantcs , que les Philosophes &
les Théologiens en ont été effrayés comme d’un
monftre nouveau. Les uns ont appelle la métaphy-
sique à leur fecours , d’autres le lont fauves dans
l’immenfité des cieux ; & pour nous confoler de
nos maux , nous ont montré une infinité de mondes
peuplés d’habitans heureux. L’auteur de la thcoru des
fentimens agréabtcs à répondu parfaitement bien à
cette objection. C’eft d’elle qu’il tire les principales
railbns dont il la combat. Interrogeons , dit-il , la
rature par nos obfervations , & fur les réponfes fi-
xons nos idées. On peut former fur l’auteur des lois
du fentiment deux queflions totalement différentes,
efl il intelligent ? eîl-il bienfaifant ? Examinons lé-
parément ces deux quellions , & commençons par
l’éclaircifTement de la première. L’expérience nous
apprend qu’il y a des caufes aveugles , & qu’il en
eft d’intelligentes , on les dilcerne par la nature de
leurs productions , & l’unité du defl’ein eft comme
le fceau qu’une caufe intelligente appofe à fon ou-
vrit ge. Or , dans les lois du fentiment brille une
parfaite unité de dcffein. La douleur & le plaifir fe
rapportent également à notre confervation. Si le
plaifir nous indique ce qui nous convient , la dou-
leur nous inllruit de ce qui nous ell nuifible. C’eft
ime impreffion agréable qui caraûtrife les alimens
qui lont de nature à fe changer en notre propre
fubftance ; mais c’cft la faim &. la foif qui nous aver-
tiffent que la tranfpiration & le mouvement nous ont
enlevé une partie de nous-mêmes , &. qu’il leroit
dangereux de dirférer plus long-tems à réparer cette
perte. Des nerfs répandus dans toute l’étendue du
corps nous informent des dérangemens qui y fur-
viennent , & le màne lentiment douloureux efl pro-
portionné à la force qui le déchire , afin qu’à propor-
tion que le mal tft plus grand , 6n fe hâte davantage
d’en rcpoufler la caufe ou d’en chercher le remède.

Il arrive quelquefois que la douleur femble nous
avertir de nos maux en pure perte. Rien de ce qui
cfl autour de nous ne peut les Ibulager ; c’cll qu’il
en efl des lois du fentiment comme de celles du mou-
vement. Les lois du mouvement règlent la fucccf-
fion des changemens qui arrivent dans les corps, 6l
portent quelquefois la pUiie fur les rochers ou fur
des terres Ilériles. Les lois du fentiment règlent dc
niême la fucceflion des changemens qui arrivent
dans les êtres animés , & des douleurs qui nous pa-
roiffent inutiles , en font quelquefois une fuite né-
ccfTaire par les circonrtances de notre fituaiion. Mais
l’inutilité apparentcde ces dillei entes lois , d.ins quel-
ques cas particuliers, cil un bien moindre inconvé-
nient que n’eût été leur mutabilité continuelle , qui
n’eut laiflé liibfiller aucun principe fixe , capable de
diriger les démarches des hommcb & des animaux.
Celles du mouvement font d’aillcuts lipajùitcment

A N

ap

afferties à la ftrufture des corps, que dans toute l’é-
tendue des lieux & des tems , elles préfervcnt d’al-
tération les élémens , la lumière & le foleil , & four-
nifi’ent aux animaux & aux plantes ce qui leur efl
néceiiaire ou utile. Ccilesclufentimentfontdemême
fi parfaitement afTorties à l’organilation de tous les
animaux , que dans toute l’étendue des tems & des
lieux elles leur indiquent ce qui leur efî convenable,
& les invitent à en faire la recherche , elles les inftrui-
fent de ce qui leur eft contraire , & les forcent de
s’en éloigner ou de les repouffer. Quelle profon-
deur d’intelligence dans l’auteur de la nature , qui ,
par des refiorts fi uniformes , fi fimples , fi féconds,
varie à chaque infhnt la fcene de l’univers , & la
conférve toujours la même !

Non feulement les lois du fentiment fe joignent à
tout l’univers , pour dépofer en faveur d’une caufe
intelligente ; je dis plus , elles annoncent un légilla-
teur bientaifant. Si , pour ranimer une main engour-
die par le froid , je l’approche trop près du feu, une
douleur vive la repouUe , & tous les jours je dois
à de pareils avertifiemens la confervation tantôt
d’une partie de moi-même , tantôt d’une autre ; mais
fi je n’approche du feu qu’à une diflance convena-
ble , je fens alors une chaleur douce , & c’eft ainfi
qu’auiii-tôt que les imprefiions des objets , ou les
mouvemens du corps , de i’efprit ou du cœur font ,
tant-foit-peu , de nature à favorifer la durée de
notre être ou fa perfedion , notre auteur y a libé-
ralement attaché du pla;fir. J’appeile à témoin de
cette profufion de fentimens agréables, dont Dieu
nous prévient , la peinture , la f.ulpture , farchi-
tedure , tous les objets de la vue , la mufique , la
danfe , iapoéfie, l’éloquence , Thifloire , toutes les
fciences , toutes les occupations , l’amitié , la ten-
drefl’e , enfin tous les mouvemens du corps , de I’ef-
prit & du cœur.

M. Bayle & quelques autres philofophes , atten-
dris fur les maux du genre humain’, ne s’en croient
pas fulîilammenc lié dommages par tous ces biens , &C
ils voudroient prelque no\is faire regretter que ce
ne ioient pas eux qui aycnr été chaVgés de c’-£ter
les lois du fentiment. Suppoions pour un moment
que la nature fe foit repotee fur eux Ai ce foin , Sz
elfayons de deviner quel eût été le plan de leur ad-
mmiftration. lis auroient apparemment commencé
par fermer l’entrée de l’univers à tout fentiment
douloureux, nous n’euffions yccu que pour le plai-
fir , mais notre vie auroit eu alors le fort de ces
fleurs , qu’un même jour voit naître 6l mourir. La
raim , la fbif , le dégoiit , le froid , le chaud , la laf-
litude , aucune douleur enfin ne nous auroit avertis
des maux prélens ou à venir , aucun frein ne nous
auroit modérés dans l’ulage des plaifirs , & la dou-
leur n’eût été anéantie dans l’univers que pour faire
place à la mort, qui , pour détruire toutes les efpc-
ces d’animaux , le fût également armée contre eux
de leurs maux & de leurs biens.

Ces prétendus légiflateurs , pour prévenir cette
defhudtion univerfelie , auroient apparemment rap-
pelle les fentimens douloureux , & fe feroient con-
tentés d’en alToiblir l’impreHion. Ce n’eût été que
des douleurs lourdes qui nous eufient averti , au
lieu de nous affliger. Mais tous les inconvéniens
du premier plan le (« croient retrouvés dans le fé-
cond. Ces avcriilîemeas refpeducux auroient été
wnc voix trop folble pour eire entendue dans la
j<niiliancc des plailirs. Combien d hommes ont jicine
à entendre les menaces des douleurs les pins vives i
Nous eulfions encore bientôt trouvé la mort dans
Tutagc même des biens delHnéî. à aflurer notre du-
rée. Pour nous dédomm iger de la douleur , o » au-
roit peut-être ajouté une nouvelle vivacité au plaifir
des lens. Mais ceux de l’cfpiit Se du cœur fulfent

M A N

alors devenus Infipldcs , & ce font pourtant ceux
qui (ont le plus de nature à remplir le vuide de la
vie L’ivrelie de quelques niomens eut alors em-
poiConné tout le relie du tenis par l’ennui. Eut-cc
été par l’augnicntatlon des plailirs de 1 ame qu on
nous eut eonlolés de nos douleurs ? ils euirent tait
oublier le foin du corps. Enlîn auroit-on redouble
dans une même proportion tous les plaifirs, ceux
des l’ens , de Tclprlt & du cœur ? Mais il eut fa lu
auffi ajouter dans la même proportion une nouvelle
vivacité aux lentimens douloureux. Il ne leroit pas
moins pernicieux pour le genre humain d accroître
le fentiment du plaifir ians accroître celui de la dou-
leur qu’il le leroit d’affoibllr le lentiment de la
douleur fans atToiblir celui du plailir. Ces deux dit-
férentes réformes pioduiroicnile mêmeefiet,en at-
foibliffant le frein qui nous empêche de nous livrer
à de mortels excès. ^ ^ , n ‘

Les mêmes légillateurs euffent fans doute carade-
rifé par l’agrément tous les biens néceflaires à notre
conlérvation , mais euffions-nous pu efpérer d’eux
qu’ils euffent été auffi ingénieux que l’elt la nature,
à ouvrir en faveur de la vue , de l’ouie 6c de l’elpnt,
des fources toujours fécondes de fentimens agréa-
bles dans la variété des objets , dans leur fymmetrie,
leur proportion & leur reffemblance avec des ob-
jets communs ? Auroient-ils fongé à marquer par
ime impreffion de plaifirs ces rapports fecrcts qui
font les charmes de la mufique , les grâces du corps
& de l’efprit , le fpeftaclc enchanteur de la beauté
dans les plantes , dans les animaux , dans l’homme ,
dans les penfées , dans les fentimens ? Ne regret-
tons donc point la réforme que M. Bayle auroit vou-
lu introduire dans les lois du fentiment. Reconnoif-
fons plutôt que la bonté de Dieu eu. telle , qu’il fem-
ble avoir prodigué toutes les fortes de plaifirs &
d’agrémens , qni onr pu être marqués du Iceau de fa
faoeffe. Concluons donc , que puifque la diftribution
du plaifir & celle de la douleur entre ^également
dans la même unité de deffein , elles n’annoncent
point deux intelligences effentiellement ennemies.

Je fens qu’on peut m’objeûer que Dieu auroit pu
nous rendre heureux ; il n’ell donc pas TEtre infini-
ment bon. Cette objedion fuppofe que le bonheur
des créatures raifonnables eft le but unique de Dieu.
Je conviens que fi Dieu n’avoit regardé que l’hom-
me dans le choix qu’il a fait d’un des mondes pofTi-
blcs , il auroit choifi une fuite de poffibles , d’où
tous ces maux feroient exclus. Mais l’Etre infini-
ment fage fe feroit manqué à lui-même , & il n’au-
roit pas fuivi en rigueur le plus grand réfultat de
toutes fes tendances au bien. Le bonheur de l’homme
a bien été une de fés vues , mais il n’a pas été l’uni-
que & le dernier terme de fa fageffe. Le refte de
l’univers a mérité fcs regards. Les peines qui arri-
vent à l’homme font une fuite de fon affujettiffe-
ment aux lois univerfelles , d’où fort une foule de
biens dont nous n’avons qu’une connoifî’ance im-
parfaite. Il ell indubitable que Dieu ne peut faire
fouffrir fa créature pour la faire foufïrir. Cette vo-
lonté impitoyable & barbare ne fauroit être dans
celui qui n’efl pas moins la bonté que la puiffance.
Mais quand le mal de l’humanité clt la dépendance
néceffaire du plus grand bien dans le tout , il faut
que Dieu fe laiffe déterminer pour ce plus grand
bien. Ne détachons point ce qui efl lié par un nœud
inditrolublc. La puiffance de Dieu efl infinie, aufii-
bien que fa bonté , mais l’une 6c l’autre eft tempé-
rée par fa fageffe , qui n’cfl: pas moins infinie , & qui
tend toujours au plus grand bien. S’il y a du mal dans
fon ouvrage , ce n’cfl qu’à titre de condition , il n’y
efl même qu’à titre de néceffité qui le lie avec le
plus parfait , il n’y eft qu’en vertu de la limitation
originale de la créature. Un monde oii notre bon-

M A N

heur n’eut jamais été altéré, & où la nature entière
auroit fcrvi à nos plaifirs fans mélange de difgrace<:,
étoit affùrément très poffible , mais il iHiroit entraî-
né mille dél’ordres plus grands que n’efl le iiiélange
des peines qui troublent nos plaifirs.

Mais Dieu ne pouvoit-il pas fe difpenfer de nous
affujettir à des corps , & nous fouflraire par-là aux
douleurs qui fuivent cette union ? Il ne le devoit pas,
parce que des créatures faites comme nous , entroient
néccffairement dans le plan du meilleur monde. ïl
efl vrai qu’un monde où il n’y auroit eu que des in-
telligences , étoit poffible , de même qu’un monde
où il n’y auroit eu que des êtres corporels. Un troi-
fieme monde , où les corps exiftant avec les efprits,
ces fùbllanccs divcrfes’ auroient été fans rapport
entre elles , étoit également poffible. Mais tous ces
mondes font moins parfaits que le nôtre , qui , outre
les purs elprits du premier , les êtres corporels du fé-
cond , les efprits 6c les corps du troifieme, contient
une liaifon , un concert entre les deux espèces de
lùbilances créables. Un monde où il n’y auroit eu
que des efprits , auroit été trop fimple, trop uni-
forme. La fageffe doit varier davantage feS ouvra-
ges: multiplier uniquement la mêmechofc , quelque
noble qu’elle puiffe être , ce feroit une fupcrfluité.
Avoir mille Virgiles bien reliés dans fa bibliothè-
que , chanter toujours les mêmes airs d’un opéra ,
n’avoir que des boutons de diamans , ne manger que
des failans , ne boire que du vin de Champagne ,
appelleroit-on cela raifon ? Le fécond monde , je
veux dire celui qui auroit été purement matériel ,
étant de fa nature infenfible &C inanimé , ne fe feroit
pas connu & auroit été incapable de rendre à Dieu
les aftions de grâces qui lui font dues. Le troifieme
monde auroit été comme un édifice imparfait , ou
comme un palais où auroit régné la folitude , comme
un état fans chef, fans roi, ou comme un temple fans
facrificateur. Mais, dans un monde où l’efprit eft uni
à la matière , l’homme devient le centre de tout , il
fait remonter juiqu’à Dieu tous les êtres corporels,
dont il eft le lien néceffaire. Il eft l’ame de tout ce
qui eft inanimé , l’intelligence de tout ce qui en eft
privé , l’interprète de tout ce qui n’a pas reçu la pa-
role , le prêtre & le pontife de toute la nature. Qui
ne voit qu’un tel monde , eft beaucoup plus parfait
que les autres ?

Mais revenons au fyftème des deux principes,’
M. Bayle convient lui-même que les idées les plus
fûres & les plus claires de l’ordre nous apprennent
qu’un être qui exifte par lui même , qui eft nécef-
faire , qui efl éternel , doit être unique , infini , tout-
puifl’ant , & doué de toutes fortes de perfe£lions ; qu’à
conliilter ces idées , on ne trouve rien de plus abfurde
que l’hypothefe de deux principes éternels & indé-
pendans l’un de l’autre. Cet aveu de M. Bayle rne
iV.ffit , & je n’ai pas befoin de le fuivrc dans tous fes
raifonnemens. Mais un fyftème, pour être bon , dit-
il , a befoin de ces deux chofes ; l’une , que les idées
en foient diftin£les ; l’autre , qu’il puiffe rendre rai-
fon des phénomènes. J’en conviens : mais fi les idées
vous manquent pour expliquer les phénomènes , qui
vous oblige de faire un fyftème, qui explique tou-
tes les eontradiftions que vous vous imaginez voir
dans l’univers. Pour exécuter un fi noble deffein , il
vous manque des idées intermédiaires que Dieu n’a
pas jugé à propos de vous donner : auffi-bien quelle
néceflité pour la vérité du fyflème que Dieu s’efl
prefcrit , que vous le puifîîez comprendre ? Con-
cluons qu’en fuppofant que le fyftème de l’unité de
principe ne fùlfit pas pour l’explication des phéno-
mènes , vous n’êtes pas en droit d’admettre comme
vrai celui des Manichéens. Il lui manque une condi-
tion effentielle , c’eft de n’être pas fondé , comme
vous en convenez, fur des idées claires ik fûres.

M A N ■

maïs pfutôt fur des idées abfurdes. Si donc il rend
raifon des phénomènes , il ne faut pas lui en tenir
compte ; il ne peut devoir cet avantage qu’à ce qu’il
a de défedueux dans les principes. Vous ne frappez
donc pas au but , en éra iant ici tous vos raifonnemens
en faveur auALmicUiJ/m. Sachez qu’une fuppolition
n’eft mauvaife quand elle ne peut rendre raifon des
phénomènes , que lorfque cette incapacité vient du
fond de la fuppofition même , mais li ion incapacité
vient des bornes de notre efprit , & de ce que nous
n’avons pas encore allez acquis de connoiffances
pour la faire lervir , il eft faux qu’elle foit mauvaife.
Bayle a bâti fon fyftème touchant l’origine du mal,
fur les principes de la bonté , de la fainteté & de la
toute puilTance de Dieu. Mallebranche préfère ceux
de Tordre , de la fagefîe. Leibnitz croit qu’il ne faut
que fa raifon fuffilante pour expliquer tout. Les
Tnéologiens emploient les principes de la liberté,
de la providence générale & de la chute d’Adam.
Les Socinicns nient la prefcience divine ; les Origé-
nilîes , l’éternité des peines ; Spinofa n’admet qu’une
aveugle & fatale néceiîité ; les Philofophes payens
ont eu recours à la métempfycofe. Les principes ,
dont Bayle , Mallebranche, Leibnitz, & les Théo-
logiens fe fervent , font autant de vérités. C’eft
l’avantage qu’ils ont lur ceux desSociniens , des Ori-
génifles , des Spinofifles 6c des Philofophes payens.
Mais aucune de ces vérités n’eft affez féconde pour
nous donner la raifon de tout. Bayle ne fe trompe
point, lorfqu’il dit que Dieu eu laint, bon , tout-
puiffant : il fe trompe lur ce qu’en croyant ces don-
nées là fuffifantes , il veut faire un fylîème. J’en dis
autant des autres. Le petit nombre de vérités que
notre raifon peut découvrir , 6i. celles qui nous font
révélées , font partie d’un fyltème propre à réfou-
dre tous les problèmes poffibles , mais elles ne font
pas deflinées à nous le raire connoître. Dieu n’a
tiré qu’un pan du voile , qui nous cache ce grand
myflere de l’origine du mal. On peut juger par-là
fi les ob’)e£fions de Bayle , quelle que foit la force
& l’adrefTc avec laquelle il les a maniées , & avec
quelque air de triomphe que ces gens les faflfent va-
loir , étoient dignes de toute la terreur qu’elles ont
répandue dans les efprits.

MANICHOIRE , f. m. ( Cordonnerie. ) efî un mor-
ceau de buis plat & mince en rondache par les deux
bouts , un bout plus large que l’autre ; il fert à ran-
ger les points de deiritie les fouliers. Foye:^ nos
Planches du Cordonnier- B ottUr .

MANICORDE ou CLARICORDE , f. m. (£«-
//ier;V.)inltrument de mufique en forme d’épinette.
f^oyt’j; Épi NETTE.

Il y a 49 ou 50 touches ou marches , & 70 cordes
qui portent lur 5 chevalets , dont le premier ell le
plus haut ; les autres vont en diminuant. Il a quel-
ques rangs de cordes à l’uniflbn , parce qu’il y en a
plus que de touches.

On y pratique plufieurs petites mortaifes , pour
faire paflér les lauteraux armés de petits crampons
d’airain qui touchent 6l hauflent les cordes , au lieu
de la plume de corbeau qu’ont ceux des clavefîins
& des épinettes. Mais ce qui le dilhngue encore
plus , c’eft que (es cordes font couvertes depuis le
clavier jufqu’aux mortaifes , de morceaux de drap
qui rendent le fon plus doux , & l’étouffent telle-
ment ciu’on ne le peut entendre de loin.

Quehjues perfonnes l’appellent par cette ra-fon,
épinette J’ourdc ; 6c c’elf ce qui fait qu’il eli particu-
lièrement en ula;’,e dans les couvens relii;icufes , où
on s’en lert par préférence pour apprendre à jouer
du claveffin dans la crainte de troubler le filcnce
-du dortoir.

• Le claricorde eft plus ancien que le clavefTm &
répincitc , comme le témoigne ScalJgcr , qu’il ne

M A N

^i

lui donne au refte que 35 cordes. Voyei Cla-

VESSIN.

MANICORDION », {, m. terme de Luth, c’eû une
forte de fil de fer ou de léton très-fin & très-délié

dont on tait les cordes des manicordions

, epinettes.

chvcfTins , pfaherions & autres inftrumens de mu-
fique femblables»

MANICOU , f. m. ( HiJ?. nat. ) quadrupède gros
à-peu-près comme un lièvre; il eft couvert d’un
poil afiez rude, de couleur grife tiran fur le rouffâ-
tre ; fa tête approche de celle du renard, mais plus
allongée, ayant le mufeau pointu, les oreilles droi-
tes , les yeux ronds paroilTant fortir de la tête , la
gueule très-fendue & garnie de dents fort aiguës ;
lés pattes font armées d’ongles affez forts ; fa queue
eft extrêmement longue , fort fouple , & pelée com-
me celle d’un rat; ce n’eft pas la partie la moins
utile à l’animal ; il s’en fert non-feulement pour s’ac-
c ocher aux branches des arbres , mais encore pour
épouvanter & faifir les volailles dont il eft extrê-
mement avide. 11 a fous le ventre entre les deux
cuilfes une efpece de poche ouverte en longueur
comme le jabot d’une chemife , dans laquelle la fe-
melle retire fes petits , foit pour les alaiter ou les
tranfporter plus commodément d’un lieu en un au-
tre , & par ce moyen les Ibuftraire à la pourfuite des
chiens & des chaffeurs. Cet animal eft fi ftupide ,
qu’étant furpris il n’ofe s’enfuir & fe laifTe tuer à
coups de bâton ; fa chair peut s’accommoder à dif-
férentes fauces , mais il faut avoir faim pour en man-
ger ; car elle exhale une odeur qui répugne ; les feuls
nègres en font uf âge. Le manicou fe trouve tres-com-
munément dans les îles de la Grenade , des Grena-
dins , de Tabago, & autres îles qui avoifment le
continent de l’Amérique. On le nomme quel-quefois
opojjum , coriguayra, maritacaca , ^cfilander^ félon les
diftérens pays où il fe rencontre. M. le Romain.

MAi’^lË , f. f. ( Médecine. ) ixavi» , vient du mot
grec fj.a.ivouL{tt , qui lignifie je fuis en fureur. On ap-
pelle de ce nom un délire univerfel fans fièvre , du
moins efTentielle : affez ibuvent ce délire eft furieux,
avec audace , colère , & alors il mérite plus rigou-
reufement le nom de manie ; s’il eft doux , tran-
quille , fimplement ridicule , on doit plutôt l’appel-
1er folie , imbécillité. Voyez ces mots. Comme ces
différens états ne font que des degrés , des efpeces
de manie , tous dépendans de la même caufe , nous
comprendrons en général dans cet article toutes ces
maladies longues dans lelquelles les malades non-
feulement déraiibnnent , mais n’apperçoivent pas
comme il faut, & font des a£iions qui font ou pa-
roifTent être fans motifs extraordinaires & ridicules.
Si les malades n’avoient qu’un ou deux objets dé-
terminés de délire, &: que dans les autres fujots ils
lé comportafTent en perlbnnes fcntécs , c’eff-à-dire
comme la plupart des hommes , ils fcroient ceniés
mélancoliques & non pas maniaques , ÔCc. /^ojc^
Varticle MÉLANCHOLIE.

La manie eft ordinairement annoncée par quel-
ques lignes qui en font les avant-coureurs ; tels font
la mélancholie , des douleurs violentes dans la tcte ,
des veilles opiniâtres, des fbmmeils légers, inquiets,
troublés par des fonges effrayans , Acs foucis , des
triftedes qu’on ne fauroit dilliper , des terreurs , des
colères excitées par les caules les plus légères. Lcrl-
([ue la manie efl lur te point de fe decitler , les yeux
font frappés , éblouis de teins en tems par des traits
de lumières , des efpeces d’éclairs ; les oreilles font
fatiguées par des bruits , des bourdonnemens pref-
que continuels ; l’appétit vénérien devient immo-
déré , les pollutions nodurnes plus trequentcs ; les
malades tondent en pleurs, ou rient demclurément
contre leur coutume & fans raifon apparente ; iU
parlent beaucoup à-tori; 6c à-travcrs , ou g;udcn£

îi M A N

wnfilencc pfofond, paroiflant cnieveîi’- dnns c|uéî’
qnc grande méditation ; les yeux deviennent iixes ,
appliqués à un feul objet , ou tïirieuv , mcnavans &
hagards , le pouls cil dur ; il i »c tait , iuivant Toblér-
vation d’Hippocratc , appercevoir au coude ; les
urines font rouges fans fédiment, mais avec quelque
loger nuage, Lorfque la manu eft déclarée , ils s’em-
portent le plusfouvent contre les afîiftans, contre
fux-mêmes ; ils mordent , décliirent , frappent tout
ce qui les environnent , mettent leurs habits en piè-
ces , fc découvrent indécemment tout le corps ; ils
niarchent ainfi pendant les froids les plus aigus fans
«•n redéntir les atteintes ; ils ne font pas plus fenlî-
bles à la faim , ù la foif , au befoin de dormir. Il y
en a qui , au rapport de Fcrnel , ont paflé jufqifà
ouatorze mois fans dormir ; leur corps s’endurcit,
devient robulle ; leur tempérament le fortiHc. On
obfcrve qu’ils font d’une force étonnante, qu’ils vi-
vent allez long-tcms, que les caul’es ordinaires de
maladie ne font point ou que très-peu d’imprelîion
fur eux ; il cil rare de les voir malades , même dans
iesconltitutionsépidémiquesles plus meurtrières. Il
y cn-^ qui ne ceffcnt de chanter , de parler , de rire ,
ou de pleurer ; ils changent de propos à chaque in-
Itant, parlent à bâtons rompus, oublient ce qu’ils
viennent de dire 6i. le répètent fans celfe. II y en a
de téméraires , d’audacieux, qui ne connoilicnt au-
cuns dangers , les affrontent hardiment , méprifent
& bravent tout le monde : d’autres au contraire ,
font timides, craintifs, ik quelquefois le délire eft
continuel ; d’autres fois il eft périodique : les mala-
des femblent pendant un tems jouir de toute leur
raifon ; ils étonnent par leur fagelTe ceux qui les
traitent de fous ; mais après quelques heures , quel-
ques jours , quelquefois auflî des mois entiers , ils
retombent de nouveau dans leur folie. Des auteurs
dignes de foi , rapportent avoir vu des fous , qui dans
ie plus fort de leurs accès, parloient des langues
étrangères , faifoient des vers, 6c raifonnoient fu-
périeurement fur des matières qui ne leur étoient
pas connues ; quelques-uns même prédil’oicnt l’ave-
nir ; ce qui pourroit faire prélumer que les devins ,
iibylles, &C ceux qui rendoient des oracles chez les
idolâtres anciens , n’étoient que des fous qui étoient
dans quelqu’acces de fureur. Les portraits qu’on
nous a laifTés de cesenthoufialmes prophétiques qui
précédoicnt leurs oracles , s’accordent allez bien à
cette idée. Peut-être pour lire dans l’avenir ne faut-
il qu’une teniion extraordinaire & un mouvement
impétueux dans les fibres du cerveau. Parmi les
caufes qui produilent cette maladie , les paffions
d’ame , les contcnlions d’elprit, les études forcées ,
les méditations profondes, la colère, la trilleffe, la
crainte , les chagrins longs & cuifans , l’amour mé-
prifé , &c. font celles qu’une oblervation conftante
nous a appris concourir le plus fréquemment à cet
cttet; les excrétions fupprimées ou augmentées, en
font auffi des caufes allez ordinaires. Hippocrate ,
-8c après lui Foreilus, Bonningerus , ont oblervéque
la rnanie étoit quelquefois une fuite de la fupprcffion
des règles , des lochies. Elle cil pour lors annoncée
par l’amas du fang dans les mamelles. Aphor. 40.
liv. y. Hippocrate remarque encore que la ceffation
d’un ulcère , d’une varice, la dilpoiiiion des tumeurs
qui font dans les ulcères , font fouvent fuivies de
manie : les obfervations de Schenkius confirment
cette alTertion.

Zacutus Lufitanus affure que le même effet eft
produit par la fuppreilion du flux hémorrhoidal ;
une évacuation trop abondante de fémence a été le
principe de la munie dans un vieillard dont parle
Henri de Hecrs , & dans un jeune homme dont Fo-
rclhis fait mention , qui ayant époulé une jolie fem-
?nc dans l’été , dcvixat maniaque ^r^.! [q commerce c\-

M A N

c’cflîf c{im1 eut avec elle. Les fièvres aîgiiës , înÀ.itrt-
matoires, ardentes , la petite vérole , ainfi que l’ont
obfervé Fabrice, Hildan , &c Chrillien Ewincler^
6c le plus fouvent la phrénélie , laifîent après elles
la manie. Sydenham en compte une efpece affez fré-
quente parmi les accidens qui fuccedent aux fièvres
intermittentes mal traitées par les faignées & les pur-
gatifs réitérés. Opuj’c. mai. cap. v. Il n’y a point de
cauies qui agiffent plus fubitement que certaines
plantes vénéneules ; telles lont le fîramonium , la
jiifquiamo , les baies du folanum , I.i dulcamarc , les
femenccs de pomme éi)ineufe : l’opium même or-
donné inconfiderément dans les délires fébrils , loin
de les calmer les tait dégénérer en manie. Pour que
CCS caufes agiffent plus fùrement , il faut qu’elles
foient aidées par une difpolition , une foiblefTe du
cerveau acquife , naturelle , ou héréditaire. Les
pcrfonnes pelantes , fUipides ; celles qui font au con-
traire douces , d’un efpnt vif, pénétrant , les Poètes,
les Philofophes , les Mathématiciens , ceux qui fe
livrent avec paiîion aux analyfes algébriques , font
les plus fujets à cette maladie.

Toutes ces caufes font confîaîées par un grand
nombre d’obfervations; mais l’on n’a pas encore pu
découvrir quel eft le vice, le dérangement intérieur
qui eft l’origine & la caufe immédiate des fympto-
mes qui conllitucnî cette maladie. En général l’étio^
logie de toutes les maladies de la tête , & fur-tout de
celles où les opérations de l’efprit fe trouvent com-
pliquées , eft extrêmement obf cure ; les obfervations
anatomiques ne répandent aucun jour fur cette
matière; le cerveau de pluficurs maniaques ouvert
n’a offert aux recherches les plus fcrupuleufes au-
cun vice apparent : dans d’autres , il a paru inondé
d’une férofité jaunâtre. Baillou a vu dans quelques-
uns les vaiffeaux du cerveau dilatés , variqueux ; ils
étoient de même dans un OT^ma^Me dans lequel on
trouva le plexus choroïde prodigieufement élargi ,
& embraffant prefque toute la furface interne des
ventricules , & parlemé de vaiffeaux rouges , dilatés
& engorges. Mijcellan. nat^ curiof. decad. z. ann. G,
L’état le plus ordinaire du cerveau des pcrfonnes
mortes maniaques , eft la féchereffe , la dureté , & la
friabilité de la fubftance corticale. Voye^ à ce fujet
Henri de Heers, < bjcrv. 3 . k lettere midicht deljignor
Martine Ghifi , paj^. zG. \q fepulchrctum deBooet,
Itb. & tom. I.fecL vi:j. pag. zoS. les obfervations de
Littre, inférées dans les mémoires de Vacad. royale des
Scienc. ann. ijoS.pag. ^y. Antoine de Pozzis racon-
te qu’un maniaque fut guéri de fa maladie en rendant
dans un violent éternument une chenille par le nez»
Fernel dit avoir trouvé deux gros vers velus dans le
nez d’une pcrfonne qui étoit tombée dans une ma-
nie mortelle à la fuite de la fupprefïïon d’un écoule-
ment fétide par le nez ; & Riolan affurû avoir vu
un vers dans le cerveau d’un cheval devenu fou.
Tous ces faits, comme l’on voit, ne contribuent
en rien à éclairclr cette théorie ; ainfi ne pouvant
rien donner de certain , ou au moins de probable ,
nous ne nous y arrêterons pas ; nous nous conten-
terons d’obferver qu’il y a néceffairement un vice
dans le cerveau idiopathique ou fympathique ; les
fymptomes effentiels de la manie viennent de ce que
les objets ne fe préfentent pas aux malades tels qu’ils
font en clfet ; on a attaché aux mouvemens partie
culiers & déterminés des fibres du cerveau, la for-
mation des idées , l’apperception. Lorfque ces mo-
titations font excitées par les objets extérieurs, les
idées y font conformes; les raifonnemens déduits
en conféquence font jufîes ; mais ft le fang raréfié ,
les pulfations rapides ou defbrdonnées des artères »
ouquelqu’autre dérangement que cefbit, impriment
le même mouvement aux fibres , elles repréfente-
ront comme préfeiis des objets qui ne le font pas,

comme!

M A N

M A N

?

comme vraîs ceux qui font chimériques; & ainfi les
fous ne me paroiffent pécher que dans l’appercep-
tion ; la fauffeté apparente de leur raifonnement
doit être attribuée à la non conformité de leurs idées
avec les objets extérieurs. Ils font furieux, empor-
tés contre les afîiftans, parce qu’ils croient voir en
eux autant d’ennemis prêts à les maltraiter. Leur in-
fenfibilité au froid , au chaud , à la faim , au fom-
meil , vient fans doute de ce que ces impreffions
ne parviennent pas jui’qu’à l’ame ; c’eft pour cela
qu’Hippocratea dit que fi quelque partie eft affeftée
de quelque caufe de douleur lans que le malade la
rcffente , c’eft figne de folie.

On peut en examinant les fignes que nous avons
détaillés au commencement de cet article , non-feu-
lement s’affurer de la préfence de la manie ^ mais
jnême la prédire lorfqu’clie elt prochaine ; elle ne
fauroit être confondue avec la phrénéfie , qui eft
vme maladie aiguë toujours accompagnée d’une fiè-
vre inflammatoire. Onladiftingue de la mélancho-
He par l’univerfalité du délire , par la fureur, l’au-
dace, &c. Foye:^ MÉLANCHOLIE. On peut en con-
fultant les parens, les afllftans, connoître les caufes
qui l’ont excitée.

La manie eft une maladie longue , chronique , qui
n’entraîne pour l’ordinaire aucun danger de la vie :
au contraire ceux qui en font attaques, font à l’abri
des autres maladies ; ils font forts , robuftes , à leur
état près , bien portans ; ils vivent affez long-tems ;
les convulfions & l’atrophie furvenues dans la ma-
nie, font des fymptomes tres-fâcheux. Un figne aufîi
très-mauvais, & qui annonce l’accroiflément & l’é-
tat defefpéré de manie , c’eft lorfquê les malades paf-
fans d’un profond fommeil à un délire continuel,
font infenfibles à la violence du froid , & à l’aâion
des purgatifs les plus énergiques. La mort eft pro-
chaine fi les forces font épuifées par l’abftinence ou
par les veilles, & que le malade tombe dans l’épi-
lepfie ou dans quelqu’autre affection foporeufe.
Quoique la manie ne foit pas dangereufe, elle eft
extrêmement difficile à guérir, lur-tout lorfqu’elle
eft invétérée : elle eft incurable lorfqu’elle eft héré-
ditaire ; on peut avoir quelque efpérancefi Icsparo-
xifmcs font légers , fi la manie eft récente , & fur-tout
fi alors le malade obfcrve exa£fement &: fans peine
les remèdes qu’on lui prefcrit ; car ce qui rend en-
core la guérilbn des maniaques plus difficile, c’efl
qu’ils prennent en averfion leur médecin , & regar-
dent comme des poifbns les remèdes qu’il leur or-
donne. Lorlque la manie fuccede aux fièvres inter-
mittentes mal traitées, à quelque écoulement (up-
primé, à des ulcères fermés mal-à-propos, à des
poifons narcotiques , on peut davantage fé flatter
de la guérifon , parce que le rétabiiftement des ex-
crétions arrêtées , la formation de nouveaux ulcè-
res , l’évacuation prompte des plantes véneneules,
font quelquefois fuivies d’une parfaite fanté. Hip-
pocrate nous apprend que les varices ou les hémor-
rhoides furvenues à un maniaque , le guénflent. Hh.
VI. aphor. 21. que la dyfcnterie, l’hydropilie , &c
une fimple aliénation d’cfpritdans la//z<///ii;, étoient
d’un très-bon augure; li!>. y II. aphor. 6. que lorl-
qu’il y avoit des tumeurs dans les ulcères, les m;i-
ladcs ne rifquoient ])as d’être maniaques; Aph. 5G.
liv. V. H y a dans Foreftus , Ohjerv. 2^. lib. X.
une obfervation d’une fiile folle, qui guérit de cette
maladie par des ulcères qui le formèrent à les jam-
bes. Les fièvres intermittentes, fièvres quartes, (« ont
auffi , fuivant Hippocrate , des puifl’ans remèdes
pour opérer la guérilbn de la manie. Ceux qui gué-
rl!Tent de cette maladie reftent pendant long tcms
trilles, ab.ittus & languillans ; ils conférvent un
fonds de mélancholie invincible, que le louvcnir
humiliant de leur état précédent entrelient.
Tome X.

La manie eft une de ces maladies où les oîus bî-»
biles médecins échouent ordinairement , tamiis r,y-,t
les charlatans, les gens à fecret, réuffiront très fôu-
vent. La guérifon qui s’opère j)ar la nature, eft ia
plus fimple & la plus fiîre ; la Médecine n’ofîre au-
cun fecours propre à corriger le vice du cerveau
qui confhtue la manie , ou du moins qui produit con-
fiamment cet effet : bien plus , tel remède qui a
g’iéri im maniaque., augmente le délire d »un autre.
L’opium, par exemple, que de grands praticiens dé-
tendent abiblument dans la manie., inllruits par leurs
obférvations de fes mauvais effets ; l’opium , dis-je ,
a guéri plufieurs maniaques, pris a des dofes confidé-
rables. Nouslifons dans le Journal ^es Savans du mois
de Juillet , ann. lyoï.pnge 3/4, q.i’une jeune fille
fut parfaitement guérie de laOTii/z/e, après avoir avalé
un onguent dans lequel il y avoit un fcrupu’e d’o-
pium ; quelques médecins Font donné en allez gran-
de quantité avec fuccès. Wepfer, hiftor. apnpUîl,
pag. GHj. Aëtius , Sydenham , n’en defapprouvent
pas l’ufage ; la terreur , affedion de l’ame, très- pro-
pre à produire la manie , en a quelquefois été l’an-
tidote ; Samuel Formius , Objervat. 32. rapporte
qu’un jeune maniaque ceffa de l’être après avoir été
châtré ; des chûtes avec frafture du crâne , le tré-
pan, le cautère , ont été fuivis de quelques heureux
fuccès : on a même vu la transfufion diifioer tota-
lement la manie ; quelque!© S cette opération n’a
fait qu’en diminuer les fympiomes ; fes effets per-
nicieux ne (ont rien moins que folidbment conftatés.
yojei !à-deflus D’ioms, cours d’opéraiions de Ckirurorle^
demonftr. viij. pag. 4^)8. Si. la bibliothèque medico-pra-
tique de Manget , tom, III. lib. XI. pag. J44. &■
Jequent. Il me paroît que pour la guériion de la ma-
nie, il faut troubler violemment & fuiiitemcnt tout
le corps, &: opérer par-là quelque chaogemcntcon-
fitlérable ; c’eft pourquoi les remèdes qui ont beau-
coiq) d’aûivitc, donnés par des empyriijues auîfi har-
dis qu’ignorans , ont quelquefois réuili. Lorùjue la
manie éépcnà de quelque excrétion fupprimée, if
faut tenter tous les fecours pour les rappellcr; rou-
vrir les ulcères fermés, excirer des di.inhées , des
dyfenteries artificielles ; tâcher en un mot , dans fad-
miniftration des remèdes , d’imiter la nature & de
fuivre fes traces. Dans les /«a/;/e:.v tiiiieufes, les fai-
gnées font affez convenables ; il eft fbuvent nécef-
faire ou utile de les réitérer ; l’artériotomie peut
ctreeinployée avec fuccès. Fabrice Seid.,n rapporte
plufieurs obférvations qui en conftatenl fcificacité.
Efficac. medic. part. 11. pag. 4S. à’jéq. On ne doit
pas négliger l’application des lang-fues aux rcnipes,
aux vailieaux hémorrhoïdaux , ni les ventoufes ;
quant aux vélicatoires, leur uiage peut être ires-
pcrnicieux ; les feules laignées copeules ont quel-
quefois guéri la manie. Félix PI. 1 1er raconte avoir
vu unenq)yriquequi guéiifioit tous les maniaques en
les faignant julqu’à loixantc &C dix fois dans une fe-
maine. Ob/crv. lib. Ipag. 86′. Une foule de prati-
ciens célèbres affurent qu’ils ne connoilfent pas
dans la manie de remède plus efficace. Les pur«atirs
cméiiques & cathartiques font aulli geuéraleiucnc
nj)prouvés. Les anciens tailbient beaucoup dulaye
derhellébore purgatif violent ; Horace conieile aux:
fous de voyagera Aniicyre , îie te.tile en hellébore.
Quckpics moJcrnes croient qif il ne faut pas uJer tics
piugaiifs diaftiques ; ils pcnlent que l’hellébore des
anciens étoit châtré <Si adouci pnr (juolquo correcfit
approprié; il faut cependant remarquer que ces ma-
lades étant moins fenfibles , moins impreiiionabies
aux irritations , ont belom d’être plus violemment
fècoués, & exigent par- là qu’on leurdon’ie des rc-
medi’S plus forts & à plus haute dofe. Non-feule-
ment l’évacuation opérée par Icinétique eft utile,
mais en outre la fccoulle générale qvu en rclulte,

34 M A N

rébranlement de tout le corps , les efforts qui en font
la luite, rendent leur ulage très-avantageux. Les
bains chauds ctoient fort ufités chez les anciens
dans le traitement de la manie. Galien, Aretée ,
Alexandre de Tralles , Prol’per Alpin, &c. en van-
tent les heureux fuccès ; on ne fe fertpkis aujourd’hui
dans cette maladie que des bains froids ; c’elt Van-
helmont qui nous a fait connoître l’utilité de ce re-
mède ; le l.atard la lui avoit apprife : on tranfpor-
toit fur un chariot un artifan maniaque , (\\n ayant
pu fe débarrallcr des chaînes dont il étoit garroié,
le jetta dans un lac profond. On l’en retira le croyant
mort ; mais peu de tems après , il donna des fignes
de vie &: de faute ; il vécue enfuite aflez long-tems
fans éprouver aucune atteinte de folie; Van-hel-
mont animé par cet exemple, elVaya depuis ce re-
mède fur plulieurs maniaques, & prefque toujours
avec un fuccès complet, excepte, dit-il, lorique
craignant pour la vie du maniaque , on ne le laifloit
pas affez long-tems dans i’eau. L’immcrfion dans la
mer ou dans’^la rivière eft indifférente ; la feule at-
tention qu’on doive avoir , c’elt de plonger fubite-
ment & à l’improvifte , les malades dans Teau, & de
les y foutenir très long-tems ; il n’y a rien à crain-
dre pour leur vie. L’eau froide ou glacée appliquée
ou verfée de fort haut fur la tête , a produit le
même effet ; lorfqu’elle réuifit , cette application elt
fuivie d’un fommeil profond. J’ai connu une pcr-
fonne maniaque , qui s’échappant d’une prifon où
elle étoit retenue, fît p’.ufieurs lieues avec une pluie
violente fans chapeau 6i prefque fans habits , & qui
recouvra par ce moyen une fanté parfaite. Foye^
Us mémoires de Vacad. roy. des Scienc. ann. 1^34.
hiiloir. pag. 56. Pfychroloulia , ou the hiftory of
cold Bathings , &c. pag. 4i2. Quelques auteurs em-
ploient dans ce cas ci avec fuccès les effences aro-
matiques violentes , les fpiritueux à haute dofe , le
mufc , l’ambre , le camphre , &c. D’autres affurent
que les humeûans, ratraîchiffans , caïmans, les ni-
treux , «S-c. font les remèdes fur lefquels on peut le
plus compter : mais ce ne font pas des remèdes cu-
ratifs ; ils ne font propres qu’à diminuer la violen-
ce des fureurs , propriété que poffede éminemment
le fucre de Saturne, donné depuis deux grains juf-
qu’à huit ; ils font préférables à l’opium dont ils ont
les avantages fans les inconvéniens. La manie qui
fuccede aux fièvres intermittentes, demande un trai-
tement particulier. Sydenham , le feul qui en ait
parlé , remarque que lesfaignées & les purgatifs l’ai-
griffcnt &c l’opiniâtrent ; que les remèdes les plus
appropriés font une diète analeptique, reftaurante
des légers cordiaux comme !a thériaque , la poudre
de la comteffe, &c. Il affCire avoir guéri par cette
méthode plufieurs /;w/^’V5 , qui dévoient leur origine
à cette caufe. M. Menuret.

MANIEMENT , f. m. {G ramm. )WQ:ion de tou-
cher avec attention. Il y a plufieurs fubftances na-
turelles ou artificielles , dont la bonne ou mauvaile
qualité fe reconnoît au maniement.

Maniment , f. m. (^Hijl. mod.^ terme dont les
An »lois fe fervent en parlant de leur combat de coq:
il fignifie l’adion de melurer la groffeur de cet ani-
mal , en prenant fon corps entre les mains & les
doigts.

Maniement , ( Commerce. ) en termes de finances
& de banque , fignifie l’argent que les caifTiers &
autres employés dans les termes du roi , dans le
commerce & dans les affaires des particuliers, reçoi-
vent, & dont ils font comptables. On dit qu’un caif-
fier, un receveur a un grand maniement , quand il
a en calffe des fommes confidérables. Dictionn. de
commerce.

iMamement d’épée , en fait d^fcrime. On dit
d’un efcrimeur qu’il manie bien l’épée , lorfqu’il la

M A N

tient de façon qu’il puifTe faire tous les mouvemens
de l’efcrime fans être gêné , 6l fans que l’épée chan-
ge de place dans fa main.

Pour bien tenir l’épée , il faut ; 1°. placer le pom-
meau à la naiffancc de la main , entre le ténar &
Fhypoténar ; 2″. allonger le pouce & les mufcles té-
nar fur le plat de la poignée , ou ce qui eft le même
alignés fur le plat de la lame ; 3°. mettre le milieu
de l’index deffous l’extrémité de la poignée , qui eft
du côté de la garde; 4″. placer les bouts du petit
doigt &L du doigt annulaire , fur le côté & à l’ex-
trémité de la poignée qui eft du côté du pommeau ;
5°. prcfîcr avec ces deux doigts l’extrémité de la
poignée , contre le ténar ; 6″. obferver de laifTer
un intervalle d’un travers de doigt au moins , en-
tre la garde & l’extrémité du pouce , & qu’il ne
faut ferrer la poignée avec les doigts collatéraux ,
que dans l’inftant d’une adion , parce que les muf-
cles ténar font d’abord engourdis , & que le petit
doigt 6c l’annulaire ne s’engourdiffent jamais.

L’épée ainfi placée dans la main , elle ne doit ja-
mais y changer de pofition ; & lorfqu’on eit obligé
de faire un mouvement , foit pour attaquer ou pour
fe défendre , la main doit tourner & mettre l’épée
où elle doit être.

MANIER , v. a£t. ( Gramm. ) c’eft ou toucher de
la main, ou donner de la foupleffe à une chofe, en la
faifant paffer & repaffer entre les mains,ou en éprou-
ver la qualité par le toucher,ou toucher fouvent, ou
lavoir faire unufage adroit , ou diriger. Voici diffé-
rens exemples de ces acceptions : il n’appartient
qu’au prêtre de manier les vafes facrés ; il faut ma-
/zwles peaux jufqu’à ce qu’elles foienttout-à- fait fou-
pies & douces ; on connoît la qualité d’un chapeau
en le maniant ; les gens d’affaires manient beaucoup
d’argent ; l’expérience a appris aux fupérieurs de
communauté à manier les efprits. Cet homme fait
bien manier un cheval , un fleuret , une épée , &c.

Manier à bout , ( Architecl. ) c’eft relever la
tuile ou ardoife d’une couverture , & y ajouter du
lattis neuf avec les tuiles qui y manquent , faifant
reffervir les vieilles ; c’eft auffi affeoir du vieux pa-
vé fur une forme neuve , & en remettre de nouveau
à la place de celui qui eft caffé.

Manier , (^Markh.^ fe dit du cheval de manège
quand il fait fon exercice avec grâce & légèreté.
Un cheval peut manier bien ou mal. Manier de ferme
à ferme , fe dit du cheval que le cavalier fait manier
fans fortir de fa place.

Manier , (^Peinture) On dit , ce peintre manie
le pinceau , manie la couleur comme il lui plaît ,
c’elt-à-dire , qu’on lui reconnoît une main fùre. Ma-
nier la couleur , maniement des couleurs , manier le
pinceau , maniement du pinceau.

Manier, ( Vergetier.) Foyei APPRÊTER.

M A N I ER E , f. f. {Gramm. Pal. Moral. ) dans le
fens le plus généralement reçu , font des ufages éta-
blis pour rendre plus doux le commerce que les hom-
mes doivent avoir entr’eux. Elles font l’expreflion
des mœurs, ou feulement l’effet de la foumifTion aux
ufages. Elles font par rapport aux mœurs , ce que
le culte eft par rapport à la religion ; elles les ma-
nifeftent , les confervent , ou en tiennent lieu , &
par conféquent elles font dans les fociétés d’une plus
grande importance que les moraliftes ne l’ont penfé.

On ne lait pas affez combien l’habitude machina-
le nous fait faire d’aftions dont nous n’avons plus
en nous le principe moral , & combien elle contri-
bue à conferver de principe. Lorfque certaines ac-
tions , certains mouvemens fe font liés dans notre
efprit avec les idées de certaines vertus, de certains
fentimcns ; ces actions , ces mouvemens rappellent
en nous ces fentimens , ces vertus. ^(9j«{ Liaison
DES idées.

AN

A la Chkie les enfans rendent d’extrêmes hon-
neurs à leurs parens ; ils leur donnent fans ceiTe des
mnrques extérieures de relpeft & d’amour : il eft
vrailfemblable que dans ces marques extérieures, il
y a plus de démonftration que de réalité ; mais le
relped & l’amour pour les parens font plus vifs &C
plus continus à la Chine, qu’ils ne le font dans les
pays où les mêmes lentimens font ordonnés , fans
que les loix prefcrivent la manière de les manifefter.
Il s’en manque bien en France , que le peuple ref-
pede tous les grands qu’il falue ; mais les grands y
font plus refpeâés , que dans les pays oii les maniè-
res établies n’impofent pas pour eux des marques
de refpe£i.

Chez les Germains , & dépens parmi nous dans
les ficelés de chevalerie, on honoroit les femmes
comme des dieux. La galanterie étoit un culte , &
dans ce culte comme dans tous les autres , il y avoit
des tiédes & des hypocrites ; mais ils honoroient
encore les femmes , & certainement ils les aimoicnt
& les refpeâoient davantage que le cafFre qui les
fait travailler, tandis qu’il ferepofe, & que Tafiati-
qtie qui les enchaîne &: les careffe , comme des ani-
maux deftinés à les piailirs.

L’habitude de certaines aâions, de certains gef-
tes , de certains mouvemens , de certains fignes ex-
térieurs maintiennent plus en nous les mêmes fen-
timens , que tous les dogmes & toute la Métaphy-
fique du monde.

J’ai dit que l’habitude machinale nous faifoit fai-
re les aftions dont nous n’avions plus en nous le
principe moral ; j’ai dit qu’elle confervoit en nous
le principe , elle fait plus , elle l’augmente ou le fait
naître.

Il n’y a aucune paflîon de notre ame , aucune
affedion , ancun fentiment , aucune émotion qui
n’ait fon effet fur le corps, qui n’élevé , n’affaifle ,
ne relâche ou ne tende quelques mufcles , & n’ait
du plus au moins en variant notre extérieur , une
cxpreffion particulière. Les peines 6c les plaifirs, les
dctirs & la crainte , l’amour ou l’averfion , quel-
que morale qu’en foit la caufe , ont plus ou moins
en nous des effets phyiiques qui fe manifeflent par
des fignes , plus ou moins fcnlibles. Toutes les af-
fcdions fe marquent fur le vifage , y donnent une
certaine expredion, font ce qu’on appelle la phyjio-
novi’u , changent l’habitude du corps , donnent &
ôtcnt la contenance , font faire certains gcitcs , cer-
tains mouvemens. Cela ell d’une vérité qu’on ne
contefte pas.

Mais il n’efl pas moins vrai , que les mouvemens
des mulclcs & des nerfs qui font d’ordinaire les ef-
fets d’une certaine pafîion , étant excites , répétés
en nous (ans le lecours Je cette pafTion , s’y repro-
duiient julqu’à un certain point.

Les effets de la muficjuc iur nous font une preuve
fenfiblc de cette vérité : Fimprcffion du corps fono-
re fur nos nerfs y excite diiférens mouvemens ,
dont pluficurs font du genre des mouvemens qu’y
exciteroit wwc certaine palîion ; & bien-tôt fi ces
mouvemens (c fuccédent , fi le muficicn continue
de donner la même forte d’ébranlement au genre
nerveux ; il fait pafTer dans l’ame telle ou telle paf-
fion, la joie , la trilleffc , ririquictiule , &c. Il s’en-
luit de cette obfervatlon , dont tout homme doué
de quelque dclicatcfl’e d’organe, peut coullatcr ca
loi la vérité , que li certaines pallions donnent au
corps certains mouvemens , ces mouvemens ramè-
nent l’ame à ces pariions ; or les manier a conllllant
pour la plupart en gclles , habitudes de corps , dé-
marches , adions , qui ibnt les lignes , l’expreliion ,
les effets de certains lentimens , doivent tlonc non-
feulenicnt manifclkr , confervcr ces lentimens, mais
quelquefois les l’aire naître,
Tomt A’,

M A N

35

Les anciens ont fait plus d’attention que nous à
l’influence des manières fur les mœurs , & aux rap-
ports des habitudes du corps à celles de l’ame. Pla-
ton diftingue deux fortes de danfe , l’une qui ell un
art d’imitation , & à proprement parler , la panto-
mime , la danfe 6c la feule danfe propre au théâtre;
l’autre , l’ait d’accoutumer le corps aux attitudes
décentes , â faire avec bienféance les mouvemens
ordinaires ; cette danfe s’efl confervée chez les mo-
dernes , 6i nos maîtres à danfer font profeffeurs des
manicres. Le maître à danfer de Molière n’avoir pas
tant de tort qu’on le penfe , fmon de le préférer ,
du moins de le comparer au maître de Philofophie.

, ignag

des lupéneuis envers les inférieurs , les lentimens
de bienveillance 6c d’eilime entre les égaux. Elles
règlent le maintien , elles le prefcrivent aux diffé-
rens ordres , aux citoyens des ditferens états.

On voit que les manières , ainfi que les mœurs,
doivent changer, félon les différentes formes de gou-
vernement. Dans les pays de defpotifme , les mar-
ques de loumilTion font extrêmes de la part des in-
férieurs ; devant leurs rois les fairapes de Perle fe
prollernoient dans la pouffiere , & le peuple devant
les fatrapes fe proilernoir de même ; l’Alie n’eft point
changée.

Dans les pays de defpotifme , les témoignages
d’humanité 6c de condclcendance de la part des fu-
périeurs , fe réduilent à fort peu de chofe. Il y a
trop d’intervalle entre ce qui eft homme 6c ce qui
eft homme en place , pour qu’ils puiffent jdmais fe
rapprocher ; \k les lupérîeurs ne marquent aux infé-
r.eurs que du dédain , 6c quelquefois une infultante
pitié.

Les égaux efclaves d’un commun maître , n’ayant
ni pour eux-mêmes, ni pour leurs lemblables, au-
cune eftime , ne s’en témoignent point dans leurs
manières; ils ont foiblement l’un pour l’autre , les
fentimens de bienveillance ; ils attendent peu l’un
de l’autre, 6c les efclaves élevés dans la lervitude
ne favent point aimer ; ils font plus volontiers oc-
cupés à rejetter l’un fur l’autre le poids de leurs fers,
qu’à s’aider à les fupporter ; ils ont plus l’air d’im-
plorer la pitié , que d’exprimer de la bienféance.

Dans les démocraties , dans les gouvcrnemens où
la puîffance légillatîve réfide dans le corps de la
nation , les manières marquent foiblement les rap-
ports de dépendance, 6c en tout genre même; il y
a moins de manières & d’ulages établis , que d’ex-
prelîions de la nature ; la liberté le nianifeile dans
les attitudes , les traits 6c les adions de chaque ci-
toyen.

Dans les ariftocratiqucs, & dans les pays où la
liberté publique n’elt plus, mais où l’on jouit de la
liberté civile ; dans les pays où le petit nombie fait
les lois , 6c Iur -tout dans ceux où un feul règne,
mais par les lois , il y a beaucoup de manières &
d’njat^es de convention. Dans ces pays plaire eft un
avantage, déplaire eft un malheur. On plait par des
agréniens (ik nieine par des vertus , 6c les manières y
font d’ordinaire nobles &: agréables. Les citoyens
ont beloîn les uns des autres pour fe confcrver, fe
fccounr , s’élever ou jouir. lU craignent d’éloigner
ti’cux leurs concitoyens en laiftaiit voir leurs dé-
fauts. On voit par-tout l’iiiérarchle & les égards, le
relped & la liberté , l’envie de plaire & la tranchifc.

lyordinairc dans ces pays on remarque au pre-
mier coup d’œil une certaine uniformité, les carac-
tères paroiffent le rellembler , parce que leur diffé-
rence eft c.ichée par les manières , & même on y
voit beaucoup plus rarement que dans les républi-
ques, de CCS caradcrcs oriijinauv qui (emhlent nj;

Eij

36 M A N

rien devoir qu’à la nature , & cela non – feulement
parce que les manures gênent la nature , mais qu’elles
la changent.

DaiYî. les pays où règne peu de luxe , oii le peu-
ple eft occupé du commerce & de la culture des ter-
res, où les hommes le voyent par Intérêt de première
néceflité , plus que par des raifons d’ambition ou
par goût du plaifir, les dehors font limplcs 6i hon-
nêtes , & les maniera font plus fages qu’affedueulés.
I! n’eft pas là qucftion de trouver des agrémens &
d’en montrer; on ne promet & on ne demande que
de la juliice. En général dans tous les pays où la
nature n’cil pas agitée par des mouvemens impri-
més par le gouvernement , où le naturel eft rare-
ment forcé de fe montrer, iU. connoît peu le befoin
de fe contraindre, les manures font comptées pour
rien , il y en a peu, à moins que les lois n’en ayent

inftitué.

Le préfident de Montefquieu reproche aux légis-
lateurs de la Chine d’avoir confondu la religion , les
mœurs, les lois & les manières ; mais n’ell-ce pas
pour éfernlferlalégiflation qu’ils vouloient donner,
que ces génies fublimes ont lié entre elles des cho-
fes , qui dans plufieurs gouvernemens font indépen-
dantes , &: quelquefois même oppofées? C’eft en ap-

M A N

tances , fi les fiecles amènent des momens où il feroit
bon qu’une nation changeât fon caradere, les légi-
flateurs de la Chine ont eu tort.

Je remarque que les nations qui ont confervé le
plus long-tems leur efprit national, font celles où le
légiflateur a établi le plus de rapport entre la confti-
tution de l’état , la religion , les mœurs , & les ma-
nières y & fur-tout celles où les manières ont été inf-
tituées par les lois.

Les Egyptiens font le peuple de l’antiquité qui a
changé le plus lentement , & ce peuple étoit conduit
par des rites, par des manières. Sous l’empire des
Perfes & des Grecs on reconnut les fujets de Pfam-
métique & d’A priés, on les reconnoit fous les Ro-
mains & fous les Mamelucs : on voit même encore
aujourd’hui parmi les Egyptiens modernes des verti-
ges de leurs anciens ufages, tant eft puiffante la
force de l’habitude.

Après les Egyptiens, les Spartiates font le peuple
qui a confervé le plus long – tems fon caradere. Ils
a voient un gouvernement où les mœurs, les maniè-
res^ les lois & la religion s’unifToient, fe fortifioient,
étoient faites Tune pour TautTe. Leurs manières
étoient inftituées, les fujets & la forme de laconver-
fation, le maintien des citoyens, la manière dont
ils s’abordoient , leur conduite dans leurs repas , les
dérails de bienféance, de décence, de l’extérieur
enfin , avoient occupé le génie de Lycurgue, comme
les devoirs effentiels & la vertu. Aufli fous le règne
deNervalesLacédémoniens fubjugués depuis long-
tems, les Lacédénioniens qui n’étoient plus un peu-
ple libre , étoient encore un peuple vertueux. Né-
ron allant à Athènes pour fe purifier après le meur-
tre de fa mère , n’ofoit pafTer à Lacédémone ; il crai-
gnoit les regards de fes citoyens , & il n’y avoit
pas là des prêtres qui expiaffent des parricides.

Je crois que les François font le peuple de l’Europe
moderne dont le caradere eft le plus marqué, &
qui a éprouvé le moins d’altération. Ils font, dit
M. Duclos , ce qu’ils étoient du tems des croifades ,
une nation vive , gaie, généreufe, brave, fincere,
préfomptueufe, inconftante, avantageufe , inconfi-
dérée. Elle change de modes & non de mœurs. Les
manières ont fait autrefois , pour ainfi dire , partie
de fes lois. Le code de la chevalerie, les ufages des
anciens preux , les règles de l’ancienne courtoifie

ont eu pour objet les manières. Elles font encore en
France, plus que dans le refte de l’Europe , un des
objets de cette féconde éducation qu’on reçoit en
entrant dans le monde , & qui par malheur s’accorde
trop peu avec la première.

Les manières doivent donc être un des objets de
l’éducation , & peuvent être établies même par des
lois , aufli fouvent pour le moins que par des exem-
ples. Les mœurs lont l’intérieur de l’homme , les
manières en font l’extérieur. Etablir les manières par
des lois , ce n’eft que donner un culte à la vertu.

Un des effets principaux des manières , c’eft de
gêner en nous les premiers mouvemens : elles ôtent
l’effor & l’énergie à la nature ; mais aufTi en nous
donnant le tems de la réflexion , elles nous empê-
chent de facrifier la vertu à un plaifir préfent, c’eft-
à -dire le bonheur de la vie à l’intérêt d’un mo-
ment.

Il ne faut point trop en tenir compte dans les arts
d’imitation. Le poète & le peintre doivent donner
à la nature toute fa liberté, mais le citoyen doit fou-
vent la contraindre. II eft bien rare que celui qui
pour des légers intérêts fe met au-deffus-des manie-
res , pour un grand intérêt ne fe mette au-deflus des
mœurs.

Dans un pays oii les manières font un objet im-
portant, elles furvivent aux mœurs, & il faut même
que les mœurs foient prodigieulement altérées pour
qu’on apperçoive du changement dans les manières.
Les hommes fe montrent encore ce qu’ils doivent
être quand ils ne le font plus. L’mtérêt des femmes
a confervé long-tems en Europe les dehors de la
galanterie, elles donnent même encore aujourd’hui
un prix extrême aux manières polies , aufti elles
n’éprouvent jamais de mauvais procédés, & reçoi-
vent des hommages , & on leur rend encore avec
empreflement des fervices inutiles.

Les manières font corporelles, parlent aux fens,
à l’imagination , enfin font fenfibles , 6i voilà pour-
quoi elles furvivent aux mœurs , voilà pourquoi
elles les confervent plus que les préceptes & les lois ;
c’eft par la même raifon que chez tous les peuples
il refte d’anciens ufages, quoique les motifs qui les
ont établis ne fe confervent plus.

Dans la partie de la Morée, qui étoit autrefois la
Laconie, les peuples s’aft’emblent encore certains
jours de l’année & font des repas publics , quoique
l’efprit qui les fit inftituer par Lycurgue foit bien
parfaitement éteint en Morée. Les chats ont eu des
temples en Egypte ; on ignoreroit pourquoi ils y
ont aujourd’hui des hôpitaux s’ils n’y avoient pas
eu des temples.

S’il y a eu des peuples policés avant l’inventioa
de l’écriture , je fuis perfuadé qu’ils ont confervé
long-tems leurs mœurs telles que le gouvernement
les avoit inftituées , parce que n’ayant point le
fecours des lettres, ils étoient obligés de perpétuer
les principes des mœurs par les manières y par la
tradition, par les hiéroglyphes, par des tableaux,
enfin par des fignes fenfibles , qui gravent plus for-
tement dans le cœur que l’écriture, les livres, &
les définitions: les prêtres Egyptiens prêchoient ra-
rement & peignoient beaucoup.

Manières, Façons, {Synon.^ les manières font
l’expreftion des mœurs de la nation , les façons font
une charge des manières , ou des manières plus re-
cherchées dans quelques individus. Les manières àç-
\\tnnex\i façons quand elles font affedées. hes façons
font des manières qui ne font point générales , & qui
font propres à un certain caradere particulier, d’or-
dinaire petit & vain.

Manière grandeur de , (^Architecîure.^ la grandeur
dans les ouvrages d’architedure peut s’envifager de
deux façons; elle fe rapporte à la mafte 5c au corp$

M A N

^e réHifice , on à la manière dont il eft bâti.

A l’égard du premier point, les anciens monu-
mcns d’architecture , iur-tout ceux des pays orien-
taux l’emportoient de beaucoup fur les modernes.
4Que pouvoit-on voir de plus étonnant que les mu-
railles de Babylone, que les jardins bâtis lur des voû-
tes, & que Ion temple dédié à Jupiter -Bélus, qui
s’élevoit à la hauteur d’un mille, où il y avoit huit
ditfcrens étages, chacun haut d’un ftade ( 115 pas
géométriques) , & au fommet l’obfervatoire babylo-
nien? Que dirons-nous de ce prodigieux baffin, de
ce réiervoir artificiel qui contenoit ï’Euphrate , juf-
qu’à ce qu’on lui eîit dreffé un nouveau canal , & de
tous les fofles à travers Iciquels on le fit couler? Il ne
faut point traiter de fables ces merveilles de l’art ,
parce que nous n’avons plus aujourd’hui de pareils
ouvrages. Tous les Hiftoriens qui les décrivoient n’é-
toient ni fourbes ni menteurs. La muraille de la Chine
cil un de ces édifices orientaux qui figurent dans la
thappemonde, &c dont la delcription paroîtroit fa-
biilcufe , fi la muraille elle-même ne fubfiftoit au-
jourd’hui.

Pour ce qui regarde la grandeur de manière ^ dans
les ouvrages d’architedure , nous fommes bien éloi-
gnés d’égaler celle des Grecs & des Romains. La
vue du leul Panthéon de Rome fuffiroit pour défa-
bufer ceux qui penferoient le contraire. Je n’ai pas
trouvé de juge qui ait vu ce fuperbe temple, (ans
reconnoître qu’ils avoient été frappés de fa nobieffe
& de fa majellé.

Cette grandeur de manière , en architeâure, a tant
de force fur l’imagination , qu’un petit bâtiment où
elle règne , donne de plus nobles idées à l’efprit ,
qu’un autre bâtiment vingt fois plus étendu à l’égard
de la maffe, où cette manière eft commune. C’eft
ainfi peut-être qu’on auroit été plus furpris de l’air
majeltueux qui paroiflbit dans une ftatue d’Alexan-
dre faite parla main de Lifippe , quoiqu’elle ne fût
pas plus grande que le naturel , qu’on ne l’aurait été
à la vue du mont Athos , fi, comme Dinocrate le
propofoit, on l’eût taillé pour repréfenter ce con-
quérant, avec une rivière fur l’une de fes mains,
& une ville fur l’autre.

M.deChambray dans fon parallèle de l’architec-
ture ancienne avec la moderne, recherche le prin-
cipe de la différence des manières , & d’où vient
qu’en une pareille quantité de fuperficie, l’une fem-
ble grande & magnifique, & l’autre paroît petite &
mefquine : la raifbn qu’il en donne eft fort fimple ;
il dit que pour introduire dans l’architefture cette
grandeur de manière^ il faut faire que la divifion des
principaux membres des ordres ait peu de parties,
& qu’elles foient toutes grandes & de grands reliefs ,
afin que l’œil n’y voyant rien de petit, l’imagina-
tion en foit fortement touchée. Dans une corni-
che, par exemple, fi la doucinedu couronnement,
lelarmie, les modillons ouïes denticulcs viennent
à faire une belle montre avec de grandes faillies , &
u’on n’y remarque point cette confufion ordinaire
e petits cavets, de quarts de ronds, d’afhagalcs,
& je ne fais quelles autres particularités entremê-
lées , qui loin de faire bon effet dans les grands ou-
vrages, occupent une place inutilement ôi aux dé-
pens des principaux membres , il eft très – certain
que la inaniae en paroîtra ficre & grande ; tout au-
contraire, elle deviendra petite & chctive, par la
quantité de ces mêmes ornemcns qui partagent l’an-
le de la vue en tant de rayons fi prcfTés, que tout
ui fcmblc confus.

En un mot, fans entrer dans de plus grands détails
qui nous mcnoroicnt trop loin , il fufKt d’obfervcr
qu’il n’y a rien dans l’Architcdurc, la Peinture, la
Sculpture, & tous les beaux-arts, qui plailc davan-
tage que la ^rand^ur de manitrt ; tout ce <jui cll ma-

3

\

M A N 37

jeflueux frappe, imprime du refpec^ , & fympati/e
avec la grandeur naturelle de l’amc. {^D. J.\

Manière , en Pàmure , eft une façon particulière
que chaque peintre fc fait de defTiner , de compofer,
d’exprimer, de colorier, félon que cette manurl
approche plus ou moins cie la nature, ou de ce qui
eft décidé beau , on l’appelle bonne ou mauvaife ma-
nière.

Le même peintre a fuccefTivemant trois manières
& quelquefois davantage ; la première vient de
l’habitude dans laquelle il ell d’imiter celle de fon
maître : ainfi l’on reconnoît par les ouvrages de
tel , qu’il fort de l’école de tel ou tel maître ; la
féconde fe forme par la découverte qu’il ‘fait
des beautés de la nature, & alors il change bien
avantageufemem ; mais louvent au -lieu de fubfli-
tuer la nature à la manière qu’il a prife de fon maî-
tre, il adopte par préférence la manière de quelque
autre qu’il croit meilleure ; enfin de quelques vices
qu’ayent été entachées fes différentes manières, ils
font toujours plus outrés dans la troifieme que prend
un peintre, & fa dernière manière efî toujours la plus
mauvaife. De même qu’on reconnoît le %)e d’un
auteur ou l’écriture d’une perConne qui nous écrit
fouvent , on reconnoît les ouvrages d’un peintre
dont en a vu fouvent des tableaux , & l’on appelle
cela connoitre la manière. Il y a deS pcrfonnes qui
pour avoir vu beaucoup de tableaux, connoifTent
les différentes manières, & favent le nom de leurs
auteurs , même beaucoup mieux que les Peintres
fans que pour cela ils foient en état de juger de 1.^
beauté de l’ouvrage. Les Peintres font S mar.lirls
dans leurs ouvrages , que quoique ce foit à la ma-
niere qu’on les reconnoiffe , les ouvrages de celui
qui n’auroit point de manière feroient le plus facile-
ment reconnoître leur auteur.

MANIES, f. f. (MyM.) déefl’esque Paufanias croît
être les mêmes que les Furies ; elles avoient un tem-
ple fous ce nom dans l’Arcadie , près du fleuve
Alphée, au même endroit ou Orelle perdit l’efprit,
après avoir tué fa mère. (^D. J.\

MANIETTE , f. f, (^Imprimeur en toiie.) psi’it mor-
ceau de feutre dont on fe fert pour frotter les bords
du chafîis.

MANIEURS, f. m. pi. (Co/«/«.) ce font dos
gagnes-deniers établis fur les ports de Paris , & qui
y fùbfiflent en remuant avec des pelles les blés qui
y rcftent quelque tcms. Ils ne font pas de corps ,
comme plufieurs autres petits officiers de la ville.
Diclion. de commerce.

MANIFESTE, f. m. (^ Droit polit.) déclaration
que font les Princes, & autres puiffances, par i:a
écrit public, des raifons & moyens fur lefquels ils
fondent leurs droits & leurs prétentions, en com-
mençant quelque guerre, ou autre entreprife ; c’cll
en deux mots l’apologie de leur conduite.

Les anciens avoient une cérémonie augufle &
folemnelle, par laquelle ils faifoicnt intervenir dans
la déclaration de guerre, la majellé divine, comme
témoin & vcngcrefre de l’injufîicc de ceux qui fou-
ticndroient une telle guerre injuflement. Peut-être
auflique leurs ambafîadcurs étaloient les raifons de
la guerre dans des harangues expreifes, qui prccé-
doicnt la dénonciation des hérauts d’armes : du-
mwins nous trouvons de telles harangues dans prcf-
quc tous les Hiftoricns, en particulier dans Polybc ,
dans Tite-Live, dans Thucydide, & ces i’oiîJ;. de
I)ieccs font d’un grand ornement à l’hilloire. Que
ces harangues foient de leur propre génie ou non,
il eft très – probable que le tond en clt vrai , & que
les railons iuftificati\’es , ou feulement iHrfuafivcs,
ont été publiées & alléguées des deux côtes. .Sans
doute que les Romams employoicnt toute leur force
de plume pour colorer leurs guerres, & fur cet arti-

M A N

de, jamais peuple n’eut plus bclbin des fuperchc-
hes cie l’éloquence que celui-là.

Les puilïances modernes étalent à leur tour , dans
leurs écrits publics, tous les artilices de la rhétori-
que , & tout ce qu’elle a d’adrelî’e, pour expoler la
julKce des caul’es qui leur tont prendie les armes,
& les torts qu’ils prétendent avoir reçus.

Un motif de politique a rendu néceliaires ces m
Id lituation où lont à l’égard des u

ma-
ns

nifKJUs , dans la 1
des autres les princes de l’Europe , lies eniemble
par la relitjion , par le fang , par des alliances, par
des ligues otfenlives & detenlives. 11 ell de la pru-
dence » du prince qui déclare la guerre à un autre,
de ne pas s’aitireren même tems lur les bras tous
les alliés de celui qu’il attaque: c’ell en partie pour
détourner cet inconvénient qu’on tait aujourd’hui
des manlfifiis , qui renferment quelquefois la raifon
qui a déterminé le prince à commencer la guerre
fans la déclarer.

Ce n’ert pas cependant fur ces fortes de pièces
qu’ils fondent le plus le fuccès de leurs armes, c’eft
fur leurs préparatifs , leurs forces, leurs aUiances &
leurs négociations. Us pourroient tous s’exprimer
comme fit un préteur latin dans une affemblée oii
l’on délibéroic ce qu’on répondroit aux Romains ,
qui fur des foupçons de révolte , avoient mandé les
magilbats du Latium. « Meflieurs, dit-il , il me fem-
» ble que dans la conjondure préfente nous devons
» moins nous embarraffer de ce que nous avons à
» dire que de ce que nous avons à faire ; car quand
» nous aurons bien pris notre parti, & bien concerté
» nos mefures, il ne fera pas difficile d’y ajuller des
»> paroles ». (Z). / )

M A N I F E s T E , f. m. ( Comm. ) efl le nom que
les François , Anglois , Hollandois donnent , dans les
échelles du Levant , à ce que nous nommons autre-
ment uni dkUirauon.

Les re<‘lemens de la nation angloife portent que
les éctivains dos vaiffeaux feront tenus de remettre
des OTJwyiy/^ fidèles de leurs chargemens, à peine
d’être punis comme contrebandiers , & chaffés du
fervice. Ceux de la nation hoUandoiié ordonnent
aux capitaines, pilotes, & écrivains de remettre leurs
Tnanifijhs zw tréforier, tant à leur arrivée qu’avant
leur départ, & d’afî’urer par ferment qu’ils font fidè-
les , i\ peine de mille écus d’amande, & d’être pri-
vés de leur emploi.

Ces manifefles font envoyés tous les ans par le
tréforier des échelles, aux direfteurs du Levant éta-
blis à Arafterdam , pour fervir à l’examen de fon
compte. Dicl. de commerce. (G)

MANIFESTAIRES , f. m. ( Tkéolog.) hérétiques
de Prulfc , qui lulvoient les impiétés des Anabati-
ftes , & croyoient que c’étoit un crime de nier leur
dodrine , lorfqii’ils étoient interrogés. Prateole.
Voyei Man’tfcjl. Gantier Cron.fac. l, Xl^ll. c. Ixxvij.

MANIGUETTE ou MELEGUETTE , f. m. {Hifl.
nat. des Epicerus. ) graine étrangère nommée manl-
gueua ou melegueua dans les boutiques ; par Cordus
cardamomum piperatum ^ 6c par Geotîroy cardamomum
viajus ^J’cmine piperato.

Le manU^uetu elt une graine luifante , anguleufe ,
plus petite que k poivre , ronfle ou brune à fa fu-
perhcie , blanche en-dedans , Acre , brûlante comme
le poivre & le gingembre, dont elle a femblable-
ment l’odeur. On nous en apporte en grande quan-
tité . & on s’en fert à la place du poivre pour aflai-
fonner les mets. Quelquefois on fubflitue cette graine
au cardamome dans les compofitions pharmaceuti-
ques. Ellenait dans l’Afrique , dans l’île deMadagaf-
car & dans les Indes orientales, d’où les Hollandois
nous l’apportent ; mais perfonne jufqu’à ce jour n’a
pris la peine de nous déctire la plante. On efl avide
de gagner de l’argent , U fort peu de l’avancement
de la Botanique»

Je fais bien que Matthiole prétend que la melegnette
ou maniguette eit la graine du grand cardamome ;
mais, premieicmcnt , le goût du grand cardamome
efl doux , tres-agréable , 6i. ne brûle pas la langue ;
fecondement , quand cela feroit, nous n’en lénoas
pas plus avancés, car nous ignorons quelle efl la
piante qui produit le grand cardamome : on en con-
noit le truit 6l rien de plus. (^D. J.’)

MANILLE , f. f. terme de jeu. Au jeu de quadrille
c’efi la féconde & la plus haute carte après eipadille:
c’efl le deux en couleur noire , & le fept en couleur
rouge.

Manille à la corniti ., neuf de carreau que l’on fait
valoir pour telle carte qu’on veut , pour roi , pour
dame, valet 6l dix , &L ainti des autres cartes infé-
rieures. Il y a de l’habdeté à faire valoir cette carte
à-propos.

Manille, ( Géogr.^ ville forte des Indes, capi-
tale de l’ile de Luçon , 6c la feule ville de cette île ,
avec un bon cnà;eau , un havre magnifique , & un
archevêché. On y )ouit prefque toii|ours d’un équi-
noxe perpétuel, car la longueur des jours ne diffère
pas de celle des nuits d’une heure pendant toute
l’année , mais la chaleur y efl excefîive.

Cette ville , qui appartient aux Efpagnols , efl (I-
tuée au pié d’une file de montagnes fur le bord orien-
tal de la baie de Luçon. Les maiions y font prefque
toutes de bois, à caufe des tremblemens de terre.
On y compte environ trois mille habitans, tous nés
de l’union d’efpagnols , d’indiens , de chinois , de
malabares , de noirs & d’autres.

Les femmes de diflindion s’habillent à l’efpagnole,
& elles font rares ; toutes les autres n’ont pas befoin
de tailleurs : elles s’attachent de la ceinture en bas
un morceau de toile peinte qui leur fert de jupe,
tandis qu’un morceau de la même toile leur fert de
manteau. La grande chaleur du pays les difpenfe de
porter des bas &L des fouhers.

On permet aux Portugais de négocier à Manille ^
mais les Chinois y font la plus grande partie du com-
merce. Long, félon Lieutaud , /j _/. âi’. j o ». latit,
14. j o. Selon les Efpagnols long. ijS. S^’. 4S ». lut,
14. 16.

Manille, //<;, (^Géog.^ voye^ Luçon.

Manilles, îles ^ (Géogr.) voyei Philippines;

MANIMI , ( Géog. anc. ) ancien peuple de la Ger-
manie , félon Tacite , qui le regarde comme faifànt
partie de la nation des Lygiens, fans nous en mar-
quer le pays ; mais les modernes le font égayés à
lui en chercher un dans la baffe Autriche & ailleurs.

MANIOC ou M AGNIOC , f. m. ( Botan. ) plante
dont la racine préparée tient lieu de pain à la plu-
part des peuples qui habitent les pays chauds de l’A-
mérique.

Le manioc vient ordinairement de bouture ; II
poufle une tige ligneufe , tendre , caffante , parta-
gée en plufieurs ûranches tortueutés , longues de
cinq à lix piés , paroiffant remplies de nœuds ou pe-
tites éminences qui marquent les places qu’occu-
poient les premières feuilles , dont la plante s’efl
dépouillée à mefure qu’elle a ac(|uis de la hauteur.
Ses feuilies font d’un verd brun , affez grandes , dé-
coupées profondément en manière de rayons , ÔC
attactiées à de longues queues.

L’écorce du manioc ell mince , d’une couleur ou
grile ou rougeâtre , tirant fur le violet, & la pellicule
quicouvre les racines participe de cette couleurfelon
1 elpece, quoique l’intérieur en fbit toujours extrême-
ment blanc & rempli de fuc laiteux fort abondant ,
plus blanc que le lait d’amande, & fi dangercuxavant
d’être cuit , que les hommes & les animaux ont en
pluiieurs fois éprouvé des effets funefies , quoique
ce lue ne parotffe ni acide ni corrofif. Les racines du

M A N

39

manioc font communtîment plus grofTes que des bet-
teraves : elles viennent prelque toujours trois ou
quatre attachées enfemble ; il s’en trouve des efpe-
ces qui mùriflent en fept ou huit mois de tems , mais
la meilleure , & celle dont on fait le plus d’ufage ,
demeure ordinairement i 5 ou 1 8 mois en terre avant
de parvenir à une parfaite maturiré : pour lors avec
un peu d’efFort ijn ébranle les tiges ; & les racines
étant peu adhérences à la terre, elles s’en détachent
fort aifément.

Préparation des racines pour en faire fait de la caffli-
ye , ou de laforinc de manioc. Les racines, après avoir
été féparées des tiges , font tranfportées fous un an-
^aid , où l’on a foin de les bien ratiifer & de les laver
en grande eau pour en enlever toutes les malpropre-
tés , & les mettre en état d’être gragées, c’eft-à-dire
râpées fur des grages ou groffes râpes de cuivre
rouge courbées en demi-cylindre, longues & larges
de 18 à zo pouces , & attachées fur des planches
de trois pies & demi de longueur , dont le bout d’en
bas fe pofe dans un auge de bois , & l’autre s’ap-
puie contre l’eftomac de celui qui grage , lequel à
force de bras réduit les racines en une rapure groi-
iiere & fort humide, dont il faut extraire le fuc au-
paravant de la faire cuire. Pour cet effet on en rem-
plit des facs riflus d’écorce de iatanicr , on arrange
ces facs les uns fur les autres , ayant foin de mettre
des bouts de planches entre deux, enfuite de quoi on
les place fous une prefle compofée d’une longue Se
forte pièce de bois lituée horiiontalement , & difpo-
fée en bras de levier , dont l’une des extrémités doit
être paffée dans un trou fait au tronc d’un gros ar-
bre : on charge l’autre extrémité avec de groffes
pierres ; & toute la pièce portant en-travers fur la
planche qui couvre le plus élevé des facs , il efl: aifé
d’en concevoir l’effet : c’eft la façon la plus ordinaire
de preffer le manioc. On emploie quelquefois au lieu
de facs , qui s’ufent en peu de tems , de grandes &
fortes caiffes de bois percées de plufieurs trous de
tarriere , ayant chacune un couvercle qui entre li-
brement en dedans des bords : on charge ce couver-
cle de quelques bouts de follveaux , par-deffus Icl-
quels on fait paffer le bras du levier , comme on l’a
dit en parlant des facs.

Les Caraïbes ou Sauvages des Ifles ont une inven-
tion fort ingénieufe, mais qui ne pouvant fervir que
pour exprimer le fuc d’une médiocre quantité de
manioc^ il paroît inutile de répéter ici ce que Ton a
dit à Varticle COULEUVRE.

Après dix ou douze heures de preffc , la rapure
du manioc étant lufHfamment dégagée de fon i’uc fu-
pcrllu , on la paffe autravcrs d’un hébichet, eipece
de crible un peu gros , & on la porte dans la caze ou
lieu defliné à la faire cuire , pour en fabriquer foit
de la caffave , ou de la farine de manioc.

Manière défaire la caffave. Il faut avoir une platine
de fer coulé , ronde , bien unie , ayant à-pcu-près
deux pies & demi de diamètre , épaiffe de lix à fept
lignes , & élevée fur quatre pies , entre lefqucls on
allume du feu. Lorfque la platine commence à s’é-
chauffer , on répand fur toute ia lurface environ
deux doigts d’épaiffeur de la luldite rapure paffée
au crible , ayant foin de l’étendre bien également
partout , & de l’applatir avec \\\\ large couteau de
nois en forme de (patulc. On laiffe cuire le tout ians
le remuer aucunement , afin que les parties de la
rapure , au moyen de l’humidité qu’elles contiennent
encore , puiffent s’attacher les unes aux autics pour
ne former qu’un feul corps , qui diminue confuiéra-
blcmcnt d’épaiffeur en cuilant. Il faut avoir foin de
le retourner fur la platine , étant cffentiel de donner
aux deux (urt’aces un égal degré de cuilfon : c’eft
alors que cette cfpcce de galette ayant la figure d’un
large croquet , s’appelle caffave. On la met refroidir

à Ij^air , où elle achevé de prendre une confiflance
feche , ferme & aifée à rompre par morceaux.

Les Caraïbes font leur caffave beaucoup plus
épaiffe que la nôtre , elle paroît aufîî plus blanche ,
étant moins riffolée ; mais elle ne fe conferve pas fi
long-rems. Avant que l’ufage des platines fût intro-
duit parmi ces fauvages , ils fe fervoient de grandes
pierres plates peu épailfes , fous lefquels ils allu-,
moient du itw & faifoient cuire ainlî leur caffave.

Manière de faire la farine de manioc. Elle ne diffère
de la caffave qu’en ce que les parties de la rapure
dont il a été parlé ne font point liées les unes aux
autres , mais toutes féparées par petits grumeaux qui
reffemblent à de la chapelure de pain , ou plutôt à du
bifcuit de mer grofîierement pilé.

Pour taire à-la fois une grande quantité de farine,
on fe fert d’une poêle de cuivre à fond plat , d’envi-
ron quatre pies de diamètre , profonde de fept à huit
pouces , & fcellée contre le mur de la caze dans une
maçonnerie en pierre de taille ou en brique , for-
mant un fourneau peu élevé , dont la bouche du
foyer doit être en-deliors du mur. La poêle étant
échauffée , on y jette la rapure du manioc , & fans
perdre de tems on la remue en tous fens avec un ra-
bot de bois femblable à ceux dont fe fervent les ma-
çons pour corroyer leur mortier. Parce mouvement
continuel on empêche les parties de la rapure de
s’attacher les unes aux autres ; elles perdent leur
humidité &;cuifent également. C’efl à l’odeur favou-
reufc & à la couleur un peu rouffâtre qu’on juge ii
la cuilfon eft exaftc : pour lors on retire la farine
avec une pelle de bois , on l’étend fur des napes de
groffe toile , & lorfqu’elle elf refroidie on l’enferme
dans des barils , où elle fe conferve long-tems.

Quoique la farine de manioc, ainfique la caffave,’
puiffent être mangées feches & fans autre prépara-
tion que ce qui a été dit , il eft cependant d’ufage
de les humedler avec un peu d’eau fraîche ou avec
du bouillon clair , foit de viande ou de poiffon : ces
fubflances fe renflent confidérablement , & font une
fi excellente nourriture dans les pays chauds , que
ceux qui y font accoutumés la préfèrent au meilleur
pain de froment. J’en ai par-devers moi l’expérience
de plufieurs années.

Par l’édit du roi , nommé le code noir ^ donné à
Vcrfailles au mois de Mars 1685, « ^ ^ft expreffément
ordonné aux habitans des îles françoifes de fournir
pour la nourriture de chacun de leurs efclaves âgé
au-moins de dix ans , la quantité de deux pots &:
demi de farine de «an/oc par femaine , le pot conte-
nant deux pintes ; ou bien au défaut de farine , trois
caffaves pefant chacune deux livres & demie.

L’eau exprimée du manioc , ou le fuc dangereux:
dont il a été parlé ci-deffus , s’emploie à plufieurs
chofés. Les fauvages en mettent dans leurs lauces ;
& après l’avoir fait bouillir, ils en ufent journelle-
ment fans en reffentir aucune incommodité , ce qui
prouve que ce fuc , par une fort ébuUition , perd fa
qualité malfaifante.

Si l’on reçoit l’eau de manioc dans des vafes pro-
pres, & qu’on la laiffe repof’er, elle s’éclaircit ; la
fécule blanche s’enlépare ii: fcprecipite d’elle même
au fond des vafes. On décante comme inutile l’eau
qui fumage , &: l’on verle fur la lecule une luififante
quantité d’eau commuiic pour la bien laver : on lui
donne encore le tems de fe précipiter , on décante
de nouveau ; & après avoir réitéré cette manœuvre
pendant cinq ou fix fois , on laiffe fécher la técule
à l’ombre. Cette lùbflance s’appelle mouchaclie, mot
elpagnol qui veut dire enfant ou petit , comme qui
diroit le petit du manioc.

La niouchache clt d’une extrême blancheur, d’ua
grain (in , taiiant un petit craquement lorlqu’elle cil
troillêe entre les doigts , à-peu-prcs comme fait l’a-

40

M A N

M A N

mydon , à quoi elle reffemblc beaucoup. On 1 em-
ploie de la même façon pour empeler le linge. Les
f luvages en écralent lur les deirdns biiarres qu ils
gravent- liir leurs ouvrages en bois , de façon que
les hachures paroillent blanches liu un tond noir ou
brun , le Ion la couleur du bois qu’ils ont nus en œu-
vre. On tait encore avec la mouchache d’exccllcns
eateaux ou efpeccs de craquelins , plus légers , plus
croquans & d’un bien meilleur goiit que les echau-
dés ; mais il faut beaucoup d’art pour ne pas les
manquer. ^

Piclquc toutes les îles produifent une autre tortc
de manioc , que les habitans du pays nomment cama-
nioc; le fuc n’en ell point dangereux comme celui
du manioc ordinaire : on peut même fans aucun dan-
ger en manger les racines cuites tous la cendre. Mais
quoique cette efpece toit beaucoup plus belle & plus
forte que les autres , on en fait peu d’ulBgc , étant
trop long-tems à croître & produilant peu de caflave
ou de farine. M. LE Romain.

MANIOLtE, {Géog. anc.)\Us de l’Océan orien-
tal. Ptolomée qui les nomme ainfi, n’en parle que
fur une tradition obicure & pleine d’erreurs; cepen-
dant il rencontre allez bien en mettant leur longitude
à 142 degrés. Ce font les îles Manilles ou Philippines
des modernes. ( Z?. /. )

MANIOLLE owLanet rond ,f. î. terme de Pèche.
Cet inrtrument elllormé d’un petit cercle d’environ
18 pouces de diamètre, emmanché avec perche ;
lu (âge de ce filet ne peut faire aucun tort au frai du
polfion , parce que la manwlle ne peut agir que
comme une écumolre , & ne traîne point fur les
fends comme font les bouteux & bouts- de quieyres
des pêcheurs des côtes de la Manche. Les mailles
des manicLUs d’Anglet , dans le retTort de l’amirauté
de Baronne , font de quatre lignes au plus en quarré.
MANIPULATION, MANIPULER, {Gramm.’)
ces mots font d’ufage dans les laboratoires du diftil-
lateur , du chimllle , du pharmacien , & de quelques
autres artiftes. Ils s’oppolent à théorie ; il y a la théo-
rie de l’art & la manipulation. Tel homme lait à
merveille les principes , & ne fauroit manipuler ;tQ\
autre au contraire fait manipulera merveille , & ne
fauroit parler : un excellent maître réunit ces deux
qualités. La manipulation ell une faculié acquife par
une longue habitude , & préparée par une adrelle
naturelle d’exécuter les différentes opérations ma-
nuelles de l’art.

MANIPULE, f. m. ( Hi[l. ecclêf. ) ornement d e-
glife que les officians, prêtres , diacres 6c foudiacres
portent au bras gauche. Il confifte en une petite
bande large de trois à quatre pouces, & configurée
en petite étolc , voye^ l’article ÉtOLE. Le manipule
efl de la même étoffe , de la même couleur que la
chafuble & la tunique. On prétend qu’il repréfente
le mouchoir dont les prêtres dans la première églife
efTuyolcnt les larmes qu’ils verfolent pour les péchés
du peuple. En effet, ceux qui s’en revêtent difent :
mereor , domine^ portare manipulum jletus & doloris.
On l’appelle en beaucoup d’endroits fanon. Les
Grecs & les Maronites ont un manipule à chaque
bras ; les Evêques de l’cgllfe latine ne prennent le
manipule qu’au bas de l’autel , après la confelfion
des péchés : le foudiacre leur pâlie au bras. Mani-
pule te dit en latin fudarium ^ manuale , mappula y
mouchoir.

NÎANIl’ULE , ( ^rt militaire des Romains. ) corps
d’infanterleromaine qui du tems de P>.omulus formolt
la dixième partie d’une légion ; mais tous Marins la
légion fut compofée de trente manipules ^ & chaque
manipule contcnoit plus ou moins d’hommes , lelon
que la légion ctoit plus ou moins forte. Dans une
légion compolée de fix mille hommes , le manipule
éioit de deux cens hommes ou de deux centuries ,

parce que le manipule avolt deux centurions qui îé
commandoient, & dont l’un étolt comme lieutenant
de l’autre. Les Romains donnoient le nom de mani-
pule à cette troupe , de l’enfeigne qui étoit à la tête
de ces corps. Cet enleigne , manlpulus ^ confifloit
dans les commencemcns en une botte d’herbe atta-
chée au bout d’une perche, ufage qui tubfilîa julqu’à
ce que les Romains euffent fubllitué les aigles à leur
botte de foin, (Z>./. )

Manipule , (^Médecine.) c’eft une poignée. Cfcttc
quantité le deligne danîî les ordonnances par une
AI , (ulvic du chiffre qui indique le nombre des poi-
gnées.

Manipules , {^Artifa. ) Les Artificiers appellent
ainfiune certaine quantité de pétards de fer ou de
cuivre joints enlemble parun fi[-d’archal,& charges
de poudre grainée & de balles de moufquets , qu’on
jt’tte où l’on veut qu’ils faffcnt leurs effets par le
moyen d’un mortier , comme les bombes & les car-
caffes. Voyei BoMBE, Carcasse.

MANIQUE ou MANICLE , ( Chapelier. ) chezdif-
férens artilans cil un morceau de cuir attaché à quel-
ques-uns de leurs outils, dans lequel ils pafTent la
main pour les tenir phis fermes.

L’arçon des chapeliers a une manicle au milieu de
fa perche , dans laquelle l’ouvrier, appelle arçon-
neur ^ paffe fa main gauche quand il fait voguer l’é-
toffe, l^oyei Chapeau , & les PI. du Chapelier.

Manique, ( Cor^o/?/2en<;, ) morceau de «uir qui
enveloppe la main pour empêcher le fil de la cou-
per. Foye{ la fig. PI. du Cordonnier-Bottier. On fait
entrer le pouce de la main gauche dans le trou A y
on couvre enfuite le dos de la main avec la boucle
de cuir que l’on ramené par le dedans pour faire en-
trer le pouce dans le trou .5.

MANIS , terme d’Agriculture. Les manis font des
fumiers compotes en partie de gouémon. L’ulage
du gouémon de coupe ou de récolte pour la culiurç
des terres, eftbien un moindre objet pour les labou-,
reurs riverains de ce reflort, que le long des autres
côtes de la Bretagne feptentrionale. Les terres com-
mencent à devenir plus chaudes à la côte de Bénit
lur Saint-Brieux , cependant on ne laiffe pas de s’en
fervlr , mais il s’en faut de beaucoup que le goué-
mon y foit un objet confidérable , tel que fur le ref-
lort des amirautés de Saint-Brieux, de Morlaix &
de Brell. Autrefois les felgneurs propriétaires des
fiels voifins de la mer prétendoient une exclufiort
dont ils ont été déboutés ; lorfque les procès ont
été portés au fiége de l’amirauté, les riverains des
paroiiles qui s’en fervent ont été avertis de la liber-
té de cette récolte dans le tems permis, & de tout
ce qui regarde l’ulage du gouémon de coupe.

On doit ici obferver la llnguliere différence delà
in:;niere dont les laboureurs té fervent de ces herbes
marines pour la culture de leurs terres ; les uns ai-
ment mieux le gouémon de flot , de plein, ou dé
rapport que la marée rejette journellement à la cô-
te , le préicrent à celui de coupe ou de récolte ; les
autres mépritenî le premier, & n’eftiment , pour
rendre leurs terres fécondes , que le gouémon noir
ou vif qu’Us nomment gouémon d’attache ou de piéy
ils font de même différemment uiage de ces herbes
marines. Plufieurs laboureurs dans différentes pro-
vinces répandent lur les terres les gouémon ou va-
rechs fraîchement coupés , ou nouvellement ra-
maiTés àlacôtc , quelques-uns le font lécher avant
de le jetter fur leurs terres , d’autres enfin l’amaf-
tent en menions qu’ils nomment manis ou mainSy
le laiffent ibuvent plufieurs années pourrir avant
de s’en lervir , 6l le mettent enfuite fur leurs terresJ
Ceux qui ramaffcnt de ces manis ou fumiers ont foin
de les placer toujours dans un lieu humide , à l’om-
bre, 6cdans un fend où l’eau le trouve naturelle-
ment ,

M A N

ment , ou par la chute des pluies ; ils font ces fu*
micrs ou manis quarrés , longs & larges , à propor-
tion de la place où ils les amaffent, & hauts de
quatre à cinq pies au plus ; ils ont foin de les couper
net pour empêcher qu’ils ne s’éboulent ; ils joignent
au gouémon les fumiers ordinaires qu’ils font pour-
rir auparavant , & des croûtes , ou de la fuperfîcie
des landes.

Le gouémon le plus eftimé & de la meilleure
qualité , efl celui que l’on nomme chêne de mer foit
de la première efpece , ou le petit chêne à poix ou à
boutons ; les autres ne font pas fi recherchés dans
de certains lieux , fur-tout le long des côtes où ces
deux premières efpeces fe trouvent en abondance :
d’autres riverains , fans aucune diftinûion , fe fer-
vent de toutes les efpeces d’herbes marines. Ces
fortes de fumiers font excellens pour les terres froi-
des que le fel dont ces herbes font remplies échauffe ,
& rend de cette manière plus fertiles.

Prefque tous les riverains laboureurs qui fe fer-
vent du gouémon pour l’engrais de leurs terres , en
font la coupe dans des tems difFérens, Cependant en
la fixant comme on l’a marqué ci-deffus , celui qu’ils
choififTent le plus ordinairement y fera compris.

MANITOUS , f. f {Hijl. moJ.fuper/Iiiion.)c’eû le
nom que les Algonquins, peuple fauvage de l’Amé-
rique leptentrionale , donnent à des génies ou efprits
fubordonnés au Dieu de l’univers. Suivant eux , il y
en a de bons & de mauvais ; chaque homme a un
de ces bons génies qui veille à fa défenfe &àfa sû-
reté ; c’eft à lui qu’il a recours dans les entreprifes
difficiles & dans les périls prefTans. On n’acquiert
en naiffant aucun droit à fés faveurs, il faut pour
cela favoir manier l’arc & la flèche ; & il faut que
chaque fauvage pafTe par une efpece d’initiation ,
avant que de pouvoir mériter les foins de l’un des
manitous. On commence par noircir la tête du jeune
fauvage , enfuite on le fait jeûner rigoureufement
pendant huit jours , afin que le génie qui doit le pren-
dre fous fa proteûion fe montre à lui par des lon-
ges, ce qui peut aliément arriver à un jeune hom-
me fain dont l’eflomac demeure vuide ; mais on fe
contente des fymbolcs , qui font ou une pierre , ou
un morceau de bols , ou un animal , &c. parce
que , félon les fauvagcs , il n’eft rien dans la nature
qui n’ait un génie particulier. Quand le jeune fau-
vage a connu ce qu’il doit regarder comme fon gé-
nie tutélairc, on lui apprend l’hommage qu’il doit
lui rendre. La cérémonie fe termine par un feflin,
& il fe pique fur quelque partie du corps la figure
du manitou qu’il a choifi. Les femmes ont auffi leurs
manitous. On leur fait des offrandes & des facrifîccs,
qui confifîent à jcttcr dans les rivières des oifeaux
égorgés, du tabac , Oc. on brûle les offrandes defli-
nées au foleil ; quelquefois on fait des libations ac-
compagnées de paroles myftérieufes. On trouve
auffi des colliers de verre , du tabac , du maïz , des
peaux , des animaux & fur- tout des chiens , atta-
chés à des arbres & à des rochers ef carpes, pour fér-
vir d’offrandes aux manitous qui préfideni à ces lieux.
Quant aux efprits malfaifans , on leur rend les mê-
mes hommages , dans la vue de détourner les maux
qu’ils pourroient faire. Les Hurons défîgnent ces gé-
nies fous le nomd’okkijik.

MANIVELLE , f f ( Hydr. ) efl la pièce la plus
cfTcnticllc d’une machine. Elle efl de fer coudé, &
donne le mouvement nu balancier d’une pompe; il
y en a de funplcs , d’autres fe replient deux lois à
angles droits , 6c la manivilU à tiers points fe replie
trois fois. (A)

Manivelle </« gouvernail o\\ Manuelle., (^Ma-
rine. ) c’efl la pièce de bois que le timonnicr tient à
la main , qui fait jouer le gouvernail. Il y a une bou-
Tomc X,

M A N .41

de de fer qui la joint à la barre du gouvernail, ce
qui tait jouer le gouvernail.

La manivelle onmanuell^ A\\ gouvernail doit être
à-peu-près de la longueur du ti^rs de la largeur du
yaifleau , & avoir un pouce d’épailTeur au bout qui
joint la barre par chaque deux p-és qu’elle a de lon-
gueur ; mais elle ne doit avoir que la moitié de ceîte
même épaifiéur par ie bout d’en-haut. Foyei Plan-
che If^, figure première ^ la manivelle ou manuelle ,
cotée 181.

_ Manivelle /impie ^ outil Je charron, c’efl la moi-
tié d’un petit effieu de bois rond , dont un bout efl
enchâfîc dans une petite flèche , ce qui forme une
efpece d’équerre qui fert aux Charrons pour con-
duire une petite roue , en mettant la moitié dudit
effieu dans le trou du moyeu , & la pouffant avec
la flèche par-tout où ils la veulent conduire, ^oye?
les Planches du Charron.

Manivelle double , outil de Charron , c’efl ut
petit effieu entier au milieu duquel efl enchâffé un
petit timon ou flèche de bois , dont les Charrons fe
fervent pour conduire deux petites roues à la fois ,
en faifant entrer le petit effieu dans les trous prati-
qués au milieu des moyeux. F. PL du charron.

Manivelles , ( Cordler. ) font des inflrumens de
fer dont les Cordiers fe fervent pour tordre de gros
cordages. Foye^ nos Planches de Corderie. G en q\\ la
poignée; H ^ le coude; /, l’axe ; Z , un bouton
qui appuie contre la traverfe E du chantier; M,
une clavette qui retient les fils qu’on a naffés dans
1 axe /.

On tord les fils qui font attachés à l’axe / , en
tournant la poignée G , ce qui produit le même
effet que les molettes, plus lentement à la vérité;
mais puifqu’on a befoinde force , il faut perdre fur
la vîteffe, & y perdre d’autant plus qu’on a plus
befoin de force : c’eft pourquoi on efl plus long-
tems à commettre de gros cordages , où on emploie
de grandes manivelles, qu’à en commettre de médio-
cres , oii il fuffit d’en avoir de petites. Voye^^ f arti-
cle Corderie.

Manivelle, ( Imprimerie. ) Les Imprimeurs ap-
pellent ainfi un manche de bois cnufc , long de trois
pouces & demi fur cinq pouces de diamètre, dans le-
quel paffe le bout de la broche du rouleau ; elle n’a
d’autre ufage que la plus grande commodité de la
main de l’ouvrier. Voye^ Br.oche, & Us PL d’Im-
primerie.

Manivelle, cnterme dcfileur d’or y efl un mor-
ceau de fer courbé par le milieu en zigzag , & percé
quarrément parle bout qui entre dans l’arbre.

Manivelle , ( Rubannier. ) s’entend de tout ce
qui fert à faire tourner quelque chofe que ce foit
avec la main ; ce mot dl à préfent afîcz connu pour
fe paffcr de toute autre explication.

Manivelle, ( Vitrier. ) Les Vitriers appellent
manivelle dans un tire plomb ou rouet h filer le
plomb, certain manche qui, en faifant tourner l’ar-
bre de deffous, tait auffi tourner celui de deffuspar
le moyen de fon pignon, Voye^ Tire-plomc.

MANLIANA , ( Géog. une. ) ancienne ville de
Lufitanle , au pays des \yettons, fclon Ptolomée ,
/. //. c. V. Mariana croit que c’efl Malien ; & Orte-
lius penle que c’cil Montcmayor : ils n’Ont peut-être
raiion ni l’un ni l’autre. (^D. J.^

MANNE , f. f {Hijl. nat. des drog.) la mamie ordi-
naire des boutiques efl un fuc concret , blanc , ou
jaunâtre , tenant beaucoup de la nature du fiicrc &: du
miel, «S: fe fondant dans l’eau; ce fùc efl gras , doue
d’une vertu la\ative,d*un goùtdouce.ltrc, mielleux,
tant-loit-pcu acre , d’une odeur foible & tade. Il fort
fans incifion ou par inclfion , à la manière des gom-
mes , du tronc , des greffes branches , & des feuilles
de quelques arbr«s , en particulier des frênes culti-

41

M A N

vés ou non cultivés, qu’on appelle ornes; arbres qui
ciollVcnt en abondance clans la Calabre , en Sicile ,
& dans la Poullle , près du mont Saint-Ange , le Gar-
ganus des anciens.

Par la déHnition que nous venons de donner , on
voit bien qu’il s’agit ici de ce lue mielleux , dont on
fait grand ufage en médecine , 6l qu’il ne s’agit point
ni de la manne d » encens , ni de la manne ccUJlc , ni de
la graine que l’on appelle manne, 6c qui vient d’une
eCpece de chiendent bon à manger , nommé par G.
B. P. 8. Gramen Daclyloiies , ej’cuUntum.

Les Grecs anciens , les Lat.ns &: les Arabes, fem-
blent avoir tait mention de la manne ^^ mais tres-obf-
curément, & comme d’un miel de rolee , qu’on cueil-
lolt , dit allez bien Amynias , lur des feuilles d’ar-
bres. Pline parle de ce lue mielleux avec peu de vé-
rité , quoiqu’agréablement. Les Arabes n’ont guère
été plus heureux dans leurs écrits fur les miels de

rofée.

Enfin Angelo Palea, & Barthéleml de la Vicu-
vllle, franciVcains, qui ont donné un commentaire
fur Melué , l’an 1545, font les premiers qui ont écrit
que la manne étoit un fuc épailu du frêne , loit de
l’ordinaire , Ibit de celui qu’on appelley^wv^/^c.

Donat- Antoine Altomarus , médecin & philofo-
phe de Naples , qui a été fort célèbre vers l’an 15^8,
a conrirmé ce lentiment par les obiervations lui-
vantes. La manne ell donc proprement , dit-il, le lue
& l’humeur des fiénes & de quelques autres arbres,
que l’on recueille tous les ans pendant pliifieurs jours
de luite dans la canicule ; car ayant tait couvrir les
frênes de toiles, ou d’étoffes de laine , pendant plu-
fieurs jours & pluheurs nuits , enl’orte que la rolée
ne pouvolt tomber dellus, on ne lailfa pas d’y trou-
ver & d’y recueillir de la manne pendant ce tems-là ;
or cela n’auroit pu être, fi elle ne provenolt pas des
arbres mêmes,

2°. Tous ceux qui recueillent la manne reconnolf-
fent qu’après l’avoir ramaflee, il en fort encore des
mêmes endroits , d’oii elle découle peuà-peu , &: s’é-
pallfit enluite par la chaleur du foleil.

3°. On rapporte qu’aux troncs des frênes il s’é-
lève fouvent lur l’écorce comme de petites véfi-
cules , ou tubercules remplis d’une liqueur blan-
che , douce & épaiffe , qui fe change en une excel-
lente manne.

4°. Si on fait des inclfions dans ces arbres , & que
dans l’endroit où elles ont été faites on y trouve le
même fuc épallîl & coagulé , qui ofera douter que
ce ne foit le fuc de ces arbres qui a été porté à leurs
branches & à leurs tiges ?

if. Cette vérité elt encore confirmée par le rap-
port de ceux du pays , qui affurent avoir vu de leurs
propres yeux , des cigales, ou d’autres animaux qui
avoient percé l’écorce de ces arbres , & en lu-
çolent les larmes qui en découloient ; & que les
ayant chafles , il étoit lorti une nouvelle manne par
ces trous & ces ouvertures.

6°. J’ai connu (c’ell toujours Altomarus qui parle)
des hommes dignes de créance , qui m’ont allure
qu’ils avoient coupé plufieurs fois des frênes fauva-
ges pour en faire des cerceaux ; 6l qu’après les avoir
fendus «k les avoir expofés au foleil , ils avoient
trouvé dans le bois même , une allez grande quan-
tité de manne.

7°. Ceux qui font du charbon ont fouvent remar-
qué que la chaleur du feu tait lortir de la manne des
frênes voifins.

Le même auteur obferve que quoiqu’il vienne
beaucoup de manne lur le frêne , H ne s’en trouve ja-
mais fur les feuilles du frêne fauvage ; qu’il ne s’en
trouve que tres-rarcmeni fur lés branches ou furies
rvjettons , & que l’on n’en recueille que fur le tronc
niême , ou lur les branches un peu grolfes. La caufe

M A N

de cela eft peut-être , que comme le frêne fauvage
ne croît que fur des pierres , & dans des lieux arides
& montueux, il eft ; lus fec de la nature ; c’eft pour-
quoi 11 ne contient pas une fi grande quantité de lue ,
(k le fuc qu’il a n’eit point allez foibie ni allez délié
pour arriver julqu’aux feuilles 6c aux petites bran-
ches ; de plus , cet arbre eft raboteux & plein de
nœuds , de foite qu’avant que le lue arrive jufqu’à
fes feuilles 6l à le:; petits rejettons , il eft totale-
ment abforbé entre l ccorce du tronc 6i. les groflcs
branches.

Altomarus ajoute que l’on recueille encore de la
manne tous les ans , des frênes qui en v)nt donné pen-
dant trente ou quarante ans ; de forte qu’il fe trouve
toujours des gens qui en achètent dans l’efpérancc
d’en tirer ce revenu annuel. Il y a aulfi quelques ar-
bres qui croilient dans le môme lieu , 6l qui lont de
la même efpece , fur lefquels cependant on ne trouve
point de manne.

Ces obiervations d’Altomarus ont été confirmées
par Goropius dans fon livre qui a pour titre Nilofco^
puan , par Lobel , Pena , la Cofte , Conlentln , Paul
Boccone , & plufieurs autres, qui s’en font plus rap-
portés à leurs yeux qu’à l’autorité des auteurs.

La manne eft donc une efpece de gomme , qui d’a-
bord eft fluide lorfqu’elle fort des différentes plantes,
& qui enfuite s’épailîlt , & fe met en grumeaux fous
la forme de fel effentiel huileux.

On la trouve non-leulement furies frênes , mais
quelquefois auffi lur le mélèfe , le pin , le fapin , le
chêne , le genévrier , l’érabe , le faule , l’olivier , le
figuier & plufieurs autres arbres.

Elle eft de différente efpece , félon fa confiftance ,
fa forme , le lieu oii on la recueille , & les arbres
d’où elle fort : car l’une eft liquide & de conliftence
de miel ; l’autre eft dure & en grains ; on l’appelle
manne en grains. Celle-ci eft en grumeaux ou par pe-
tites maffes , & on l’appelle manne en marons. Celle-
là eft en larmes , ou reffemble à des gouttes d’eau
pendantes , ou à des ftaladites , elle s’appelle alors
vemiiculaire , ou bonibycine. On diftingue encore la
manne orientale , qui vient de la Perlé & de l’Arabie ;
la manne européenne , qui croît dans la Calabre 6l à
Briançon ; la manne de cèdre , de frêne , du mélèfe ,
&c, la manne alliugine, &c plufieurs autres.

A l’égard du lieu d’où on apporte la manne , on la
diviie en orientale 6c européenne : la première nous
eft apportée de l’inde , de la Perfe & de l’Arabie , ôi
elle eft de deux fortes , la manne liquide , qui a la
confillcnce de miel , & la manne dure. Plufieurs ont
fait mention de la manne liquide. Robert Confentin
& Belon rapportent qu’on l’appelle en Arable tere-
niabin , qui eft un nom fort ancien. Ils croient que »
c’eft le xsiTp/ioc ixt’hi d’Hlppocrafc, ou le m^el cédrln ,
&: la rofée du miont Liban, dont Galien fait mention.

Belon dans lès obfervations , remarque que les
moines ou les caloyers du mont Sina , ont une manne,
liquide qu’Us recueillent fur leurs montagnes , &
qu’ils appellent auffi tereniahin , pour la diftlnguer
de la manne dure. Gardas & Céfalpin dlfent que l’on
trouve aulîl cette manne chez les Indiens , & même
en Italie fur le mont Apennin ; qu’elle eft femblable
au miel blanc purifié , & fe corrompt facilement.
Cette manne liquide ne diffère de la manne dure que
par fa fluidité ; car celle qui eft folide a d’abord été
fluide , elle ne s’épaiffit point il le tems eft humide ;
on ne nous en fournit plus à préfent.

Avicenne , Gardas & Acolta parlent encore de
plufieurs efpeces de mannes dures , qu’ils n’ont pas
dlftinguécs avec affez de foin. Cependant on en
compte particulièrement trois efpeces ; favoir ,
celle que l’on appelle manne en grains , manna maf-
tichina , parce qu’elle eft par grains très-durs , com-
me les grains de maftic j celle que l’on appelle bot/t-

1

M A N

tiyclne,ma’nria bombycina^ qui s’eft durcie ert larmes ,
ou en grumeaux longs & cylindriques , i’cmblabies
it des vers à foie , & qui ell par pentes maffes , telle
Cju’étoit la manne d’Athénée, ou le miel célelle des
anciens , que l’on apportoit en maffes. Telle ell au-
jourd’hui la manne que l’on apporte par grumeaux ,
àppelléc communément manne en marons.

La manne européenne eft de plufieurs fortes ; fa-
voir celle d’Italie ou de Calabre , celle de Sicile ,
& celle de France ou de Briançon. Ces efpeces de
mannes ne font point liquides.

Si on confidere les arbres fur Icfquels on recueille
la manne y elle a encore difFérens noms. L’une s’ap-
pelle cidrine i c’eft celle d’Hippocrate : Galien 6l
Belon en font mention. L’autre eft nommée manne
de chêne , dont parle Théophrafle. Celle ci manne de
frêne , qui eft fort en ufage parmi nous. Celle-là
manne du mélife , que Ton trouve dans le territoire
de Briançon. Une autre manne alhagine , dont ont
parlé quelques arabes & Rauwolfius.

De toutes ces efpeces de mannes , nous ne faifons
ufage que de celle de Calabre ou de Sicile , que l’on
recueille dans ces pays-là fur quelques efpeces de
frêne.

La manne dé Calabre , manna Calabra , eft un fuc
mielleux, qui eft tantôt en grains, tantôt en larmes ,
par grumeaux , & de figure de ftaladites, friable 6i
blanc , lorfqu’il eft récent ; il devient roufsâtre à la
longue , fe liquéfie , & acquiert la confiftance de
miel par l’humidité de Tair; il a le goût dufucre avec
un peu d’âcreté.

La meilleure manne eft celle qui eft blanche ou
jaunâtre, légère, en grains, ou par grumeaux creux ,
douce , agréable au goût , & la moins mal-propre.
‘On rejette celle qui eft graffe , mielleufe , noirâtre
& fale. C’eft mal-à-propos que quelques perfonnes
■préfèrent celle dont la lûbftance eft graft »e & miel-
leufe , & que l’on appelle pour cela manne grajfe ,
puifque ce n’eft le plus fouvent qu’une manne gâtée
par l’humidité de l’air, ou bien parce que les cailfes
cil elle a été apportée , ont été mouillées par l’eau
de la mer ou par l’eau de la pluie , ou de quelque
autre manière. Souvent même cette manne graJJ’e
n’eft autre chofe qu’un fuc épais mêlé avec le miel
& un peu de fcammonée ; c’eft ce qui fait que cette
manne eft mielleufe & purge fortement.

On rejette aufli certaines mafles blanches , mais
opaques , dures , pefantes , qui ne font point en fta-
ladltes. Ce n’eft que du fucre & de la manne que
l’on a fait cuire enlemble , jufqu’à la confiftance d’un
éleâuâire folide ; mais il eft aifé de diftinguer cette
manne artificielle de celle qui eft naturelle , car elle
eft compadc, pefante , d’un blanc opaque, & d’un
goût tout différent de celui de la manne.

Dans la Calabre & la Sicile , pendant les chaleurs
de l’été , la manne coule d’elle-même , ou par inci-
iion , des branches & des feuilles du tronc ordinaire ,
& elle fe durcit par la chaleur du foleil, en grains
ou en grumeaux. Celle qui coule d’elle-mcmc i, »i\^-
pcliejponiance : celle qui ne fort que par incillon eft
appelléc par les habitans de la Calabre , for^ara ou
for^aiella , parce qu’on ne peut l’avoir qu’en faifant
une incifion à l’écofce de l’arbre. On appelle manna
di fronde , c’tft-à-dire manne des feui//es , celle que
l’on recueille lur les feuilles; & manna di corfo , ctlic
que l’on lire du tronc de l’arbre.

En Calabre , la manne coule d’elle-même dans un
lems lerein , depuis le xo de Juin julqu’à la fin de
Juillet , du tronc & des grolles branches des aibrcs.
Elle commence à couler lur le midi , & elle continue
juiqu’au loir lous la forme d’une liqueur trèscl.nre
elle s’cpaiflit cndiltc peu à-peu , & le forme en gru:
incaux, qui durciflent & deviennent blancs. On n –
les ramaHe que le marin du lendemain , en les dctac
Tome X,

M A N 4.t

chant avec des couteauxdebois , pourvu que le tem>
ait été lérain pendant la nuit; car s’il furvient de la
pluie ou du brouillard , la manne fe fond , & (c perd
entièrement. Apres que l’on a ramafle les grumeaux
on les met dans des vafcs de terre non vcrnilkis • en-
fuite on les étend fur du papier blanc , & on les ex-
pofe au foleil jufqu’à ce qu’ils ne s’attachent plus aux
mains. C’eft là ce qu’on appelle la manne choifie du
tronc de l’arbre.

Sur la fin de Juillet , lorfque cette liqueur ceffe dé
couler , les payfans font des incifions dans l’écorce
des deux fortes de frêne jufqu’au corps de l’arbre ;
alors la même liqueur découle encore depuis midi
jufqu’au foir , & fe transforme en grumeaux plus
gros. Quelquefois ce fuc eft fi abondant, qu’il coule
jufqu’au pié de l’arbre , & y forme de grandes maffes
qui reffemblentà de la cire ou à de la réfine. On les
y laiffe pendant un ou deux jours j afin qu’elles fe
diirciffent ; enfuite on les coupe par petits mor»
ceaux , 6l on les fait fécher au foleil. C’eft là ce
qu’on appelle la manne tirée par incifion ,yÔA^a;tz &
foriatelia. Sa couleur n’eft pas fi blanche ; elle de-
vient rouffe , & fouvent même noire , à caufe des
ordures & de la terre qui y font mêlées.

La troifieme eîpece de manne eft celle que l’on re-
cueille fur les feuilles du frêne, & que l’on appelle:
manna di fronde. h.\x mois de Juillet 6i au mois d’Août,
vers le midi , on la voit paroître d’elle-même , com-
me de petites goûtes d’une liqueur très ciaire , fur
les fiores nerveufes des grandes feuilles , & fur les
veines des petites. La chaleur fait fécher ces gouttes ,
& elles le changent en petits grains blancs de la
groffeur du millet , ou du froment. Quoique l’on ait
fait autrefois un grand ufage de cette manne recueil-
lie fur les feuilles , cependant on en trouve très-rare-
ment dans les boutiques d’Italie , à caufe de la dif-
ficulté de la ramaffer.

Les habitans de la Calabre mettent de la diffé-
rence entre la manne tirée par incifion , des arbres qui
en ont déjà donné d’eux-mêmes , & de la manne tirée
par incifion des frênes lauvages , qui n’en donnent
jamais d’eux-mêmes. On croit que cette dernière eft
bien meilleure que la première ; de même que la
manne c[\\x coule d’elle-même du tronc elf bien meil-
leure que les autres. Quelquefois après que l’on a
fait l’incifion dans l’écorce des frênes , on y infère
des pailles , des chalumeaux, des fétus , ou de pe-
tites branches. Le lue qui coule le long de ces corps
s’épaifîit, & forme de grofles gouttes pendantes ou
ftaladites , que l’on ôte quand elles font allez gran-
des ; on en retire la paille , & on les fait fécher au
foleil ; il s’en forme des larmes très-belles, longues,
creufès, légères, comme cannelées en-dedans, ulan-
châircs , &i. tirant quelquefois lur le rouge. Quand
elles font lèches , on les renferme bien précieufe-
mcnt dans des caiffes. On eftime beaucoup cette
manne ffaladitc , & avec railon; car ede ne con-
tient aucune ordure. On l’appelle communément
chez nous , manne en larmes.

Après la manne en larmes ^on fait plus de cas dans
nos bouticiues de la manne de Calabre , & de celle
qu’on recueille dans la Fouille près du mont Saint-
Ange , quoiqu’elle ne fbit pas fort lèche , 6i. qu’elle
fbit un peu jaune. On place après celle-là , la •’.•j/.-.vt-
de Sicile, qui eft plus blanche & plus lèche. Enfin ,
la moins eltimée eft celle qui vient dans le territoire
de Rome, appellee la tolpha ^ près de Civita-vec-
cliia , qui eft leche, plus opaque , plus pelanie , &
moins chère.

Nous avons ci-dcffus nominé en paffant , la manne
de Briançon : on l’appelle ainfi parce qu’elle découle
près de Briançon en Dauphiue. Cette manne eft
blanche , 5: divilèe en grumeaux , tantôt de figure
Iphérique , tantôt de la grollcur de la coriandre ,

F ij

44 M A N

tantôt un peu longs & gros. Elle eft douce , agréa-
ble , d’un goût de lucre un peu rcfineux ; mais on
en tait rarement ulage, parce qu’elle ell beaucoup
moins purgative que celle d’Italie.

Les feuilles du melelc tranludcnt aufli quelque-
fois dans les pays chauds une elpece de manne au
fort de l’été ; mais cela n’arrive que quand l’année
cil chaude & lechc , & point autrement. On a bien
de la peine A léparer cette cipcce de manne (\vi’ànû.
il y en a lur des feuilles du nielèle , où elle elt torte-
ment attachée. Les paylans pour la recueillir , vont
le matin abattre à coups de hache , les branches de
cet arbre , les mettent par monceaux , & les gardent
à l’ombre. Le lue qui ell encore trop mou pour pou-
voir être cueilli , s’épaiint , U le durcit dans l’el-
pace de vingt-quatre heures ; alors on le ramalle ,

qui s y
des plus chétives. ■ , ‘ , -/r •

En.*in nous avons remarqué qu on connoilioit en
Orient la manm alhagtnc. : elle cil ainfi nommée parce
qu’on la tire de l’arbrilieau aUiagi. Foyei ce qu’on a
dit de la manne athagine en décrivant iarbujte. J’a-
jouterai feulement que la manne aUiaoïm ne feroit
pas d’une moindre vertu que celle de Calabre , ii
elle étoit ramaffée proprement, & nettoyée des or-
dures & des feuilles dont elle ell chargée.

Le célèbre Tournefort ne doute point que cette
manni orientale ne foitla même que le /er^^wi^i/z de
Sérapion ^ d’Avicenne , qui ont; écrit qu’il tomboit
du ciel comme une rofce, fur certains arbrilfeaux
chargés d’épines. En effet , Valhagi jette de petites
branches fans nombre , hénlTées de toutes parts d’é-
pines de la longueur d’un pouce , très-aiguës , grêles
& flexibles. D’ailleurs il croît abondamment en
Egypte , en Arménie , en Géorgie , en Perle fur-
tmit autour du mont Ararat &; d’Ecbatane , &
dans quelques îles de l’ArchipeL^

Je hnis ici cet article , qui méntoit quelque éten-
due , parce que l’origine de la manne elt tort curieufe ,
parce que les anciens ne l’ont point découverte , &
parce qu’enfin ce fuc concret fournit à la médecine,
le meilleurpurgatifléniiif qu’elle connoilie, conve-
nable à tout âge , en tout pays , à tout fexe , à toute
conllitution , & prefque en toutes lortes de mala-

Manne , ( îil^’ ««^- Oùm. Pharm. & mat. màî.)
man ou manna ell un mot hébreu , chaldaïque , ara-
be grec & latin , que nous avons aulfi adopté , &
qui’ a été donné , dit Geoffroy, à quatre lortes de
fubllances. Premièrement à la nourriture que Dieu
envoya aux Juifs dans le défert ; ou plus ancienne-
ment encore , à un lue épais , doux , & par conlé-
quent alimenteux , que les peuples de ces contrées
connoilloient àé)a , & qu’ils imaginoient tomber du
ciel lur les feuilles de quelques arbres. Car , lorfque
cette rolée célclle fut apperçue pour la première fois
par les Ifraélites , ils le dirent les uns aux autres ,
WÛ/Z-/2K, qui lignifie , félon Saumailé , ceji de lu man-
ne. Ce peuple le trompa cependant , en jugeant fur
cette rcHcmblance ; car , félon le témoignage incon-
tellabledc l’hillorien lacré , l’aliment que Dieu en-
voya aux Ifraélites dans le défert, leur fut miracii-
leufcmcnt accordé , par une protcdiion toute parti-
culière de fa providence ; au lieu que le lue miel-
leux dont ils lui donnèrent le nom , etoit , comme
nous l’avons déjà remarqué , une produclion toute
naturelle de ce climat , oii elle ell encore alTez com-
mune aujourd’hui.

Voilà donc déjà deux fubllances différentes qu’on
trouve défignées par le nom de manne.
– , Les anciens Grecs ont donné aulu trés-communé-
jnent ce nom à une matière fort diflérente de celle-ci ;

MAN

lavoir à Volihan ou encens à petits grains, Veyei^ En-!
CENS.

Enfin , quelques BotaniHes ont appelle manney là
graine d’un certain gramen , bon à manger , & con-
nu tous le nom de gramen dactyloides ej’culentum , gra^
men mannœ ej’culentum , Oc,

Nous ne donnons aujourd’hui le nom de manne ^
qu’à une leule matière ; lavoir à un corps concret j
mielleux , d’une couleur matte & terne , blanche ou
jaunâtre , d’une odeur dégoûtante de drogue , qu’on
ramaffe dans différentes contrées, fur l’écorce & lur
les feuilles de plufieurs arbres.

Le chapitre de la manne de la matière médicale de
Geoffroi , ell plein de recherches & d’érudition. Cet
auteur a ramaffé tout ce que les auteurs anciens &
modernes ont écrit de la manne. Il prouve par des
paffages tirés d’Arillote , de Théophrafte, de Diof-
coride , deGalien, d’Hippocrate , d’Amynthas , de
Pline, de Virgile, d’Ovide , d’Avicenne & de Sera-
pion , que tous ces auteurs , grecs, latins & arabes,
ont fort bien connu notre manne , fous les noms de
miel , de miel de rojee , de miel célefle , d^ huile mielku-
j’e , &c. & que la plupart ont avancé que cette ma-
tière tomboit du ciel, ou de l’air. Pline, par exem-
ple , met en quellion , fi l’on miel en rofée eft uriè
efpece de lueur du ciel , de falive des allres ,ou une
forte d’excrément de l’air.

Ce préjugé fur l’origine de la ma.nne , n’a été dé-
truit que depuis environ deux fiecles. Ange Palea ,
& Barthélemi de la Vieux- ville, francilcains , qui
ont donné un commentaire fur Mefué en i 543 , ont
été les premiers qui ont écrit que la manne étoit un
fuc épailTi du frêne. Donat- Antoine Ahomarus ,
médecin & philofophe de Naples , qui a été fort cé-
lèbre , vers l’année 1558, a confirmé ce fentlment
par desobfervatlons décilives, dont voici le p:écis.

Premièrement , ayant fait couvrir des frênes de
toiles ou d’étoffes de laine , pendant plufieurs jours
& plufieurs nuits , en forte que la rofée ne pouvoit
tomber deflus , on ne laiffa pas d’y trouver & d’y
recueillir de la manne pendant ce tems-là.

Secondement, ceux qui recueillent la manne , re-
connoiffent qu’après l’avoir ramaffée , il en fort en-
core des mêmes endroits d’où elle découle peu-à-
peu , & s’épailîit enfuite par la chaleur du foleil.

Troifiemement , fi on fait des incifions dans ces
arbres , il en découle quelquefois de la véritable
manne.

Quatrièmement, les gens du pays alTurent avoir
vu des cigales , ou d’autres animaux , qui avolent
percé l’écorce de ces arbres , & cjue les ayant chaf-
fés , il étoit forti de la manne par le trou qu’ils y
a voient fait.

Cinquièmement , ceux qui font du charbon , ont
fouvent remarqué que la chaleur du feu fait fortir
de la manne des frênes voifins.

Sixièmement , il y a dans un même lieu des ar-
bres qui donnent de la manne ^ & d’autres qui n’en
donnent point.

Ces obfervations d’Altomarus ont été confirmées
par Goropius, dans Ion livre intitulé Nihfcopium^
par LobeljPenna , la Colle , Corneille Confentin ,
Paul Boccone & plufieurs autres naturalilles. Ex-
trait de la mat. med. de Geoffroy.

C’cll un point d’hilloire naturelle très-décidé au-
jourd’hui , que la manne n’ell autre chofe qu’un fuc
végétal , de la claffe des corps muqueux , qui décou-
le toit de lui-même , foit par incifion , de l’écorce
& des feuilles de certains arbres.

On la trouve principalement fur les frênes, aflez
communément fur les melèfes , quelquefois fur le
pin , le lapin , le chêne , le genévrier , l’olivier ;
on trouve lur les feuilles d’érable , même dans ce
pays, une fubllance de celte nature i le figuier four-.

M A N

nit auffi quelquefois un fuc très-doux , qu’on trouve*’
fur Tes feuilics, fous la forme de petits grains-j ou :
de petites gouttes defféchées. -‘ • »■•-■ -> i’

La mannt varie beaucoup en forme & -en confif-
tance , fclon le pays où on la recueille, & les ar-
bres qui ia fourniffent. Les auteursnousparlent d’une
manne liquide qui ell: très-rare parmi nous , ou plu-
tôt qui ne s’y trouve point ; d’une manne mapichina ,
d’une manne bombycim , d’une manne de cèdre , man^
ne aihagine y &C.

On trouve encore la manne diftingiiée dans les
traités des drogues , par les noins des pays d’où on
nous l’apporte : en manne orientale , manne de l’Inde ,
manne de Calabre , manne de Briançon , &c.

De toutes ces efpeces de manne , nous n’em-
ployons en Médecine que celle qu’on nous apporte
d’Italie , & particulièrement de Calabre ou de Sicile.
Elle naît dans ce pays fur deux différentes efpeces,
ou plutôt variétés de frênes ; favoir, le petit frêne ,
fraxinus humilior ,Jive altéra Theophrajli ^ & le frêne
à feuille ronde , fraxinus rotondiore folio.

Pendant les chaleurs de l’été , la manne fort d’elle-
même des branches & des feuilles de cet arbre , fous
la forme d’un fuc gluant , mais liquide , qui fe dur-
cit bientôt à l’air , même pendant la nuir , pourvu
que le tems foit ferein ; car la récolte de la manne
eft perdue , s’il furvient des pluies ou des brouil-
lards, Celk-ci s’appelle manne fpontanée. La manne
fpontanée elt diftinguée en manne du tronc & des
branches , di corpo , & en manne des feuilles , difron-
dti On ne nous apporte point de cette dernière qui
eft très-rare , parce qu’elle ell difficile à ramalîèr.
Les habitansde ces pays font aufTi des incifions à l’é-
corce de l’arbre , & il en découle MXi^ manne qu’ils
appellent/br;5;rtM owforiatdla. Cette dernière opéra-
tion fe fait , dès le commencement de l’été , fur cer-
tains frênes qui croiffent fur un terrein lèc & pier-
reux , &: qui ne donnent jamais de la manne d’eux-
mêmes ; & à la fin de Juillet , à ceux qui ont fourni
jlifiqu’alors de la manne fpontanée.

Nous avons dans nos boutiques l’une & l’autre de
ces mannes dans trois différens états, i ». Sous la for-
me de groffes gouttes ou ftaladites , blanchâtres ,
opaques , feches , caffantes , qu’on appelle manne en
larmes. On prétend que ces gouttes fe font formées
au bout des pailles, ou petits bâtons que lespayfans
de Calabre ajultent dans les incifions qu’ils font aux
frênes. La manne en larmes eft la plus eftimée , & elle
mérite la préférence , à la feule infpedion , parce
qu’elle ell la plus pure , la plus manifeftement inal-
térée.

2°. La manne en forte ou en marons ^ c’eft-à-dire ,
en petits pains formés par la réunion de plulieurs
grains ou grumeaux collés enlemble ; celle-ci eft
plus jaune & moins feche que la précédente ; elle eft
pourtant très-bonne & très-bien confervéc. La plu-
part des apothiquaires font un triage dans les cailles
de cette manne en forte ; ils en féparent les plus bc jux
morceaux , qu’ils gardent à part , fous le nom de man-
ne ciwifie , ou qu’ils mêlent avec la manne en larmes.

3″. La manne grajj’e , ainfi appellée parce qu’elle
eft molle & ondueufc, elle eft aulfi noirâtre ficfalc.
C’eft très-mal-ii-propos que quelques pcrfonncs ,
parmi lelquelles on pourroit compter des médecins ,
la préfèrent à la manne fcche. La manne grajje eft
toujours une drogue gâtée par l’humidité , par la
pluie ou par l’eau de la mer , qui ont pénétré lescaif-
ïcsdanslefquclhîson l’a apport ée. Elle fe trouve d’ail-
leurs fou vent fourrée de miel, de caftonade commune
& de Icammonée en poiulre; ce (jui lait un remède
au moins infidèle , s’il n’eft pas toujours dangereux ,
employé dans les cas oit la manne pure eft indiquée.
Nous avons déjà obfervé plus haut, que la manne
devoit être rapportée à la claflc des corps muqueux :

M A N 45

en effet > elle en a toutes les propriétés ; elle donne
dans l’analyfe chimique tous les principes qui fpéci-
fient ces corps, t^oyei Muqueux. Elle contient le
corps nutritif végétal. Foyea^ Nourrissant. Elle
eft capable de donner du vin. Koye^ Vin.

La partie vraiment médicamenteufe de la manne ,
celle qui conftitue fa qualité purgative , paroît être
un principe étranger à la fubftance principale dont
elle eft formée , au corps doux. Car quoique le miel ,
le fucre , les fucs des fruits doux lâchent le ventre
dans quelques cas & chez quelques fujets , cepen-
dant ces « corps ne peuvent pas être regardés comme
véritablement purgatifs , au lieu que la manne eft un
purgatif proprement dit. ^(y^^Doux. fojej Pur-
gatif.

La manne eft de tous les remèdes employés dans
la pratique moderne de la Médecine, celui dontl’u-
fage eft le plus fréquent, fur-tout dans le traitement
des maladies aiguës , parce qu’il remplit l’indica-
tion qui fe préfente le plus communément dans ces
cas , lavoir, l’évacuation par les couloirs des in-
teftins , & qu’elle la remplit efficacement , douce-
ment & fans danger.

11 feroit fupertlu de fpécifier les cas dans lefquels
il convient de purger avec de la manne , comme
tous les pharmacologiftes l’ont fait, &: plus encore
d’expliquer comme eux , ceux dans lefquels on doir
en redouter l’ufage. Elle réufiit parfaitement toutes
les fois qu’une évacuation douce eft indiquée ; elle
concourt encore alfez efficacement à l’aftion des pur-
gatifs irritans , elle purge mêmeles hydropiques , elle
eft véritablement hydragogue , & enfin elle ne nuit
jamais , que dans les cas où la purgation eft abfolu-
ment contr’indiquée.

On la donne quelquefois feule , à la dofe de deux
onces jufqu’à trois , dans les fujets faciles à émou-
voir , ou lorfque le corps eft difpofé à l’évacuation
abdominale. On la fait fondre plus ordinairement
dans une infufion de fené , dans une décoction de ta-
marins ou de plantes ameres ; on la donne auffi avec
la rhubarbe, avec le jalap, avec dilFérens fels , no-
tamment avec un ou deux grains de tartre-émétique ,
dont elle détermine ordinairement l’adtion par les
felles.

On corrige aflez ordinairement fa faveur fade &
douceâtre , en exprimant dans la liqueur oii elle eft
diiToute , un jus de citron , ou en y ajoutant quel-
ques grains de crème de tartre ; mais ce n’eft pas
pour l’empêcherdefc changer en bile , ou d’entrete-
nir une cacochimie chaude 6i lèche , félon Tidce de
quelques médecins , que l’on a recours à ces addi-
tions.

C’eft encore un vice imaginaire que l’on fe propofe-
roit de corriger , par un moyen qui produiront un vice
très-réel , fi l’on faifoit bouillir la manne , pour l’em-
pêcher de fermenter dans le corps. &: pour détruire
une prétendue qualité ventculc. Une dillolution de
manne acquiert [)ar l’ébullition , un goût beaucoup
plus mauvais que n’en auroit la même liqueur pré-
parée , en faiiant fondre la manne dans de l’eau tic Je.
Auftl eft-ce une loi pharmaceutique , véritablement
peu obfervée , mais qu’il ell bon de ne pas négliger
pour les malades délicats 6c difficiles , de dilVoudre
la manne ù froid, autant qu’il eft pollible. ( /> )

^L\^’NE DU DESERT , ( Critique ficréc. ) quant à
la figure , elle reftemble allez à celle que Moife dé-
peint. On obfcrve que la manne qui fe recueille aux
environs du mont Sinai , eft d’une odeur trèstorte,
que lui communique lans doute les herbes fur lel-
quelles elle tombe. Pluheurs commentateurs , & ,
entre autres , M. de Saumaife , croient que la manr.c
d’Ar.ibie eft la même dont les i^cbrcux le nourrlf-
foient au defert , laquelle étant un abmcnt ordinai-
re , pris fcul & dans une certaine quantité, n’avoit

46

M A N

pas , comme la nnnm d’ Arabie , une qualité mcde-
cinalo , qui purge &: afibiblit ; mais que l’eltomac
y étant accoutume , elle pouvoit nourrir 6l iulten-
ter i ck moine Fulchius dit, que les paylans du mont
Liban , mangent la n:.innc qui vient dans leur pays,
connue on mange ailleurs le miel ; aulîi plufieurs
commentateurs iont dans l’idée que le miel fauva-
ge, dont Jean-Haptille le nourriilbit kir les bords
du Jourdain , n cil autre choie que la munm de TO-
riciu.

On ne peut que difficilement fe taire une idée
jufte de la manne dont Dieu nourrilloit ion peuple
au delert , voici ce que Moil’e nous en rapporte : il
dit ( Gin. xvj ,y.l3 y i4yi.^-)» I » »‘^y ^«’ « ^ »^ « ^^2-
tin une couche de rofce au-tour du camp , que cette cou-
che de rofée s’ étant évaporée , il y avo’u quelque chofe
de menu & de rond , comme du grejil fur la terre , ce
que les enfuns d’Ifracl ayant \â^ ils fe dirent l’un à
l’autre que fi -ce ? car ils ne J avaient ce que c’était.
L’auteur lacré ajoute, au j/-. 31 du même chapitre :
£1 la mai/on d’Ifracl nomma ce pain manne ; & elle
était comme de lafemence de coriandre, bLindie, & ayant
le goût de lugncts au miel.

Il y a fur l’origine du mot manne quatre Opinions
principales : elles ont chacune leurs partilans qui
les fouticnnent , avec ce détail de preuves & d’ar-
gumens étymologiques, lelquels, comme on le fait ,
emportent rarement avec eux une démonllration.

La première, & la plus généralement fuivie par
les interprètes , c’eft que le nom iigmhe quefl-ce ?
La narration de Moiie fortifie cette opinion ; ils fe
dirent Vun à l’autre quefl-ce ? car ils ne f avaient ce que
c était. Dans l’hébreu il y a man-HOU , ainfi, fni-
vant cette idée , la manne auroit pris fon nom de la
queftion même que firent les IfraëUtes lorfqu’ils la
virent pour la première fois.

La féconde , des favans , &, entre autres, Haf
cunq , prétendent que man-hau eft compofe d’un mot
égyptien & d’un mot hébreu, dont l’un lignifie quoi,
& l’autre cela , & que les Ifraélites appellerent ainfi
l’aliment que leur préfentoit Moife , comme pour
inlulter à ce pain célefle , dont il leur avoit fait fête,
man-hau , quoi cela ?

La troifieme , les rabins , & plufieurs chrétiens
après eux , font venir le mot de manne de la racine
minach , qui fignifîe /’/•^P’Z^^’ , parce que la manne
étoit toute prête à être mangée , fans autre prépara-
tion que de l’amafler , ou plutôt, parce que les If-
raélites , en voyant cet aliment, fe dirent l’un à l’au-
tre , voici ce pain qui nous a été préparé ; & ils
l’appellerent manne , c’eft-à-dirc , chafe préparée.
Deig y Crit.facra, in voce manna , pag. iiy.

La quatrième, enfin le favant M. le Clerc pré-
tend que le mot manne vient du mot hébreu manach^
qui fignifie un don ; & que les Ifraélites , furpris de
voir le matin cette rofée extraordinaire ; & enluite
de ce que leur dit Moife: cefl ici le pain du ciel ,
s’écrièrent, man-hou , voici le don , ou, peut-être,
par une expreffion de dédain , qui étoit bien dans
l’efprit & le caraclere de ce peuple indocile & grol-
fier , ce petit grain qui couvre la rofée , eft-ce donc-
là ce don que l’éternel nous avoit promis?

On doit , en faine philofophie, regretter le tems
qu’on met à rechercher des étymologies , fur-tout
lorfqu’elles ne répandent pas plus de jour fur le fu-
jet dont il s’agit , 6c fur ce qui peut y a avoir du
rapport , que les diverfcs idées qu’on vient d’articu-
ler , que la manne ait reçu Ion nom d’un mouve-
ment , d’étonnement , de gratitude ou de dédain ,
c’ell ce qu’on ne peut décider , ([u’il imj)orte allez
peu de favoir , & qui d’ailleurs ne change rien à la
nature de la chofe.

Ce qu’il y a de moins équivoqne , c’cft que fur la
manière dont l’auteur facré rapporte la chofe , on

A N

ne peut pds raifonnablement douter que la manm
du dcfert n’ait été miraculeufe , & bien différente ,
pnr-là-même , de la //w/z/zt ordinaire d’Orient, Celle-
ci ne paroît que dans certain tems de l’année ; celle
du defert tomboit tous les jours , excepté le jour du
fabath ; & cela pendant quarante années : car elle
ne ccfia de tomber dans le camp des Ifraélites , que
lorfqu’ils furent en pofTefîion de ce pays , découlant
de lait & de miel , qui leur fournit en abondance
des alimens d’une toute autre efpece. La manne or-
dinaire ne tombe qu’en fort petite quantité , & fc
forme infenfiblement ; celle du defert venoit tout-
d’un-coup,& dans une fî grande abondance, qu’elle
fufîifoit à toute cette prodigieufe & inconcevable
multitude , qui étoit à la fuite de Moife.

La manne ordinaire peut fe conferver afTcz
long-tems , & fans préparation : celle qui fe recueil-
loit dans le defert , loin de fe conferver , & de fe
di;rcir au foleil, fe fondoit bientôt : vouloit-on la
garder, elle fe pourrilToit , & il s’y engendroit des
vers : la manne ordinaire ne fauroit nourrir, celle
du defert fufîentoit les Ifraélites.

Concluons de ces réflexions , & d’un grand nom-
bre d’autres, qxi’on pourroit y ajouter que la manne
du defert étoit miraculeufe , furnaturelle , & très-
différente de la manne commune : c’efl fur ce pied-
là que Moïfe veut que le peuple l’envifage, lorlqu’il
lui dit ( Deut. viij , ^. 23. ) : « Souviens-toi de tout
V le chemin par lequel l’éternel , ton Dieu , t’a fait
» marcher pendant ces quarante ans dans ce defert,
» afin de t’humilier , & de t’éprouver , pour con-
» noître ce qui eft en ton cœur ; fi tu gardois (es
») commandemens ou non : il t’a donc humilié, &
» t’a fait avoir faim ; mais il t’a repii de manne , la-
w quelle tu n’avois point connue , ni tes pères aufïï^
» afin de te faire connoître que l’homme ne vivra
>♦ pas de pain feulement ; mais que l’homme vivra
»< de tout ce qui fort de la bouche de Dieu.

Le pain déligne tous les alimens que fournit la na-
ture ; & ce qui fort de la bouche de Dieu , fera
tout ce que Dieu , par fa puiffance infinie , peut
créer & produire pour nourrir & fuftenter les hu-
mains d’une manière miraculeufe.

Il me femble même qiie l’éternel voulut faire con-
noître à fon peuple , que c’étoit bien de fa bouche
que fortoit la manne , puifque les Hébreux , comme
le leiu- repréfente leur condufteur , virent la gloire de
l’éternel , c’eft-à-dire , une lumière plus vive , plus
éclatante que celle qui les conduifoit ordinai-
rement ; & ce fut du milieu de ce fymbole ex-
traordinaire de fa préfence , que Dieu publia fes
ordres au fujet de l’aliment miraculeux qu’il leur
difpenfoit ; & il le fit d’une manière bien propre à
les faire obfer ver. Il leur ordonna 1°. de recueillir
la manne chaque matin pour la journée feulement j
2° , en recueillir chacun une mefure égale , la dixiè-
me partie d’un éphu , ce qui s’appelle un hower ,
c’eft-à-dire, cinq à fix livres; 3°. de ne jamais re-
cueillir de la manne le dernier jour de la femaine ^
qui étoit le jour du repos , dont la loi de Sinaï leur,
ordonnoit l’exade obfervation.

Ces trois ordres particuliers , également juftes >
raifonnables & faciles , fournifTcnt aux nioraliftes
une ample matière de bien de réflexions édifiantes,
& de plufieurs maximes pratiques , le tout fortifié
par d’amples déclamations contre l’ingrate indoci-
lité des Hébreux.

L’envoi de la manne au defert étoit un événe-
ment trop intéreffant pour n’en pas perpétuer la mé-
moire dans la poftérité de ceux en faveur defquels
s’étoit opéré ce grand miracle ; aulTi l’éternel vou-
lut en conferver un monument autentique ; voici
ce que Moïl’e dit à Aaron fur ce fujet , par l’ordre
de Dieu ( Exod, xvj , « J^ ». J J • ) • P »^ »‘^^ « ^^ crucluj^

i

M A N

5* mets-y un plein howcr de manne ^ & le pofe devafit
r éternel pour être gardien vos âges,

S. Paul nous apprend que cette cruche étoit d’or;
& par CCS mots , être pofie devant VéterneL ^ {^Hebr.
ix. 4. ) il explique être mife dans Varchi , ou , com-
me portent d’autres vcrfions , à côté de l’arche , ce
qui paroît plus conforme à quelques endroits de l’E-
criture qui nous apprennent qu’il n’y avoit rien dans
l’arche que les tables de l’alliance Ç£xod. xxv ^
iG. I.Roisvlij. d’il, chron. j/. /o.);ii faut d’ail-
leurs obferver, que lorCque Moi(e donna cet ordre
à Ton frère , l’arche n’exiiloit point , & qu’elle ne
fut conftruite qu’affez long-tems après.

Au relie, le célèbre M. P».cland a fait de favantcs
& de cuneufes recherches fur la li^^ure de cette cra-
che ou va fe , dans lequel ctoit conlervée la mannt
facrée. 11 tire un grand parti de la litiératuie , 6c de
fa profonde connoiffance <i^’^^ langues , pour faire
voir que ces vafcs avoient deux aales , que quel-
quefois ils s’appclloient ovaï ; ainfi dans Athénéei on
lit cvwi ■}t!.io\Taç otvis , c’cfl-à-dirc , des dnes remplis de
vin , d’oii notre favant commentateur prend occa-
fion de juftifier les Hébreux de la faufle accufation
de conferver dans le lieu faint la tête d’un âne en
or , & d’adorer cette idole. Foyei Reland Dijjlrta-
tio altzra di infcript. quoi uiiidaiu nuiurnoruni itainurl-
tanofum , &c.

Le livre des nombres (^xj. 7.) dit que la AWfl«/7g
étoit blanche comme liu bdcllion. JBochart , ( Hier,
part. II. iib. V. cap, v. pag. 6y8, ), d’après plulieurs
thalmudïfles , prétend que le bcicilion fignifie une
perle ; à la bonne-heure , peu importe.

Ceux d’entre les étymologilles qui ont tiré le mot
manne du verbe minnach , piéparer , par la railon ,
difent-ils , qu’elle n’avoit pas belbin de préparation,
n’ont pas fait attention à ce qui ell dit au -verjet 8
du chap. xj. des nombres. Le peuple fe difperjoït j &
la ramaQoit ^ puis il la mouloit aux meules , ou la pi-
lait dans un mortier i & la faifoit cuire dans un chau-
dron , & en faifoit des gâteaux , dont le goût étoit J’itn-
blabié à celui d’ une liqueur d’ huile fraîche y ce qui , pour
le dire en pafîant , nous fait voir combien la manne
du defert devoit être folide 6c dure , 6l toate ditfé-
rente, par-là-même, de la manne d’Arabie, ou de
celle de Calabre.

Quant à fon goût, l’Ecriture-fainte lui en attribue
deux différens : elle cil comparée à des bigruts faits
au miel ; & dans un autre endroit , à de l’huile f aï
che ; peut être qu’elle avoit le premier de ces goûts
avant que d’être pilée & apprêtée , ÔCque la pré-
paration lui donnoit l’autre.

Les Juifs ( Schemoth Rabba , lecl. xxv. y fol. 24.)
expliquent ces <\q\\\ goûts dilférens , & prétendent
que Moïle a voulu marquer par-là , que la manne
étoit comme de l’huile aux cnfans , comme du
miel aux viellards , & comme des gâteaux aux
perfonnes robufles. Peu contens de tout ce qu’il y a
d’extraordinaire dans ce miracideux événement, les
îabbins ont cherché à en augmenter le merveilleux
par des (uppoiitions qui ne peuvent avoir de réa-
lité que daub leur imagination , toujoar:; poullce à
l’extrême. Ils ont dit que la manne avoit tous les
goûts pofiibles , hormis celui des porreaux , des
oignons , de l’ail , & celui des melons & concom-
hres, parce que c’étoicni-là les divers légumes api es
Jefquels le cœur des Hébreux foupiroit , 6i. qui leur
faifoient fi fort regretter Vi maUon de fervitude.
Thalmud Joma , cap. viij. fol. yj.

Ils ont accordé à la manne tous les parfums do
divers aromates dont étoit rempli le paradis terrcf-
trc. Lib. Zoar y fol. 26′. Quelques rabbins lont
allés plus loin ( Schcmat Rabba , Ject. xxv , &:c. ) ,
& n’ont pas eu honte d’alîurer que la manne deve-
noit poule, perdrix, chapon , ortolan, <i’v. fclon

M A. N 47

que le fbiihaîtoit celui qui en mangeoît. C’çû ainû
qu’ils expliquent ce que Dieu difoit à fon peuple :
i^u’il n’avoit m^anqué de rien dans le defert. Deut. xj^
7. Neh. ix. 2!.S. AugulHn ( to/n. I. retruci. lib. Ifl
P^S: 3j- ) » profite de cette opinion des doaeurs
juifs , 6c cherche à en tirer pour la morale un mer-»
veilleux parti , en établiffant qu’il n’y avoit que
les vrais juftes qui enflent le privilège de trouver-
dans la numne Ij goût des viandes qu’ils ainioient
le plus : ainfi, dans le fyilême de S. Auguft;n . peu
de jultes en llraël ; car tout le peuple co.içiu un tel
dégoût pour la manne, qu’il murmura, 6i fît, d*ua
commun accord, cette plainte, qui efl plus dans
une nature tb^ble , que dans une picufe réiignation:
quoi ! toujours de la manne ? nos yeux wc voienC
que manne. Nomb. xj, 6,

Encore un mot ^g% rabbins. Quelque ridicuîci
que loient leurs idées , il efl bon de les connoîtrû
pour lavoir de quoi peut être capable une imagina-
tion dévotement échauffée. Ils aioutent au récit de
Moile , que les monceaux de manne étaient fi hauts,
& fi élevés , qu’ils étoient apperçus par les rois d’O-
rient & d’Occident ; & c’elt à cette idée qu’ils ap-
phquent ce que le Plalmiftedit aupfeaume 23. f. €,
Tu drejjes ma table devant moi , à la vuz de ceux qui
meprell’ent. Thalmud Joma ,fol. yC y coi. 1.

Le Hébreux, Se en général les orientaux, cnf
pour la manne du delert une vénération particu-
lière. On voit dans la bibliothèque orientale d’Her-
belot , pr.g. S 4/, que les Arabes le nomment la dra»
gée de la toute- puijjance.

Et nous liions dans Abenezra fur V exode , que les
Juifs , jaloux du miracle de la manne , prononcent
nialédidion contre ceux qui oferoient foutenir l’o-
pinion contraire.

Akiba prétendoit que la manne avoit été produite
par répailliffement de la lumière célefle, qui , de-
venue matérielle , étoit propre à fervir de nourri-
ture à l’homme : mais le rabbin Ifmaél defapprouva
cette opinion, & la combattit gravement; fondé
fur ce principe , que la manne , félon l’Ecriture , cft
le pain des anges. Or les anges , difoit-il , ne font
pas nourris par la lumière, devenue matérielle;
mais par la lumière de Dieu-même. N’ell-il pas à
craindre , qu’à force de fubiilités, on falTe de cetta
manne une viande un peu creufe ?

Au refle , le mot de manne ell employé dans di-
vers ulages allégoriques, pour déligner k-s vérités
dont lé nourrit i’efprit , qui fortifient la piété , 6c
foutiennent l’ame.

Manne, (^Fannier.’) c’eft un ouvrage de man-
drerie, plus long que large, afTez profond, fans
anle , mais garni d’une poignée à chaque bout.

Manne, qu’on nomme aulii banne, tk. quelque-
fois mannettc , i. t. ( Chapelier , ) cfpece de grand
panier ([uarré long, d’olier ou de châtaignier refendu,
de la longueur & de la largeur qu’on veut , & iVun
pié ou un pié &: demi de profondeur. Les mai chauds
chapeliers 6c plulieurs autres fe fervent de ces
mannes pour emballer leurs marchandifes ; 6c les
chai)eaux de Caudebec en Normandie ne viennent
que d.iiis ces lortes de panieis.

Manne , ( Marine.^ c’ell une cfpece de corbeille
qui (eit à divers ulages ilans les vailleaux.

MANNSFELD, Purke ue, {Hijl. r.at.) c’crt
ainli qu’on nomme en Allemagne une eljiece de
Ichifle ou de pierre feuilletée noirâtre , qui le trouve
près de la ville dEilleben, ilans le comté di. Man.’if-
fld. On y volt très-diilinilcment des empreintes de
dillérentes cfpcccs de poiiions , dont plulieurs lont
couverts de petits points jaunes & bnllans qui ne
font que de la pyrite jaune ou cuivrcule ; d’autres
font couverts de cuivre natif. Cette pierre efi une

i8

M A N

vraie mine de cuivre , dont on tire ce métal avec
liicccs dans les fonderies du voilinage ; on a même
trouvé que ce cuivre contcnoit une portion d’ar-
gent.

On remarque que prefquc tous les poiflons dont
ks empremtes l’ont marquées liir ces pierres , font
recourbés, ce qui a fait croire à quelques auteurs
que non-leulcment ils avoient été cnlevelis par quel-
que révolution de la terre , mais encore qu’ils avoient
Iburtert une cuifl’on de la part des feux fouter-

reins. (— ) , x -n •

MANOA & DORADO, {Geog.) ville imagi-
naire , qu’on a fuppolé exifter dans l’Amérique ,
fous l’équateur, au bord du lac de Parime. On a
prétendu que les Péruviens échappés au fer de leurs
conquérans, fe réfugièrent fous l’équateur, y bâti-
rent le Manoa , & y portèrent les richeffes immen-
fes qu’ils avoient fauvécs.

Les Efpagnols ont fait des efforts dès 1 570, & des
dépenfes incroyables , pour trouver une ville qui
avoit couvert fes toits & fes murailles de lames &
cle lingots d’or. Cette chimère fondée fur la foif
des richeffes, a coûté la vie à je ne fais combien
de milliers d’hommes, en particulier àWalther Ra-
vleigh , navigateur à jamais célèbre , & l’un des
plus beaux efprits d’Angleterre , dont la tragique
hiftoire n’eft ignorée de perfonne.

On peut lire dans les Mémoires de Vacadlrnîc des
Sciences y année ly^J, la conjefture de M. de la Con-
damine , fur l’origine du roman de la Manoa dorée.
Mais enfin cette ville fîftlve a difparu de toutes les
anciennes cartes, où des géographes trop crédules
i’avoient fait figurer autrefois , avec le lac qui rou-
ioit fans ceffe des fables de l’or le plus pur. (Z). /.)
MANOBA, ou plutôt MCENOBA, & par Stra-
bon, en grec Maivclict , (^Géog. anc.) ancienne ville
d’Elpagne , dans la Bétique , avec une rivière de
même nom. Cette rivière s’appelle préfentement
Rio-Frio , & la ville Tords y au royaume de Grenade.
(Z?./.)

MANOBI, f. m, (5f)M«eAro?.) fruit des Indes occi-
dentales , improprement appelle pijlache par les ha-
bitans des îles françoiles de l’Amérique. Ces fruits
font tous fufpendus aux tiges de la plante nommée
arachidua , quadrifoUa , villofu , fiorc luteo , Plum. 49.
arac’nidnoides anuricana , Mém. de l’académie des
Sciences , 1713.

La racine de cette plante efl blanche, droite &
longue de plus d’un pié, piquant en fond. Elle pouffe
plufieurs tiges de huit à dix pouces de long , tout-
à-fait couchées lùr terre, rougeâtres, velues, quar-
rées, noueufes, & divifées en quelques branches
naturelles.

Les feuilles dont elles font garnies font larges
d’un pouce, longues d’un pouce & demi , de forme
prefque ovale, oppofées deux à deux, attachées
fans pédicule à des queues.

Les fleurs fortent des aifelles des queues ; elles
font légumineufcs , d’un jaune rougeâtre , & foute-
nues par un pédicule. L’étendard ou feuille fupé-
rieure a i’ept ou huit lignes de largeur ; mais fes ailes
ou feuilles latérales n’ont qu’une ligne de large ; il
y a entre deux une petite ouverture par où l’on dé-
couvre la bafe de la fleur, appellée ordinairement
carina. Elle eft compofée de deux feuilles , entre
lefquelles eft placé le piffil qui fort du fond du ca-
lice , lequel efl formé en une efpece de cornet
dentelé.

Ce piftil , lorfque les fleurs commencent à paffer,
fe fiche dans la terre , & y devient un fruit long &
oblong, blanc-fale, tirant quelquefois fur le rougeâ-
tre. Ce fruit eft une efpece de gouffe membraneufe,
(illonnée en fa longueur, garnie entre les fdlons de
plufieurs petites lignes tantôt tranlverfales , tantôt

M A N

obliques , fufpendu dans la terre par une petite
queue de fept à huit lignes de long. La longueur de
ces gouffes varie fouvent ; il y en a d’un pouce &
demi de long, & d’autres de huit à neuf lignes. Leur
groffcur efl affez irréguliere , les deux extrémités
étant communément renflées, & le milieu comme
creuf é en gouttière. Le bout par oii elles font atta-
chées à la queue, eft ordinairement plus gros que
le bout oppolé, qui fe termine fouvent en une efpece
de pointe émouflée 6l relevée en façon de bec
crochu.

Chaque gouffe eft compofée de deux coffes dont
les cavités qui font inégales & garnies en dedans
d’une petite pellicule blanche , îuifante & très-dé-
liée , renferment un ou deux noyaux ronds & ob-
longs , divifés en deux parties , 6i. couverts d’une
petite peau rougeâtre, îemblable à-pcu-près à celle
qui couvre les amandes ou avelines , qui noircit
quand le fruit vieillit ou devient fec.

Ces noyaux , lorfque la gouile n’en, renferme
qu’un feul , font affez réguliers , & ne reffemblent
pas mal aux noyaux du gland; maisloriqu’il y ena
deux , ils font échancrés obliquement , l’un à la tête,
l’autre à la queue , aux endroits par où ils lé tou-
chent. La fubftance de ces noyaux eft blanche &
oléagineufe , & le goût en eft fade & infipide , tirant
fur le fauvage , ayant quelque rapport avec le goût
des pois chiches verts.

J’ai donné la defcription du manohi d’après M.
Niffole , parce que celle du P. Labat eft pleine d’er-
reurs & de contes. Voye:;^ les Mémoires de f Acadé-
mie des Sciences y année ly^^ , où vous trouverez
auffi la figure exaéte de cette plante. (^ D. J,^

MANŒUVRE , f. m. ( Arckitecl. ) dans un bâti-
ment , eft un homme qui fert au compagnon maçon,
pour lui gâciierle plâtre, nettoyer les régies & cali-
bres, à apporter fur ion échaffaut les moellons & au-
tres choies néceffairespour bâtir.

Manceuvre , terme dont on fe fert dans l’art de
bâtir pour fignifier le mouvement libre &c aifé des
ouvriers , des machines , dans un endroit ferré ou
étroit pour y pouvoir travailler.

Manœuvre, (^Peinture) fe dit d’un tableau qui
eft bien empâté , où les couleurs font bien fondues,
hardiment 6c facilement touché ; on dit la manœu-
vre de ce tableau ell belle.

Manœuvre fe dit encore , lorfqu’on reconnoît
dans un ‘ tableau que le peintre a préparé les cho-
fes dans fon tableau différemment de ce qu’elles font
reliées ; c’elt-à dire , qu’il a mis du verd , du rouge ,
du bleu en certaines places , & qu’on n’apperçoit
plus qu’un refte de chacune de ces couleurs , au tra-
vers de celles qu’il a mife ou frottée deffus. On dit ,
le peintre a. une JînguUere manœuvre.

Manœuvre & Manœuvres , ÇMarine) ces ter-
mes ont dans la marine des fignifications très-éten-
dues , &c fort différentes.

1°. On entend par la manoeuvre , l’art de conduire
un vaiffeau , de régler fes mouvemens , & de lui
faire faire toutes les évolutions néceffaires , foit
pour la route , foit pour le combat.

2°, On donne le nom général de manoeuvres à
tous les cordages qui fervent à gouverner & faire
agir les vergues & les voiles d’un vaiffeau , à tenir
les mâts , &c.

Manœuvre; art de foumettre le mouvement
des valffeaux à des lois, pour les diriger le plus avan-
tageufcmcnt qu’il eft poffible ; toute la théorie de
cet art , confifte dans la fblution des fix problèmes
fuivans. 1°. Trouver l’angle de la voile & de la
quille ; 2°. déterminer la dérive du vaiffeau, quel-
que grand que foit l’angle de la voile avec la quille ;
3″. mefurcr avec facilité cet angle de la dérive;
4°, trouver l’angle le plus avantageux de la vo’le

avec

1

A N

avec ie Vent, l’angle de la voile & de la quille étant
donné ; 5°. l’angle delà voile &; de la quille donné,
trouver l’angle de la voile avec la quille , le plus
avantageux pour gagner au vent ; 6’\ déterminer
la vitclîe du vaiffeau , félon les angles d’incidence
du vent fur les voiles , félon les dilférentes vitcffes
du vent , félon les différentes voilures ; & enfin ,
fiiivant les ditférentes dérives.

La manière de réfoudre ces fix problèmes feroit
d’im trop grand détail ; il fuffit d’indiquer où l’on
peut les trouver , &c d’ajouter un mot fur les difcuf-
fions que la théorie de la manœuvre a excitées entre les
fivans. Les anciens ne connoiflbient point cet art.
André Doria génois , qui commandoit les galères
de France fous François I , fixa la naiffance de la
manœuvre par une pratique toute nouvelle : il con-
nut le premier qu’on pouvoit aller fur mer par \\n
vent prefque oppofc à la route. En dirigeant la
proue de l’on vaiffcau vers un air de vent , voifin
de celui qui lui étoit contraire, il dépaffoit plulieurs
navires , qui bien loin d’avancer ne pouvoient que
rétrograder , ce qui clonna tellement les naviga-
teurs de ce tems , qu’ils crurent qu’il y avoir quel-
que chofe de furnaturel. M’*, les chevaliers de Tour-
ville , du Guay-Trouin , Bart , du Quefne poufle-
rent la pratique de la manœuvre à un point de per-
fedlion , dont on ne l’auroit pas cru fufceptible.
Leur capacité dans cette partie de l’art de naviger ,
n’étoit cependant fondée que fur beaucoup de pra-
tique & une grande connoiflancc de la mer. A force
de tâtonnement , ces habiles marins s’étoient fait
une routine , une pratique de manœuvrer d’autant
plus furprenante , qu’ils ne la dévoient qu’à leur
génie. Nulle régie , nui principe proprement dit
ne les dirigcoit , & la manœuvre n’étoit rien moins
qu’un art.

Le père Pardies jéfuitc , ell le premier qui ait
cflayé de la foumettrc à des lois : cet efiai fut adop-
té par le chevalier Renau , qui , a’dé d’une longue
pratique à la mer , établit une théorie irèb-beiie lur
ces principes ; elle fut imprimée par ordre de Louis
XIV. & reçue du public avec un applaudiiicment
général.

M. Huyghens attaqua ces principes & forma des
objedlions , qui furent repouffées avec force par le
chevalier Rcnau ; mais ce dernier s’étant trompe
dans les principes, on reconnut l’erreur , 6c les ma-
rins favans virent avec douleurtombcr par ce moyen
luie théorie qu’ils fe préparoient de réduire en pra-
tique.

M. Bernouilli prit part à la difpute , reconnut
quelques méprifes dans M. Huyghens , fçut les évi-
ter , & publia en 1714. un livre intitulé , elJui (Tune
nouvelle théorie de la manœuvre des vaijfeaux. Les
fftvans accueillirent cet ouvrage , les marins le trou-
vèrent trop profond , & les calculs analytiques dont
il croit chargé le rendoit d’im accès trop difficile aux
pilotes.

M. Pitot de l’académie des fcienccs, travaillant
ftir les principes de M. Bernouilli , calcida des ta-
bles d’une grande utilité pour la pratique, y ajou-
ta plulieurs choies neuves , & publia (on ouvrage
«n 173 I, fous le titre de la i/uorie des vaijjeaux ré-
duite en pratic/uc. Enfin, M. Saverien connu par plu-
lieurs ouvrages , a publié en 1745 une nouvelle
théorie à la portée des pilotes. MM. Bouguer & de
Gcnfanc l’ont critiquée, & il a répondu; c’crt dans
tous ces ouvrages qu’on peut puiler la théorie de la
manœuvre y que les marins auront toujoius beaucoup
de peine ;\ allier avec la pratique.

Manœuvuf.s , (^Marine’) On appelle ainfi en gé-
néral toutes les cordes qui iervent .\ faire mouvoir
les vergues & les voiles , & à tenir les mati.

On d illingue les rnaruïuvrcs en inamtuyics coulari »
Turuc À’,

M A N 49

tes ou courantes , & manœuvres dormantes.

Mamœuvres courantes , font celles qui pafTent fuf
des poulies , comme les bras , les boulines , &c. 6é
qui Itrvent à manœuvrer le vai/fcau à tout moment.

Manœuvres dormantes , font les cordages fixes .
comme l’itaque , les haubans , les galoifbans , les
étais , &c. qui ne palfent pas par des poulies , ou qui
ne fe manœuvrent que rarement.

Manœuvres à queue de rat qui vont en diminuant >
& qui par conféquent font moins garnies de cordori
vers le bout , que dans toute leur longueur.

Manœuvres en bande ^ manœuvres qui n’étant ni
tenues , ni amarées , ne travaillent pas.

Manœuvres majors , ce i’ont les gros cordages, tels
que les cables , les hauffieres , les étais , les grelins,
&c.

Manœuvres papes à contre , manœuvres qui font
paflees de l’arncre du vaiifeau à l’avant , comme
celle du mât d’artimon.

^ Manœuvres pajfées à tour , manœuvres paffées de
l’avant du vaiifeau à l’arriére , comme les cordaacs
du grand mât & ceux des mâts de beaupré ôc^de
mitaine. Voyei ^j- I- de la Marine , le deflein d’unt
vaiffeau du premier rang avec ics mâts , vendues Se
cordages , &c.

Manœuvre , {Marine.’) c’eft le fervice des ma-
telots, & l’ufage que l’on fait de tous les cordages
pour taire mouvoir le vaiflbau.

Manœuvre baffe , manœuvre qu’on peut faire de
deffus le pont.

Manœuvre haute , qui fe fait de deffus les hunes ,
\q^ vergues & les cordages.

Manœuvre grojfe i c’elf le travail qu’on fait pour
embarquer les cables & les canons , & pour mettre
les anaes à leur place.

Manœuvre hardie 3 manœuvre périlleufe & diffi-»
cile.

Manœuvre fine i c’cfl ime- manœuvre prompte 6c
délicate.

Mar,œuvre tortue , c’eft une mauvaife manœuvre,

MANŒUVRER, c’eft travailler aux manœnivres,
les gouverner , & faire agir les vergues & les voi-
les d’un vaifleau, pour f<iire une manœuvre.

MANŒUVRIER , {Marine) c’eft un homme qui
fait la manœuvre : on dit , cet officiel eft un bon ma-
nœufrier.

Manœuvrier o«MANouvRiER,f. m. {Comm.^
compagnon , ariifan , homme de peine & de jour-
née , qui gagne fa vie du travail de fes mains. Lu
manouvrier eft différent du crocheicur 6i. gagne-de.*
nier.

MANOIR , f. m. {Jurifp.) dans les coutumes fi-
gnifie maifon. Le manoir téotl.il ou feigneurial eft
la mailondu feigneur; le principal rnanoir elW^ prin-
cipale mailbn tenue en fief, que l’aîné a droit de
prendre par préciput avec les accints & préclôtu-
rcs , 6c le vol du chajjon ; quand il n’y a point de
maifon , il a droit de prendre un arpent de terre te-
nu en fief pour lui tenir lieu du {wincipal marair^
C^out. de Paris , art. 11 & iS. f’oye^ FlF.F , PlttCI-
l’UT , Vol du chapon. (./)

MANOMETRE , f. m. ( Ph^fj. ) inftrum<^nt qui
a été imaginé pour montrer ou pour melurcr les al-
térations qui furviennent de la rareté ou de ladenhté
de l’air, voyc^ Air.

Ce mot ell formé des mots grecs ,«avof , rare , ^
ywtTpci’, mejhre^ S>Cc.

Le manomètre diffère du baromètre en ce que cô
dernier ne mefiue que le poids de ratmolj^hore ou de
1.1 colonne il’air qui eft au-defUis, au lieu que le pre*
uiicr niefure en même tems la denfité de l’air dan*
k(|uel il (e trouve ; ilcnfité qui ne dépend pas feule-
ment du |KÙds de l’atmolj^herc , mais encore d^
l’adion du chaud CSi du fioid, &c, Quoi qu’il en lo-t ^

JO

M A N

pliifieiirs auteurs confondent alTcz gcnéralement le
manonutrc avec le baromètre , & M. Boy le lui-même
nous a donné un vrai manomètre fous le nom de ba-
romctrc patiqitc.

Cet inlhument confifte en une boule de verre £ »,
fig. 12. pncum. très-peu épaJlFe &:d’un grand volume
qui elt en équilibre avec un très-petit poids , par le
moyen d’une balance ; il taut avoir foin que la ba-
lance ibit fort fenfible, afin que le moindre change-
ment dans le pois E la fade trébucher ; & pour ju-
ger de ce trébuchement , on adapte à la balance
une portion de cercle ADC. Il ell évident que quand
l’air deviendra moins denfe & moins pelant , le poids
delà boulet augmentera, & au contraire : de forte
que cette boule l’emportera fur le poids ou le poids
fur elle. A-‘fyi;^ Baromette.

Dans les mcmoircs de l’acadcrnle de iyo5 , on trouve
un mémoire de M. Varignon , dans lequel ce géomè-
tre donne la defcription d’un manomètre de fon inven-
tion , & un calcul algébrique par le moyen duquel
on peut connoître les propriétés de cet inftrument.

iMANOSQUE , Manofca, ( Géog.) ville de France
en Provence fur la Durance, dans la viguerie de
Forcalquier , avec une commanderie de l’ordre de
Malthe. Elle ell dans un pays très-beau & très-fer-
tile, à 4 lieues S. de Forcalquier, 1 54 S. E. de Paris.
Long. 2j . 3 o. Ia[. 43 . J2.

Dufour (Philippe Sylveftre) , marchand droguifte
à Lyon , mais aa-defl\is de fon état par fes ouvrages,
ctoit de Manofque. Il mourut dans le pays de Vaud
en 1685 , à 63 ans.

MANOTCOUSIBI , {Géogr.) rivière de l’Améri-
que feptentrionale , au 59 degré de latitude nord,
dans la baie de Hudfon. Les Danois la découvrirent
en 1668 ; on l’appelle encore la rivière danoife^&cles
Anglois la nomment Churchill. (Z). /,)

MANQUER , V. aft. ( Gram. ) il a un grand nom-
bre d’acceptions. Fojei-en quelques-unes dans les
articles fuivans.

Manquer, (^Comm.^ Çiq^m^Q faire banqueroute,
faire faillite. Foye^ BANQUEROUTE & FAILLITE.
On voit fouvent manquer de gros négocians & des
banquiers accrédités , ioit par leur mauvaife con-
duite , foit par la faute de leurs correfpondans.

Manquer en Marine fe dit d’une manoeuvre qui
a largué , ou lâché , ou qui s’efl rompue.

Manquer , en Jardinage , fe dit d’un jardin qui
manque d’eau, de fumier: les fruits ont manqué cette
année.

MANRESE, (Géog.^ en latin Minorijfa , ancienne
petite ville d’Efpagne dans la Catalogne, au con-
fluent du Cordonéro & du Lobrégat, à 9 lieues N.
O. de Barcelone, 6 S.E. de Cardonne. Long. ic).jo.
lat, 41. ^(j.

MANS, LE, ( C^e’o^T.) ancienne ville de France
fur la Sarte , capitale de la province du Maine. C’eft
la même que la table de Peutinger appelle Suindi-
num. Dans les notices des villes de la Gaule elle eft
nommée civitas Cenomanorum. Sous le règne de Char-
lemagne c’étoit une des plus grandes & des riches
villes du royaume ; les tems l’ont bien changé. Pref-
que dans chaque fiecle elle a éprouvé des incurfions,
des fiéges , des incendies , & autres malheurs fem-
blablcs , dont elle ne fauroit fe relever. Elle contient
à peine aujourd’hui neuf ou dix mille âmes. Son évê-
auc fe dit le premier fufFragant de l’archevêché de
Tours , mais cette prétention lui elt fort contcflée.
Son évêché vaut environ 17000 livres de revenu.
Le Mans efl: fur une colline , à 8 lieues N. O. d’A-
lençon, 17 N. O. de Tours , 19 N. E. d’Angers, 30
N. E. d’Orléans , 48 S. O. de Paris. Longit. félon
Cafîini , tj. 3(7′. 30″. lat. ^y. 58. {D. /.)

MANSART , ( Hifl. nat.) voye^ Ramier.

M A N

Mansard , f. m. {^Docimafl. ) on appelle ainfi dans
les fonderies un inftrument avec lequel on prend les
eflais du cuivre noir , & qui eft une verge de fer au
bout de laquelle eft une efpece de cifeau d’acier poli.
Dans chzc^wQ percée de la fonte, aufli-tôt que la matte
eft enlevée , on trempe un pareil inftrument , le cui-
vre noir s’attache à l’acier poli , & on l’en fépare
pour l’uiage. Tiré du fchlutter Ac M. Hélot.

MANSARDE , f. f. terme d’Architeclure. On nom-
me ainfi la partie de comble brifé qui eft prefque à-
plomb depuis l’égoùt jufqu’à la panne de brcfée , où
elle joint le vrai comble. On y pratique ordinaire-
ment des croifécs. On doit l’invention de ces fortes
de combles à François Manfard , célèbre architeâe.
MANSEBDARS, f. m. (^Hijloire mod. ) nom qu’on
donne dans le Mogol à un corps de cavalerie qui
compofe la garde de l’empereur , & dont les foldats
font marqués au front. On les appelle ainfi du mot
manfcb , qui fignifie une paye plus confidérable que
celle des autres cavaliers. En effet, il y a tel manfeb-
dur c^m a jufqu’à 750 roupies du premier titre de
paye par an , ce qui revient à 1075 livres de notre
monnoie. C’eft du corps des manfebdars qu’on tire
ordinairement les omrhas ou officiersgénéraux.^oyej
Omrhas. ( (5^ )

MANSFELD , Mansfeldia , ( Géogr. ) petite ville
de même nom , avec titre de comté. Elle eft à 14
lieues S. O. de Magdebourg , 18 N. E. d’Erfort ,
19 S. O. de Wirtemberg. Long. 2^. 30. lat. 5l. ji,
Vigand (Jean), lavant théologien, difciple de
Mélanâhon , a illuftré Mansfcld fa patrie , en y re-
cevant le jour. II eft connu par plufieurs ouvrages
eftimés, & pour avoir travaillé avec Flaccus lUyricus
aux centuries de Magdebourg. Il décéda en 1 587, à
64 ans. {D.J.)

M ANSFENY , f. m, {Hift. nat.) oifeau de proie d’A-
mérique ; il refîemble beaucoup à l’aigle ; il n’eft:
guère plus gros qu’un faucon , mais il a les ongles
deux fois plus longs & plus forts. Quoiqu’il foit bien
armé, il n’attaque que les oifeaux qui n’ont point de
défenfe , comme les grives , les alouettes de mer ,
les ramiers , les tourterelles , &c. Il vit auffi de fer-
pens & de petits lézards. La chair de cet oifeau eft
un peu noire & de très-bon goût. Hifl. gcn. des An-
tilles , par le P. du Tertre

MANS-JA , f. m. ( Commerce. ) poids dont on fe
fert en quelques lieux de la Perfe , particulièrement
dans le Servan & aux environs de Tauris. Il pefe
douze livres un peu légères. Dictionnaire de Com-
merce. ( ^ )

MANSION , f. f. {Géogr.) Ce mot doit être em-
ployé dans la géographie de l’Empire romain lorfqu’il
s’agit de grandes routes. C’eft un terme latin, wû/z/îb,
lequel lignifie proprement demeure .^féjour ^ & même
fes autres acceptions font toutes relatives à cette
lignification.

1°. Quand les Romains s’arrêtoient un petit nom-
bre de jours pour laifler repofer les troupes dans des
camps , ces camps étoient nommés marifiones ; mais
s’ils y paflbient un tems plus confidérable , ils s’ap-
^^py\o\Q.v^. fiativ a caflra.

2″. Les lieux marqués fur les grandes routes, ou
les légions , les recrues, les généraux avec leur fuite,
les empereurs mêmes trouvoient tous leurs befoins
préparés d’avance , foit dans les magafins publics ,
foit par d’autres diipofitions , fe nommoient manfio-
nes, C’étoit dans une manfion , entre Héraclée &
Conftantinople , qu’Aurelien fut aflafîiné par deux
de fes gens. Ces manfîons étoient proprement affec-
tées à la commodité des troupes ou des perfonnes
revêtues de charges publiques , & on leur fournif-
foit tout des deniers de l’état. Celui qui avoit l’in-
tendance d’une manjion fe nommoit manceps ou fia–
tionarius.

M A N

3**. Il y avoit outre cela des manjîons ou gîtes
pour les particuliers qui voyageoient , & où ils
étoient reçus en payant les frais de leur dépenfe :
c’étoient proprement des auberges. C’ell de ce mot
de manfio , dégénéré en majïo , que nos ancêtres ont
formé le mot de maïfon.

4°. Comme la journée du voyageur fîniffoit au
gîte ou à la manfwn , de-là vint 1 ufage de compter
les dillances ^dx manjions ^ c’eft-à-dire par journées
de chemm. Pline dit manjionikus o3o Jlat regio tliuri-
fera à monte cxcclfo. Les Grecs ont rendu le mot de
manjion par celui Aq fiathmos^ sToL^ixaç. (^D. J.^

MANSIONNAIRE, {. m. ( Hift. ecdéf. ) officier
eccléfialtique dans les premiers fiecles , fur la fonc-
tion duquel les critiques font fort partagés.

Les Grecs les nommoient Trapa/zoïapcf : c’efl fous
ce nom qu’on les trouve dilbngués des économes &
des défenleurs dans le deuxième canon du concile
de ChalcéJoine. Denis le Petit , dans fa verjïon des
canons de ce concile , rend ce mot par celui de man-
Jîonarius , qu’on trouve aufli employé par faint Gré-
goire dans les dialogues , liv. I. & III.

Quelques-uns penlent que l’office de manjlonnaire
étoit le même que celui du portier , parce que faint
Grégoire appelle ^^//W/wi [cmanjionaalre, le gardien
de l’églife , cujlodan ecclejiœ ; mais le même pape
dans un autre endroit remarque que la fondion du
manjîonnaire étoit d’avoir loin du luminaire & d’al-
lumer les lampes & les cierges , ce qui reviendroit
àpeu-près à l’office de nos acolytes d’aujourd’hui.
Juftcl &i. Beveregius prétendent que ces munjïonnai-
res étoient des laies & des fermiers qui taifoient va-
loir les biens des égides ; c’eft aufli le fentiment de
Cujas , de Godefroi , de Suicer 6l de Voffius. Bing-
ham, orig. eccUf. tom. II. lib. III. c. xiij. §. /. (G)

MANS’OMLE , {Géog.) terme de la latmité bar-
bare , employé pour figniiier un champ accompagné
d’une maiibn , pour y loger le laboureur. On a dit
également dans la balfe Litinité manjîonile , manjio-
nilis , manjionillu/n , tnanjîLe , majnLte, mejhillurn ;<\q
ces mots on en a fait en françois MaijnU ^ MejniL^
Ménil : de- là vient encore le nom propre de Ménd 6c
celui de du Mcjhil. Il y a encore plufieurs terres clans
le royaume qui portent le nom de Blanc – Ménil ;
Grand-Mcnïl ^ Petit- MènïL ., MénU-Fiquet ., &c.

On voit par d’anciennes chroniques qu’on mettoit
une grande différence entre munjionile 6l villa. Le
premier étoit une maifon détachée & feule , comme
on en volt dans les campagnes , au heu que villa h-
gnifioit alors tout un village. (Z>. /. )

MANSOUIIE ou MASSOURE, ( Géogr. ) forte
ville d’Egypte qui renferme plufieurs beilji mof-
(juées ; c’ell la réfidcncc du caicief de Dékalie. Elle
cft fur le bord oriental du Nil, près de Damiete.
C’efl dans fon voifmage qu’en 1149 ^^ Jiv-a le com-
bat entre l’armée des Sarrafms & celle de S. Louis ,
qui fut fuivie de la prife de ce prince & de l.i perte
de Damiete. Long. 49. J3. lac. 27. (^D.J.)

MANSTUPRATION ou MANUSTUPRATION-
(^Médec. Pathol.’) Ce nom 6c fes lynonymes niajlu-
pration & majlurtion, font comj)ofés de deux mots
latins manus ,(.^m fignifie niainy&i [lupratio ow fli:priim y
yiolement, pollution. Ainli fuivant leur éiymologie,
ilsdéfignent une pollution opérée parla main,c’ed-à-
dire,iuie excrétion forcée de femence tlelerminéc
par des attouthemens, titillations & frotiemens im-
propres. Un auteur anglois l’a auffi delignée Ibus
le titre <^ onania dcx’wc tXOnamy nom d’un des fils
de Juda, doiu d cil tait mention vlans l’ancien Tefl.i-
ment ÇGencJ’. cap, xxxviij. vcrf. ix. & x.) dans ime
cfpece de traité ou pliuôt une bit.irre tolleChon
d’oblervations de Médecine, de réilexions morales,
& de dccihons ihéologiques lin cette matière. M. Til-
iot s’ell auili fervi, ù Ion mutation, du mot fïona-
Tome X,

MA N 51

mfrne dans la traduftion d’une excellente difTcrta-
tion qu’il avoit compofée fur les maladies qui font
une Uiite de la manujlupration, & dont nous avons
tiré beaucoup pour cet article.

De toutes les humeurs qui font dans notre corps
il n’y en a point qui foit préparée avec tant rie dé-
penfe & de foin que la femence, humeur precicuîe
fource & matière de la vie. Toutes les par;;es coni
courent à fa formation ; & elle n’efî qu’un extrait
digéré du fuc nourricier, ainfi qu’i-iippo.rate 6c
quelques anciens l’avoient penfé,<!k comme nous
l’avons prouvé dans une thefe fur la génération ■
foutenue aux écoles de Médecine de Monrpeilicr!
Voye^^ SEMtNCE. Toutes les parties concourent
auiii à l’on excrétion, & elles s’en refTenrent après,
par une efpece de foiblelfe, de lafTitude & d’an-
xiété. Il efî cependant un tems où cette excrétion
efl permife , où elle efl utile , pour ne pas dire
nécelfaire. Ce temps efl mnrqué par la nature
annoncé par l’éruption plus abondante des poils,par
l’accroifTement fubit & le gonflement des parties
génitales, par ds érections fréquentes; l’homme
alors brfde de répandre ce’te liqueur abondante qui
diflend & irrite les véficules féminaies. L’humeur
fournie par les glandes odoriférantes entre le pré-
puce & le gland, qui s’y ramaffe pendant une inac-
tion trop longue, s’y altère, devient âce, ftinni-
lante, fert auifi d’aiguillon ou de motif. La feule
façon de vu.der la femence fuperflue qui foit félon
les vues de la nature, eft celle qu’elle a établie dans
le commerce & l’union avec la femme dans qui la
puberté elt pus précoce, les delirs d’ordinaire plus
violens, & leur contrainte plus funefle; & qu’elle
a confacrée pour l’y engager davantage par les plai-
firs les p. us délicieux. A cette excrétion naturelle
& légitime, on pourroit auifi ajouter celle q-.ie pro-
voquent penJant le fommeil aux célibataires des
longes voluptueux qui fuppléenr é -alement & quel-
quefois même furpaffent la réalité^Malgré ces lages
précautions de la nature, on a vu dans les tems les
plus reculés, fe répandre & prévaloir une intame
coutume née dans le fein de l’indolence & de l’oifi-
veté i mulcipllée enfulte &: fortifiée de plus en plus
par la crauiic de ce venin fubtll &: contagieux qui
le communique par ce commerce naturel dans les
momens les plus doux. L’homme &: la femme ont
rompu les liens de la foclété ; Si ces deux f.xes
également coupables, ont tâché d’imiter ces mêmes
plaifirs auxquels ils le ret’ulolent, & y ont fait fer-
vir d’inffrumens leurs criminelle^ mains ; chacun fc
luffifant par-là , ils ont pu fe pafTer mutuellement
l’un de l’autre. Ces plalllrs forcés, foibles iuiioes
des prenuers, (ont cependant devenus une paillon qui
a éiéd’auiant plus funelîe, que pir la commodité
de l’alfouvir, elle a eu plus louvent fon effet. Nous
ne la conlidércrons ici qu’en qualité de médecin
comme caule d’une Infiniié de maladies très-gra-
ves, le plus louvent mbitelies. L.uffant aux ih^éo-
logiens le foin de décider 6i de faire connoître
l’enormité du crime; en la lalTîint envilager lous
ce point de vue, en préientant radieux tableau de
tous les accidens qu’elle entraîne, nous crovor.s
pouvoir en détourner plus eflicaccment. C’cil en
ce lens que nous dilons que la manujîupruuon qui
n’efl point fréquente , qui n’efl pas excitée [)ar
une imagination bouill.inte & volu|)tiieule, & qui
n’elt enfin déterminée que par le beUun , ntll lui-
vie d’aucun accident, 6»: n’elt point un mal (en Mé-
decine.) Bien plus , les anciens, juges troj) p^u icve-
res &C Iciupuleux, penfoicnt que lorlqu on la conie-
noit dans ces bornes, on ne violoit pas les lois de
la continence. Audi Galien ne t’ait pas difficulté
d’avancer que cet infâme cynique (Uiogenv) qui
avoit rimpuUence de recourir à cette hontcule pra-

Gij

52

M A N

tlqne en préfence des Athéniens, étoit très-chafte ;
tjuoad comincntiam pertinct conliantijjiniam ; parce
que , pourrult-il , il ne le taifoit que pour éviter les
inconvéïiiens que peut entraîner la icmcnce retenue.
Mais il ert rare qu’on ne tombe pas clans l’excès.
La p;iffion emporte : plus on s’y livre , îk plus on y
ert porté ; & en y luccombant , on ne fait que l’ir-
riter. L’elpritcontiucllement ablbrbé clans des pen-
lécs voluptueules , détermine fans celîe les efprits
animaux à fe porter aux parties de la génération,
qui,par les attouchemens répétés, font devenues plus
mobiles, plus obérantes au dérèglement de l’ima-
gination : de-là les éredlons prefque continuelles,
les pollutions fréquentes, ôi l’évacuation cxccirive
de femence.

C’ell: cette excrétion immodérée qui eft la fourcc
d’une infinité de maladies : il n’eil pcrfonne qui n’ait
éprouvé combien, lors même qu’elle n’elî pas pouf-
fée trop loin, elle aiFoibiit, & cpielle langueur, quel
dérangement , quel trouble fuivcnt l’ade vénérien
un peu trop réitéré : les nerfs font les parties qui
femblent principalement affectées, & les maladies
nerveufes font les fuites les plus fréquentes de cette
évacuation trop abondante. Si nous confidérons la
compofulon de la femence & le méchanifme de fon
excrétion, nous ferons peu furpris de la voir deve-
nir la fource & la caufe de cette infinité de ma-
ladies que les médecins obfervaîeurs nous ont tranf-
mls. Celles qui commencent les premières à fe déve-
lopper, font un abatcment de forces, foibleffes,
lalhtudes fpontanées , langueur d’eltomac , cngour-
dllîement du corps & de l’efprit, maigreur, &c. Si
le malade nullement effrayé par ces fymptomes,
perfille à en renouve’Icr la caufe , tous ces acci-
dens augmentent; la phthlfie dorfale furvient; une
fièvre lente fe déclare; le fommeil eft court, inter-
rompu , troublé par des fonges effrayans ; les digef-
tions fe dérangent totalement ; la maigreur dégé-
nère en marafme ; la foibleffe devient extrême;
tous les fens , & principalement la vue, s’émouf-
fent ; les yeux s’enfoncent , s’obfcurciffent , cjuel-
quefois même perdent tout-à-fait la clarté ; le vifage
efl couvert d’une pâleur mortelle ; le front parfemé
de boutons; la tête eft tourmentée de douleurs af-
freufes ; une goutte cruelle occupe les articulations;
tout le corj)S quelquefois fouffrc d’un rhumatlfme
univerfel , & liir-tout le dos & les reins qui fem-
blent moulus de coups de bâton. Les parties de la
génération , inrtrumens des plaifirs & du crime ,
font le plus fouvcnt attaquées par un prlapifme
douloureux, par des tumeurs, par des ardeurs d’u-
rine, ftiangurie, le plus fouvent par une gonorrhée
habituelle, ou par un flux de femence au moindre
effort : ce qui achevé encore d’épuifer le malade.

J’ai vu une perfonne qui a à la fuite des débau-
ches outrées, étoit tombée dans une fièvre lente ; &
toutes les nuits elle efluyoit deux ou trois pollutions
no£turnes involontaires. Lorfque la femence for-
toit, il lui femblolt qu’un trait de flamme lui dé-
voroit l’urcthre. Tous ces dérangemcns du corps
influent aufTi fur l’imagination , qui ayant eu la
plus grande part au crime , elt aufTi cruellement
punie par les remords, la crainte, le defefpoir, &
îbuvent elle s’uppcfantlt. Les idées s’obfcurcifTent;
la mémoire s’aff’oiblit : la perte ou la diminution de
la mémoire eft un accident des plus ordinaires.
Jt fens bien , écrivoit un malhiprateur pénitent
à M. Tiiîbt, que cette mauvaife manœuvre m’a dimi-
nué la force des facultés , & fur- tout la mémoire. Quel-
quefois les malades tombent dans une heureufe ftu-
piditc : ils deviennent hébétés , infenfibles à tous les
maux qui les accablent. D’autres fois au contraire,
tout le corps eft cxtraordinalremcnt mobile, d’une
ienfibilité exquife; la moindre caufe exci^ic des dou-

A N

leurs aiguës, occafionne des fpafmes, des mouve-
mens convulfifs ; quelques malades font devenus
par cette caufe , paralytiques , hydropiques ; plu-
sieurs font tombés dans des accès de manie, de
mélancolie , d’hypocondriacité , d’épilepfie. On a
vCi dans quelques-uns la mort précipitée par des at-
taques d’apoplexie, par des gangrenés fpontanées:
ces derniers accidens font plus ordinaires aux vieil-
lards libertins qui fe livrent fans mefure à des plai-
firs qui ne font plus de leur âge. On voit par-là qu’il
n’y a point de maladie grave qu’on n’ait quelque-
fois obfervé fuivre une évacuation exceiTive de
femence; mais bien plus, les maladies algues qui
furviennent dans ces circonflances font toujours
plus dangercufes, & acquièrent par-là un caraftere
de malignité, comme Hippocrate l’a obfervé (^epi->
dan. Ub. III. feci. 3. œgr. i6\) Il fcmble qu’on ne
fauroit rien ajouter au déplorable état où fe trou-
vent réduits ces malades : mais l’horreur de leur
fituation efl encore augmentée par le fou venir
defefpérant des plaifirs pafTés, des fautes, des im-
prudences , & du crime. Sans reflburce du côté de
la Morale pour tranquillifer leur efprit; ne pou-
vant pour l’ordinaire recevoir de la Médecine au-
cun foulagement pour le corps, ils appellent à leur
fecours la mort , trop lente à fe rendre à leurs fou-
haits ; ils la fouhaitent comme le feul afyle à leurs
maux, & ils meurent enfin dans toutes les horreurs
d’un affreux defefpoir.

Toutes ces maladies dépendantes principalement
de l’évacuation excefïïve de femence, regardent
prcfqu’également le coït & la manufri/j^ration; mais
l’obfervation fait voir que les accidens qu’entraîne
cette excrétion illégitime font bien plus graves &
plus prompts cjue ceux qui fuivent les plaifirs trop
réitérés d’un commerce naturel : à l’obfervation
incontelîable nous pouvons joindre les râlions fui-
vantes.

i ». C’eft un axiome de Sanélorius, confirmé par
l’expérience , que l’excrétion de la femence déter-
minée par la nature, c’eft-à-dire par la plénitude
6: l’irritation locale des véficules féminales, loin
d’afFoiblir le corps, le rend plus agile , & qu’au con-
traire « celle qui eft excitée par l’imagination, la
» bleffe , ainfi que la mémoire », à mente, mentem
& memoriam loidit. (^fect. VI. aphor. 3 3.) c’eft ce
qui arrive dans la manujiupration. Les idées obfcè-
nes, toujours préfentes à l’efprit, occafionnent les
éreéllons, fans cjue la femence y concoure par fa
quantité ou fon mouvement. Les efîbrts c[ue l’on fait
pour en provoquer l’excrétion, font plus grands,
durent plus long tems, & en conféquence affoiblif-
fcnt davantage. Mais ce cju’il y a de plus horrible ,
c’eft qu’on voit des jeunes perfonnes fc livrer à
cette pafîlon, avant d’être parvenues à l’âgé fixé
par la nature, où l’excrétion de la femence devient
un befoin ; ils n’ont d’autre aiguillon que ceux
d’une imagination échauffée par des mauvais exem-
ples, ou par des leftures obf cènes ; ils tâchent, inf-
truits par des compagnons féduéteurs, à force de
chatculUcmens, d’exciter une foible éreâlon, & de
fe procurer des plaifirs qu’on leur a exagérés. Mais
ils fe tourmentent en vain , n’éjaculant rien, ou que
très-peu de chofc, fans relfentir cette volupté pi-
quante qui afiTailbunc les plaifirs légitimes. Ils par-
viennent cependant par-là à ruiner leur fanté , à
afibiblir leur tempérament , & à fe préparer une vie
languifl’ante & une fuite d’incommodités.

^’^. Le plaifir vif qu’on éprouve dans lesembrafTe-
mcns d’une femme qu’on aime, contribue à réparer
les pertes qu’on a fait & à diminuer la foiblelfe qui
devroit en réfultcr. La joie eft, comme perfonne n’i-
gnore , très-propre à réveiller, à ranimer les efprits
animaux engourdis , à redonner du ton & de la for-

AN

ce au cœur : après qu’on a fatisfait en particulier à
l’infâme paifion dont il cfl ici quefîion , on reile foi-
ble i anéanti , &! dans une trille confufion qui aug-
mente encore la foibleffe. Sandlorius, exaft obfer-
vateur de tous les changemens opérés dans la ma-
chine , affure que « l’évacuation même immodérée
» de femence dans le commerce avec une femme
» qu’on a defiré paflionnément , n’eft point fuivie
»> des lafTitudes ordinaires ; la confolation de l’efprit
» aide alors la tranfpiration du cœur, augmente fa
» force , & donne lieu par-là à une prompte répara-
» tion des pertes que l’on vient de faire ». Sccl. vj.
aphor 6. C’eft ce qui a fait dire à l’auteur àiWtabkau
de. V amour conjugal, que le commerce avec une jo-
lie femme afFoibliffoit moins qu’avec une autre.

3**. La manuflrupaùon étant devenue , comme il
arrive ordinairement , paffion ou fureur, tous les
objets obfcènes, voluptueux, qui peuvent l’entre-
tenir & qui lui font analogues, fe préfentent fans
ceffe à l’efprit qui s’abforbe tout entier dans cette
idée , il s’en repaît jufque dans les affaires les plus
férieufes , & pendant les pratiques de religion ; on
ne fauroit croire à quel point cette attention à un
feul objet énerve & affoibiit. D’ailleurs les mains
obéiflant aux impreffions de l’efprit fe portent habi-
tuellement aux parties génitales ; ces deux caufcs
rendent les éreftions prefque continuelles ; il n’cll
pas douteux que cet état des parties de la génération
n’entraîne la diffipaiion des elprits animaux ; il efl
confiant que ces éreûions continuelles , quand mê-
me elles ne feroient pas fuivies de l’évacuaiion de
femence , épuifent confidérablement : j’ai connu wn
jeune homme qui ayant paffé toute une nuit à côté
d’une femme fans qu’elle voulût fe prêter à fes de-
fîrs, refla pendant plufîeurs jouis extraordinaire-
ment affoibli des fmiples efforts qu’il avoit fait pour
en venir à bout.

4°. On peut tirer encore une nouvelle raifon de
l’attitude & de la fuuation gênée des mafirupateurs
dans le tcms qu’ils affouviïfent leur paffion, qui ne
contribue pas peu à la foibleffe qui en réfulte & qui
peut même avoir d’autres inconvéniens , comme il
paroît par une obfervation curieufe que. M. Tiffot
rapporte d’un jeune homme qui , donnant dans une
débauche effrénée fans choix des perfonnes , des
lieux & des poftures,fatisfaifoit fes defirs peu déli-
cats fouvent tout droit dans des carrefours , fut at-
taqué d’un rhumatifme cruel aux reins & d’une atro-
phie, & demi-paralyfie aux cuiffes & aux jambes ,
qui le mirent au tombeau dans quelques mois.

Pour donner un nouveau poids a toutes ces rai-
fons , nous choifirons parmi une foule de faits celui
que rapporte M. Tiffot , comme plus frappant &
plus propre à infpirer une crainte ialutaire à ceux
qui ont commencé de fe livrer à cette infâme paffion.
On jeune artifan , robuftc & vigoureux, contrada
;\ l’âge de dix-fcpt ans cette mauvaife habitude ,
qu’il pouffa filoin qit’il y facrifioit deux ou trois fois
par jour. Chaque éjaculation étoit précédée & ac-
coinpngnée d’une légère convulllon de tout le corps ,
<run obl’curciffenicntdans la vue , &l en même tcms
la tête étoit retirée en-arriere par un fpafme violent
des mufclcs poftérîcurs , pendant que le col fe gon-
iloii confidérablement fur le devant. Après environ
un an paffé de cette façon , une foibleffe cxti èm<i
‘o joignit à ces accidcns qui , moins forts que (jl
! ‘affion , ne purent encore le détourner de cette per-
nicieufe pratique ; il y peififfa jiifqu’à ce qu’enHn il
tomba dans un tel ancantidcment que craignant hi
mort nui lui fcnibloit prociuiine , il mit fin i\ les dci é-
glemcns. Maisilfutfagc trop tard , la maladie a\ oit
déjà jette de profondes racines. La continence l.i i)lus
exacte ne pût en arrêter les pro|;rès. Los parties j;é-
rùtalcs étoicnt devenues fi mobiles , que le nioir.tlrc

M A N

53

aiguillon fuffifoit pour exciter une éreftion imparfaite
même à fon insu , & déterminer l’excrétion de fe-
mence ; la rétraûionipafmodique de la tête étoit ha-
bituelle , revenoit par intervalles , chaque paro-
xil’me duroit au moins huit heures , quelquefois il
s’étendoit jufqu’à quinze , avec des douleurs 11 ai-
guës que le malade pouffoit des huriemens affreux ;
la déglutition étoit pour-Iors fi gênée qu’il ne pou-
voit prendre la moindre quantité d’un aliment li-
quide & folide , fa voix étoit toujours rauque , ics
forces étoient entièrement épuifées. Obligé d’aban-
donner fon métier, il languit pendant plufieurs mois
fans le moindre fecours , fans conlolation , preffé
au contraire par les remords que lui donnoit le fou-
venir de fes crimes récens , qu’il voyoit être la caufe
du funefle état où il fe trouvoit réduit. C’eil dans ces
circonftances , raconte M. Tiffor, qu’ayant ouï par-
ler de lui, j’allai moi-même le voir : j’apperçus un
cadavre étendu fur la paille , morne, détait , pâle,
maigre, exhalant une puanteur Inlbutenable , pref-
qu’imbécille , & ne confervant prelqu’aucun carac-
tère d’homme , un flux involontaire de falive mon-
doit fa bouche , attaqué d’une diarrhée abondante il
étoit plongé dans l’ordure. Ses narines laiffoient
échapper par intervalles un fang diffous & aqueux ;
le délordre de fon eiprit peint dans fes yeux 6l fur
fon vifage étoit fi conlidérable qu’il ne pouvoit dire
deux phrafes de fuite. Devenu ffupide , hébété, il
étoit infenfible à la trifte lituation qu’il éprouvoit.
Une évacuation de femence fréquente fans éreûioti
ni chatouillement , ajoutoient encore à fa foibleffe
& à fa maigreur exceffive ; parvenu au dernier de-
gré de marafme , fes os étoient prefque tous à décou-
vert à l’exception des extrémités qui étoient œdé-
mateufes ; fon pouls étoit petit , concentré , fré-
quent ; fa relpiration gênée , anhéleufe ; les yeux
*qui dés le commencement avoient été affoibhs ,
étoient alors troubles , louches , recouverts d’écail-
lés ( krnofi ) & immobiles : en un mot , il eff Impofll-
ble de concevoir un fpeftacle plus horrible. Quel-
ques remèdes toniques employés diminuèrent les
paroxifmes convulfifs , mais ils ne purent empêcher
le malade de mourir quelque tems après ayant tout
le corps bouffi , & ayaat commencé depuis long-
tems de ceffer de vivre. On trouve plufieurs autres
obfervations à-peu-prcs femblables dans diffcrens
auteurs , & fur-tout dans le traité anglois dont nous
avons parlé , & dans l’ouvrage intcreffant de
M. Tiffot. H n’eft même perfonne qui ayant vécu
avec des jeunes gens n’en ait vu quelqu’un qui ,
livré à la nuinullupruiion , n’ait encouru par-là des
accidens très fâcheux ; c’cft un fouvenir que je ne
rappelle encore qu’avec effroi, j’ai vu avec douleur
plufieurs de mes condifciples emportés par cette cri-
minelle paffion , dépérir fcnfiblcment , maigrir, de-
venir foibles , languiffans, 6c tomber enlûite dans
unephthylie incur.iblc.

Il ell à remarcjucr que les accidens font plus
prompts & plus froquens dans les hommes que dans
les femmes ; on a cependant quelques obfervations^
rares des femmes qui font devenues par-là hyfteri- »
ques, qui ont été attaqués de convulllons , de dou-
leurs de reins , qui ont éprouvé en conféquence des
chûtes, des ulcères de la matrice, des dartres , des
allongemeus incommodes du clitoris : quelques-unes
ont contradé la fureur utérine : une femme à Mont-
pellier mourut d’une perte de fang pour avoir lou-
teiiu pendant toute une nuit les careffes lucccffives
de lix loldats vigoureux. Quoique les hommes four-
niffcnt plus de trilles eveniplcs que les lemmes , ce
n’eff pas luie preuve qu’elles fuient moins coupa-
bles ; on peut alVurer (juVn fait de libertinage les
fcnuues ne le cèdent en rien aux hommes ; mais ré-
pandant moins de vraie femence dans l’cjaculation ,

54

M A

excitée par le coït ou par la manuflupration , elles
peuvent lans danger la réitérer plus louvcnt : Cleo-
pâtre & Mcflallne en tburniflent des témoignages ta-
nieux auxquels on peut ajouter ceux de la quantité
innombrable denoscouitilannesmoderncs, qui lont
auin voir par-là le penchant eftréne que ce lexe a

pour la débauche. .. ^ r • *

^ R -flexions prauquts. Quelqu’inefficace que fo.cnt
ies traitemeni. ordinaires dans les maladies qui lont
excitées par la munupufruùon , on ne doit cependant
pas abandonner cruellement les malades a leur dé-
plorable lort , ians aucun rc-mede. Quand même on
léroit allure qu’ils ne peuvent opérer aucun change-
ment heureux , 11 taudroit les ordonner dans la vue
d’aimircr& detranqu.UHér les malades; iHaut leu-
lement dans les maladies qui exigent un iraitement
particulier, comme l’hydropiiie U manie, 1 epi-
leplie &c. éviter avec loin tous les medicamens
forts ,’aaifs , échauffans , de même que ceux qm re-
lâchent , rarraîchlirem& atladlflent trop ; la laignee
& les purgatifs font extrêmement nuifibles ; les cor-
diaux les plus énergiques ne produilent qu’un effet
momentané, ils ne diminuent la toiblelle que pour un
tems, mais après que leur adion elt paflee elle de-
vient plus conlidérable. Les remèdes qu une obicr-
vaiion coudante a fait regarder comme plus appro-
priés, comme capables de cahiicr la violence des
accldcns & même de les diffiper lorlqu’ils ne lont pas
invétérés, font les toniques, les légers Itomaehi-
ques amers, & par-delTus touslequuiquina, les eaux
martiales, & les bains froids dont la vertu roborante
eft conftatée par plus de vingt fiecles d’une heureule
expérience. Quelques auteurs conleillent aufli le
lait ; mais outre que l’ellomae dérangé de ces mala-
des nepourroit pas le iupporier, il ell très certain
que l’on ufaj^e continué affoibht. Hppocrate a pio-
noncé depuis long-tems que le lait ne convenoit pomt
aux malades qui étoient trop exténués ( Aplior, 64.
lib. V,^\\^ mo.ndre réflexion lur les etiets luffiroit
pour le bannir du cas préient. Vojci Lait. Le régi-
me des malades dont il ell ici queltion doit être ic-
vere , H faut les nourrir avec des alimens fuccuîens
mais ‘en petite quantité; on peut leur permettre
quelques gouttes devin pourvu qu’il loit bien bon &
mêlé avec de l’eau qui ne fauroit être allez fraîche ;
on doit de même éviter trop de chaleur dans le ht,
pour cela il faut en bannir tous ces lits de plumes ,
ces doubles matelats Inventés par la moUeiic & qui
l’entretiennent. L’air de la campagne, l’équitation ,
la fuite des femmes , la diffipation , les plaifirs qui
peuvent diUraire des idées voluptueules, obicenes ,
& faire perdre de vue les objets du déhre , (ont des
reffources qu’on doit effayer & qulne peuvent qu’ê-
tre très-avantageufes , fi la maladie ell encore lul-
ceptible de foulagement.

M AN-SUR ATS, f.m. ( Commirci.)^^o\’^s Aonion
fe fert à Bandaar ou Bander-Gameron , ville fituée
dans le golfe perfique. Il e(l de trente livres. Vayt^
Man , à la fin de l’article. Dïclionnain de Comiiurce.

MJNSUS , ou MANS À , ou MANSUM ,{Géog.)
terme delà baffe latinité, qui délignolt un lieu de la
campagne où il y avoit de quoi loger & nourrir une
famille » C’eft ce que quelques provinces de France
expriment par le mot mas. La coîiiumc d’Auvergne ,
c. xxviij. art. 3. dit: pâturages lé tei minent par vil-
\diZ,cs,fr.as y & tenemens. Celui qui occupoit un mas ^
onmanfus, étolt appePé mamns , d’où nous avons
fait & confervé dans notre langue le terme de ma-
nant , pour dire un homme de la campagne.

Rien n’eff plus commun dans les actes du moyen
âge que le mot manfus , ou manfum. On appeltoit
manfum recali , les mantns qui étoient du domaine
du roi. Les lois bornèrent à un certain nombre d’ar-

pens ce que chaque manfc devolt pofféder.

11 y avoit de grands tnunfcs , de petits manfis , 8t
des ûcmï-m.inj’es. Enfin il y avoit entre ces manfes
plulieurs différences dillinguées par des épithetes ,
que l’on peut voir dans Ducange. CD. J.^

MANTA , ( Géog ) havre de l’Amérique méri-
dionale , au Pérou , à Ion extrémité feptenti lonale j
à neuf lieues N. E. & S. O. de la baie de Carracas :
ce havre n’eff habité que par quelques indiens , ce*
pendant c’eit le premier établiilement où les navires
puiffent toucher en venant de Panama , pour aller à
Lima , ou à quelque autre port du Pérou. La mon-
tagne ronde &i. de la forme d’un pain de lucre , nom-
niée Monte- CkriJIo , qui ell au iud de Manta , efl le
meilleur fanal qu’il y ait fur toute la côte. (^ D. J.)
MANTE, f. (.{Hi/l.nat.) infedequireffemble beau-
coup à la fauterelle , 6c t:ont le corps eff beaucoup
plus allongé. U y a des mantes qui ne font j)as plus
groffes que le tuyau d’une plume , quoiqu’elles aient
cinq à fix pouces de longueur, f^ojei Insecte.

Mante , f. f. Jyrma oupal/a , ( Hiji. anc. ) habil-
lement desdamesiomaines. C’étoit une longue pièce
d’étoffe riche & précieufe , dont la queue extraor-
dinairement traînante, fe détachoit de tout le relie
du corps, depuis les épaules où elle étolt arrêtée
avec une agrafe le plus Ibuvent garnie de pierreries,
& fe foutenoit à une affcz longue dillance par fon
propre poids. La partie fupcricure de cette mante
porloit ordinairement fur l’épaule & fur le bras gau-
che , poua’ donner plus de liberté au bras droit que
les fem/îies portoient découvert comme les hommes ,
& furmoit par-là un grand nombre de plis qui don-
nolent delà dignité à cet habillement. Quelques uns
prétendent que la forme en étolt quarrée , quadrum
palLïum, Le fond étolt de pourpre & les ornemens
d’or, & même de pierreries félon Ifidore. La mode
de cette /7z^/2«s’introdulfit fur la fcene, & les comé-
diennes balayoient les théâtres avec cette longue
robe :

longo fyrmate vtrnt humum,

Saumaife , dans fes notes fur Vopficus , croit que
le fyrma étolt une efpece d’étoffe particulière , ou
les fils d’or & d’argent qui entrolent dans cette étoffe ;
mais !e grand nombre des auteurs penfe que c’étolt
un habit propre aux femmes, & fur-tout à celles de
la première dilllnftion.

Mante, Medunta , ( Géo^. ) ville de l’île de
France , capitale du Mantois. Elle ell dans le diocèfe
de Chartres , à 1 1 lieues N. O. de Paris, Long. ;^,
20. lat. 48.68.

Le jéfuite Antoine Poffevln qui a mis au jour une
bib.ioihcque facrée , naquit à Mante , & mourut à
Ferrareen 161 1 , à folxante-dix huit ans.

Nicolas Bernler , célèbre muficlen françols, mort
à Paris en 1734, à foixante – dix ans, étoit auffi d«
Mante.

Mais cette ville ell fur-tout remarquable par la
fépulture de Philippe-Augulle, roi de France , qui
y mourut en 1 123. ( Z). /. )

MANTEAU, 1. m, ( Gram. ») il fe dit en général
de tout vêtement de deffus , qui fe porte furies épau-
les & qui envelo])pele corps.

Manteau, {^Antiquités. McdaiUes. Littérature.’)
vêtement fort ordinaire aux Grecs , & qui ne fut
guère connu à Rome avant le tems des Antonins.
Quoique le manteau devînt inlénfiblement chez les
Grecs l’apanage des Philoiophes, de même que leurs
barbes, on trouve fur des marbres , fur des médail-
les , 6c fur des pierres gravées antiques , des dieux
& des héros repréiénrés auffi avec des manteaux. Tei
ell Jupiter fur 1 une des belles agates du cabinet du
roi, gravée 6c expliquée dans le premier tome de
l’acdd, des Infcripiions, Apollon a un manteau qui

J

M A N

defcend un peu plus bas que les genoux dans une au-
tre pierre gravée , dont Béger nous a donné le def-
fein. Une admirable cornaline gravée par Diofcori-
de , qui y a mis Ton nom , rcpréfente Mercure de
face & debout , avec un manteau femblable à celui
que porte Jupiter fur l’agate du cabinet du roi. Thé-
lefphore , fils d’Efculape & particulièrement honoré
à Pergamc , eft reprcfcnté fur quelques pierres gra-
vées & fur quelques médailles du tems d’Hadrien ,
de Lucius Verus & d’Eliogabale , avec un manteau
qui defcend jufqu’à mi-jambe : il a d’ailleurs cette
fingularité , qu’il paroît tenir à une efpece de capu-
chon qui lui couvre une partie de la tête , & forme
aifez exadement le bardocucullus de nos moines. On
trouve fur une médaille confulaire de la famille Ma-
milia , l’hiftoire d’Ulyfle qui arrive chez lui & qui y
eft reconnu par fon chien ; ce héros y cft rcpréfenté
avec un manteau tout pareil à ceux dont nous ve-
nons de parler. Foy^i Buonarotti , Planche VI. &c les
Familles romaines de Charles Patin. (^D. J.^

Manteau dlwnneur ^ {.-^^’fi- ^^ ^^’ Chevalerie.’)
manteau long & traînant , enveloppant toute la per-
fonnc, & qui étoit particulièrement réfervé au che-
valier , comme la plus augufle & la plus noble déco-
ration qu’il pût avoir, lorfqu’il n’étoit point paré de
fcs armes. La couleur militaire de l’écarlaîe que les
guerriers avoient eu chez les Romains , fut pareille-
Tnent afFedée à ce noble manteau , qui étoit doublé
d’hermine,ou d’autre fourrure précieufe. Nos rois le
diftribuoient aux nouveaux chevaliers qu’ils avoient
faits. Les pièces de velours ou d’autres étoffes qui
fe donnent encore à préfent à des magiftrats , en font
la repréfentation ; tel eft encore l’ancien droit d’a-
voir le manteau d’hermine , & figuré dans les ar-
moiries des ducs & préfidens à mortier, qui l’ont
eux-mêmes emprunté de l’ufage des tapis & pavil-
lons armoiries, fous lefquels les chevaliers fe met-
toient à couvert avant que le tournois fût commen-
cé. Voye^^ Monftreletywr l’origine des manteaux ^ le
Laboureur & M. de Sainte-Paiaye. (Z>. /. )

Manteau d\irmes , (^rr milit.) eft une efpece
de manteau de toile de coutil , fait en cône , dont on
couvre les faifceaux d’armes, pour garantir lesfufils
delà pluie. ^oj’C{ Faisceaux d’armes.

Manteau , en terme de Fauconnerie , ( Vénerie. )
c’cil la couleur des plumes des oifeaux de proie , on
dit , cet oifeau a un beau manteau , fon manteau eft
bien bigarré.

Manteau de cheminée , (^Architecl. ) c’eft la par-
tie inférieure de la.cheminée, compoféc des jambages
& de la plate-bande , foutenue par le manteau de fer
pofé fur les deux jambages.

Manteau de fer , c’eft la barre de fer , qui fcrt à
foutenir la plate-bande de la fermeture d’une che-
minée.

MANTECU , terme de relation , forte de beurre
cuit dont les Turcs fe fervent dans leurs voyages
en caravanne ; c’efl: du beurre fondu , falé , & mis
dans des vaiffeaux de cuir épais, cerclés de bois,
femblables à ceux qui contiennent leur baume de la
Mcquc. Pocock , Defcnpt. d’Egypte. ( Z). /. )

MANTELÉ , adj. terme de BlaJ’on , il fe dit du lion
& des autres animaux qui ont un muntelct^ auffi-bien
que de l’écu ouvert en chape, comme celui des hen-
riqucs , que les Efpagnols nomment tierce en maniel.
Cujas , d’azur à la tour couverte d’argent , mantclcc
ou chapée de même.

MANTELETS , en terme de guerre , ( Art milit. )
font des cfpeces de parapets mobiles faits de pl.m-
ches ou madriers , d’environ trois pouces d’cpaif-
feur , qui font cloués les uns fur les autres jufqu’A la
hauteur d’environ fix pies , & qui font ordinaire-
ment ferrés avec du fer-blanc , & mis fur de petites
roues i de façon que , dans les fieges , ils peuvent

M A N

55

fe placer devant les premiers , & leur fervir de
blinde pour les couvrir de la moufqueterie. Voye^
Blindes.

Il y a une autre forte de mantelets couverts par
le haut , dont les mineurs font ufage pour appro-
cher des murailles d’une place ou d’un château,
Voyei Galerie.

Il paroît dans Vegece que les anciens s’en fer-
voient auffi fous le nom de vincce : mais ils étoient
conilruits plus légèrement , & cependant plus grands
que les nôtres , hauts de 8 à 9 pies , larges d’autant ,
& longs de 16 , couverts à doubles étages ; l’un de
planches , & l’autre de claies , avec les côtés d’ofier,
& revctus par dehors de cuirs trempés dans de l’eau
de peur du feu. Chambers.

Les mantelets fervoient autrefois aux fapeurs pour
fe couvrir du feu de la place ; mais ils fe fervent
aftueliement pour le même ufage du gabion farci.
Voye^ Gabion.

M. le maréchal de Vauban s’en fervolt dans les at-
taques ; voici ce qu’il prefcrit pour leur conftrudion
dans fon traite de C attaque des places.

« Pour faire les mantelets , on cherche des rou-
» lettes de charrue à la campagne ; on leur met un
» efileu de 4 à 5 pouces de diamètre , fur 4 à 5 pies
» de long entre les moyeux , au moyen defquelles
» on affcmbleune queue fourchue de 7 à 8 pies de
» long , à tenons & mortoifes , paffant les bouts de
>» la fourche entaillée dans l’elTieu : on les arrête
» ferme par des chevilles ou des clous , les deux
» bouts traverfés iur l’effieu paffant au-travers du
» mantelct , qui eil un aifemblage de madriers de
» 2 pies 8 pouces de haut fur 4 de large, penchant
» un peu fur l’efiîeu du côté de la queue , pour l’em-
» pêcher de culbuter en avant. Les madriers qui
» compofent les mantelets , lont goujonnés l’un à
» l’auue , & tenus enfemble par deux traverfés de
» 4 pouces de large & x d’épais , auxquelles ils font
f cloués & chevillés. Teut le corps du mantelct s’ap-
» puie fur une ou deux contrefiches affemblees dans
» les traverfés du mantelct par un bout d’une part ,
» & fur la queue du même de l’autre , auquel elles
» font fortement chevillées ». Voye:^ Planche XIII.
de Fortijicdtion , le plan , profil & élévation de ce
mantelet.

On en avoit autrefois d’une autre façon. Ils étoient
formés de deux côtés qui faifoient un angle finillant,
& ils étoient mus par trois roulettes. Cette machine
s’appelloit/j/w/c’i/i chez les Romains. Voye^ l’attaque
& la dcfcnfe des places des anciens , par le chevalier
de Folard. Voye^ auffi cet ancien mantelet dans la
Planche qu’on vient de citer.

Mantelet ou Contresabords , (^Marine.) ce
font des cfpeces de portes qui ferment \csJahords ,
ils lont attachés par le haut , & battent fur le feuillet
du bas; ils doivent être taits de fortes planches, bien
doublés &: cloués fort ferré en lofange. La doublure
en doit être un peu plus mince que le deffus ; on les
peint ordinairement de rouge en -dedans, ^oyc^
Marine , Planche Vl.Jîg. yy. le deffein d’un man-
telet de labord & fa doublure.

Mantelet , (^Marchand de modes.) c’eff luiajuf-
tement de femme qu’elles portent fur leurs épaules,
qui e(l tait de latin , tatletas , droguet , ou autre
étoile de foie ; elles attachent cet ajullement fous
leur menton avec un ruban , & cela leur fert pour
couvrir leur gorge & leurs épaules ; il defcend
par derrière en forme de coquille environ jufqu’au
coude , & elles l’arrêtent par-devant avec une épin-
gle , il ell garni tout autour d’une dentelle de la
même couleur qui forme des fêlions ; on en garnit
aulli en hermine, en petit-gris, en cigne, &c. on en
falbalate avec de la même étotle découpée.

L’on en a fait avec le velours , de la chenille , de

5b

M A N

l’écarlatc , qui fervoient pour l’hiver ; & pour l’été,
on les fait de gale noire , ou de dentelle. Ils font
faits à rimitation des petits manteaux d’écarlate que
les angloiles portent , & qui leur delcend jufqu’aux

rems.

Cet ajuftcment tire fon nom du mot manuau , &
parce qu’il efl beaucoup plus court & plus léger , on
l’a appelle manulcK

Il y a environ douze ans que cet ajuftement a été
à la mode , mais les femmes de condition ont com-
mencé en 1756 ou 1737 à en porter le matin , &
depuis toutes les femmes en ont porté quand elles
s’habillent ; depuis ce tems-li\ , on y a ajouté un
cabochon qui y elt attaché au collet , & qui efl fait
comme une coéife ; cela fert d’ornement , & aufîi
pour couvrir la tête quand il fait froid. Il cil garni
lout autour de pareille dentelle que le vuinuUt.

Mantelet , tcrim de Blafon , il fe dit des cour-
tines du pavillon des armoiries , quand elles ne font
pas couvertes de leurs chapeaux. C’étoit autrefois
une efpece de lambrequin large & court , qui cou-
vroit les cafques 6i. les écus des chevaliers. Foyei
Lambreqins.

MANTELURES , f . f . ( Vénerie. ) l’on dit d’un
chien qui a fur le dos un poil différent de celui qu’il
a au rerte du corps , qu’il a des manulures.

MANTHURICI CAMPI , ( Gêo^r. anc. ) cam-
pagne de l’Arcadie au Pélopbnnefe , qui prit fon
nom du village de Manthyrée , dont les habitans
allèrent peupler Tégée. Cette campagne étoit dans
le îeriitoire des Tégé-ates , & s’étendoit environ 50
ilades jufqu’à la ville de Tégée.

MANTIANA, lac , Manùana palus , ( Géogr.
anc. ) grand lac d’Arménie ; Strabon qui en parle ,
dit que c’eft le plus grand qu’il y ait après le Palus
Méotide , & que les eaux en font falées ; ce lac eft
aujourd’hui le lac de Fan , ou lac àHA&umar , en
Turquie.

MANTICHORES, (Zoo/o^.) nom d’un quadru-
pede cruel & terrible , dont on ne trouve que des
defcriptions pleines de merveilleux dans Ctéfias,
Ariftote , Elien& Pline. Les Latins ont nommé cet
animal mantichora , d’autres martichora , & d’autres
marùora ; les Grecs l’ont appelle andropophage ,
mangeur d’hommes. Suivant Ctéfias , cet animal eft
de couleur rouge , oc a trois rangs de dents a cha-
que mâchoire , qui , quand il les ferme , tombent les
unes fur les autres en manière de dents de peigne.
Arirtote & Pline ajoutent qu’il a les oreilles & les
yeux comme ceux de l’homme , gris ou bleus ; ils
nous repréfentent fon cri comme celui d’une trom-
pette , dont il imite les fons par les modulations de
l’air dans fon gofier. Ils alîurent auiïi que l’extré-
mité de la queue eft hériffée de pointes , avec lef-
qucllcs il fe défend contre ceux qui l’approchent ,
& qu’il darde même au loin contre ceux qui le pour-
iiiivcnt. Enfin ils prétendent que fon agilité eft telle
qu’il faute en courant , ce qui n’eft guère moins que
ia puiffance de voler. Paufanias rapporte la plupart
•de ces contes fans y donner fa confiance ; car il com-
mence par déclarer qu’il croit que cet animal n’eft
autre chofe qu’un tigre. Il eft vraiffemblable qu’il
a raifon , & que le danger de l’approcher a produit
Toutes les fables que lesNaturaliiles ont tranl’crites.
iD.J.)

MANTICLUS , (MyfAo/.) Hercule a voit un tem-
ple hors des murs deMefTine en Sicile, fous le nom
de Hercule Manticlus. Ce temple fut bâti , dit-on ,
par Manticlus , chef d’une colonie des Mefléniens,
qui , chaftés de leurs pays , vinrent fonder cette nou-
velle ville , à laquelle ils donnèrent leur nom , 664
.ans avant l’ère chrétienne.

MANTIENI MONTES , ou MATIENI MON-
TES, ÇGéogr. anc. ) montagnes d’où le Gyndcs ÔC

M A N

l’Araxe prennent leur iburce , félon Hérodote , /. /.
c. clxxxix. ( D, J, )

MANTILLE, f. f. terme de Marchand de modes, cette
mamllli ne fervoit que d’ornement , & étoit atta-
chée par en-haut au collet de la robe des femmes ,
elle formoit la coquille par-derriere , &: il y avoit
deux pendans qui fe nouoicnt par-devant , & qui
paflbient enfuite par-dcilbus les bras pour fe renouer
par-derticrc ; au bout de ces deux pendans , il y
avoit deux gros glands d’or, d’argent ou de foie.
Cet ajuftement ne vcnoit que )ufqu’à la moitié du
bras , & étoit fait d’étoffe de foie légère , de réfeau,
d’or , d’argent , de dentelle , de gafc , de velour ou
de chenille. Cet ajuftement a fait place aux mante-
lets , &: n’a été porté que par les femmes du premier
ordre.

MANTINÊE , ( Gèog. anc.) ancienne ville d’Ar-
cadie clans le Péloponnefe , au fud , confinant d’un
côté avec la Laconie , & de l’autre avec le terri-
toire d’Orchomene, vers les fources de l’Alphée , à
1 5 lieues de Lacédémone. Elle avoit été fondée par
Mantineus , & devint célèbre par la victoire qu’Epa-
minondas , général des Thébains , remporta fur les
Lacédémoniens &c les Athéniens réunis l’an de
Rome 391. On la nomme aujourd’hui Mandinga ou
Mandi.

Les bornes de Manùnés & d’Orchomene finif-
foient aux Anchifies ; on appelloit ainfi les monta-
gnes, au pié defquelles fetrouvoitle tombeau d’An-
chife. Homère nomme cette ville VaimabU Mandnée,
Paufanias (c. viij. ) vous en indiquera les révolutions.
Je remarquerai feulement qu’Epaminondas rendit
Mantlnce bien célèbre par la bataille qu’il gagna
contre les Lacédémoniens. Il y fut tué entre les bras
de la vidoire ; mais aufft le îuftre & la fortune des
Thébains périrent avec lui.

Les habitans de Mandnée s’étant enfuite joints à
Antigonus , ils changèrent le nom de leur capitale
en celui d’Antigonie , pour honorer le roi de Macé-
doine ; cependant Adrien abolit le nouveau nom
à^Anngonie , ordonnant que la ville reprît celui de
Mantinée.

Comme Antinoiis étoit de Bithynium , colonie
des Mantinéens , Mantinée , avide de plaire à l’em-
pereur, bâtit un temple à fon favori , & établit des
facrificcs & des jeux , quife célébroient tous les cinq
ans à fa gloire. Antinous y étoit repréfenté fous lu
forme de Bacchus.

Pline parle d’une autre ville de Mantinée dans
l’Argie , mais il y ajoute qu’elle ne fubfîftoit déjà plus
de fon tems. {D. 7.)

M ANTO , ( MythoL. ) cette fîlle de Tiréfias avoit,’
comme fon père , le don de prédire l’avenir. On dit
que Thèbes ayant fuccombé fous les efforts desEpi-
gones , Manto fut emmenée prifbnniere à Claros ,’
où elle établit un oracle d’Apollon , qui fut appelle
C oracle de Claros. Paufanias rapporte que Rhacius,
qui commandoit dans cette ville , voyant arriver la
jeune Manto , en devint amoureux , & la prit pour
fon époufe. Virgile la tranfporte en Italie , où il la
fait devenir amoureufe du Tibre, dont elle eut ua
fils qui bâtit Mantoue.

Ille ctiam patriis agtnen cict ocnus ab orïs
Fatidicïc Mantûs O Tiijci filius amnis
Qjù niuros matrijque dédit tibl , Mantua , nomen.
iEneid. /. X. verf. ic)8:

Mais c’eft par les poéflcs d’Homère que le nom de
cette belle devinercfîe s’eft fur -tout imriiortalifé,
{D. J.)

MANTONNET, f. m. {Serrur.) pièce qui fert
à recevoir le bout des battans ou des loquets, des lo-
cjueteaux. Le rnantonnet tient la porte fermée. Il fe
pofe quelquefois fur platine. Il eil plus ordinaire-
ment

M A N

meiit à pointe fimple ou double ; il y en a pour le
bois & pour le plâtre. Ce dernier eft refendu par le
bout , afin de former le fcillage.

MANTOUAN , le , ( Géogr.) pays d’Italie en
Lombardie le long du Po , qui le coupe en deux por-
tions. Son nom lui vient de Mantoue fa capitale ;
fes bornes font au feptentrion, laVéronefe ; au midi,
les duchés de Reggio , de iModene & de la Miran-
dole ; à Torient , le Ferrarois ; à l’occident , le Cré-
monois & le Breffan. Son étendue irréguliere peut
avoir en quelques endroits 35 milles , en d’autres
leulement 6 ou 7 ; celle de l’eft à l’oucll eft d’envi-
ron 60 milles dans fa plus grande largeur ; il com-
prend les duchés de Mantoue , de Giiaftalla & de
Sabioneta , les principautés de Caftiglione , de Sol-
ierino & de Bozoio , 6l le comté de Novellara.
(Z). /.)

Mantoue, U duché de^ ( Gèog. ) II occupe la
plus grande partie du Mantouan , & tout ce qui a
été donné en apanage aux cadets de cette maifon.
Ainfi le domaine de Charles IV. dernier duc de
Mantoui , conliftoit d’un côté dans le Mantouan ,
diminué par le partage entre les diverfes branches
<le fa mailon , ôi de l’autre en une partie du Mont-
ferrat. L’empereur s’eft à-peu-près faifi du total en
1710, malgré les plaintes des héritiers ; la raifon
du plus tort eft toujours la meilleure: enfuite il s’eft
accommodé du Montferrat avec le roi de Sardaigne
qui poffédoit déjà une portion confidérablede cette
province. (Z>. /. )

Mantoue, Mantua, (Giog.^ ancienne ville d’I-
talie , dans la Lombardie, capitale du duché auquel
elle donne le nom , avec un archevêché, une uni-
verfité , & une bonne citadelle.

Mantoue , fi l’on en croit Eufebe , eft une des an-
ciennes villes du monde, & avoit été bâtie 430 ans
avant Rome. Virgile pour l’ennoblir encore davan-
tage, déclare qu’elle fut fondée par CEnus fils du
Tibre, & de la devinerefle Manto, & qu’il la nomma
du nom de fa mère.

Pline la place dans l’Iftrie, & infînue qu’elle ap-
partenoit aux Tofcans.

Après la décadence de l’empire romzm, Mantoue
fut envahie par les Lombards , & enfuite conquife
fur ceux-ci par Charlemagne : fous les defcenclans
de cet empereur, l’Italie étant devenue le partage
de divers princes , Mantoue paffia de tirans en tirans,
jufqu’à Louis de Gonzague , qui s’y établit en 1 3 28.
Son petit-fils Jean François fut créé marquis de
Mantoue par l’empereur, en 1433 ; ^ Frédéric IL
en fut fait duc par Charles-quint, en 1530. L’al-
liance de la France que le dernier duc de Mantoue
crut devoir préférer à celle de la maifon d’Autriche,
devint fatale à ce prince dans la guerre de 1700.
Il fut contraint de fe retirer dans l’état de Venife
où il mourut en 1708. L’empereur s’empara de fa
fucceflîon, que les ducs de Lorraine ik de Guaftalla
fe difputoient.

Il y avoit déjà long-tems que le palais du duc de
Mantoue , fi renommé par lés ameublemens pré-
cieux , fes peintures , fes ftatues, les Villes, 6c fes
autres raretés, avoit été pillé par les Impériaux,
dans le fac de cette ville, en 1630.

Mantoue eft bâtie dans un tcrrein bas & ferme ,
fur un côte du marais formé par le Mincio , & qui
eft dix fois plus long que large, à 14 lieues N O.
dcModène,& 36 N. O. de Florence. Long, fclon
de la Hire & Dcfplaccs , 28. ^0.^0. lat. 4J. //.

Mais cette ville eft à jamais fameufe dans les
écrits des anciens & des modernes, p«ur avoir don-
né la naiflance à Virgile qui dit lui-même dans les
Gcorgiques , /. ///. -^ xij.

Prïniui idumaas rcferam tibi Mantua/’^///;jJ,
Tome A’,

M A N

59

Et vlrldl campa templum de marmort ponam ,

Marone fdix Mantua ^ s’écrie Martial! & Silius-
Italicus en fait ce magnifique éloge , en dilant :

Neclat adoratas & Smyrna , & Mantua lauros.

Toutefois Virgile n’étoit pas ni dans la ville de
Mantoue^ mais dans un village voifin nommé Anda,
aujourd’hui Petula. Nous parlerons de l’excellence
de fa mufe, àranicU Poètes latins.

II fuffit de remarquer ici qu’il eft ridicule que la
majcfté de l’Enéide ait été traveftie par Scarron en
burlefque, & découfue par des modernes pour for-
mer d’autres fens , en donnant aux vers du prince
des poètes, d’autres arrangemens.

Cependant Capilupi (£cr7/o), né \ Mantoue en
1498, s’eft rendu célèbre en employant fes talens
à fe jouer des vers de Virgile , pour décrire fdtyri-
quement l’origine des moines , leurs règles & leur
vie ; car voilà ce que c’eft que le centon virgilien
de Capilupi , dont tout le monde connoît le paffage
fuivant :

Non ahfunt illi faltus , armtntaqut lœta ;
Cilati argenti funt , aurique multa taUnta.
Sacra Daim , fanciique patres , & chara Jbrorum
Peclort merentum tenekris , & carcere cœco
Centum œrei claudunt vecles ; & J’œpè fine ullis
Conjugïis , vento gravldx , mirakilc diclu !
Religione facrœ ! Non hac fine numlne Divûm!
Jam nova progcnies cœlo dimittitur alto ;
Credo equideniy nec vanafides^ genus ejfi Deorum.

On vante ce morceau entre plufieurs autres,
comme très-heureux & très ingénieux; mais il eft
encore plus méchant ; & certainement Capilupi
pouvoit mieux employer fon efprit il fes veiller :
il mourut dans fa patrie en 1560. (^D.J.^

MANTURNE, f. f, {Mytholog.) nom d’une di-
vinité des anciens Romams ; c’eft à elle qu’on s’a-
drelToit pour que la nouvelle époulée fe pliit dans
la maifon de fon mari, & y demeurât.

MANTURES , f. f. {Marine. ) ce font les coups
de mer, ôt l’agitation des flots & des houles, ^oye^
Houles , Lames.

MANUBALISTE, ou BALïSTE A MAIN, balijîa
manuallsy c’eft l’arbalète, {Artmilit.’) /-‘oye^ SCOR-
PION & Arbalète.

MANUDUCTEUR,f. m. {HIJÎ. mod.) terne
eccléiiaftiaqiie , nom qu’on donnoit anciennement
à un officier du chœur, cpii placé au milieu du
choeur, donnoit le lignai aux choriftes pour enton-
ner, marquoit les tems,battoit la melurc, &régloit
le chant. ^o>’e{ Chœur , &c.

Les Grecs l’appelloieni mifoclioros, par la raifoa
que nous venons de dire, qu’il étoit place au milieu
du chœur : mais dans l’eglife latine on l’^ppelloit
manuduclor, de nianus, main, & duco., conduire; parce

3u’il regloit le chœur par le mouvement & les gcftes
e fa main.
MANUEL CHIMIQUE, (a/W<.) manœuvre,
pratique , emploi des agens & des inftrumens chi-
miques.

Ces agens font, comme il eft cxpolé à C article
Chimie, le feu& les menftrucs. On trouvera donc
dws. anicU% Feu & Mi-NSTRUK , les confulerations
pratiques nécefiaires lur l’emploi général de ces
agens; & les lois plus pofuives & plus pratiques de
détail, dans les articles où il eft traité dts diverlès
opérations chimiques , dont on trouve le tableau à
Varticle OPÉRATIONS CHIMIQUES.

Nous avons donné fous le nom d’inllrumens ou
agens fecondaires, les vailleaux, les hnirncaux,6c
une autre clalVe d’uftenfiks chunimies , ù laquelle
nous avons fuécialcmeni rcferye le nom à’injiru-

H

6o

M A N

mtnt. On cherchera donc aux articles Fourneaux, 1
Vaisseaux, Instrumens, & aux articles parti.
culUrs où il s’agit des divers vailVeaux , & des divers
inilrumens , les lois du rnanud chimiqiu , relatives
à leur différent emploi.

C’ell Couvent des circonftanccs de mamUl ^ &
mt-mc d’une iculc circonftance , de ce qu’on appelle
en langage d’ouvrier , le tour de main , que dépend
tout le liiccès d’une opération. Par exemple, la fu-
blimation du Tel lédatif , de donner un coup de feu
lorCque ce fel retient encore dans la cryftalliiation
une certaine quantité d’eau qui en étant chaffée par
l’aftion d’un feu doux trop long-tcms continué, le
laifTeroit dans un état incapable de volatilifation.
Voyii Sel sédatif. La dilî’olution du fer dans
l’alkali fixe, voje^TEiNTURE alkaline de Mars
de Stall, à C article Mars, {^Chimie pharmaceutique
& Mat. mtd. ) dépend de la circonftance de verfer
la dilTolution de fer par l’acide nitreux , dans une
lefcive d’alkali fixe. Car fi c’eft au contraire l’alkali
qu’on verfe dans la diflblution de fer, on précipite
le fer fans le diffoudre, par l’alkali. Voyei^ Préci-
pitation.

Mais l’importance de la fcience du manuel pour
le vrai chimifte , cfl expofée d’une manière plus
générale , aufTi bien que les fources où on doit la
puifer, à l’article Chimie, p. 420. coL ij. & à
l’article ¥eu , {Chimie.’) p. C12. col.j. (/>)

MANUELLE du Gouvernail, (^Marine.)
Fojei Manivelle.

Manuelles, ou Gâtons, {Cordicr.’) font des
inftrumens dont les Cordiers fe fervent pour aider
à la manivelle du quarré à tordre & commettre les
cordages qui font fort longs. Cet inftrumeni efl fim-
ple ou double.

La manuelle fimple reffemble à un fouet , & eft
compofée d’un manche de bois & d’un bout de
corde. Pour s’en fervir, l’ouvrier entortille diligem-
ment la corde autour du cordage qu’on commet , &
en continuant à faire tourner le manche autour du
cordage , il le tord.

Quand les cordages font gros, on met deux hom-
mes fur chacune de ces manuelles , & alors la corde
eft placée au milieu de deux bras de levier. Cette
manuelle double eft un bout de perche de trois pies
de longueur eftropée au milieu d’un bout de caren-
tenier mol & flexible, qui a une demi-brafle de long.
Voyei^ les figures & leur explication , PL de Garderie ,
&Varticle C0RDERIE.

MANUFACTURE, f. f. lieu où plufieurs ouvriers
s’occupent d’une même forte d’ouvrage.

Manufacture , réunie , dispersée. Tout le
monde convient de la néceffité & de l’utilité des
nianufaclures , 6c il n’a point été fait d’ouvrage ni
de mémoire fur le commerce général du royaume,
& fur celui qui eft particulier à chaque province ,
fans que cette matière ait été traitée ; elle l’a été mê-
me fi fouvent & fi amplement , qu’ainfi que les ob-
jets qui font à la portée de tout le monde , cet arti-
cle eft toujours celui que l’on pafiTe ou qu’on lit
avec dégoût dans tous les écrits où il en eft parlé.
11 ne faut pas croire cependant que cette matière
foit épuifée , comme elle pourroit l’être , fi elle n’a-
voit été traitée que par des gens qui auroient joint
l’expérience à la théorie ; mais les fabriquans écri-
vent peu , & ceux qui ne le font pas n’ont ordinai-
rement que des idées très-fuperficielles fur ce qui
ne s’apprend que par l’expérience.

Par le mot manufa&ure , on entend communément
un nombre confiderable d’ouvriers , réunis dans le
même lieu pour faire une forte d’ouvrage fous les
yeux d’un entrepreneur ; il eft vrai que comme il y
en a plufieurs de cette efpece,& que de grands atte-
IJers lur-tout frappent la vue U excitent la curioli-

M A N

té , il eft naturel qu’on ait ainfi réduit cette idée ;
ce nom doit cependant être donné encore à une
autre efpece de fabrique ; celle qui n’étant pas réu-
nie dans une feule enceinte ou même dans une feu-
le ville , eft compoiée de tous ceux qui s’y em-
ploient , & y concourent en leur particulier, fans
y chercher d’autre intérêt que celui que chacun de
ces particuliers en retire pour foi-même. De-là on
peut diftingucr deux fortes de manufaciures, les unes
réunies , 6l les autres difperfées. Celles du premier
genre font établies de toute néceffité pour les ou-
vrages qui ne peuvent s’exécuter que par un grand
nombre de mains raftemblées , qui exigent , foit pour
le premier établiffement , foit pour la fuite des opé-
rations qui s’y font, des avances confidérables, dans
lefquelies les ouvrages reçoivent fuccefiivement
différentes préparations, & telles qu’il eft néceffaire
qu’elles fe lùivent promptement ; & enfin celles qui
par leur nature ibnt affujetties à être placées dans
un certain terrein. Telles font les forges , les fen-
deries , les trifilerles , les verreries , les manufaclu »
res de porcelaine , de tapifferies & autres pareilles.
11 faut pour que celles de cette efpece foient utiles
aux entrepreneurs. 1°. Que les objets dont elles
s’occupent ne foient point expofés au caprice de
la mode , ou qu’ils ne le foient du-moins que pour
des variétés dans les efpeces du même genre.

2°. Que le profit foit aflez fixe & affez confide-
rable pour compenfer tous les inconvéniens auxquels
elles font expoîées néceffairement , & dont il fera
parlé ci-après.

3°. Qu’elles foient autant qu’il eft poftible éta-
blies dans les lieux mêmes , où fe recueillent & fe
préparent les matières premières , où les ouvriers
dont elles ont befoin puifTent facilement fe trouver,
& où l’importation de ces premières matières &
l’exportation des ouvrages , puiftenife faire facile-
ment & à peu de frais.

Enfin , il faut qu’elles foient protégées par le gou-
vernement. Cette proteftion doit avoir pour objet
de faciliter la fabrication des ouvrages , en modé-
rant les droits fur les matières premières qui s’y con-
fomment , & en accordant quelques privilèges &
quelques exemptions aux ouvriers les plus nécefl’ai-
res , & dont l’occupation exige des connoiffances
& des talens ; mais auffi en les réduifant aux ou-
vriers de cette efpece , une plus grande extenfioa
feroit inutile à la manufacture , & onéreufe au refte
du public. Il ne feroit pas jufte dans une manufactu-
re de porcelaines , paT exemple > d’accorder les mê-
mes diftin£fions à celui qui jette le bois dans le four-
neau , qu’à celui qui peint & qui modèle ; & l’on
dira ici par occafion , que fi les exemptions font uti-
les pour exciter l’émulation & faire for-tir les ta-
lens , elles deviennent , fi elles font mal appliquées ,
très-nuifibles au refte de la fociété , en ce que re-
tombant fur elles , elles dégoûtent des autres pro-
feffions , non moins utiles que celles qu’on veut fa-
vorifer. J’obferverai encore ici ce que j’ai vu fou-
vent arriver , que le dernier projet étant toujours
celui dont on fe veut faire honneur , on y facrifie
prefque toujours les plus anciens : de-là le peuple ,
& notamment les laboureurs qui font les premiers
& les plus utiles manufaduriers de l’état, ont tou-
jours été immolés aux autres ordres ; & par la rai-
fbn feule qu’ils étoient les plus anciens , ont été
toujours les moins protégés. Un autre moyen de
protéger les manufaBures , eft de diminuer les droits
de fortie pour l’étranger , & ceux de traite & de
détail dans l’intérieur de l’état.

C’eft ici l’occafion de dire que la première , la
plus générale & la plus importante maxime qu’il y
ait à fuivre fur l’établiflement des manufactures , eft
de n’en permettre aucune ( hors le cas d’abfolue

l

M A N

ftécefTité ) dont l’objet foit d’employer les princi-
pales matières premières venant de l’étranger , li
fur-tout on peut y fuppléer par celles du pays , mê-
me en qualité inférieure.

L’autre efpece de manufctiîure eft de celles qu’on
peut appeller difperfées , & telles doivent être tou-
tes celles dont les objets ne font pas affujettis aux
nécefTités indiquées dans l’article ci-deffus ; ainfi
tous les ouvrages qui peuvent s’exécuter par cha-
cun dans fa maifon , dont chaque ouvrier peut fc
procurer par lui-même ou par autres , les matières
premières qu’il peut fabriquer dans l’intérieur de fa
famille , avec le fecours de fes enfans , de fes do-
mefliques , ou de fes compagnons , peut & doit fai-
re l’objet de ces fabriques difperfées. Telles font les
fabriques de draps, de ferges, de toiles , de velours,
petites étoffes de laine & de foie ou autres pareil-
les. Une comparaifon exade des avantages & des
inconvéniens de celles des deux efpeces le feront
fentir facilement.

Une manufaclure réunie ne peut être établie & fe
foutenir qu’avec de très-grands frais de bâtimens ,
d’entretien de ces bâtimens , de direfteurs , de con-
tre-maitres , de teneurs de livres , de caiffiers , de
prépofés , valets & autres gens pareils , & enfin
C(u’avec de grands approvifionnemens: il eft nécef-
faire que tous ces frais fc répartiflent fur les ouvra-
ges qui s’y fabriquent , les marchandifes qui en for-
tent ne peuvent cependant avoir que le prix que le
ublic eft accoutumé d’en donner , & qu’en exigent
es petits fabriquans. De -là il arrive prefque tou-
jours que les grands établiflemens de cette efpece
font ruineux à ceux qui les entreprennent les pre-
miers , & ne deviennent utiles qu’à ceux qui profi-
tant à bon marché de la déroute des premiers , &
réformant les abus , s’y conduifent avec fimplicité
& économie ; plufieurs exemples qu’on pourroit ci-
ter ne prouvent que trop cette vérité.

Les fabriques difperfées ne font point expofées à
ces inconvéniens. Un tifferand en draps , par exem-
ple, ou emploie la laine qu’il a récoltée, ou en ache-
té à un prix médiocre , & quand il en trouve l’oc-
cafion , a un métier dans la maifon où il fait fon
drap, tout aulH-bien que dans un atelier bâti à grands
frais ; il eft à lui-même , fon direfteur , fon contre-
maitre , fon teneur de livres , fon caiflier , &c. fe
fait aider par fa femme & {es enfans , ou par un ou
plufieurs compagnons avec Icfquels il vit ; il peut
par conféquent vendre fon drap à beaucoup meil-
leur compte que l’entrepreneur d’une manufaclure.

Outre les frais que celui-ci efl obligé de faire ,
auxquels le petit fabriquant n’efl pas expofé , il a
encore le délàvantage qu’il eft beaucoup plus volé ;
avec tous les commis du monde , il ne peut veiller
affez à de grandes diftributions , de grandes & fré-
quentes pelées , & à de petits larcins multipliés ,
comme le petit fabriquant qui a tout fous la vue
& Ibus la main , & eu: maitre de fon tems.

A la grande manufaclure tout le fait au coup de
cloche , les ouvriers font plus contraints & plus
gourmandes. Les commis accoutumés avec eux à
un air de fupériorité & de commandement , qui vé-
ritablement efl néccfl’aire avec la multitude , les
traitent durement 6<: avec mépris ; de -là il arrive
que ces ouvriers ou font plus chers, ou ne tout que
palier dans la manufaclure 6c julqu’à ce qu’ils aycnt
trouvé à fe placer ailleurs.

C »-he7. le petit f.ibriijuant , le compagnon efl le ca-
marade du nutitre , vit avec lui , comme avec fon
égal ; a |)lace au fuii & à la chandelle , a plus de
liberté , & préfère enfin de travailler chez lui. Cela
fe voit tous les jours dans les lieux , oîi il y a des
manufaclurcs réunies & des fabriquans particuliers.
Les manufaclurcs n’y ont d’ouvriers , que ceux qui
Tome X.

M A N

6i

ne peuvent pas fe placer chez les petits farbriquans ,
ou des coureurs qui s’engagent & quittent journel-
lement , & le refte du tems battent la campagne ,
tant qu’ils ont de quoi dépenfer. L’entrepreneur eft
obligé de les prendre comme il les trouve , il faut
que fa befogne fe falTe ; le petit fabriquant qui eft
maitre de fon tems , & qui n’a point de frais extra-
ordinaire à payer pendant que fon métier efl va-
cant , choifit & attend l’occafion avec bien moins
de défavantage. Le premier perd fon tems & fes
frais ; & s’il a des fournitures à faire dans un tems
marqué, & qu’il n’y fatisfaffe pas, fon crédit fe perd;
le petit fabriquant ne perd que fon tems tout au plus.
L’entrepreneur de manufaclure efl contraint de
vendre , pour fubvenir à la dépenfe journalière de
fon entreprife. Le petit fabriquant n’efl pas dans le
même befoin ; comme il lui faut peu , il attend fa
vente en vivant fur fes épargnes , ou en empruntant
de petites fommes.

Lorf(:jue l’entrepreneur fait les achats des matiè-
res premières , tout le pays en efl informé , & fe
tient ferme fur le prix. Comme il ne peut guère
acheter par petites parties , il acheté prefque tou-
jours de la féconde main.

Le petit fabriquant acheté une livre à la fois ,
prend fon tems , va fans bruit & fans appareil au-
devant de la marchandife , & n’attend pas qu’on la
lui apporte : la choifit avec plus d’attention , la
marchande mieux , 6c la conférve avec plus de foin.
Il en efl de même de la vente; le gros fabriquant
efl obligé prefque toujours d’avoir des entrepôts
dans les lieux où il débite , & fur-tout dans les
grandes villes où il a de plus des droits à payer. Le
petit fabriquant vend fa marchandife dans le lien
même , ou la porte au marché & à la foire , &
choifit pour fon débit les endroits où il a le moins
à payer & à dépenfer.

Tous les avantages ci-deffus mentionnés ont un
rapport plus dire£l à l’utilité perfonnelle , foit du ma-
nufadurier,foit du petit fabriquant, qu’au bien géné-
ral de l’état : mais fi l’on confidere ce bien général,
il n’y a prefque plus de comparaifon à faire entre
ces deux fortes de fabrique. Il efl certain , & il efl
convenu auffi par tous ceux qui ont penfé & écrit
fur les avantages du commerce , que le premier &
le plus général efl d’employer , le plus que faire fe
peut, le tems & les mains des fujets ; que plus le
goût du travail & de l’induflrie efl répandu , moins
efl cher le prix de la main-d’œuvre; que plus ce
prix efl à bon marché , plus le débit de la marchan-
dife efl avantageux , en ce qu’elle fait fubfifier \\a
plus grand nombre de gens ; & en ce que le com-
merce de l’état pouvant fournir à l’étranger les mar-
chandifes à un prix plus bas , à qualité égale , la na-
tion acquiert la prétérence fur celles oii la main-
d’œuvre efl plus difpcndieufe. Or la manufaclure
difpcrfée a cet avantage fur celle qui efl réunie. \Jn
laboureur , un journalier de campagne , ou autre
homme de cette efpece, a dans le cours de l’année
un allez grand nombre de jours & d’heures où il ne
peut s’occuper de la culture de la terre , ou de fon
travail ordinaire. Si cet homme a chez lui im mé-
tier à drap , à toile, ou à petites étoffes , il y em-
ploie un tems qui autrement léroit perdu pour lui
&: pour l’état. Comme ce travail n’efl pas fa prin-
cipale occupation , il ne le regarde pas comme l’ob-
jet d’un profit auffi fort que celui qui en tait fon
uni(|ue rcffonrce. Ce travail même lui efl une ef-
pece de délaflement des travaux plus rudes de la
culture de la terre ; & , par ce moyen , il efl en état
&: en habitude de fc contenter d’un moindre profit.
Ces petits profits multiplies font des biens très-réels.
Ils aident à la fubfill.ince de ceux qui le les procu-
rent i ils foutiennent la main-d’ueuvre à un bas prix :

H i;

62

M A N

or , outre l’avantage qui rcfiilte pour le commerce
général tic ce b;is prix , il en réiulte un autre très-
important pour la culture même des terres. Si la
main-d’œuvre des manufuclurcs dirperfées étoit à un
tel point que l’ouvrier y trouvât une utilité fupérieu-
re à celle de labourer la terre , il abandonneroit bien
vite cette culture. Il efl vrai que par une révolu-
tion néccdaire, les denrées (« ervant à la nourriture
venant à augmenter en proportion de l’augiucn-
tation de la main-d’œuvre , il leroit bien obligé en-
suite de reprendre Ion piemier métier, comme le
plus (« ùr : mais il n’y (croit plus fait , & le goût de
la cultuie le (eroit perdu. Pour que tout aille bien,
il faut que la culture de la terre loit l’occupation
du plus grand nombre ; & que cependant une grande
partie du moins de ceux qui s’y emploient s’occu-
pent aufli de quelque métier, & dans le tcms iur-
tout où ils ne peuvent travailler à la campagne. Or
ces tcms perdus pour l’agriculture ibni très-tré-
quens. II n’y a pas aufTi de pays plus ailés que ceux
où ce goût de travail eil établi ; & il n’ell point
d’objcdlion qui tienne contre l’expérience. C’ell fur
ce principe de l’expérience que font fondées toutes
les réflexions qui compolént cet article. Celui qui
l’a rédigé a vu fous ces yeux les petites fabriques
faire tomber les grandes , (ans autre manœuvre que
celle de vendre à meilleur marché. Il a vu auffi de
grands établidemens prêts à tomber , par la feule
raifon qu’ils étoicnt grands. Les débitans les voyant
chargés de marchindiles faites , & dans la nécef-
fité prefTante de vendre pour fubvenir ou à leurs
cngagemens , ou à leur dépenfe courante , (e don-
noient le mot pour ne pas (e prelTer d’acheter ; &
obligeoient l’entrepreneur à rabattre de fon prix ,
& (buvent à perte. Il ell vrai qu’il a vu aufli , &
il doit le dire à l’honneur du minillere , le gouver-
nement venir au fecours de ces mamifaclurcs , & les
aider à foutenir leur crédit & leur éiablilTement.

On objcftcra fans doute à ces réflexions l’exem-
ple de quelques n:.inufuciures réunies , qui non (eu-
lement le (ont (butenues, mais ont fait honneur à la
nation chez laquelle elles étoient établies , quoique
leur objet fût de faire des ouvrages qui auroient pu
également être faits en mailbn particulière. On ci-
tera, par exeinple , la manufacture de draps fins d’Ab-
beville ; mais cette objection a été prévenue. On
convient que quand il s’agira de faire des draps de
la perfeftion de ceux de Vanrobais, il peut devenir
utile, ou même nécefl »aire, de faire des établiffe-
mens pareils à celui oii ils (e fabriquent ; mais com-
me dans ce cas il n’ell point de fabriquant qui foit aflez
riche pour faire un pareil établiflement , il ell: né-
celTaire que le gouvernement y concoure , & par
des avances , Si par les faveurs dont il a été parlé
ci-delTus ; mais , dans ce cas-même , il efl nécelTaire
aulîl que les ouvrages qui s’y font (oient d’une telle
nécefiité , ou d’un débit li alVuré , & que le prix en
foit porté à tel point qu’il puiHe dédommager l’en-
trepreneur de tous les défavantages qui nailTent na-
turellement de l’étendue de (on établilTement ; &
que la main-d’œuvre en foit payée aflez haut par
l’étranger, pour compenfer l’inconvénient de tirer
d’ailleurs les matières premières qui s’y confomment.
Or il n’ell pas lùr que dans ce cas même les fommes
qui ont été dépenlées à former une pareille fabri-
que , fi elles enflent été répandues dans le peuple
pour en former des petites , n’y enflent pas été aufll
profitables. Si on n’avoit jamais connu les draps de
Vanrobais, on le leroit accoiuumé à en porter de
qualités inférieures , & ces qualités auroient pu être
exécutées dans des fabriques moins difpendieufes &
plus multipliées.

MANU MISSION , f. (.{Jurifprud.) quafi de manu-
« ‘^JP’^j c’cft l’ade par lequel un maître affranchit fon

-A A N

efclave ouferf , & le met , pour aînfi dire, hors
de fa main. Ce terme ert emprunté du droit romain,
où l’alfranchiflement eft appelle manumijfio. Parmi
nous on dit ordinairement ajj’rarichtjjcmcnt.

Il y avoit chez les Romains trois formes diflcren-
tcs de manumijjion,

La première , qui étoit la plus folemnelle , étoit
celle que l’on appelloit per vindiclam , d’où l’on di-
fbit aufli vindicare in l’ibertatcm. Les uns font venir
ce mot vindïcla de Vindicius , qui , ayant découvert
la confpiration que les fils de Brutus formoient pour
le rétabliflement des Tarquins , fut allVanchi pour
la recompenle. D’autres ioutienncnt que vindicare
vcnoit de vindiHa ^ qui étoit une baguette dont le
préteur frappoit l’efclave que (on maître vouloit
mettre en liberté. Le maître en préfentant fon ef-
clave au magiflrat le lenoit par la main , enfuite il
le laiffoit aller , & lui donnoit en même tems un
petit louflet lur la joue , ce qui étoit le fignal de la
liberté ; enluite le conlul , ou le préteur frappoit
doucement l’elclave de fa baguette , en lui dilant :
aio te cjje liberum more qniritum. Cela fait, l’elclave
étoit iulciit lur le rôle des affranchis , puis il le fai-
foit ralér , &; (e couvroit la tête d’un bonnet appelle
pikus ^ qui étoit le lymbole de la liberté : il alloit
prendre ce bonnet dans le temple de Féronie , déelTe
des aft’ianchis.

Sous les empereurs chrétiens cette première for-
me de manumijjion (bulfrit quelques changemens ;
elle ne (e fit plus dans les temples des faux Dieux ,
ni avec les mêmes cérémonies ; le maître condui-
(bit (éulement l’elclave dans une églile chrétienne,
là on liloit l’aile d’afFranchiflbment ; un eccléfiafli-
que fignoit cet ade , &£ l’elclave étoit libre : cela
s’appelloit manumijjio in J’acro -fanclis ecclejîis , ce
qui devint d’un grand ufage.

La féconde forme de manumiffîon étoit per epijlo-
latn & ineer amicos ; le maître invitoit (es amis à un
repas , & y failbit afitoir l’elclave en fa préfence ,
au moyen de quoi il étoit réputé libre. Jullmien or-
donna qu’il y auroit du-moins cinq amis témoins de
cette manumijjion.

La troifieme fe faifoit per tcjlamentum , comme
quand le teftateur ordonnoit à (es héritiers d’af-
franchir un tel efclave qu’il leur défignoit en ces ter-
mes, N . . .fervus meus liber ejlo : ces fortes d’af^
franchis étoien appelles orcini , oncharonitœ ^ parce
qu’ils ne jouiflbient de la liberté que quand leurs pa-
trons avoient paflé la barque à Caron , & étoient
dans l’autre monde, in orco. Si le teflateur prioit
Amplement fon héritier d’affranchir l’elclave , l’hé-
ritier confervoit fur lui le droit de patronage ; &
quand le teftateur ordonnoit que dans ,un certain
tems l’héritier afFranchiroit un efclave , celui-ci étoit
nommé Jiatu liber ; il n’étoit pourtant libre que quand
le tems étoit venu ; l’héritier pouvoit même le ven-
dre en attendant ; & dans ce cas , l’efclave , pour
avoir fa liberté , étoit obligé de rendre à l’acqué-
reur ce qu’il avoit payé à l’héritier.

Les affranchis étoient d’abord appelles liberti , &
leurs cnfans Ubertini ; néanmoins dans la (ùite on fè
fervit de ces deux termes indifféremment pour dé-
figner les affranchis.

Quand l’aff’ranchiirement étoit fait en fraude des
créanciers, ils le faifbient déclarer nul, afin de pou-
voir faifir les efclaves.

Il en étoit de même quand l’affranchi , n’ayant
point d’enfans , donnoit la liberté à fes efclaves ; le
patron failbit déclarer le tout nul.

Ceux qui étoient encore fous la puifl’ance pater-
nelle , ne pouvoient pas non plus affranchir leurs ef-
claves.

La loi fufia caninia avoit réglé le nombre des ef-
claves qu’il étoit permis d’affranchir j favoir, que

M A N

celui qui n’en avoit que deux pouvoit les affranchir
tous deux ; celui qui en avoit trois , deux ieule-
mcnt ; depuis trois jufqu’à dix , la moitié ; depuis
dix jufqu’à trente , le tiers ; de trente à cent , le
quart ; de cent à cinq cens , la ^ »partie ; & elle
défendoit d’en affranchir au-delà en quelque nombre
qu’ils fufient; mais cette loi fut abolie par Juftinien,
comme contraire à la liberté qui cû favorable.

En France, dans le commencement de la monar-
chie , prefque tout le peuple étoit lerf. On com-
mença (bus Louis le Gros, & enfuitefous Louis VU.
à afîranchir des villes & des communautés entières
d’habitans, en leur faifc.nt remife du droit de taille à
volonté , & du droit de mortable , au moyen de quoi
les enfans fuccédoient à leurs pères. On leur remit
aufîi le droit de fuite , ce qui leur laiffa la liberté de
choifir ailleurs leur domicile. S. Louis acheva d’abo-
lir prefque eniieremcnt les fervitudes perfonnellcs.

Il fe faifoit aufîi quelques manumï(p.ons particuliè-
res dont on trouve des formules dans Marculphe.

Il relie pourtant encore quelques velligcs de fer-
vitude dans certaines provinces , dans lefquellcs il
y a des ferfsougens de main-moi te , comme en Bour-
gogne , Nivernois , Bourbonnois. Dans ces provin-
ces l’affranchiflement fe fait par convention ou par
defaveu. Il fe fait auffi par le moyen des lettres de
nobleffe , ou d’une charge qui donne la noblefle ,
à la charge feulement d’indemnifer le feigneur.

Dans les colonies françoifes, où il y a des nègres
qui fonteklaves , ils peuvent erre atfranchis , fui-
vant les règles prelcrites par i’édit du mois de Mars
1685 , Hppi-‘llé communément k ccdc noir.

Les maîtres âgés de vingt ans peuvent , fans avis
de parens , affranchir leurs eiclaves par tous aftes
entre-vifs , ou à caufe de mort ,fans être tenus d’en
rendre aucune rai’.on.

Les efclaves qui font nommés légataires univer-
fels par leurs maîtres , ou nommés exécuteurs de
leurs teftamcns , ou tuteurs de leurs enfans , font te-
nus pour affranchis.

Les affranchifiémcns ainfi faits dans les Îles , y
opèrent l’efiet de lettres de naturaliié , & dans tout
le royaume.

Il elt enjoint aux affranchis de porter un refpeft
lingulier à leurs anciens maîtres , à leurs veuves &
à leurs enfans , enibrte que l’miure qu’ils leur au-
roient faite i’eroit punie plus grièvement que fi elle
ctoit faite à toute autre perlonne. Les anciens maî-
tres n’ont cependant aucun droit , en qualité de pa-
trons, fur la perfonne des afîVanchis , ni fur leurs
biens & fiicceffions.

Les affranchis jouiffent , fuivant ces loix , des mê-
mes droits que ceux qui font nés hbres.

C’eH: ime ancienne maxime de droit, que le ventre
affranchit , c’eft; à-dirc , que les enfans fulvent la
condition de la tuere par rapport à la liberté ; les
enfans d’une femme efclave font efclaves.

En France toutes perlbnncs font libres ; & fitôt
qu’un efclave y arrive , il devient libre en le faifant
baptiler.

Il eft néanmoins permis à ceux qui amènent des
efclaves en France , lorfque leur intention efl de re-
tourner aux îles , d’en fane leur déclaration à l’ami-
rauté , au moyen de quoi ils conlervent leurs efcla-
ves. ^rjyt’^ ledit de 1716.

Sur les manumi [fions & aflranchiffetuens. /'<‘Vf{ le
liv. XXXX. du digefl , & au code k liv. FIL de-
puis k th. I jiij’iju\ui rie. 2Ji ; le do[je de Ducangc,
au mot manumijjio ; k Dici. de ihillon , aninota[fian-
chi., 6c k rit. de la Jurlfp. roin. de M.Terraflon. (-/)

M ANU.SCRM^T , i ». m. ( Lut. ) ouvrage écrit à la
main. C’.’cfl la confidtation des m. f. qui donne à
une édition fbn cxaditude. C^’cfl le nombre des an-
ciens m. f. qui lait la richefîc d’une bibliothèque.

M A N

63

Fbye{ ces articles Bibliothèque , Littératu-
re , Livre.

M ANUS DEI^ emplâtre. (Pharm^ MaU med. exUr.)
En voici la compofuion d’après la pharmacopée de
Paris. Prenez d’huile d’olive deux livres , de lithar-
ge d’or préparée dix-fept onces , de cire jaune vingt
onces , de verd-de-gris une once , de gomme ammo-
niac trois onces & trois dragmes , de galbanum une
once & deux dragmes, d’opopanax une once, de
fagapenum deux onces , de maflic une once , de
myrrhe ime once & deux dragmes , d’oliban 6c bdel-
lium de chacun deux onces , d’arifloloche ronde une
once , de pierre calaminaire deux onces. Première-
ment cuifez la litharge avec l’huile dans une baffme
de cuivre , avec luffilante quantité d’eau , jufqu’à
confiflence d’emplâtre , félon l’art ; jettez enfuite la
cire dans la balhne , & faites-la fondre avec ; cela
étant fait , retirez la baffme du feu , & ajoutez le
galbanum, la gomme ammoniac , i’opopanav & le
fagapenum fondus enfemble , paffés à -travers ua
linge & convenablement épailhs ; enfin ajoutez le
matlic , la myrrhe, l’oliban , le bdellium , la pierre
calaminaire , le verd-de-gris & l’arilloloche réduits
en poudre ; braffez vigoureufement pour mêler tou-
tes ces choies, 6c votre emplâtre fera fait.

Cet emplâtre efl du genre des aggUitinatifs ou
emplafliques proprement dits. Il paflé auffi à raifoa
des gommes refines qu’il contient , pour puiflant ré-
folutif; & à caufe du verd-de-gris, de l’ariflcloche,
& de la pierre calaminaire, pour delllcatif & nion-
difîcatif (^)

MANUTENTION, f. f((;/-^/7?.)lbin qu’on prend
pour qu’une choie ou relie comme elle eft, ou fe
faffe. Les fouverains , les magiftrats doivent veiller
à la manutention des loix.

M ANY , f. m. ( compofition. ) efpece de maltic de
couleur brune, aflez fec , dont les Caraïbes , aind
que les Sauvages des environs de l’Orinoco, font
ufagc pour cirer le fil de coton, & les petites corde-
lettes de pitte , qu’ils emploient dans leurs diîférens
ouvrages : ils s’en fervent auffi comme d’un enduit en
le faifant chauffer , afin de le rendre liquide. C’efl:
un fecret parmi ces fauvages ; cependant , au moyea
de quelques expériences que j’ai faites , le many ne
ne me paroît autre chofe qu’un compolé de parties
à-peu-près égales de la réfine de l’arbre appelle ^ow-
mitr , & d’une cire naturellement noire , provenant
du travail de certaines mouches vagabondes, dont
les eflains fé logent dans des creux d’arbres. Voyez
M O U C H E S A M 1 E L d e V Amérique. M. L£ RoMAlN,

MANYL-RARA, ( Borun. ixot. ) grand arbre des
Indes orientales , portant un fruit affez femblable à
l’olive , 6c qu’on mange. Voyi^-cn la repréfentation
dans l’Hortusàc Malabar. (Z>. /.)

MAO, M AN ou MEIN, f f {Com.) poids en
ufagc dans quelques lieux des Indes , qui n’a fans
doute ces trois noms qu’à caufe de la diverfe pro-
nonciation ou des Orientaux, ou des marchands de
l’Eiu’ope que le commerce attiie en Orient.

Le rnao pelé dix caris ; mais en des endroits com-
me à Java , 6c dans les îles volhnes , le cari n’eft que
de vingt raéls ; ôi en d’autres , comme à Cambaye,
il vaut vingt-fept raëls , le raél pris fur le pié d’u-
ne oiicc & demie poids de Hollande. On fe lert du
mjo\w\\T peler toutes les denrées qui fervent à la vie.

Le m.io d’Akgbar , ville du mogol , pelé cinquante
livres de Paris ; celui de Ziamger , autre ville des
états de ce prince, en pelé fbixante. Dicî. de comm.

M AON , (^Ccogr.facrk.) ville de la Palellmc dans
la tribu de Juila , & qui donne fbn nom .ui delert de
Miion , oii David demeura long tems durant la per-
fécution que Saiil lui fit. Cette ville tic Maon cil ap-
paremment la même que Miinois , Mitonis , Me^
ncum , qif Eulebc met au voifinagc de Gaze. {D.J.)

64

M A O

M AOSTM , f. m. {Cri nqm fier.) c’eft le nom d’nne
divinitc, dont le prophète Daniel parle clans le ix. ch.
\ie les révélations. Daniel , ch xj. ^. ^8. Toutefois
il honortra enfonjîe^^c Maojim ; il honorera , dis-je ,
h Dun que fes pères nom point connu ,par des prcfens
d’or , d^ argent , de piims précieufes , 6* des chofes deji-
lesrab. L’oblcurlté lemble être le caraâere des ora-
cles des ditFércntes rcli-^ions ; il faut pour être rcfpe-
élablcs, qu’ils tiennent l’elprit en iiilpcns, & puiflent
l’appliquer à divers cvcnemens. Les Théologiens ne
nient pas que pour l’ordinaire le prophète a plu-
fieurs objets en \ ùe : il y a beaucoup de prudence
dans cette indécilion ; elle tend vilîbiement & en
général à accréditer les oracles. Au relie , rendons
ici jullice aux impofteurs & à leur fauffe religion ;
ils ont lïi imiter cette obfcuritéreligieufe de nos ora-
cles ; ceux dont ils le vantent ne parlent pas plus clai-
airement que les nôtres pour eux , & poitent ainfi
avec eux ce caradere également rcTpeftable ; mais
î’événemcnt fait le triomphe de nos oracles , il les a
prefque tous juflifiés; & ceux qui ne le lont pas en-
core, attifent la foi des Hdeles en excitant leur cu-
riofité. Ceux de Daniel font de ce genre , applica-
bles à divers objets, n’étant pas content du pdlTé ,
l’on devient en quelque forte prophète en cherchant
dans l’avenir des explications , qu’une imagination
-dévotement échauffée y trouvera fans peine.

Ce dieu M-iofim , dont parle Daniel , a donné
bien de l’exercice aux interprètes, (ans qu’ils aient
rien produit jufqu’à cette heure d’un peu fatisfai(« ant;
Seldenus ne veut point l’expliquer , regardant la
chofc comme abfolument inconnue ; mais , ne lui
en déplaife , c’eft trahir honteufement la profeffion
d-s critique , que de relier muet fur un paffage fi
obfcur , &: par lequel , par cela-même , ces melfieurs
ont fi beau jeu.

Le texte grec de la verfion de Théodofion & la
Vulgate ont confervé le mot de Maojim ; mais d’au-
tres l’ont rendu par le diai des forces ou des forti-
fications : en effet le mol hébreu fignifie/or^j, muni-
tions , fortereff’es ; &, pour le dire en paffant, c’efl
ce qui a conduit Grotius à trouver dans ce mot hé-
breu l’étymologie du mot françols magafin.

Le plus grand nombre des interprètes appliquent
cet oracle de Daniel à Antiochus Epiphanes , ce
grand ennemi des Juifs & de leur religion ; & dès-
là l’on veut que par ce dieu Maojim , ou le dieu des
forces, il faut entendre le vrai Dieu , qu’Antio-
chus fut obligé de reconnoître & de confcffer , com-
me nous le lifons au ch. ix. du liv. II. des Macca-
bées ; mais qu’il ait envoyé au temple de Jerufa-
lem des prélens d’or , d’argent , & des pierres pré-
cieufes ; c’eft ce dont nous ne voyons pas la plus
petite trace dans l’hiftoire.

Le favant Grotius prétend que ce dieu des for-
{creffes,c’eft Mars , que les Phéniciens appellent
A{i:^os , du mot a^ji fort , qui vient de la même ra-
cine que Maojim ; mais Mars étoit-il un dieu in-
connu aux ancêtres d’Antiochus , puifque chez les
Grecs il n’y avoit affurément pas de divinité plus
généralement connue & honorée ?

Plufieurs commentateurs appliquent ces paroles
de Daniel à l’antechrift : Nicolas de Lyra , Bellar-
min & quelques-autres difent , que c’cft le nom pro-
pre de l’idole, & du démon qu’adorera l’antechrift:
car quoiqu’il doive , fuivant eux , faire profeffion
de mépriler tous les dieux , cependant en fecret il
aura «n démon fous la protedtion duquel il fe met-
tra , & auquel il rendra des honneurs divins. Théo-
dore! croit que ce fera le nom que l’antechrift fe
donnera à lui-même; il s’appellera Maojim, ou
Mahhu^im , le dieu des forces.

Je ne pafferai point fous filence l’opinion du cé-
lèbre M. Jurieu , d’autant plus c}u’eile a, comme

MAO

prefque toutes les rêveries critiques , le mérite de
l’original , s’accordant d’ailleurs affez bien avec le
fyftême reçu & l’hiftoire.

Il penfe que par ce Dieu des forces inconnu à (es
pères, qu’ Antiochus devoit glorifier par des homma-
ges & des préfens , on peut &c l’on doit entendre
les aigles romaines , fempire romain ; conjefture qu’il
appuie hir un grand nombre de réflexions aufii fo-
lides , ou plutôt aufTi Ipécieufes qu’elles peuvent
l’être dans un tel genre de littérature : il a confa-
cré un chapitre entier {cap, iij. part. IV. ) de ion
lavant ouvrage de l’hiftoire des dogmes & des cul-
tes de l’Eglife, à établir fon feniiment : il le fait avec
cette abondance & ce détail de preuves qui nuit
louvent à la vérité , & prelque toujours au bon
goût. Je me contenterai de rapporter en peu de
mots celles qui m’ont paru avoir le plus de force.

i**. Le terme hébreu qu’emploie Daniel devroit
fe rendre pAr ‘\l glorifiera ; il exprime plutôt les hom-
mages civils que les religieux. z°. Il dit qu’il les glo-
rifiera par des préfens d’or , d’argent, éi. des pier-
res précieufes , ce qui font les tributs & les dons
par Icfcjuelson rend hommage à des (upérieurs, à un
maître tel qu’un empereur , un empire ; au lieu que
s’il s’agiffoit d’une divinité , il auroit dit , il le glo-
rifiera par des facrifices, par des offrandes. 3°. Mao-
jim fignifie en hébreu exadement la même chofe
que pu/A» en grec , qui fignifie la force par excellence ,
de même pù/xai7oi & romani , traduits dans la langue
des fils d’Heber, devroient fe rendre par maofim ;
^ M. Jurieu ne doute point que le prophète n’ait
fait attention à ce rapport , qui eft des plus fenfi-
bles. 4°. Les aigles romaines étoient des efpeces de
divinités , devant lefquelles fe prollernoient les fol-
dats : c’eft ainfi que nous lifons dans Tacite, annal, 2,
Exclamât , irent ^fequerentur romanas av es propria le-
gionum numina : tk Suétone rapporte qu’Artaban
adora les cnfeignes romaines , apol. iC. Ârtabanus
tranfgrejfus Euphratem aquilas & jigna romana Cœja-
Tumque imagines adoravit; & Tertulien apoflrophant
la religion des Romains dit , religio Romanorum
lola Caflrenfis figna veneratur , figna jurât , figna.
omnibus dis preponit ; ainfi c’ett avec bien de
la raiibn que l3aniel les appelle le dieu des for-
ces & des fortereffes. 5°. L’hifloire s’accorde fort
bien avec ce fentiment , puifqu’on fait qu’Antio-
chus Epiphanes avoit été donné par fon père pour
otage aux Romains, & que dans la fuite pour ache-
ter la paix , & n’avoir pas fur les bras de fi redou-
tables ennemis , il confentit de leur payer un tri-
but confidérable, comme nous le lifons au liv. II,
des Maccabées. Macc. lib. II. ch. j. -jjr. 10.

Nicanor ordonna un tribut au roi Antiochus Epipha-
ncs , qui devoit revenir aux Romains , favoir , deux
mille talens ^ & que ce tribut fut fourni de l’argent pro-
venant de la vente des prifonniers Juifs qu’on vendoic
pour ejclaves. M. Jurieu tire un grand parti de l’hif-
toirc , & des divers traités que les Romains firent
avec Antiochus, pour expliqnerfort heureufemenf,
& félon fon fentiment particulier, tout cet oracle de
Daniel , dans lequel paroît le mot Maofim , ce qui
le conduit toujours mieux à regarder ce Dieu Mao-
fim comme défignant les aigles romaines , c’eft-à-
dire , l’empire de Rome.

Un bon difciple de Zwingle , l’un de ces heureux
mortels qui ont le bonheur de trouver par-tout leurs
idées favorites , leurs préjugés , leurs erreurs mê-
mes , étoit en fureur de voir que M. Jurieu , zélé
protellant , n’eût pas faifi comme lui le vrai fens de
cet oracle , & n’eût pas entendu par ce Dieu in-
connu à fes pères , honoré par des dons d’or , d’ar-
gent , & de pierres précieufes le faint facrcmentde
rEuchariftie , dont il prétend que l’antechrift , c’eft-
à-dire dans fes principes Us papes , ont fait un Dieu

M A P

M A Q

65

qu’ils honorent comme tel par des dons confidéra-
blés en or , en argent , & en pierres précieiifes ;
quoique , dit-il , cet objet de leur culte iùt ablolu-
nient inconnu à leurs pères , favoir, aux premiers
confefleurs du chriftianiime.

Le judicieux dom Calmet femble Çeom. XF. comm.
in Daniel.’) donner , de cet oracle aflez obfcur par
lui-même , une explication heureufe , & propre à
lever toutes les difficultés , lorlque l’appliquant à
Antiochiis Epiphanes , il voudroit traduire ainfi l’hé-
breu , Dan. xj. ^. 37. // s’élèvera au dcjjiis de toutes
chojes , &c. ^. j8. & contre le Dieu Maofuu , &c.
( le Dieu fort , le Dieu des forterelTes , le Dieu des
armées) il honorera en fa place un dieu étranger^ in-
connu à Ces pères.

Antiochus Epiphanes s’éleva contre le feigneur le
Dieu très-fort , le Dieu d’Ifraël , & il fit mettre à
fa place dans le temple de Jcrufalem le faux dieu
Jupiter Olympien , inconnu à fes pères , aux anciens
rois de Syrie, qui avoient régné fur ce pays avant
Alexandre le Grand.

Au relie , ce qui fortifîeroit l’interprétation de
dom Calmet , c’elt que nos auteurs facrés , & Da-
niel en particulier , fe fervent fort fouvent du mot
hébreu mao:^ , ou le fort , pour défigner l’être fuprê-
me , le Dieu d’Ifraël , le vrai Dieu : concluons que
peut-être le favant Seldenus eft celui qui a le mieux
rencontre , en décidant qu’on ne fauroit faifir le vé-
ritable fens de cet oracle ,, & qu’il y auroit de la
témérité à vouloir l’expliquer.

Sentiment qui d’ailleurs ne déroge point à la foi
qu’on doit avoir pour les révélations de Daniel ,
puifque fi cet oracle regarde l’antechrift , l’événe-
ment le mettra dans tout fon jour , & juflifiera plei-
nement le prophète.

MAP ALI A, f. n. pi. (^Littér.)ce motdéfigne pro-
prement les habitations ruftiques des Numides. On
voit encore, dit Salufte , que leurs bâtimens , qu’ils
nomment mapalia^ confervent la figure des carè-
nes des vaifleaux , par leur longueur & leur cou-
verture ceintrée des deux côtés. Ces fortes de bâti-
mens numides étoient des efpeces de tentes portati-
ves , couvertes de chaume : c’cft ce qui fait dire à
Liicain :

Surgere congtfîo non culta mapalia culmo.

Virgile fait une peinture admirable de la vie de
ces Numides :

Omniafecum
Armtntarius afer agit , teclumque^ laremque^
Armaque , amiclaumque cantm , creflamquc pha-

retram.
Non fccus ac patriis acer Romanus in armis
Injujlo fub fafce viarn dum carpit.

Quoique Caton prétende que ces fortes de caba-
nes étoient rondes, & que faint Jérôme les repré-
fente fcmblnblcs à des fours , l’on peut joindre au
témoignage de Salulle , celui de Silius Italiens , liv.
IL V. 8S. qui leur donne décifivcment une figure
longue :

Ipfa autcm gregihus per longa mapalia leBos
Ante acicm ofltntabat equos,

L’cfpece d’édifice nommé magalia , ne difFcroit des
mapalia , qu’en ce que les magalia étoient ftables ,
& qu’ils ne pouvoient fe tranfportcr , comme les ma-
palia , qu’on peut comparer aux tentes desTartarcs
vagabonds.

Le mot mapalia ne fe trouve pas également dans
les hilloricns , les poètes & les géographes , pour dé-
figner des maifons champêtres, ainfiqucdes huttes
& des cabanes portatives. M^ipptlia , avec deux/’/? ,
veut dire des ruines , des mafuus. (^D . 7. )

MAPPA ClKC£Ni>iii , ( Littcr. ) c’étoit clicz Ics

Romains , un rouleau qui fervoit de fignal pour an-
noncer le commencement des jeux du cirque. On
trouve fouvent gravés dans les diptiques , le nom ,
les qualités du conful, fa figure, fonlceptred’ivoire ,
des animaux, des gladiateurs , le rouleau mappa.
circenfîs , & tout ce qui devoir faire partie des jeux
qu’il donnoit au public , en prenant poffclîion du
confulat. ( Z>. /. )

MAPPAIRE, ( Hift.anc.) nom d’officier chezles
anciens Romains ; c’eioit celui qui dans les jeux pu-
blics,comme celui du cirque & des gladiateurs, don-
noit le fignal pour commencer , en jettant une map-
pe , mappa , qu’il recevoit auparavant de l’empereur,
du coniul, ou de quelqu’autre magiftrat , apparem-
ment le plus diftingué qui fût préfent, ou de celui
qui donnoit les jeux. Foyei Acacia.

MAPPEMONDE , f. f. ( Géogr. ) eft le nom que
l’on donne aux cartes qui reprélentent le globe ter-
reftre en entier. Comme on ne peut repréfenter fur
le papier qu’un feul hémifpere à la fois , on repré-
fente furies mappemondes les deux hémifpheres de la
terre pris féparément. La projedion la plus ordi-
naire dont on fe fert pour repréfenter une mappcmon-
de , efl une de celles dont il eft fait mention dans l’^ir-
ticle Carte , & où on fuppofe l’œil dans le plan de
l’équateur. Dans cette projedion que l’on peut voir,
(^fiS-3- Géogr.ye centre de la mappemonde eft le mê-
me que le centre de la terre , & l’équateur eft repré-
fenté par une ligne droite. On fait auffi quelquefois
des mappemondes d’une autre efpece de projedion ,
où l’œil eft fuppofé au pole,& où le pôle eft le centre
de la mappemonde. C’eft la première des projetions
dont il eft parlé à V article Carte , & qui efl repré-
fentée,/^. 2 Géog. ^oyf^ Carte 6* Projection.
Voye^^ auffi TerraQUÉE.

Les lignes ponduées que l’on voit dans la fig. 3.
fervent à donner une idée de la manière dont les dé-
grés du méridien fe projetteroicnt fur l’équateur li
l’œil étoit en 5 , & qu’on voulût projetter fur l’é-
quateur , la partie du méridien A B C , &c non la
partie B D C. De pareilles cartes fcroient vues an
milieu , & d’une figure fort bizarre ; auffi ne font-
elles point d’ufage.( O )

MAQUES , en terme de Vannerie , ce font deux
brins de bois qui s’élèvent fur le devant de la hotte,
du fond jufqu’au collet , & fervent à former les an-
gles du dos de la hotte.

MAQUEDA , ( Géogr. ) petite ville d’Efpagne
dans la nouvelle Caftille , avec titre de duché , dans
un terroir couvert d’oliviers , à trois lieues de To-
lède, & à deux d’Efcalona. Longit. 14. ly. lut. jjj.
6o.\d. J.)

MAQUEREAU, Veirat, Verat, Auriol ,
Horreau , Poisson d’Avril , yio/TiZ-^/- on fcom-
brus , ( Hift. nat. ) poiflbn de mer (« ans écailles , 6c
qui croît jufqu’à une coudée. Il a le corps rond ,
charnu, épais , & terminé en pointe ; la queue efl
profondement fourchue. Ilreffcmble au thon pour la
bouche , dont l’ouverture elî grande ; les mâchoires
font minces & aiguës à leur extrémité , & fe fer-
ment comme une boîte, car la mâchoire inférieure
entre dans la fupérieure. Les yeux font grands , &C
d’un jaune de couleur d’or. Quand ce poifton eft
dans l’eau , il a le dos de couleur de fouf re , qui de-
vient bleu dès qu’on le tire de l’eau , & après la
mort , ce bleu eft interrompu par plufieurs bandes
noirâtres. Le ventre <S: les côtés font blancs. Le w.i-
.y//cTt:.///refTcmble au bouiton & au thon par le nom-
bre & la pofitiondes nageoires ; 11 en a une au-Jef-
Ibus de l’anus , & une autre i\ l’extrémité du dos ,
([ui s’étendent toutes les deux jufqu’à la queue , deux
aux ouies, deux au ventre , prefque ious celles des
ouics, îk une autrelur le do.s , près de la tête.
Les mj-juircaux fout dcs poilluns de paflagc ; ils

66 M A Q

traient en Février , comme le thon , S: dcpofent leuf»
cents an commencement île Juin. Ils craignent le
grand chaud & le grand troid. La chair en eil gralle,
4c bon goût &c preique fans arêtes. Rondelet , hifi.
dts poijjons^part. 1. liv. Vlll.chap.vij. ;^o>’«£ POIS-
SONS.

Maquereaux , f. m. ( Pkhc. ) Voici comme fe
fait leur pcche. La manœuvre diffère de celle de la
pèche des harengs, voyei Harengs. Les filets font
aiifll tlottans , mais autrement établis. On démâte
de même le bateau , &: on ne donne qu’une petite ca-
pe au boriet pour loutcnir pendant qu’on jette le filet
à la mer. La tête de ces filets ci fe tient tou’iours à
fleur d’eau , & ne coule pas bas comme aux feines.
La texture peut avoir trois mille brafles de long,
ayant prelque trois cent pièces d’aplets ; mais
comme le fil qui les compofe eft fort léger, ils gar-
nifTent ordinairement le bas du filet , ou de vieilles
l’eines , ou de manets ; quelques-uns même y met-
tent du plomb : mais comme la tête eft fort flottée ,
les applets fe foutiennent toujours à fleur d’eau ;
aufîî n’y a-t-il feulement que leize quarts de futaille
pour foutenir le filet dans toute fa longeur. Ces fi-
lets dérivent comme les feines , & cette pêche-ci ,
comme celle des harengs , ne fe fait que la nuit. Plus
la nuit eft obfcure , plus on la peut efpérer bonne.
Les manets font à fleur d’eau, parce que le maque-
reau s’y élève, & quand il fait clair , il apperçoit le
filet , dont il s’échappe en paflant pardeflus. On re-
levé ordinairement le filet au point du jour. Voyt:^
nos PL de Pécki.

On fait encore la pêche du maquertau & autres
poillbns paflagers , d’une manière particulière fur la
côte de l’amirauté de Quimper en Bretagne. Il faut ,
pour pratiquer cette pêche, un lieu commode & à
l’abri , tel qu’eft le coude que forme la pointe de
Cleden.

Ceux qui veulent faire cette pêche , ont une an-
cre ou une groflfe pierre percée , du poids de quel-
3ues quintaux,fur laquelle on frappe un cordage long
e plulieurs braifes. Les pêcheurs ,dans leurs petits
bateaux , portent cette pierre à cinquante ou foixante
braflTes loin de la tôie de la plus bafl’e-mer , où le
pie ibit écoré & elcarpé , & les eaux fi profondes ,
qu’il refte toujours plulieurs braflTes d’eau, même du
tems des plus bafles marées ; le cordage frappé fur
l’ancre , ioit de fer ou de pierre , a vingt – cinq &
trente braflTes de longueur ; au bout qui flotte , eft
amarrée une poulie de retour, en lorte qu’elle puifl^e
furnager à fleur d’eau. On pafl »e enfuite dans cette
poulie un même cordage ou une ligne qui vient dou-
ble jufqu’à la côte. Le pêcheur fe place fur une pointe
de rocher pour haler & faire venir à lui cette corde
quand il le juge à propos.

Sur une partie de cette corde , que l’on nomme
va & vient , à caufe de fa manœuvre , eft enfilé ou
amarré un filet flotté par la tête, & dont le pié eft
chargé de quelques pierres , pour le faire caler de fa
hauteur ; ce font ou des filets à maquereau , ou des
tramaux , ou des rets à orphies ou aiguillettes , &de$
filets de gros fonds.

Quand le pêcheur veut faire fa pêche , & qu’il a
placé fon filet , il le tire de l’ancre , en halant à lui le
cordage oppofé ; & quand il vcutvifiter fon filet, il
haie le côté de la corde où il eft amarré : il connoît
par l’agitation des flottes de licge, & par leur enfon-
cement dans l’eau , lorfqu’il s’y eft pris du poiflbn ;
le filet , par cette manœuvre du cordage , va &
vient , il fait palfer à fes pies le filet pour en retirer le
poiHon qui s’y eft maillé, ou qui s’eft embarrafl!e
dans les mailles des trameaux

La tifTurc du filet eft ordinairement de quinze à
vingt brafl’es de longfurunebralTe & demie de chute.
Les plus petites mailles de ces filets font celles des

M A R

manets ; & comme on y prend des menilles ou mu-
lets d’une grolleur prociigieufe , les pêcheurs ont des
rets à plus grande,*’ mailles , afin que les poifl »ons s’y
puiffcnt prendre : ils ne pèchent que les poiflbns qui
fe font maillés dans le filet.

La faifon de faire cette pêche pour les mulets, eft
durant l’hiver , ÔC pour les maquereaux pendant le
carême. Il faut \\n tems calme pour pêcher de cette
manière avec iuccès ; les gros vents y font contrai-
res quelqu’abri qu’il y ait à la côte.

On place quelquefois vingt 6i. plus de ces filets à
côté les uns des autres , & ils ne font fouvent éloi-
gnés que dequelques brafles. Seulement de cette ma-
nière ils font placés comme font fitués à la côte les
étentes , étates ou palis des pêcheurs picards &
normands. ^oy«{ Etente. yoyei nos PL de Pêche.

MAQUETTE , f. f. les fculpteurs donnent ce
nom à une première ébauche, enterre molle, de leur
ouvrage. Foye^ aujjl Larticle Grosses Forges.

MAQUIGNON , f. m. ( Maréchal. ) on appelle
ainfi celui qui vend des chevaux & les acheté pour
les revendre. Ce mot eft devenu odieux , & on dit
maintenant marchand de chevaux.

MAQUIGNON AGE , ( MarichaL ) ce font les fî-
neflTes & tromperies que les maquignons emploient
pour ajufter leurs chevaux.

M AQUIGNONER un cheval , ( MarichaL ) c’eft
fe fervir d’artifices pour cacher fes défauts aux yeux
de l’acheteur. Un cheval ainfi ajufté , eft un cheval
maquignoné.

MAQUILUPA , (^Gèogr.) montagne de l’Amé-
rique dans la nouvelle E(pfigne,& dans la province
de Guaxaca. On la paffe pour aller de Guaxaca à
Chiapa. Gage dit qu’il y a un endroit découvert dans
ce pafTage, où l’on voit d’un côté la vafte mer du
Sud , qui eft fi profonde & fi baffe , que la tête tour-
ne ; & que de l’autre , ce ne font que rochers & pré-
cipices , de deux ou trois lieues de profondeur , ca-
pables de glacer le courage des plus hardis voya-
geurs. { D. J.)

MAQUILLEUR , f. m. (Marine.^ c’eft un bateau
de fimple tillac , dont on fe fert pour la pêche du
m.iquer^au.

MARABOl IN , f.m. (iVfo/ï«.) nom d’une ancienne
monnoie d’or d’Elpagne & de Portugal. Maraboti-
nus , maurabotmus , marmotinus , marbotinus , &c.
Ducange me paroit avoir raifon de conjeôurer que
mirabotïn ou mauraboùn , veut dire butin fait fur les
Maures , dépouilles des Maures , & qu’on nomma cette
monnoie de ce nom , parce qu’elle fut faite de l’or
enlevé aux Maures. C’eft donc une monnoie origi-
naire d’Efpagnc. Henri II. roi d’Angleterre & duc
d’Aquitaine , rendit une fentence arbitrale l’an 1 1 77 ,
entre Alphonfe , roi de Caftille, & Sanchc , roi de
Navarre , par laquelle le premier de ces deux rois eft
obligé de payer au fécond , la rente de 3000 mara~
butins. Or quelle apparence que le roi d’Angleterre
eût obligé le roi de Caftille à payer une penfion au
roi de Navarre en monnoie étrangere?La reine Blan-
che de Caftille , à la fin du treizième fiecle , fut dotée
de 14000 marabotins. Plufieurs titres des rois d’Ar-
ragon dans le même fiecle , font mention des mara-
botins ç\\x\ doivent leur revenir. S’il eft fouvent parlé
de marabotins dans plufieurs titres de la ville de Mont-
pellier, c’eft parce que les rois d’Arragon ont long-
tems joui de cette ville. De là vient encore que les
marabotins eurent cours en France dans les provinces
voifines des Pyrénées. Le Portugal eut auffi fes ma-
rabotins.

Il n’eft pas poflîble de connoître quelle fut conf-
tamment la valeur des marabotins , foit en Efpagne,
foit en Portugal , foit en France, parce qu’elle éprou-
va bien des variations. Nous favons feulement qu’en
IZ13, 3160 marabotins de Portugal pefoient 5 (S

marcs

M A R

marcs d’or ; alnfi chaque marc contenoit 60 waraho-
tins y qui par conféqnent pefoient chacun 76 grains.

Les confuls de Montpellier promirent à Inno-
cent III. deux marcs d’or , comptant 100 marabonns ,
ou comme ils s’expriment, mafamutins, pour le marc.
Ce ne feroit dans ce calcul que 46 grains -y de grain
pour chaque marahotln. François-Nicolas d’Arragon ,
qui fut fait cardinal en i3′)6 , nous apprend qu’un
marabotïn d’or valoir un tlcrin , lequel en ce tems-là
étoit d’or fin , & peloit 66 grains. Il efl dit dans l’hif-
toirc de Bretagne du même fiecle , que le marabotïn
étoit un befan d’or , un.uni auri by:^antLU7n , quoi ma-
rabotïn nuncupatur.

Nors penfons que le marabotïn & l’ancien mara-
védis d’or , étolent deux monnoies différentes , car
en I z I 3 , le marabotïn pefoit , comme nous l’avons
dit , 76 grains ; & le maravcdis d’or , qui avoit en-
core cours en iiio , pe(bit 84 grains.

Le lecteur trouvera de plus grands détails , s’il en
eft curieux, dans /’oKvr^5’2 de M. leBlanc/wr/M/720/z-
noiis y pag. lyc) &fuïv. ( Z>. /. )

MARABOUS ou MARB0UTS,f.m.(i7//?. mod.)
c’eft le nom que les Mahométans , foit nègres , foit
maures d’Afiique , donnent à des prêtres pour qui
ils ont le plus grand refped:, & qui jouiffent des plus
grands privilèges. Dans leur habillement ils diffé-
rent très-peu des autres hommes; mais ils font aifés
à diftinguer du vulgaire par leur gravité affedée ,
& par un air hypocrite & réfervé qui en impofc aux
fimples, & fous lequel ils cachent l’avarice, l’or-
gueil & l’ambition les plus demefurés. Ces marabous
ont des villes & des provinces entières , dont les re-
venus leur appartiennent : ils n’y admettent que les
nègres deftinés à la culture de leurs terres & aux tra-
vaux domeftiques. Ils ne fe marient jamais hors de
leur tribu ; leurs enfans mâles font deftinés dès la
naiffance aux fondions du facerdoce ; on leur enfei-
gne les cérémonies légales contenues dans un livre
pour lequel après l’alcoran , ils marquent le plus
grand refpeû ; d’ailleurs leurs ufages lont pour les
laïcs un myflere impénétrable. Cependant on croit
qu’ils fe permettent la polygamie, ainfi que tous les
Mahométans. Aurefte ils (ont, dit-on , obfervateurs
exafts de l’alcoran ; ils s’abfticnnent avec foin du vin
& de toute liqueur forte; & par la bonne foi qu’ils
mettent dans le commerce qu’ils font les uns avec
les autres , ils cherchent à expier les friponneries &
les impoftures qu’ils exercent fur le peuple ; ils font
très-charitables pour leurs confrères, qu’ils punif-
ient eux-mêmes fuivant leurs lois eccléfiadiques ,
fans permettre aux juges civils d’exercer aucun
pouvoir fur eux. Lorfqu’un marabou paffe , le peuple
îé met à genoux autour de lui pour recevoir ia bé-
nédiction. Les nègres du Sénégal font dans la perfua-
fion que celui qui a infulté un de ces prêtres , ne peut
furvivre que trois jours à un crime fi abominable.
Ils ont des écoles dans lelquelles on explique l’alco-
ran , le rituel de l’ordre , (es règles. On fait von- aux
jeunes marabous comment les intérêts du corps des
prêtres font liés à la politique, quoiqu’ils faifent un
corps féparé dans l’état; mais ce qu’on leur inculque
avec le plus delbin, c’eft un attachement (ans bor-
nes pour le bien de la confraternité, une difcréiion
à toute épreuve , & une gravité impolante. Les mu-
rabous avec toute leur famille , voyagent de pro-
vince en province en enlèignant les peuples ; le rel-
ped que l’on a pour eux ctl (i grand, que jicndant
les guerres les plus (anglantes , ils n’ont rien à crain-
dre des deux parties. Quelques-uns vivent des au-
mônes & des hbéralités du peuple; d’autres lont le
commerce de la poudre d’or & des clclaves ; mais
le commerce le plus lucratif pour eux , eft celui de
vendre des gris-<^ris , qui (ont des bandes de pai)icrs
remplis de carattcrcs myftérieux , que le peuple re-
Tomc X,

M A R 65.

garde comme des préfervatifs contre tous les maux;
ils ont le fecret d’échanger ces papiers contre l’or
des nègres ; quelques-uns d’entr’eux amaffent des ri-
cheffes immenfes , qu’ils enfouiffent en terre. Des
voyageurs affurent que les wzarû^owj, craignant que
les Européens ne fafl’ent tort à leur commerce , font
le principal obftacle qui a empêché jufqu’ici ces der-
niers de pénétrer dans l’intérieur de l’Afrique & de
la Nigritie. Ces prêtres les ont effrayés par des périls
qui ne font peut-être qu’imaginaires ou exagérés. Il
y a aufîi des marabous dans les royaumes de Maroc ,
d’Alger , de Tunis , &€. On a pour eux le plus grand
refpecl: , au point de fe trouver très-honoré de leur
commerce avec les femmes.

MARABOUT , f. m. {Marine.) c’eft le nom qu’on
donne à une voile dont on fe fert fur une galère dans
le gros tems.

MARACAYBO, {Géogr.) ville riche de l’Amé-
rique méridionale , capitale de la province de Ve-
nezuela. Cette ville que les François d’Amérique
nomment Maracaye , peut avoir fix mille habitans ,
qui y font un grand commerce de cuir, de cacao,
qui eftle meil!eur d’Amérique, & d’excellent tabac,
que les Efpagnols eftiment fmgulierement. Les Fli-
buftiers françois l’ont pillée deux fois , favoir en
1666 8f 1678. Elle eft fituée prefqu’à l’entrée &fur
le bord occidental du lac, dont elle a pris le nom ,
ou à qui elle l’a donné. M. Damville , dans fa carte
de la province de Venezuela , place Maracaybo par
les 10 degrés de laditudc méridionale.

Maracaybo , tac de {Géogr.) ce lac qui commu-
nique avec le golfe de Venezuela , eft prefque de
figure ovale , & a environ trente lieues de longueur.
Il y a un fort qui en défend le pafTage , & dans le-
quel i’Efpagne entretient deux cens hommes de gar-
nifon.

MARAGNAN, la capitainerie de (Géogr.)
les Portugais écrivent Maranhan , & prononcent Ma-
ragnan , province de l’Amérique méridionale au Brc-
fil , &; l’une des treize portions ou gouvernemensde
ce pays-là , dans fa partie feptentrionale. Elle eft
bornée au couchant par la capitainerie de Para , à
l’orient par celle de Siara , au feptentrion par la mer,
au midi par la nation des Tapuyes. Elle renferme
une île importante qui mérite un article à part.

Maragnan, nie de {Gcogr.’) île de l’Amérique
méridionale au Bréfd , dans la capitainerie à laquelle
elle donne fon nom. Elle eft formée par trois rivières
confidérables , qu’on nomme le Maraca , le TopucurUy
& le Mony. Cette île eft peuplée, fertile, a 45 lieues
de circuit , & eft éloignée de la ligne vers le (ud ,
de 2. 30. long. 323.

Les François s’y établirent en 1 6 1 z , & y jettercnt
les fondemcns de la ville de Maragnan , que les Por-
tugais ont élevés quand ils s’en font rendus maîtres.
Cette ville eft petite , mais elle eft ibrtificc par wxi
château fur un rocher. Elle a un bon port, avec wn
évêché fuffragant de l’archevêque de San-Salvador
de la Baya.

11 y a encore dans cette île plufieurs villages , que
les gens du pays appellent Tave. Ces villages confif-
tent chacun en quatre cabanes jointes en quarré ;\ la
manière des cloîtres. Ces cabanes font compofcos
de troncs d’arbres & de branches liées enfemble , îs:
couvertes depuis le bas jufqu’au haut de feuilles de
palmiers.

Maragnan étant fi près de la ligne , les nuits y font
les mêmes dans tout le cours de l’année ; on n’y
éprouve ni froid ni féchereffe , & la terre y rapporte
le mais avec abondance. Les racines de manioc y
croiffont auffi fort groffcs & en peu de tems. On y
a des melons & autres fruits toute l’anncc.

Les naturels de cette contrée vont tout nuds. Ils
fe peignent le corps de différentes couleurs , & af-

•66

M A Pv.

fc£>cntle noir pour les cuifTes. Les femmes (e per-
cent les oreilles, 6c y pendent de petites boules de
bois. Les hommes Ce percent les narines, ou la lè-
vre J’en bas , 6i y furpcndent une pierre verte. L’arc
& les flèches font leuib feules ai mes.

MARAIS , f. m. ( Gcograph. ) lieu plus bas que les
lieux voifins , oii les eaux s’afTemblent & croujîinenr,
parce qu’elles n’ont point de lortie ; on ap[)elle auili
nij/ais certains lieux humides ôi bas , où l’eau vient
quvind on creufe’un pié ou deux dans la terre.
‘ Les Grecs ont deux mois pour exprimer un ma-
rais , favoir elos , qui répond aflTez à l’idée que nous
avons du mot nuimis , c’e(l-à-dire une terre « balfe
n;)yée d’eau ; & limné , que les Latins rendent éga-
lement p-AT p’ilus & par /fagnitm , un marais ou un
€!an^ , c’eft à-dire w\ terrein couvert d’eau. Mais
les Latins ont fort étendu le fens du mot palus, car
ils l’emploient à figniher un lac ; ainfi ils ont dit le
Falus Mcotide , pour déf gner un grand lac , qui mé-
rite bien le nom de nur , 6i qui ell à l’embouchure
du Don.

Les marais fe forment de plufieurs manières diffé-
rentes.

Il y a des terres voifines des rivières , le débor-
dem.ent arrivé , l’eau fe répand fur ces terres , y fait
un long féjour , & les affaifle. Pour lors ces terres
deviennent des marais 6c refient telles , à moins que
l’ardeur du loleil ne les deffeche, ou que l’art ne
faffe écouler ces eaux. On elf parvenu à cet art pour
.ne pas pvjrdre le terrein , en pratiquant des canaux
par où l’eau s’écoule, & en coupant des fofîés , dont
la terre fert à relever les prairies & à ramaffer les
^eauA■ auxquelles on ménage un cours , ibit par des
moulins ,-‘foit par qutlqu’autre artifice femblable.
On empêche de cette manière que de grands ter-
reins ne relient inondes. Les HoUandois ont deffé-
ché quantité de mirais par cette invention , 6c c’eft
ce qu’:i> noiv>n\Qnt (les polJ^rs.

li arrive encore que dans un terrein inculte & dé-
peuplé 5 les plan’es faiiv.iges naiffciu confuiément,
&’ forment nvcc le tcms , un bo:s , une forêt ; les
eaux vafreniblent dans im fond , & les arbres qui les
couvrent en empêchent l’évaporation. Voilà uh ma-
rais fait pour toujours. Il y a de tels marais à Suri-
nam , qui Oi’.t commencé avec le monde , & qui ont
des centaines de lieues d’étendue.

Les marais qui ne confiflent qu’en une terre tiès-
iiumide , fe corrig-ent par des fai^nées, & devien-
nent capables de culture , comme le prouvent un
grand nombre de lieux des Pays- bas &C des Pro-
vinces unies.

L’art même vient à bout de dvfTéchcr les terres
eue l’eau couvre entièrement. Il n’a tenu qu’au gou-
vernement de Hollande de con’entir que l’e pace
qu’occupe aujourd’hui la mer de Harlem , qui n’eft
proprement qu’un marais inondé , ne (e changeât
en un terrein couvert de mailons & de prairies.
Cela feroit exécuté depuis lôngtems, fi les avan-
tages qu’on en tiieroit avoient paru fans ri’que 6c
Supérieurs à ceux que cette mer procure au pays.

Il y a àc^ marais qu’il ne feroit ni aifé ni utile de
:defrécher; ce font ceux qui font arrofés d’unnom-
•bre plus ou moins grand de fontaines , dont les eaux
fe reiinifrant dans une iffue commune , fe frayent
ime route , & forment une rivière qui fe grofTiflart
de divers .ruiffeaux, faitlpuveat le bonheur de tout
Je paya qu’eue arrofe.

Oa-appelle à Paris improprement marais ^ des
. lîiJuX m.tiécageux, bonifies & rehaufîes par les
bottcs de la ville qu’on y a apportées , &: où à force
<le fumier^ on fait d’excellens jardinages.

On appelle. fur les côtes de France marais fatans ,
-deb lieux eniourés de digues, où dans le terns de la
jTiarécjj, on fait entrer i’eaude U mer qui s’y change
en i*i. (/?. y.)

A R

Marais , (^Jardinuge.^ eft une efpece de légu-
mier fitué dans un lieu bas , tel qu’on en voir aux
environs de Paris , de Londres , de Rome , de Ve-
nile , 6c des grandes villes.

Marais salans, vayci A/ rr/t/j Saline.

MARAKIAH , {Géogr.’) pays maritime d’Afrique,
entre la ville d’Alexandrie 6c la Lybie. Ce pays , au
jugement de d’Herbelot, pourroit être pris pour la
Pentapole, ou s’il eft compris dans lEgypte , pour
la Maréotide des anciens. ( Z?. 7.)

MARAMBA, {Hijl. mod. fupztjïition.’) fameufe
idole ou fétiche adorée par les habitans du royaume
de Loango en Af’iique, & auquel ils font tous con-
facrés des l’âge de douze ans. Lorfque le tems de
faire cette cérémonie eft venu, les candidats s’a-
dreftVnt aux devins ou prêtres appelles g^mg-is , qui
les enferment quelcpies tems dans un lieu obfcur ,
où, ils les font jeù:ier très rigoureufement ; au fortir
de-là il leur ell défendu de parler à peribnne pen-
dant quelque jour , fous quelque prétexte que ce
fbit ; à ce défaut , ils feroient ind gnes dêtre pré-
fentés au A\t\\ Maramba. Après ce noviciat le prêtre
leur fait fur les épaules deux incifions en forme de
croifTant , & le fang qui coule de la blefî’iire eft of-
fert au dieu. On leur enjoint enfuite de s’abftetiir de
certaines viandes, de faire quelques pénitences , 5c
de porter au col quelque relique de Maramha. On
porte toujours cette idole devant le mani-hamma ,
ou gouverneur de province, par-tout oii il va , Ô£
il offre à ce dieu les prémices de ce qu’on lert fi.;r fa
table. On le confulte pour connoître l’avenir , les
bons ou les mauvais luccès que l’on aura , & enfin
pour découvrir ceux qui ibnt auteurs des enchante-
mens ou maléfices , auxquels ces peuples ont beau-
coup de foi. Alors l’acculé embralfe l’idole , & lui
ait ‘.je viens faire Vcpreuvi devant toi ^ 6 Muranba!
les nègres font periuadés que li un homme eft cou-
pable , il tombera mort fiir le champ; ceux à qui il
n’arrive rien font tenus pour inr.ocens.

MARAN-ATHA , (Critique facrée.) termes fyria-
ques qui fignifi^nt lejèign.ur vient ou le j ignair ejl
venu; ainfi que l’interprètent S. Jérôme, épur. /j/,
& S. Ambroife , in. I. Cor.

C’é.’oitune menace ou une manière d’anathène
parmi les Tuifs. S. Paul dit anatheme, tov/^?/? aiha ., à
tous ceux qui n’aiment point Jcdis Chrift , /. Cor,
xvj. 22. La plupart des commentateurs , conune
S. Jérôme , S. Chryfoftome , Théodoret , Groîius ,
Drumius, ùc. enfeignent que maran-athu eft le plus
grand de tous les anathèmes chez les Juifs , 6c qu’il
eft équivalent à fcham atha ou fchem-atha , le nom
vient , c’eil à-dire le fàgneur vient : comme li l’on
difoit ; Soye^^ dévoué aux derniers malheurs & à toute la
rigueur des jugemens de Dieu ; que le feign.ur vienne
b’.entôt peur tirer v.ngianci de vos crimes. Mais Se dcn,
difynedr. lib. I. cap. viij. 6c Ligfoot dans fa dijj^crta^
lion !iir ce mot , fbutiennent qu’on ne trouve pas ma-
ran atha dans ce iens chez les rabbins. On peut ce-
pendant fort bien entendre ce terme d.ins S. P.iul
dans un fens ab b’u , que celui qui n’aime point notre
feigncur Jel’us-Chrift , foit anarhème, c’eft à-dire-/ô
Sei’^neur a paru , le Meffie ejl venu ; malheur à (lui-
conque ne le •. eçoit point : car le but de I’apô;re ell
de condamner l’incrédulité des Juifs. On peut voir
fur cette matière les differtations d’Elie Veihemaje-
rus de Paulino anathematifmo ad f. Cor. xvj. 22. & de
Je^in Reun-ius , dans le recueil des dijjert. intitulé,
Thefaurus the’ologco-pliilofophicus , part. II, p. SyS.
6 Si. ^ j^l- Cal met , Di’clionn. de la Bible , tome II,
pag. 61S ù t’iG.

Blngham doute quecette efpece d’excommunica-
tion , qui réiifJHdôif au jcham-atha des Jiiits , ait ja-
mais éié en ufà<j;e dans l’Eglif, » chrétienne qiuntà les
cîiets, qui éioicnt de condamner le coupable, Hn de

M A R

le ft-parer de la focicré des fidèles fans aucun cfpojr
de retour. Il ajoute que dans les anciennes fornudes
d’excommunication ufitces dans la primitive égii(e,
on ne trouve point le mot maran atha , ni aucun au-
tre qui en approche pour la forme ; car enfin , dit-il,
quelque criminels que fuffent ceux que l’Eglifc cx-
communioit ,& quelque gricves que fuffenî les pei-
nes qu’elle leur infligeoit , fes fentences n’étoient
point irrévocables fi les enfans féparés revenoient
à réfipifcence , & même elle prioit Dieu de leur
toucher le cœur. Et fur cela il fepropofe la qucftion
favoir fi l’Eglife prononçoit quelquefois l’excommu-
nication avec exécration ou dévouement à la mort
temporelle, Grotius croit qu’elle en a ufc quelque-
fois de la forte contre les perfécuteurs, & en parti-
culier contre Julien l’apoftat , que Didyme d’Ale-
xandrie , & plufieurs autres , foit cvêques , foit fi-
dèles, prièrent & jeûnèrent pour demander au ciel
la perte de ce prince , qui mcnaçoit le chriftianifme
d’une ruine totale ; mais cet exemple particuher &
quelques autres femblables , ne concluent rien pour
toute f Eglife ; & S. Chryfoftomedans fon hornillc
yG , foutient une doârine toute contraire , & fup-
pole que les cas où l’on voudroit févir de la forte
contre les hérétiques ou les perfécuteurs , non-feu-
lement font très rares , mais encore impoflîbles ,
parce que Dieu n’abandonnera jamais totalement
fon Eglife à leur féduQion ou à leurs fureurs. Bing-
ham ori^. ecclef. tom. VII. lib. XVI. cap. xj. %. iG
& ly.

MARANDER , v. n. (^Marine.) terme peu ufité
même parmi les matelots , pour dire gouverner.

Marander , terme de pêche , c’cft mettre les filets
à la mer , fe tenir defîus & les relever. Ainfi les pê-
cheurs dilcnt qu’ils vont marander leurs filets quand
ils vont faire la pêche.

MARANES,fm. ( llijl. mod. ) nom que l’on
donna aux Mores en Efpagne. Quelques-uns croient
que ce mot vient du fyriaque maran-atha , qui figni-
fie anatheme ^ exécration, Mariana, Scaliger & Du-
cangc en rapportent l’origine à l’ufurpation que
Marva fit de la dignité de calife fur les AbafTidcs ,
ce qui le rendit odieux lui & fes partifans à tous ceux
de la race de Mahammed , qui étoient auparavant en
pofTefiion de cette charge.

Les Efpagnols fe fervent encore aujourd’hui de ce
nom pour defigner ceux qui lont delcendus de ces
anciens maures , & qu’ils foupçonnent retenir dans
le cœur la religion de leurs ancêtres : c’cft en ce
pays-là un terme odieux & une injure auflî atroce
que l’honneur d’être defcendu des anciens chrétiens ei\
glorieux.

MARANON, ( Géogr.’) prononcez Maragnon;
c’cft l’ancien nom de la rivière des Amazones , le
plus grand fleuve du monde , & qui travcrfc tout le
continent de l’Amérique méridionale d’occident en
orient.

Le nom de Maranon a toujours été confervé à ce
fleuve , depuis plus de deux ficelés chez, les Efpa-
gnols , dans tout fon cours & dès fa fource ; il ell
vrai que les Portugais établis depuis 1616 au Para,
ne connoifîoicnt ce fleuve dans cet endroit-là que
fous le nom de rivière des u4ma^ones ^ & qu’ils n’ap-
pellent Maranon ou Maranhon dims leur idiome ,
qu’une province voifinc de celle de Para ; mais cela
n’empêche point que la rivière des Amazones (îk le
Maranon ne foicnt le même fleuve.

Il tire fa fource dans le haut Pérou du lac Lnuri-
cocha , vers les onze degrés de latitude ;iullr.ilc , le
porte au nord dans retendue de 6 degrés , enluite à
Tefl julqu’au cap de Nord , où il entic dans l’Océan
fous l’équaieur même , après avoir couiu depuis
Jaèn , oii il commence à être navigable, 30 degrés
en longueur, c’cll-à-dirc 7^0 lieues communes ,
• Tome X,

M A R

èl

évaluées par les détours à mille ou onze cent lieues;
Voye^^ la carte du cours de ce ft^uve , donnée par M. de
la Condamine dans leS mém. de Vacad. des Scienc. ann:

M ARANT , ( Géog. ) on écrit aulîi Marand S>c Ma-
ranre^ petite ville de Perfe dans l’Adirbetzan , dans
un terrein agréable & fertile. Les Arméniens , dit
Tavernier , croient par tradition que Noé a été en-
terré à Maranty & ils penfent qlie la montagne que
l’on voit de cet endroit dans un tems fcrain , eft celle
où l’arche s’arrêta après le déluge. Longitude Si. i5.
latit. 2,y- 30. fuivant les obfervations des Pcrfans.

MARANTE, f. f. maranta., {Botan.^ genre de plante
à fleur monopétale prefqu’en forme d’entonnoir ,
découpée en fix parties , dont il y en a trois grandes
& trois petites , placées alternativement. La partie
inférieure du calice devient dans la fuite un fruit
ovoïde qui n’a qu’une feule capfule &: qui renferme
une femence dure & ridée. Plumier , nova plant,
amer, gen, Voye^ PLANTE.

M ARASA , ( Géogr. ) ville d’Afrique en Nigritic ,
dans le royaume de Caffena ou de Ghana , entre une
rivière qui vient de Canum , ôc les frontières dit
royaume de Zeg-zeg , félon M. de Lifle. ( Z). /. )

MARASME , f. m. (^Médecine. ) fjid^aay.zç. L’étymo-
logie de ce nom vient du grec /^«pa/iw, je jlittis ^jt
dejfeche , & cette maladie ell en effet caraderifée par
un defléchement générai & un amaigrilTement ex-
trême de tout le corps ; c’eft le dernier période de
la maigreur , de l’atrophie & de la confomption.
Lorfque le marafme efl décidé , les os ne font dIus
recouverts que d’une peau rude& deflTéchée ; le vifa-
ge efl hideux , décharné , repréfcntant exaftement
Xdiface qu’on appelle hypocratiquc , que cet illuflre
auteur a parfaitement peint dans (qs coaques , cap. vj.
n’^ . 2. Les yeux , dit-il, font creux , enfoncés , le
tour des paupières efl; livide, les narines font l’«ches
& pointues ; les tempes abatues ; les oreilles froi-
des & refl’errées ; les lèvres font fans éclat, appli-
quées &c comme collées aux gencives , dont elles
laifl! »ent entrevoir la blancheur aff^reu(è; la peau efl
dure & raboteufe : ajoutez à cela une couknir pale
verdûtre ou tirant fur le noir ; mais le refle du corps
répond à l’état effroyable de cette partie. La tête
ainfi défigurée eft portée fur un col grêle , tortueux ,
allongé; le larynx avance en dehors , les clavicules
forment fur la poitrine un arc bien marqué , & laif-
fent à côté des creux profonds; Ls côies piroiffent
à nud , & fe comptent facilement : leurs mtervalles
font enfoncés ; leur articulation avec le fKrnum Se
les vertèbres, font très-apparens ; les apophyfes
épineufes des vertèbres font tiès-fiillantos: on ob-
f’crvc aux deux côtés une efpece de fillon confidé-
rablc ; les omoplates s’écartent , fcmblent !e déta-
cher du tronc & percer la peau ; les hypocondres
paroifl »ent vuides, attachés aux vericbrcs ; les os du
baffinfbnt preiqu’eniierement découverts ; les extré-
mités font diminuées; la graiflc Ck les mufcles même
qui environnent les os , fèmblent être fondus ; les
ongles font livides , crochus ,• & enfin toutes les
parties concourent à prélcntcr le fpcdlacle le plus
effrayant & le plus déf’agréable. On peut ajouter à
ce portrait celui qu’Ovide fait fort élégamment à fX
coutume de la faim qu’il perfbnnifie. Métamorphojisj

iiv.riii. ■■ – -‘

Hirtuscrat crinis , cava lurr.ina , pallorin o’rc y
Liihra incana fitu , fcabii rubiginc dénies ;
Dura cutis per quamfpcclari vij’ccra poffcnt i
Oj/aJ’ub incurvis extahant avida luir.his ;
J entris erat , pro ventre , locus ; pcndcre putarts
Pccîus, & à /pince tantummodo cru te tcneri.
.■iuxerat articulas macics , gtnuumquc tumebat
Orbis y & immcdico prodiban: tubtri ull.

6S

M A R

Ces fquelcttes vlvans font lan^uinans , fatigués ;
abattus au moindre mouvement ; leur rcfpirationeft
gênée; le pouls elt quelquefois vite, précipité, mais
toujours toible & petit ; l’appétit manque totale-
ment , le dégoût hirvient , les tbrccs font épuilées ,
ùc.

On peut compter deux efpeces de marafmt ; 1 un
propre aux vieillards , cenfé yro/V, efl une (uite affcz.
ordinaire de la vieillelîe. 11 elt connu fous le nom
àtfenium Phiiippi , médecin qui a le premier appelle
de ce nom l’état de maigreur & de dclîechement
qu’on oblérve chez les perlonnes décrépites. L’autre
ell appelle marafmc chaud ; il ell ordinairement ac-
compagné d’une tievre lente , hedique , avec des rc-
doublemens iur lel’oir, lueurs exceffives , cours de
ventre colliquatit, chaleur acre dans la paume de la
main , &c.

L’amaigriffementcflenticlà cette maladie indique
évidemment quela non-nutrition ^a.-Tf,o(piaL ^ en ell la
caul’c immédiate. Perlbnne n’ignore que pour repa-
rer les pertes que le corps t’ait journellement , il faut
prendre des alimens , les digérer ; que le chyle qui en
eft l’extrait palTe par les vailîeaux ladés , qu’il par-
vienne dans les vaiiTeaux fanguins ; que les parties
muqueuies , nutrifiées s’en (éparent , s’appliquent &
introfujciplintur , aux différentes parties du coips
qui leur font analogues. Amlî le moindre dérange-
ment dans quelqu’une de ces aftions , trouble , em-
pêche la nutrition ; & s’il ell conftant il conduit au
murajmi. Ainlî, premièrement , des abltinences trop
longues , des indigeltions continuelles , en font des
caufes fréquentes ; le vice des fucs digeftifs , & fur-
tout de la falive , mérite fouvent d’être acculé.
Ruifch a deux oblérvations remarquables à ce fuiet ;
l’une concernant un foldat à qui les conduits de Ste-
non qui portent la falive de la parotide à la bouche ,
avoient éré coupés ; il tomboit invinciblement dans
le marafmc. On ne put en arrêter les progrès & le
guérir, qu’en lubltituant des conduits lalivaires ar-
tificiels. L’autreoblervation regarde une jeune dame
qui aydnt elfayé toutesfortes de remèdes inutilement
pour guérir d’un maigreur alfreufe, vintleconUilter ;
il s’apperçut pendant qu’elle parloit, qu’elle crachoir
continuellement ; il loupçonna la caule de fa ma-
ladie, &i. ne lui conieilla autre chofe que de s’abftenir
de cracher , ce qu’elle fit avec fuccès. Le défaut de
la bile , du feu galfrique , &c. peut auffi produire le
même etfet ; Ôi en général dans les premières voies
toutes les cauies qui empêcheront la digeftion des
alimens , le patfage du chyle dans les vailfeaux def-
tinés à le porter au fang. Sous ce point de vue on
peut ranger l’obftruâion du pylore , la lienterie, le
flux chlméux ou la pafTion cœliaque, le flux chyleux,
l’obftruftion des vaifTeaux ladés , des glandes du
méfentere , les bleffures du canal thorachique , &c.
L’application & l’iniuslufception des parties mu-
queufes , nutritives , eft détournée dans les maladies
aiguës, inflammatoires, ce fuc nourricier forme alors
la matière des fcories ; dans les fièvres lentes , hec-
tiques fuppuratoires , toute la graiffe fefond , le tiffu
cellulaire eft changé en fon premier état de mucofîté,
& fournit la matière des fuppurations abondantes ;
tout le fuc muqucux fc diflipe par-là , ce qui fait que
\q marafmc accompagne & termine aulli fouvent la
phthifie : la même chofe arrive dans le diabète , les
cours de ventre colliquatifs, la lueur anglolfe, &c.
mais il n’y a point d’évacuation qui devenant immo-
dérée foit plus promptcment luivie du marafmc que
celle de la iémence : comme ce font les mêmes par-
ties qui conftituent cette liqueur prolifique , & qui
fervent à la nutrition, il n’clt pas étonnant que les
perlonnes qui fe livrent avec trop d’ardeur aux plai-
firs de l’amour , &C qui dépenlent beaucoup de fe-
mence , maig riffent d’abord , fe defl’echent , tombent

M A R

dansîe marafme Se dans cette efpece de confomptîofl,’
connue fous le nom de cates dorjalis. Enfin il peut fe
faire que fans aucun vice de la part des fluides , fans
que le fuc nourricier manque, le maraftm foit excité,
les vailîeaux Iculs péchans étant pour la plupart
trop rigides , deiféchés 6l oblitérés , ou fans force &
lans adion , & c’ell ce qui me iemble le cas du ma.’
rafmc fcniU.

Les obfervations anatomiques confirment 5c
éclairciflTent l’aftion des caufes que nous avons ex-
pofées : elles font voir que les vices du foie & des
glandes du méfentere ont la plus grande part dans la
produdion de cette maladie. Fontanus (^refponf. &
curât, lib. I. ) trouva dans un enfant le toie prodi-
gleufement gros & ulcéré , la rate naturelle , l’épi-
ploon manquant tout-à-fait , &c. Gafpard Bauhin
obferva dans une jeune fille le foie beaucoup aug-
menté , les glandes du méfentere skirrheufes , &c.
Le cadavre d’une femme que Fabrice Hildan ouvrir,
lui préfenta des tumeurs ftéatomateufes répandues
dans le méfentere, un skirrhe confidérable fous la
veine porte dans le pancréas , le foie dur & pâle,
&c. centur, i. ohferv, Sj. Timée rapporte avoir trouvé
le foieskirrheux , grolîi, marqueté de taches noires,
toutes les parties qui l’environnoient corrompues,
&c. lib. f^I. épijt. 8- Dan’, le cadavre d’une femme ,
Simon Schultzius raconte qu’il vit le péritoine , le
méfentere , l’épiploon , le pancréas prefqu’entiere-
ment détruits, le foie dur , ulcéré, augmenté en malfe
au point qu’il pefoit cinq à fix livres ; il n’y avoit
aucun vice remarquable dans l’eftomac & la ratte,
mifcdl. ctiriof. ann. i6’y^. p. 86. Dans d’autres le
foie a aufli paru skirrheux , mais rapetiflfé , le pan-
créas obftrué , les glandes du méfentere durcies,’
Kerkringius , obferv. anat. G6. Ayant fait ouvrir ua
malade mort dans le marafmc , j’ai obfervé tout le
méfentere obftrué, les glandes lymphatiques entiere-
rement skirrheufes. On a trouvé quelquefois dans le
méfentere des glandes comme des œufs, des noix.
Warthon dit avoir vu une tumeur qui occupoit
prcfque tout le méiéntere, qui avoit un pié de long
& fix pouces de large , adenograph. cap xj, & David
Lagneau raconte qu’il y en avoit une dans le ventre
d’une femme attachée au mulcle lombaire , de la
groffeur d’une tête de veau, dcfanguin. mi[fion.pag.
38S. Dans plufisurs cadavres on n’a apperçu d’au-
tre caufe évidente que des vers nichés dans quelque
inteftin , & fur-tout le tœnia ou ver lolitaire. Il eft
certain que ceux qui en font attaqués maigrifl^’ent
confidérablement, ont cependant très-bon appétit ôc
mangent beaucoup : fans cloute que ces vers fe nour-
riflent eux-mêmes du chyle dont ils privent le mala-
de. On trouva dans le cadavre d’une jeune fille de
Montpellier morte de marafme, le foie couvert de
verrues , les inteftins & le mélentere même remplis
de vers lombricaux aft^ez \on^s ., plul. fulmuih. centur.
I. obfcrv. S. 11 n’y a aucune de ces obieivations qui
ne confirme la (entence d’Hypocrate , lib. de loc. in
hom. oTi TTrXwlctTKXii, ro aùùfj.a. (flini : lorfque la rate eft
en bon état & floriflante, le corps détroit &i maigrir.

La defcription que nous avons donnée de cette
maladie en rend le diagnoftic évident ; quant au pro-
gnoftic , on peut alTurer que lorfque le marafme eft
bien décidé, il eft ordinairement incurable: la mai-
greur, l’atrophie peuvent fe guérir , mais ces mala-
dies font encore plus dangereules que l’obéfité ; car
il vaut mieux pécher en failant une diète trop peu
exade qu’en la failant trop lévere : les accidens qui
fuivent cette fuite font toujours beaucouj) pi us gra-
ves. Hypocr. aphor. S & G. lib. I. Cette maladie eft
plus fréquente & beaucoup plus mortelle chez
les enfans que chez les adultes , parce qu’ils ont be-
foin plus fréquemment de nourriture ; au lieu que
les perlonnes d’un certain âge iupportent beaucoup

A R

J)lus facilement l’abftjnence, id. ibïd. aphor. i^ ù 14′,
La maladie touche à fon terme & l’on peut juger la
mort prochaine , lorfque les fueurs nodurnes font
abondantes , que les cheveux tombent , & que le
cours de ventre furvient. Id. lib. V. aphor. 12. On
peut avoir quelqu’efpérance û la foibleffe diminue ,
fi la peau s’humede,s’afrouplit,6’c. Le marûfmcfenile
demanderoit pour fa guérKbn les fecrets de Medée,
qui étant chimériques ne laiffent aucun efpoir dans
cet état ; il n’y a que la mort qui puifTe terminer
cette maladie, après laquelle tout le monde foupire,
& qu’on trouve cependant bien incommode.

II eft rare qu’on puifTe donner des remèdes avec
fuccès dans le marafme parfait : lorfqu’il dc[)end de
quelqu’évacuation exceffive, les fecours les moins
inutiles font les mets fucculens , reftaurans, analep
tiques ; lorfqu’on foupçonne qu’il dépend de l’obf-
trudion des glandes mcfentériques, on peut effayer
quelque léger apéritif fîomachique : les favoneux
ont quelquefois réuffi chez les enfans dans les pre-
miers degrés de marafme , de même que la ihi barbe,
\zs martiaux pour ceux qui font fevrés, lesfridions
fur le bas-ventre. On a vu quelques bons effets des
bains, fur- tout lorfque le marafme étoit caufé par les
crinons. Je penfe que les eaux minérales fulphureufes,
telles que les eaux de Barrege , de S. Laurens, &c.
pourroient avoir quelques fuccès dans certains cas :
l’ufage de ces eaux eft fouvent fuivi d’une foupleffe
& d’une humcdationde la peau toiijours favorable
& d’un bon augure. Dans des maladies aufli à^ici-
pérées , on peut fans crainte effayer toutes fortes de
remèdes : quelquefois la guérifon eft opérée par les
plus fingulicrs , & ceux qui paroifTent les plus op-
pofés. Hippocratc raconte dans fes épidémies., liv. V .
que n’ayant pu venir à bout d’arrêter par aucun re-
mède les progrès du marafme dans un homme , il le
fît faigner aux deux bras juiqu’au blanc, comme on
dit; ce fecours en apparence déplacé fît lui feul en
peu de tems ce que les autres n’a voient pu faire.
Galien guérit auffi une malade par la même méthode;
il fit tirer en trois jours plus de trois livres de fang ,
ipidtm. liv. Fl.fecl. j. II arrive aufll quelquefois que
les malades défirent vivement certains mets , il faut
bien fe garder de les leur refufer : l’tftomac digère
bien ce qu’il appete avec avidité. II y a une foule
d’obfcrvations par lefquellcs il confte que les alimens
les plus mauvais en apparence ont opéré des guéri-
fons furprenantes.

Un homme , au rapport de Panarole , fut guéri du
marafme en mangeant des citrons en abondance , ob-
ferv. ^S. penucofl. 2. Une femme qui étoit dans le
même cas dut pareillement fa guérilbn à une grande
quantité d’huîtres qu’elle avala ,Tulpius nudic. obf.
lib. II. obfcrv. 8. De pareils faits aflez fréqucns , au
grand deshonneur de la Médecine , dcvroicnt faire
ouvrir les yeux aux médecins routiniers , & les
convaincre de l’inliiffifance de leur routine. Zacutus
Lufitanus recommando dans le marafme particulier
la pication , c’eft- à-dire de faire frapper la partie
atrophiée avec des férules enduites de poix , prax,
admir. lib. I. objerv. > j G.

MARATHÉSIUM , ( Géog. ) ville d’Afie , dans la
Lydie, aux confins de la Cane, félon Pline, /. F.
c. -vx/a.-. Scylax , dans ion Périple, la place entre
Ephèfe & Magnéfie. (/?./•)

MARATHON, {Géo<r. anc. & mod.) bourr; de
Grèce, dans l’Attiquc , fur la côte , à dix milles
d’Athènes , du côté de la néotie. Il tiroit fbn nom de
Marathon., petit – fils d’Ahcus, qui félon la fable,
avoit le fbicil pour pcrc. Etant arrivé dans la par-
tic maritime de l’Attiquc , il fonda la bourgade de
Marathon , & lui donna fbn nom. Ce Heu devint
enfuite plus coiuni par la vidoire deThéfce lur un
furieux taureau qui ravagcoit la tétrapole d’Atti-

M A R

69

quê. Théfée \t combattit dans !e territoire de Mara*
thon , le dompta , & le facrifia au temple de Del-
phes. Mais le nom de Marathon s’eft immortalifé par
la vidoire que les Athéniens , fous la conduite de
Miltiade, y remportèrent furies Perfes la troifieme
année de la fbixante-deuxiemc olympiade. On plaça
dans la galerie des peintures d’Athènes, un tableau
qui repréfentoit cette célèbre bataille. Miltiade s’y
vit feulement repréfenté dans l’attitude d’un chef,
qui exhorte le foldat à faire fon devoir ; mais tout
vainqueur qu’il étoit, il ne pur jamais obtenir que
fon nom fut écrit au bas du tableau ; on y f^rava
celui du peuple d’Athènes.

Marathon , fi fameux dans l’antiquité , a bien
changé de face; ce n’eft plus qu’un petit amas de
quinze ou vingt métairies , habitées par un centaine
d’Albanois. II eft éloigné de trois milles de la mer,
& de fept ou huit d’Ebréo caftro, ce qui répond aux
foixante- quatre iladesque Pdufanias metdediftance
entre Marathon 6c R.hamnus.

Le m.ême Paulanias parle auffi du lac de Marathon^
& dit qu’il étoit en grande partie rempli de vafe: les
Perfes mis en fuite s’y précipitèrent d’épouvante.

La plaine de Marathon , où le donna cette grande
bataille, s’appelle toujours campi Marathonis ; elle
a environ douze milles de tour, 6c confifte pour la
plus grande partie en des champs labourés, qui s’é-
tendent dequis les montagnes voifines jufqu’à la
mer.

Cette plaine eft coupée par la rivière de Mara.^
thon , & c’eft peut-être celle qu’on nommoit ancien-
nement Macoria, elle vient du mont Parnèthe, pafTe
de nos jours par le milieu du village de Marathon ,
& va fe dégorger dans l’Euripe.

Je ne dois pas oublier de remarquer que lesAtti »
eus H^rodèj écoient de Mar.uhon , & flenriflbient
fous Nerva, Trajan & Marc- Aurcle. Atticus père,
ayant trouvé dans (a maifon un riche tréfor, manda
à l’empereur Nerva, ce qu’il vouloit qu’il en xlty
l’empereur lui répondit : « Vous pouvez ufer de ce
w que vous avez trouvé ». Atticus lui récrivit , qu5
ce tréfbr étoit tres-confidérablc , & fort au – deffus
de la condition d’un particulier. Ncrva lui répliqua :
♦♦ Abul’ez fi vous voulez de votre tréfor inopiné ,
» mais il vous appartient». Le fils d’Aiticus en
jouit, & en employa une partie à décorer Athènes
de fiipcrbes édifices. Il embellit auffi le Gymnafe
d’Oîympie de fuperbcs ftatues de marbre du mont
Penthélique. En même tems il cultiva les lettres,
les étudia fous Phavoricn,&: devint fi éloquent,
qu’il mérita lui – mêm.c d’avoir Marc-Aurele peur
difciple. Il fut élu à la dignité de conful romain, 6c
mourut à 76 ans. Il avoit fiic plufieurs ouvr-^^cs
dont parle Philoftratc, 6i que le tems nous a ravis.
{D.J.)

MARATHOS , ( Géog. anc. ) ville de la Phenicie,
de laquelle Pomponius Mêla , liv. I. chap. xi/, dit,
urbs non obfctiru Mar.ithos ; c’eft préfcntement i>/jr-
gat. {D.J.)

M AR ATHUSE , ( Géo^. anc. ) en latin Maratuffa,
île d’Afie , lur la côte de l’Afie mineure, vers Ephè-
fe, félon Pline , liv. V. chap. xxxj. & près de Clazo-
mènes , fclon Thucydide ; fon nom vcnoit de la
quantité de tenouil dont elle abondoit. (Z>. ./. )

M A R A T I E N S , L FS ( Géog. anc. ) Maratiani ,
dans Pline, liv. f’I. ch. xvj. ancien peuple h l’c^rient
de la mer Caf pionne, vers la Sogdianc. Le P. H.ir-
douui lit Alaraciiini , & tire leur nom i\c M.trjca,
ville dans la Sogdianc, lur IX^xus , félon Ptolcniée;
mais comme Pline a nommé , deux lignes plus haut,
les habitans de Maraca , & qu’il les appelle .Maruc>ti,
il les dirtingue donc des Maratiani , qui nous rcftcnt
tou)inus inconnus. ( P. .J . )

.MARATTES, eu M AH AR AT AS , {Hiji. mod.)

70

M A R

c’eft le nom qu’on donne dans Tlndcftan à une na-
tion de brigands, lujcts de quelques rajahs ou fou-
verains indiens idolAires , qui delcendcnt du ta-
nicux rajah Sevagi, célèbre par les incurlions &.lcs
conquêtes qu’il iit vers la Hn du hccle pafle , qui ne
purent jamais être réprimées par les forces du grand-
jnogol. Les Hicceiîeurs de ce prince voleur, le font
bien trouvés de fuivre la même profcfrion que lui ,
& le métier de brigands eil le feul qui convienne
aux Marattcs leurs fujets. Ils habitent des montagnes
inacceffibics , fituées au midi de Surate , & qui s’é-
tendent jufqu’à la rivière de Gongola, au midi^de
Goa, efpace qui comprend environ 250 lieues ; c’eft
de cette retraite qu’ils fortent pour aller infefter tou-
tes les parties de l’indollan , où ils exercent quel-
quefois les cruautés les plus inouies. La foiblelîe
du gouvernement du grand- mogol a empêché juf-
qu’ici qu’on ne mît un frein aux entreprifes de ces
brigands , qui font idolâtres, & qui parlent un lan-
gage particulier.

M AR AVA , ( Géog.) petit royaume des Indes ,
entre les côtes de la Pêcherie &C de Coromandel ,
clt borné au nord par le royaume deTanjaour, au
fud – oueft par celui de Travaucor , & au couchant
par le Maduré dont il eft tributaire. (D. J.)

MARAUDE, f. m. (^rr/72/7/^) c’eft à la guerre le
pillage que les foldats qui fortent du camp fans or-
dre , vont faire dans les villages des environs.

La maraude eft entièrement préjudiciable dans les
armées, elle empêche les payfans des environs du
camp d’apporter leurs denrées, par la crainte d’être
pillés en y allant: elle fait aufti périr beaucoup de
braves foldats, qui font alTommés par les payfans.
Lorfque les maraudeurs font pris par le prévôt de
l’armée , il les fait pendre fur le champ.

On pourroit apporter quelque remède à la marau-
de, fi on chargeoit les colonels des défordres de
leurs foldats , & fi on puniffoit l’officier particulier
quand on trouveroit fon foldat hors du camp. En
établiffant cette police, on ne feroit pas long-tems
à s’appcrcevoir du changement qu’un tel ordre ap-
porteroit dans une armée. Mais de faire pendre fim-
plement un malheureux qui a été pris fur le tait ,
comme il eft d’ufage de le faire , c’eft un foible re-
mède. Le prévôt n’attrape ordinairement que les
fots, cela ne va pas à la fource du mal, & c’eft ne
rien faire d’important pour l’arrêter.

MARAUDEUR , f. m. ( An. milit. ) eft un foldat
qui va à la maraude , ou à la petite guerre. Voyei
Maraude.

MARAVEDI, f. m. {Hifl. woi.) petite monnoie
de cuivre qui a cours en Efpagne, & qui vaut quel-
que chofe de plus qu’un denier de Fiance. Ce mot
eft arabe , & eft dérivé de almoravides , l’une des di-
nafties des Mores , lefquels pafl’ant d’Afrique en Ef-
pagne , donnèrent à cette monnoie leur propre nom,
qui par corruption fe changea enfuite en mara-
yedi i il en eft fait mention dans les decrétales auffi-
bien que d’autres auteurs latins fous le nom de ma-
rabitini.

Les Efpagnols comptent toujours par maravedls ,
foit dans le commerce, foit dans les finances, &
quoique cette monnoie n’ait plus cours parmi eux.
Il faut 63 maravedis pour faire un réal d’argent , en-
forte que la piaftrc ou pièce de huit réaux contient
504 maravedis , ôi la piftole de quatre pièces de huit
en contient 2016. f^oye^ Monnoie.

Cette petitcfte du maravedi produit de grands
nombres dans les comptes & les calculs des Efpa-
gnols, de façon qu’un étranger ou un correfpondant
le croiroit du premier coup d’œil débiteur de plu-
fieurs millions pour une marchandile qui fe trouve
ii peine lui couler quelques louis.

Les lois d’Efpagne font mention de pluficurs cfpc-

M A R

ces de maravedis , les maravedis alphonfms , les marà’
vedis blancs, les maravedis de bonne monnoie, les
maravedis combrenos , les maravedis noirs , les vieux
•maravedis : quand on trouve maravedis tout court,
cela doit s’entendre de ceux dont nous avons parlé
plus haut; les autres font différens en valeur, en fi-
nance, en ancienneté, &c.

Mariana afTurc que cette monnoie eft plus an-
cienne que les Maures , qu’elle ctoit d’ufage du
tems des Goths; qu’elle valoit autrefois le tiers
d’un réal , & par conféquent douze fois plus qu’au-
jourd’hui. Sous Alphonfe X 1. le maravedi valoit
dix-feptfois plus qu’aujourd’hui; fous henri fécond,
dix fois ; fous henri III. cinq fois ; & fous Jean II.
deux fois & demie davantage.

M AR B E L L A , ( Gêog. ) petite ville maritime
d’Efpagne , à l’extrémité occidentale du royaume
de Grenade , avec un port fort commode : c’eft peut-
être la Salduba des anciens. {D. J. »)

MARBRE, f, m. {f^ifi. nat Min^ marmor , c’eft une
pierre opaque, compare, prenant un beau poli,
remplie pour l’ordinaire de veines & de taches de
différentes couleurs. Quoqu’afTez dure , cette pier-
re ne fait point feu Icrfqu’on la frappe avec de
l’acier ; l’aftion du feu la réduit en chaux , & elle
fe diflbut dans tous les acides , d’où l’on voit que
c’eft une pierre calcaire.

Les couleurs du marbre varient à l’infini. Il y en a
qui n’a qu’une feule couleur; il eft ou blanc, 011
noir, ou jaune, ou rouge, ou gris, &c. 11 y en a
d’autre qui eft rempli de veines &: de couleurs diffé-
rentes. Ces couleurs ne changent rien à la nature de
la pierre, elles viennent de différentes fubftances
minérales & métalliques comme celles des autres
pierres. Les marbres noirs paroifTent colorés par une
lubftance bitumineufe , dont on découvre l’odeuf
en les frottant.

L’on a donné différens noms aux marbres d’après
leurs différentes couleurs , d’après leurs accidens , &
d’après les différens endroits où on les trouve. Il feroit
trop long de rapporter ici tous ces noms, qui ont jette
beaucoup de confufion dans cette matière , on les
trouvera répandus dans les différens articles. Pour
marbre de Paras , voyei Paros , & ainfi des autres.
En général on obfervera que les marbres des anciens
nous font afTez peu connus , Pline ne nous en a fou-
vent tranfmis que le nom. Foye^fan. Maçonnerie.

Tous les marbres n’ont point la même dureté , &
ne prennent point un poli également brillant ; il y
en a qui fe travaillent aifément, d’autres s’égrainent
& fe caffent très-facilement.

Le marbre fe trouve par couches & par mafTes ,
qui font quelquefois très-épaifTes & très-confidéra-
bles ; celles qui font les plus proches de la furface
de la terre font communément les moins bonnes ,
étant remplies de fentes, de gerfures, & de ce que
les Marbriers appellent des terrajfes, ou des veines
d’une matière étrangère, qui l’interrompent & em-
pêchent qu’on ne le puiffe travailler avec fuccès.

Baglivi, dans fon traité de lapidum vegetatione ^
rapporte un grand nombre d’exemples , qui prou-
vent évidemment que le marbre fe reproduit de nou-
veau dans les carrières d’où il a été tiré ; il dit que
l’on voyoit de fon tems des chemins très-unis, dans
des endroits où cent ans auparavant il y avoit eu
des carrières très-profondes ; il ajoute qu’en ouvrant
des carrières ^c marbre on rencontre des haches,
des pics, des marteaux, & d’autres outils enfermés
dans du marbre, qui ont vraiffemblablement fervi
autrefois à exploiter ces mêmes carrières, qui fe
font remplies par la fuite des tems , & font dever
nues propres à être exploitées de nouveau.

Wallerius foupçonne que c’eft une craie ou. terre
calcaire ou marneufc qu: fert de bafe au marbre^

M A R

Se qu*il efl venu s’y joindre une portion plus ou
moins grande d’un (cl volatil, & une matière bitu-
mincu(c , qui jointe au fel marin, a foiîrni le gluten
ou le lien qui a donné de la durctc & de la confif-
tence à cette pierre; il conjecture que c’eft par cette
raifon que l’Italie , à caufe du voifinage de la mer,
efl nlus riche en marbre de la meilleure qualité que
les antres parties de l’Europe.

Quoi qu’il en foit de ce fentiment , il eft certain
que l’on trouve de très-beau marbre dans pluficurs
contrées qui (ont fort éloignées de la mer. Au refte,
ce fentiment eft plus probable que celui de Lin-
rœus qui croit que c’ell l’argille qui fert de bafe
au marbre , car cette idée eft démentie par les pro-
priétés calcaires que l’on remarque dans cette
pierre.

Les propriétés que l’on a attribuées au marbre,
fiiffilcnt pour faire lentir que c’eft mal-à-propos
que l’on a appelle marbre une infinité de pierres,
qui font ou de vraies cailloux ou des pierres argil-
leiifes qui en différent eiïcntiellement. La propriété
tic faire cffervefcence avec les acides, tels que le
vinaigre, l’eau-forte, &c. fuffit pour faire recon-
roître très-proniptement les marbres, & pour les
diftingucr des porphyres, des granits, & des jaf-
pcs, avec lelquels on les a fouvent confondus.

Il y a des marbres qui ne font compofés que d’un
amas confus de petits fragmens de différentes cou-
leurs, qui ont été comme collés ou cimentés les
uns aux autres par un nouveau fuc pierreux de
la même nature que ces morceaux. Ces marbres
ainfi formés de pièces de rapport, (e nomment bre-
chi. La brèche d’Alcp eft; un marbre compofé d’un
amas de fragmens plus ou moins petits, qui font
ou roupeâtres, ou gris, ou bruns, ou noirâtres, mais
ou le jaune domine. La brèche violette efl: un rnar-
brt compofé de fragmens blancs , violets , & quel-
quefois bruns. La brèche griie eft compofée de
morceaux gris, noirs, blancs, bruns, &c.

Les Marbriers donnent une infinité de noms diffé-
rcns aux marbras, fuivant leurs différentes couleurs.
C’eft ainfi qu il y a un marbre qu’ils appellent verd-
d’Egypte, un autre vcrd-dc mer, vcrdde catnp an, jaune
antique , &c.

Le marbre renferme fouvent des coquilles, des
inadrépor(?s , & différens corps marins que l’on y
dillinguc fort aifément. Les marbres de cette efpece
s’appellent en général marbres coquiltïers. Tel eft le
marbre appelle lumachelle , le marbre i^ Altorf qui
renferme des cornes d’ammon , (!i-c.

Le marbre qu’on appelle //^/^K^z/rL’, eft celui dont
on fiiit les ftatucs: on choilit communément pour
cela celui qui eft blanc & qui n’a point de veines
colorées; parce qu’étant d’une matière plus uni-
forme &: moins mélangée, il fe travaille plus aiié-
nicnt. On dit qu’il eft devenu extrêmement rare
parmi nous ; cependant il s’en trouve dans le pays
de Bareith , en Saxe , en Siléfie , ô-f.

Le marbre de Florence a cela de particulier, qu’il
eft compofé de fragmens recollés qui repréfentent
quelquefois aftbi exadcmcnt des ruines, des nia-
lures , des rochers , &c.

Quels que (« oient les accidcns qui fe trouvent
daus le marbre, ils ne changent rien à la nature; &
il a toujours les propriétés que nous lui avons aitri-
buées. Il eft certain que cette pierre donne une
chaux excellente : &! les anciens s’en (ervoicnt pour
cet ufage. On prétend avec beaucoup de vrai(i »em-
bl.uite.que le mortier fait avec cette chaux don-
noit i\ leurs édifices une (olidiic plus grande que
n’ont ceux des modernes, ((ui font de la chaux avec
des pierres beaucoup plus tendres & moins com-
pailcs que n’cft le marbre.

Le marbre fe trouve trcsabondaiUmerit dans pref-

A R

71

que toutes les parties du monde; on vante fur-tout
celui d’Italie : peut être que fi on fe fût donné au-
tant de peine pour en trouver ailleurs, on en eût
rencontré qui ne lui céderoit en rien. Tout lé
monde connoît le fameux marbre de Paros dont les
anciens ftatuaires faifoient des ftatues fi belles, dont
quelques-unes ont échappé aux injures des ans &
de la barbarie. La Grèce, l’Archipel, TEgypte , la
Sicile & l’Efpagne fourniftbient aux Romains les
marbres précieux qu’ils prodiguoient dans ces édi-
fices pompeux , dont les ruines même nous infpi-
rcnt encore du relpeft.

On trouve une très grande t^iantité de tnarbrei
de différentes couleurs 6l qualités en Allem.agne,
en Angleterre, en Suéde, &c. Dans la France, le
Languedoc Se la Flandre en fourniffent fur -tout
des carrières très- abondnntes; & Ton en rencon-
ireroit dans beaucoup d’autres provinces , fi l’on
fe donnoit la peine de les chercher. Les marbres
les plus communs en France font le marbre de rance,
le marbre d’ A ntin, ou ferancolin, la griotte de Flan-
dre, le marbre de Cerfontaine, la brèche de Flandre ,
le marbre de Givet, le marbre de Marquife près de
Boulogne, le marbre de Sainte Beaume, &c.

L’albâtre que beaucoup d’auteurs ont fauffement
pris pour une pierre gyp(éu(e , a toutes les proprié-
tés que l’on a attribuées aux marbres dans cet ar-
ticle. Il doit donc être regardé comme un marbre
plus épuré, qui a un peu de tranlparence , & qui
s’clt formé de la même manière que las ftaladites:
c’eft ce que prouvent fes veines ondulées qui an-
noncent que des couches fucceffives font venues
fe dépoter les unes fur les autres.

On eft aifément parvenu à donner diverfes cou-
leurs au marbre. Les couleurs tirées des végétaujf,
comme le fafran , le fuc de tourncfol , le bois de bre-
fil , la cochenille , le fang-de-dragon , &c. teignent le
marbre, Ôi le pénètrent affcz profondément, pourvu
qu’on joigne à ces matières colorantes un dilfolvant
convenable, tel que de re(prit-de-vin,ou de l’urine
mêlée de chaux vive 6l de loude,ou des huiles, &c.
mais on fera prendre au marbre des conteurs j^us
fortes, plus durables, & qui pcnéircront plus avant,
en ie lervant de diffolutions métalliques faites dans
les acides , tels que l’eau-forte , l’eîprit de lel , &c.

On peut faire du marbre artificiel. Pour cet effet, on
commence par faire un fond avec du plâtre gâché
dans de l’eau de colle; on couvrira ce fond de l’cpaif-
feur d’environ un demi-pouce avec la compolltion
(uivantc. On prendra de la pierre h plâtre feuilletée
& tranfparente comme du talc ; on la calcinera dans
le feu 6c on la réduira en une poudre très-fine;
on détrempera dans une eau de colle très- forte,
6i l’on y joindra (bit de l’ochre rouge, (bit de l’ochre
jaime, (bit de telle ainre couleur qu’on voudra : on
ne mêlera point exafflemcnt la couleur avec la com-
podtion , quand on voudra contrefaire un marbrt
veiné. Quand on aura appliqué cette compolltion
&: qu’elle fe fera part’aitcment léchco , on hii don-
nera le poli en la frottant d’abord avec <lu (« ablon,
& cniuite avec de la pierre-ponce ou du tnpoli Ô^
de l’eau , & on finira par la frotter cniuite avec
de l’huile. Voyei StL’C (— )

Marbre de Paros. {Clironolog;.’) Voilà le plus
beau monument de chronologie qin (bit au nuinJc»’
Il eft également conn\i (ous les titres de marbres dt
Paros, J^Aror^dcl 6- d’Oxford.

Cette chronique célèbre tire fon premier nom de
l’île de Paros où clic a été trouvée au commciKC-
ment du xvlj (leclc. Les marbres fur lelquels elle eft
gravée, palferent en Angleterre aux dépens du lord
Howard comte d’Arondcl, qui envoya dans le Le-
vant Thomas Péire,pour y’acqucrlr les plus rares
morceaux d’antiquitéi & celui-ci lut le princip«lt

7^

M A R

il mérite donc de porter le nom du felgneur à qui
l’Europe en a obligation. On l’uppcUe aiifTi marbres^
d’Oxtbrd, mannora 0x0/2/^/2/.^, parce qu’ils ont été
contiés à la garde de cette tameulc univcrfité.

On ne fait point le nom du citoyen de Paros qui
drc(ia ce monument de chronologie; mais perlbnno
n’i’Miore qu’il contient les plus célèbres époques

qui n’ont pas été altérées comme les manuicrits ,
nous apprennent la fondation des plus illullres villes
de Grèce, l’âge des grands hommes qui en ont été
l’ornement , & beaucoup d’autres particularités.^ Par
exemple, nous favons par ces wjr/’r£5, qu’Héfiode
a vécu 37 ans avant Homère, que Sapho n’a écrit
qu’environ 300 ans après ce poëte ; que les myfle-
res d’Eleufis s’établirent fous Eredée roi d’Athènes
& fils de Pandion ; que les Grecs prirent la ville de
Troie le vingt-quatrième jour du moisThargélion,
l’an 21 de Mencfthée roi d’Athènes, après une guerre
de dix années. Enfin ces précieux monumens fer-
vent en 75 époques, à reâifier plufieurs faits de
l’ancienne hifloire greque. Selden ne les fit impri-
mer qu’en partie en 1628; mais M. Prideaux les
publia complettement à Oxford en 1676 avec leur
explication : je croi qu’ils ont reparu pour la troi-
lieme fois dans notre fiecle. (Z). /. )

Marbre. ( Manufaci. de glaces.) On appelle ainfi
dans les manufaélures des glaces, fur-tout parmi les
ouvriers qui préparent les feuilles pour mettre les
glaces au teint, un bloc de marbre fur lequel on alonge
6l on applatit fous le marteau les tables d’étaim que
l’on veut réduire en feuilles. Foye^ Glaces &

ÉTAIM.

Marbre, terme de Cartier , c’efl une pierre
quarrée de rriarbre bien poli fur laquelle on pofe les
feuilles de cartes qu’on veut polir après y avoir
appliqué des couleurs : ce marbre a environ un pié
& demi en carré. Foyci les fig. PL du Cartier.

Marbre. (^Imprim.) Les Imprimeurs nomment
ainfi la pierre fur laquelle ils impofent & corrigent
les formes. C’efl une pierre de liais très-unie , d’une
épaifîeur raifonnable, montée fur un pié de bois,
dans le vulde duquel on pratique de petites ta-
blettes pour placer différentes chofes d’ufage dans
l’imprimerie. Un marbre pour l’ordinaire doit excé-
der en tous fens, la grandeur commune d’une for-
me : il y en a aufîi de grandeur à contenir plufieurs
formes à-la- fois.

Le marbre de prcffe d’imprimerie efl aufîi une pierre
de liais , très unie & faite pour être enchâfîée &
remplir le coffre de la prelfe. C’efl fur ce marbre
que font pofces les formes qui font fur la prefTe.
Sa grandeur & fon épaifîeur font proportionnées à
celles de la prefTe pour laquelle il a été fait. Foye^
la PI. d’Imprimerie.

MARBRÉ , terme de Papetier. On appelle papier
marbré, celui qui efl peint de plufieurs couleurs qui
imitent affez bien les veines du marbre. Il y a des
ouvriers qui favent fi bien placer les nuances de
leurs couleurs , qu’on prendrolt réellement ce pa-
pier pour du marbre. Foyei Papier. Ces ouvriers
s’appellent marbreurs. Foye^ à V article M ARBRE.

MARBP>.ER, (^Peinture.’) peindre en façon de
marbre.

Marbrer le cuir, (^Relieurs.) on fe fert pour
cela ordinairement de couperofc ou de noir de
teinture de foie ; on prend un pinceau de chien-
dent que l’on trempe dans le noir : & après l’avoir
bien fccoué , on prend une cheville & on frappe
le manche du pinceau defTus, d’un coup égal, afin
ue le noir que le pinceau a pris tombe également
ur les livres couverts de veau. Ces livres doivent

?,

M A R

ctre étendus du côté de la couverture fur deux
tringles de bols. On laifTe pendre le papier en-baS
entre deux règles qui foutlennent les cartons, en-
forte que le cuir reçoive toute la couleur qui tombe
du pinceau.

Marbrer fur tranche. On lie bien le volume, Sc
on le trempe du côté de la tranche dans le baquet
du marbreur. Foyei Papier marbré, la façon efl
la même.

* MARBREUR DE PAPIER , {Jrt méchanique. )
C’efl \\n ouvrier qui fait peindre le papier , ou plu-
tôt le tacher de différentes couleurs, tantôt fymmétri-
quement , tantôt irrégulièrement difpofées , quel-
quefois imitant le marbre, & produifant un effet
agréable à l’œil , lorfque l’ouvrier efl habile , qu’il
a un peu de goût , & qu’il emploie du beau papier
& de belles couleurs.

On emploie le papier marbré à im afTez grand
nombre d’ufages , mais on s’en fert principalement
pour couvrir les livres brochés , & pour être placé
entre la couverture , & la dernière & la première
page des livres reliés. Ce font les Relieurs qui en
cônfomment le plus.

Il y a des papiers marbrés à fleurs , à la pâte, du
grand, du petit, au grand peigne, au petit peigne,
ou d’Allemagne, l’agate , le placard , le montfaucon,
à fleurons, à tourniquets, &c. Toutes ces dénomi-
nations font relatives ou au deffein ou à la fabrica-
tion.

Ce petit art a pris naiffance en Allemagne. On a
appelle la Suéde, la Norvège , & les contrées fep-
tentnomles , officina gentium. On pourrolt appeller
l’Allemagne officina artium. Il n’efl pas fort ancien :
il y a toute apparence qu’on y aura été conduit par
hafard. De la couleur fera tombée fur de l’eau; un
papier fera tombé fur la couleur , & l’aura enlevée.
On aura remarqué que l’effet en étoit agréable , &
l’on aura cherché à répéter d’induflrie ce qui s’étoit
fortuitement exécuté ; ou peut-être les Relieurs au-
ront-ils tenté de marbrer le papier comme ils mar-
brent la couverture des livres , & ils feront arrivés
d’effais en efTais , à la pratique que nous allons ex-
pliquer.

Les Lebreton père & fils qui travallloient fur la
fin du dernier fiecle, & dans le courant de celui-ci,
ont fait en ce genre de petits chefs-d’œuvre: ils
avoient le fecret d’entremêler de fils déliés d’or &
d’argent, les ondes & les veines colorées du papier.
C’étoit vraiment quelque chofe de fmgulier que le
goût , la variété , & l’efpece de richeffe qu’ils avoient
introduits dans un travail affez frivole. Mais c’eft
la célérité , & non la perfedion qui enrichit dans
ces bagatelles. Ce que nous allons dire de la manière
de marbrer le papier , nous l’avons appris de la
veuve d’un de ces ouvriers, qui étoit dans l’extrême
mifere.

De Vattelier de marbreur de papier. Il faut qu’il
foit pourvu d’un baquet quarré de bois de chêne ,
profond d’un demi-plé ou environ , & excédant
d’un pouce en tous fens la grandeur de la feuille du
papier qu’on appelle le quarré. .

D’un autre baquet pareillement quarré , de bois
de chêne comme le premier , de la môme profon-
deur , mais excédant d’un pouce en tous fens la
grandeur de la feuille du papier qu’on appelle le
montfaucon.

D’un de ces grands pots à beurre où l’on garde
l’eau dans les petits ménages , ou à fon défaut d’une
baratte avec fa batte.

D’un tamis de crin un peu lâche , & de la capa-
cité d’un demi-fceau.

D’un pinceau grofîier de foie de porc , emmanché
d’un bâton.

De différens peignes.

D’un

M A R

D’un peigne pour le papier commun. Cet inftru-
iment e(l*un affemblage de tringles de bois, paral-
lèles les unes aux autres , de l’épaifTeur de deux
lignes & demie ou environ , d’un doigt de largeur ,
ai. de la longueur du baquet. On appelle ces trin-
gles branches. Il y en a quatre ; elles Ibnt garnies
chacune de onze dents : ces dents font des pointes de
fer d’environ deux pouces de hauteur , & de la mê-
me forme & force que le clou d’épingle. La première
dent d’une branche efl fixée exaftement à fon ex tré-
mité , & la dernière à fon autre extrémité; il y a
entre chaque branche la même dillance qu’entre cha-
que dent.

D’un peigne pour le montfaucon, le lyon , & le
grandmontfaucon : ce peigne n’a qu’une branche, &
cette branche n’a que neuf dents.

D’un peigne pour le perfillé fur le petit baquet ;
ce peigne n’a qu’une branche , mais cette branche a
l’é dents.

D’un peigne pour le perfillé fur le grand baquet;
ce peigne n’a qu’une branche à 24 dents.

D’un peigne pour le papier d’Allemagne ; ce pei-
gne n’a qu’une branche à cent quatre ou cinq poin-
tes ou aiguilles auffi menues que celles qui lérvent
au métier à bas. Ce papier fe fait fur le petu baquet.

D’une groffe pomte de fer à manche de bois ;
cette pointe ne diffère en rien de celles à tracer , Se
l’on en fait le même ufage dans la fabrication du pa-
pier marbré qu’on appelle placard.

De pots & de pinceaux pour les différentes cou-
leurs.

De cordes tendues dans une chambre ouverte à
l’air.

D’un étendoir tel que celui des Papetiers fabri-
quans ou des Imprimeurs.

D’un chafîis quarré ; c’efl un affemblage de quatre
lattes comprenant entr’elles un efpace plus grand
que la feuille qu’on veut marbrer , & divifé en 36
petits quarrcs par cinq ficelles attachées fur un des
côtés du chaffis , & traverfées perpendiculairement
par cinq autres ficelles fixées fur un des autres côtés.
Il faut avoir un nombre de ces chaffis.

D’une pierre & de fa mollette pour broyer les
couleurs ; on fait que les pierres employées à cet
ufage doivent être bien dures & bien polies.

D’une amalfcttcou ramaffoirepour raffembler la
couleur étendue fur la pierre ; c’efl un morceau de
cuir fort , d’environ quatre à cinq pouces de long
fur trois de large , dont un des côtés eft à tranchant
ou en bifcau ; il faut auffi un couteau.

D’une ramaflbire pour nettoyer les eaux ; c’eflune
tringle de bois fort mince , large de trois doigts ou
environ , de la longueur du baquet , & taillée auffi
en bifeau fur un de fés grands côtés.

D’établis pour pofcr les baquets , les pots , les
peignes & les autres outils ; d’une pierre à lifler le
papier , celle qui fert à broyer les couleurs , bien
lavée pour être employée à cet autre ufage.

D’un caillou qui ne fôit ni grais , ni pierre à fufil ;
pierre à fufil , il fcroit trop dur & ne mordroit pas
affcz ; grais , 11 feroit trop tendre & il cgraiigneroii ;
il faut le choifird’un grain fin , égal & ferré , le pré-
p;irer fur le grais avec du fable , lui former un côté
en taillant arrondi & mouffe ; monté fur un mor-
ceau de bois à deux manches ou poignées ; il fer-
vira A liffcr , à moins qu’on n’ait une liffoire telle
que celle des Papetiers fabriquans ou desCartiers,
que nous avons décrite à VarcuU Carte. F’oye^cec
article.

De la préparation des eaux. On prend dç la gomme
adragant en forte , on fait ce que c’efl qu’ê’re en
forte , on la met dans un pot où on la laifl’c tremper
trois jours ; fi elle eft d’une bonne qualité, une
demi-livre fiiffira pour une rame de papier çom-
Tomc X,

M A R

73

mun : l’eau où elle s’humedera fera de rivière &
froide : après avoir trempé trois jours , on la tranf-
vafera dans le pot-à-beurre ; on aura l’attention
pendant qu’elle trempoit de la remuer au-moins une
fois par jour ; quand elle fera dans le pot-à-beurre,
on la battra un demi-quart d’heure , le pot-à-beurre
fera à moitié plein d’eau , on achèvera eni’uite de
le remplir ; on pofera un tamis fur un des baquets,
& l’on paffera l’eau ; on aide l’eau à paffer en la
remuant , & prefî’ant contre le tamis avec le gros
pinceau dont on a parlé. On rempht le baquet d’eau
gommée ; ce qui relie fur le tamis de gomme non-
diffoute , fe remet dans le pot à-beurre à trem[)er
julqu’au lendemain. Fig.i. a l’ouvrier qui paffe l’eau
gommée au tamis avec le pinceau ; ^, f, le tamis ;
dy le baquet ; e , le pot-à beurre où la gomme était
en diflolution à côté.

Lorfque les eaux font pafifées , on les remue avec
un bâton , & l’on examine fi elles font fortes ou foi-
bles. Cet examen fe fait par la vîtefle plus ou moins
grande que prend l’écume qui s’eft formée à leur
lurface , qtian ! on les a agitées en rond. Si , par la
plus grande vîteife qu’on puiffe leur imprimer de
cette manière , l’écume fait plus d’une cinquantaine
de tours pendant toute la durée du mouvement , les
eaux font foibles : fi elle en fait moins , elles font
fortes ; on les aifoiblit avec de l’eau pure , ou on
les fortifie avec de la gomme qui refte dans le pot-
à-beurre.

Mais cet effai des eaux eft peu fur. On n’en con^
noîtra bien la qualité qu’à l’ufage du peii;ne à faire
les frifons : fi les fnfons brouillés fe confondent &
ne fe tracent pas nets & diftinds , les eaux prenant
alors trop de vîteffe , ou ne confervant pas les cou-
leurs allez féparées, elles font trop foibles : s’ils ont
de la peine à fe former , ou fi les couleurs ne s’at ran-
gent pas facilement dans l’ordre qu’on le veut, mais
tenJent , déplacées par les dents , à fe reftituer dans
leur lieu , les eaux font trop fortes : elles auront
auffi le même défaut , lorfque les couleurs refule-
ront de s’etenJre , c’eft à-dne lorfque les placards
qu’on jettera deffus ne fe termineront pas exaéle-
ment aux bords , lorfqu’elles feront trop hériffees
de pointes qu’on appelle kudUs , lorfqu’eilei feront
foireufes;dans tous ces cas, on les tempérera avec
de l’eau pure.

Dt La préparation des couleurs. Pour avoir un bleu,
prenez de Tindigo , broyez le bien exadcment à l’eau
fur la pierre 6i à la molette ; enlevez la couleur,
mettez la dans un peut pot. Quant à ce qui en refte-
ra à la pierre & à la mollette , ayez de l’eau dans
votre bouche, foufîlez la fur la moilcite ôi lur la
pierre ; lavez-les ainfi , mettez cette lavure dans un
autre pot, & fortifiez li quand vous voudrez vous
en fervir : il ne faut pas négliger ces petites écono-
mies à toutes les choies qui lé répètent fouvent ;
elles font communément la différence de la perte
au gain.

Four avoir un rouge , prenez de la laque plate,
broyez-la fiirla picneavcc la mollette , non à l’eau,
mais avec une liqueur préparée de la manière fui-
vante.

Ayez du bois de Bréfil , faites-le bouillir dans de
l’eau avec une petite poignée de chaux-vive, que
vous jetterez dans l’eau (ur la fin , lorlque le bois
aura fuffifamment bouilli. Mettez un icau & demi
d’eau , fur deux livres de bois de Bréfil. Si le l)ois
de Bréfil eft pilé , vous le ferez boudlir cnvroa
deux heures ; plus long tems , s’il eft entier. \’ouj
réduirez le tout à un feau par rél)ullition. C’cll après
la rédudKon que vous ajouterez la poignée de chauv-
vive. Vous pallerei à-travers un linge, &: c’eft avec
la liqueur qui vous viendra que v*^us prcparet U
laque.

74

M A R

Vous commencerez par réduire \s. laque en pou-
dre à iec avec la mollette ; quand vous l’aurez bien
pulvcrilce , vous pratiquerez au milieu un creux ,
dans lequel vous verlerez peu-à-peu de la liqueur
prépartc , en continuant de broyer. Vous ne ren-
drez pas cette couleur trop fluide, li vous ne vou-
iez pas en rendre la trituration incommode. Vous
arrolcrez & broyerez jufqu’à ce qu’on la maniant
cnrre vos doigts vous n’y Tentiez aucune aCpéritc ,
alors vous prendrez gros comme une bonne noi-
Ictte de gomme adragant trempée , vous choiiirez
la plus blanche & la plus ferme qu’il y aura dans le
pot-à- beurre , où elle aura féjournée trois jours ;
vous en mettrez cette quantité , ou même un peu
plus , fur un quarteron de laque , avec trois cueil-
lerées de fiel de bœuf, que vous aurez laifTé repo-
fer pendant huit jours , & dont vous n’employercz
que la partie la plus fluide, féparant l’épais. Quand
le fiel de bœuf n’a pas repofé , il eft trop gras \ vous
broyerez le rouge , la gomme & le fîel de bœuf, juf-
qu’à ce que le tout Ibit fans grumeaux , éclairciffant
toujours avec la liqueur préparée. Cela fait , vous
relèverez le mélange avec la ramaflbire de cuivre ,
& vous le mettrez dans un pot , où vous ajouterez
fur un quarteron de couleur environ une chopine de
liqueur préparée.

Pour avoir un jaune , ayez de l’ochre , faites-la
tremper pendant quelques jours dans de l’eau de
rivière ; ayez une ipatii’e de bois , délayez l’ochre
trempée avec la fpatule ; tranfvafez de cette ochre
délayée dans un autre valfTeau ; fur une chopine de
cette eau d’ochre qui eft très-fluide , mettez trois
cueillerées de fîel de bœuf, & mêlez le tout avec uu
pinceau.

Pour avoir du blanc ^ il ne faut que de l’eau & du
fîel de bœuf ; mettez fur une pinte d’eau quatre
cueillerées de fîel de bœuf, battez bien le tout en-
femble ; ce fera proprement le fond du papier qui
fera le blanc.

Pour avoir un verd y ayez de l’indigo broyé avec
de l’ochre détrempée , faites-en comme une bouillie
claire. Pour faire cette bouillie , mettez fur une
pinte d’eau deux cuillerées d’indigo détrempé avec
i’ochie & trois cueillerées de fîel de bœuf , mêlant
bien le tout.

Pour avoir un noir , prenez de l’indigo & du noir
de fumée , mettez pour un fol de noir de fumée
fur la grofTeur d’une noix d’indigo , ou pour plus
d’exaftitude , prenez un poilfon de noir de fumée ,
&c gros comme une noifette de gomme , & ajoutez
une cueilleréc de fiel de bœuf.

Pour avoir un viola , ayez le rouge préparé pour
le papier commun , ainfi que nous l’avons dit plus
haut , ajoutez quatre à cinq larmes de noir de fumée
broyé avec l’indigo.

Le rtuirbrcur de papier n’emploie guère que ces
couleurs ; mais on peut s’en procurer autant d’au-
tres qu’on voudra d’après celles que nous venons
d’indiquer. On voit (/^. 2.) a l’ouvrier qui broyé les
couleurs , b fon établi , c fa pierre , d la mollette ,
c fa ramalToire , /lés pots.

Fabrication du papier marbré. Pour marbrer le pa-
pier commun, lorfque les eaux feront nettoyées,
on jettera fur ces eaux avec le pinceau & d’une fe-
coulTe légère premièrement du bleu , tel que nous
l’avons préparé ; à cela près que , quand on fera fur
le point de l’employer , on aura du blanc d’Efpagne
qu’on aura mis tremper dans de l’eau pendant quel-
ques jours , qu’on prendra de ce blanc la valeur de
deux cueillerées , trois cueillerées de fiel de bœuf,
& une pinte d’eau , qu’on mêlera le tout , qu’on ajou-
tera au mélange la lavure d’indigo dont nous avons
parlé , & qu’on ajoutera une cueillerée de l’indigo
préparé , comme nous l’avons dit. C’cû de ce me-

A R

lange qu’on chargera le pinceau ; fa charge doit fuf-
firc pour faire fur la furfac’e du baquet un tapis, c’cft-
à-dire pour couvrir également 6c légèrement toute
la furfiice de l’eau ; on n’appercevra dans ce tapis
que des ramtigcs ou veines , on jettera fur ce tapis
fecondement du rouge. On verra ce rouge repouUer
le bleu , prendre fa place & former des taches épar-
fes. On jettera troificmement du jaune <jui le difpo-
feraaulfi à la manière, quatrièmement du blanc. S’il
arrive que ce blanc jette occupe- trop d’efpace , il
faudra ramaffer le tout deffus le baquet , ou bazar-
der une mauvaifc feuille , 6c corriger ce blanc en
l’éclaircifTant avec de l’eau. S’il n’en occupe pas
aiTez , on mettra de l’amer ou du fiel de bœuf. Au
refte , cette attention n’cft pas particulière au blanc ;
il faut l’étendre à toiues les autres couleurs qu’on
corrigera s’il efl nécelTaire , foit par l’eau , foit par
le fiel de bœuf, ou autrement , comme nous l’indi-
querons. Ses taches du blanc doivent être difperfées
fur toute la furface du baquet ou du tapis comme
des lentilles.

Le bleu fe corrige avec l’eau , le rouge avec la
liqueur dont nous avons donné la prépard,tion. S’il
a trop de goinme ou de confillcnce , il fe corrige
avec la laque broyée fans gomme. Si la gomme n’y
foifonnepas lufîiiamment, & qu’il n’ait pas de corps,
il faut ajouter de la gomme broyée avec de la laque
de pont ; le jaune le corrige avec du jaune & de
l’eau.

Il faut fur-tout veiller dans l’emploi de ces cou-
leurs qu’elles ne marchent pas trop , c’efl-à-dire
qu’elles ne fe prelTent pas trop : elles occupent plus
ou moins de place , félon qu’elles ont plus ou moins
de confillence , & félon les drogues dont elles font
compolées. f^oye^fig. J. a un ouvrier qui jette les
couleurs , b fon pinceau chargé , c le baquet , ^ le
trépié qui foutient le baquet.

Quand les couleurs font jettées , on prend le pei-
gne à quatre branches , on le tient par lés deux ex-
trémités , on l’applique au haut du baquet , de ma-
nière que l’extrémité defes pointes touche la furface
de l’eau , on le mené de m.aniere que chaque pointe
trace un frifon ; cela fait , on enlevé le peigne , 6c
on l’applique femblablcment au-defTous des frifons
faits. On en forme de nouveau par un mouvement
de peigne égal à celui qui a form.é les premiers ; on
l’enlevé pour la féconde fois , & on l’applique une
troificme; & en quatre fois ou reprifes , le peigne a
defcendu depuis le haut du tapis du baquet jufqu’au
bas. f^ojeiJig. 4. un ouvrier a occupé de cette ma-
nœuvre , b le peigne , c le baquet , d le trépié.

Cela fait , on prend une feuille de papier , on la
tient au milieu de fon extrémité fupérieure entre le
pouce & l’index de la main gauche , & au milieu
de fon extrémité inférieure entre le pouce & l’index
de la main droite , & on l’applique légèrement &
fuccefTivement fur la furface du baquet en com-
mençant par un bout qu’on appelle le bas. La furface
de la feuille prend & emporte toute la couleur qui
couvre les eaux ; les couleurs s’y attachent , difpo-
fées félon les figures irrégulieres que le mouvement
du peigne leur avoit données , & la furface des eaux
refîe nette. S’il en arrive autrement, c’cft un indice
qu’il y a quelque couleur qui pèche , & à laquelle il
faut remédier , comme nous l’avons dit ci deffus.
Foyeifig. 6. un ouvrier a qui marbre , b fa feuille
dont l’application eft commencée à la furface du
baquet.

La feuille chargée de couleurs s’étend fur un àes
chaffis que nous avons décrit. Ce chaffis fe met fur
un grand baquet de Montfaucon ; il y eft foutenu
par deux barres de bois pofécs en-travers fur ce ba-
quet , 6c qui le tienne incliné. Quand on a fait cin-
quaatç feuilles U qu’il y a cijiquanie chafTis l’ua

M A R

fur l*autre , c’ell alors qu’on les inclinô , aliri que
l’eau de gomme que les feuilles ont prife puiiXe s’en
écouler plus facilement.

On les tient inclinés comme on veut , ou par le
moyen d’une barre de bois pofce par en-bas, & qui
empêche leur extrémité intérieure de glifler , &
d’une corde qui tient leur extrémité fupérieure éle-
vée. La corde les embraffe par-deflbus, & va faiiîr
par en-haut la barre qui porte d’un bout au fond
du cuvier & qui appuie fur le bord oppofé du en-
vier , ou par le moyen de deux barres , dont l’une
eft haute & l’autre baffe.

On peut encore faire égoiitter les feuilles colo^
rées par le moyen de deux longs chafîîs affemblés
à angle ; l’angle aboutit à une rigole qui reçoit
Veau gommée qui s’écoule , & la conduit dans un
•yaifléau.

f^oyeifig. 6. les chafîîs égouttant fur le cuvier /r ;
îa corde b ; la barre qui foutient les chaffis , & à la-
quelle la corde fe rend c \ dXo. cuvier.

Voyc^ auf’i/:^. 7. les deux longs chafîîs avec leur
angle pofé dans la rigole ; a un des chafTis ; b l’autre ;
c, ^, la rigole ; e le vaifTeau qui reçoit l’eau gom-
mée \ d^ d, d, d,\Q bâti qui fupporte le tout, &
qui incline la rigole vers le pot à recevoir les égout-
lures d’eau gommée.

Il ne faut qu’un quart d’heure aux feuilles colo-
rées pour fe décharger du trop de gomme , ôi s’im-
biber des couleurs.

Le papier qui doit être marbré n’aura été qu’à
demi collé à la papeterie : le trop de colle empcche-
rolt les couleurs de prendre ; l’épaifîeur de la latte
qui s’élève au-defTus des réfeaux des cordes em-
pêche que les cordes d’un chaflîs ne touchent à la
feuille étendue fur le chalfis qui efl deflous.

Lorfque l’eau de gomme qu’on fe réfervera fera
toute égouttée, on enlèvera les feuilles de defTusles
chaffis , & on les étendra fur les cordes tendues dans
l’attclier ou dans un autre endroit. Voye^ jîg. 8.
a,a,a^a, des feuilles étendues ; b , l’étendoir i c , un
ouvrier qui étend.

Quand elles font feches , on les levé de defTus les
cordes , & on les cire , foit avec de la cire blanche ,
foit avec de la cire jaune , mais non grafî’c ; cette
opération fe fait légèrement fur une pierre ou fur
un marbre bien uni. f^oye^fig.C). un ouvrier qui
cire.

OnllfTe les feuilles cirées, f^oye^fig. 10. la lifToire
& fa mynœuvre ; a, fût de la machine ; b, pièce qui
prend le caillou , & qui s’emboîte dans le fût a ;
CjC, poignées qui fervent à mouvoir la boîte du
caillou ; d , caillou emboîté ; e, planche ou perche
qui fait rcffort ; /’, marbre fur lequel on po(c la
feuille ; g, bâti qui foutient le marbre ; // , ouvrier
qui liffe.

On peut fe difpenfer de cirer en faifant entrer
d’avance la cire dans le broyer des couleurs mê-
mes. Pour cet effet , on commence par faire bouillir
la cire avec une goutte d’eau ; puis on la laiflc re-
froidir ; k mcfure qu’elle le reî’roidit , on la re-
mue. Quand elle ell froide, on en met gros comme
une noifette fur un quarteron de laque, & trois fois
autant fur un quarteron d’indigo. Pour le jaune & le
blanc , on n’y en donne point.

Quand les feuilles font liffées, on les ployc , on
les met par mains de vingt-cinq feuilles la main ; on
ne rejette pas les feuilles déchirées ; on les racom-
mode avec de la colle. Voil;\ tout ce qui concerne
le papier commun. Voici la fabrication de celui
qu’on AppcWc phi c a rd; mais voyci «luparavant //•;. / o.
a un ouvrier à l’établi qui plie ; A , les feuilles ; c , le
plioir ; d , tas de feuilles étendues ; e , tas de feuilles
pliées.

Fabrication du placard. Vous broyctcz votre la-
Tome X,

que à l’ordinaire. Quatit à l’indigo , vous eti tri »
plerez la dole , c’eil-à-dire que vous mettrez trois
cueillerées d’indigo fur une pinte d’eau , & quatre
cucillerées du blanc d’Efpagne , puis vous mêlerez
bien le tout.

Vous employerez le verd , comme nous l’avons
prefcrit plus haut. Pour le jaune , vous prendrez dd
l’orpin jaune , vous le broyerei avec de l’ochre ,
vous mettrez fur quatre parties d’orpin feize parties
d’ochre , ou quatre parties d’ochre fur une d’orpin ,
vousbroyerez le tout avec gros comme une petitti
noifette de gomme adragant , & deux cueillerées de
fiel de bœuf, vous en formerez comme une bouillie
claire ; vous employerez le blanc comme nous
l’avons dit.

Vous commencerez par faire vos eaux plus fortes
que pour le papier commun ; vous jetterez le rougô
en tapis, enfuite le bleu en mouches ; vous ferez cinq
rangs de mouches , & fix mouches fur chaque rangi
Le pr’imicr rang occupera le milieu du baqUet , 6c
les deux autres rangs feront entre celui-ci & les
bords du baquet : troifîemement, le verd en mou-
ches & par rangs ; ces mouches de verd feront au
nombre de fix fur chaque rang , & chaque ranc de
Verd entre les rangs du bleu : quatrièmement , le
jaune auffi en mouches , & entre le verd & le bleu ;
chaque rang de jaune aura cinq ou fîx mouches : en
dernier lieu , on femera le blanc par- tout en petites
mouches comme des lentilles.

Cela fait , on prendra la pointe & l’on tracera des
palmes, des friions & autres figures.

f^oyeifig. II. awn ouvrier avec fa pointe />, fort
baquet c , qui fait cet ouvrage.

Travail du perJïlU. Le travail du perfillé ne difTere
de celui du placard qu’en ce qu’au lieu delà pointe
on prend le peigne à un feul rang de pointes ou
dents, qu’on l’applique en-haut, & qu’on le meut
fans le retirer de gauche ;\ droite , ni de droite à
gauche, toujours en dclcendant , comme fil’on écri-
voit du bouflrephedon, lentement & ferré, fans quoi
le peigne entraincroit la couleur de haut en bas.

Travail du petit peigne. Il faut encore ici des eaux
plus fortes. On couche les couleurs verticalement :
premièrement , le rouge en trois colonnes qu’on
trace en pafîant légèrement le pinceau à fleur d’eau
de bas en-haut : fecondement, le blanc qu’on prend
avec la pointe ; onfecoue la pointe , & l’on trace en-
fuite trois autres colonnes entre les trois colonnes de
rouge : troifîemement, le bleu dont on formera trois
colonnes entre le blanc &: le rouge avec le pinceaui
quatrièmement , le verd dont on formera au pinceau
trois colonnes entre le bleu Se le rouge : cinquième-
ment, le jaune qu’on jettera en plaques entre le verd
& le bleu feulement en deux colonnes. Il faut qu’il y
ait cinq plaques de jaune (ur chacune de les colonnes,
& l’on redoublera le jet fur chaque plaque pour les
fortifier ; puis on prendra la pointe , & l’on tracera
des zigzags de gauche à droite , enlbrte que toute
la hauteur du baquet foit divilee en fept parties éga-
les. Après quoi , l’on fe fervira du peigne A cent
quatre dents , on le placera à fleur d’ccUi au h.uit du
baquet , & on le delcendra parallèlement A lui-
même lans lui donner d’autre mouvement.

M l’on veut pratiquer ici îles petits triions , on les
cxccutera avec un ])etit peigne à cinq pointes, (Se à
cinq reprifes fur toute la h.mteur du baquet.

Les pinceaux dont on le fért pour coucher les cou-
leurs , font ierrés & formés en plume.

Quand on ne veut qu’imiter un marbre , on jette ,
i ». un jaune ; i*^. un rouge ; 3″. un bleu ; 4*’. un
noir ; 5″. un verd, & l’on couche la leuille.

De la marbrure de la tranche dei iivrcs. Quant aux
livres qui doivent être dorés , & qu’il faut aup.ira-
vant marbrer fur la tranche, on le Icrt dos couleurs

76

M A R

préparées pour le pxapier commun ; on obfervc feu-
lement d’en charger davantage le baquet: mais com-
me à melure qu’on enlevé la couleur avec la tran-
che que l’on trempe , les couleurs s’étendent , on
trempe (on doigt dans le blanc , Se l’on étend ce
blanc à h place de la couleur enlevée , & qui ref-
fcrre toutes les autres.

Les livres , au fortlr des mains du marbreur ^ font
mis à lécher pour pafl’er au doreur. Quand ils font
fecs , il leségratigne avec un grattoir, puis il couche
fon or , & trotte fon fer contre fon vifage , pour
qu’il puilfe enlever l’or, f^oyci ^article Relier.
yoyi^ -AwiTiji^. II. un ouvriers qui marbre la tranche
d’un livre/’ , ion baquet c, &c.

Du pap’ur marbre dit à la. patc. C’étoit fur le papier
ime eipece d’imitation des toiles peintes en deux ou
trois couleurs. Voici comme on y procédoit; car
depuis que les découpures , les indiennes , les pa-
piers en tapilTerie , les papiers de la Chine font de-
venus à la mode, les papiers marbrés à la pâte en
font pafTés

L’on faifoitune colle d’amydon , dont on encol-
loit d’abord les feuilles avec une brolTe à vcrgette.
Encollées , on les laifTolt fécher. On broyoit en-
fuite des couleurs avec la même colle. On les met-
toit dans autant de petits pots de fayance vernifl’és ;
on en prenoit avec un pinceau , & l’on deffinoit ce
qu’on vouloit. On avoit une aiguille à tête de verre,
dont on fe fervoit pour faire les blancs , ou tous les
petits contours. Cela fait , on plioit la feuille en
deux ; on la faifoit lécher ; on la ciroit , & on la
liffoit.

Ohfcrvations fur la manière de fabriquer le papier
marbré, i. Richelet & Trévoux fe font lourdement
trompés aux diXÙcXQS papier marbré ; l’un , en difant
que poar le faire , on fe fervoit d’une eau dans la-
quelle on avoit détrempé des couleurs avec de l’huile
& du fiel de bœuf, &c fur laquelle on appliquoit le
papier. Ce n’elt pas cela; on ne détrempe point les
couleurs dans l’eau. L’autre , que les couleurs doi-
vent être broyées avec l’huile ou le fiel de bœuf.
L’huile n’a jamais été employée dans la fabrication
du papier marbré , & ne peut y être employée. Cela
efl aulH ridicule que de dire qu’un peintre à l’huile
broyé fes couleurs à l’huile ou à l’eau.

2. Il y en qui prétendent qu’il faut ajouter à l’eau
de gomme adragant , l’alun , dans le broyement des
couleurs.

3. Il faut avoir des pinceaux de différentes grof-
feurs. Celui qu’on voit dans nos planches efl fait
comme une petite brofle. Il cft emmanché d’un jonc
applati. Il y en a au-deffous de celui-ci , de cinq ou
fix fortes , plus petits , mais faits de la même ma-
nière.

4. On emplit les baquets d’eau pure , alunée ou
gommée, julqu’à un pouce du bord. On fait encore
entrer ici l’alun , & l’on en donne le choix , ou de la
gomme.

5. Les baquets font placés ou fur des trepiés , ou
fur un étalili , à hauteur convenable. Les couleurs
font arrangées dans des pots. Pour les jetter , l’ou-
vrier tient le pinceau de la droite , & frappe de fon
manche fur la main gauche , ce qui détache la cou-
leur avec vîtcffe.

6. Lorfqu’on marbre un livre à demeure , c’efl-à-
dire que la tranche n’endoit pas être dorée , on ajoute
ïiux couleurs du papier commun , le noir & le verd.
On jette les couleurs en cet ordre, bleu , rouge,
roir , verd , jaune très-menu ; puis on trempe les
livres.

‘ 7. Il y a un ordre à obferver dans le jet des cou-
leurs.

8. On ne les jette pas toutes , il y en a qu’on
poucbe«

M A R

9. Il y a des ouvriers qui difent que pour faire
prendre également la couleur au papier , & la lui
faire prendre toute , il faut paffer légèrement dcfliis
la teuille étendue fur le baquet , une règle de bois
mince , qui rejettera en même tems ce qui s’eft élevé
des couleurs par-deffus fes bords. Si cela cft, il ferolt
convenable que les bords du baquet fuftent bien
égalifés , que le baquet fût plus rigoureufement de
niveau, ôi qu’;ifinque la règle appuyât également
par-tout , & ne fit qu’effleurer la furface de la feuille,
elle fût entaillée par les deux bouts , d’une certaine
quantité , telle que ces entailles portant furies bords
du baquet , le côté inférieur de la règle ne defcen-
dît dans le baquet qu’autant qu’il faudroit pour atten-
dre la feuille : alors onn’auroit qu’à la pouffer tiardi-
ment ; les bords du baquet & les entailles la dirige-
roient. fVy’tr:^^ dans nos /’/iiwc/zifi cette règle entaillée.
Mais l’habitude & l’adreffe de la main peuvent fup-
pléerà ces précautions difficiles d’ailleurs à prendre,
])arce que la profondeur des eaux va toujours en di-
minuant à melure qu’on travaille , de la quantité
dont chaque feuille s’en charge , &que la profondeur
des entailles léroit toujours la même. Ainfi quoique
je trouve cette manœuvre prefcrlte dans un des mé-
moires que j’ai fur le papier marbré , je ne crois pas
qu’elle Ibit d’ufagc.

10. On prefcrit de lever la feuille de deffus le ba-
quet, en la prenant par les angles.

1 1. Il y a trois fortes de liffoirs. Nous avons parlé
de deux. La troifieme eft un plateau de verre, avec
fon manche de verre , qu’on voit dans nos Planches,
Elle eft auffi à l’ufage des lingeres.

li. On voit que félon que les dents fur les pei-
gnes feront également ou inégalement écartées , oq
aura des ondes ou frifons égaux ou inégaux ; ; lis les
dents feront écartées , plus les frifons <cr ont grands ;
fi elles font inégalement écartées fur la longueur du
peigne , on aura fur le papier une li^ne de frifons
inégaux.

13. On conçoit qu’on veine le papier marbré d’au-
tant de couleurs différentes qu’on en peut préparer ,
&que les figures régulières ou irrégulicres correfion-
dant à la variété infinie des traits qu’on peur former
fur le tapis de couleur avec la pointe , & des moii-
vemens qu’on peut faire avec le peigne, elles n’ont
point de limite. Il y a autant d’efpeces de papiers
marbrés , qu’il y a de manières de combmer \ti
couleurs & de les brouiller.

14. Cet art eft: très-ingénieux , & fondé fur des
principes affez fubtils. Ceux qui le pratiquent font
dans la milere : leur travail n’eft pas payé en raifon
du goût & de l’adreffe qu’il demande.

15. Si fur un tapis à bandes de différentes cou-
leurs , on fait mouvoir deux peignes en-fens con-
traire , partant toutes deux du même lieu ; mais
l’un brouillant en montant, & l’autre brouillant de
la même manière en defcendant, il eft évident qu’on
aura des frifons , des pennaches & autres figures
adoffées , & tournées en fens contraire. En s’y pre-
nant autrement , on les auroit le regardant. Je ne
doute point que cet art ne foit lufceptible d’une per-
fedion qu’il n’a point encore eue , & qu’un ouvrier
habile ne parvînt à difpofcr de fon tapis de couleurs
d’une manière très-furprenante,

16. Un marbreur avoit trouvé le moyen d’imiter la
mofaique , les fleurs & même le payfage. Pour cet
effet il avoit gravé en bois des planches où le trait
étoit bien évuidé, large , épais , & les fonds avoient
un pouce ou environ de profondeur. On voit un de
ces morceaux dans nos Planches. Il formoit fur les
eaux du baquet un tapis de couleurs, & les laiffoit
dans leur ordre, ou les brouilloitfbit avec la pointe,
fbit avec le peigne ; puis il appliquoit fa planche à
la furface. Les traits faillans de la planche erapor-

M A R

toient avec eux les couleurs qu’ils atteignoient , &
laiflbient les mêmes parties vuides fur le baquet :
alors il prenoit une feuille qu’il étendoit fur le baquet
ainfi difpofé , & fa feuille fe coloroit par-tout , ex-
cepté aux endroits d’où la planche en bois avoit pré-
cédemment enlevé la couleur ; il parvenoit donc à
avoir fur fa feuille ledeffein de fa planche.

17. Du mélange des couleurs que nous avons in-
diquées , on en pourra tirer une infinité d’autres.

Ainfi l’on aura la couleur de café , fi l’on prend
un quarteron de rouge d’Angleterre, qu’on le broyé
avec gros comme une noilette de gomme 6i. deux
ceuillerées de fiel de bœut.

Un brun, fià un mélange de noir de fumée pré-
paré avec l’indigo , & de rouge d’Angleterre , on
ajoute de la gomme & du fiel de bœuf.

Un gris , fi l’on broyé enfemble du noir de fumée ,
du blanc d’Efpagne éc de l’indigo.

Un aurore , fi on mêle l’orpin avec l’ochre , ajou-
tant aufTi la gomme & le fiel de bœuf.

Un bleu turquin , en mettant dans la couleur
précédente plus d’indigo & inoins de blanc d’Ef-
pagne.

Un bleu célcfte , en mettant au contraire dans la
même couleur plus de blanc d’Efpagne & moins d’in-
digo.

Un verd, en mettant de l’orpin jaune avec de
l’ochre, broyant & délayant à l’ordinaire.

Un verd célefte , en ajoutant au verd précédent un
peu de blanc d’Efpagne.

Un verd foncé , par le moyen d’un noir de fumée
broyé avec de l’indigo & de l’ochre.

Au refte, entre ces couleurs , il y en a quelques-
unes dont la préparation varie, du moins quant aux
dofes relatives des drogues dont onlescompofe , fé-
lon l’efpece de papier qu’on veut marbrer. Mais
quelle qu’elle foit , & quelles que foientles couleurs
qu’on y veut employer , il ne faut pas les employer
iur le champ ; il faut qu’elles ayent repofé du loir au
lendemain.

1 8. Voyez lesoutilsdu marbreur dans nos Planches,
au bas des vignettes :a aa, lesbaquets ; ^ , le pot à
beurre ou la baratte ; c , le tamis ; d ddd^lcs pin-
ceaux ; e e e e <; , les peignes ; /, la pointe ; g g g g,
des pots à couleur ; k , l’étendoir ; ii i , les châifis ;
A, pierre ; ^, la molette; /tz, ramaffoire pour les cou-
leurs ; «, ramaflbire pour les eaux ; o , établi ; p ,
pierre ji broyer & à lifl’er ; q q q y liffoir ; r , plioir.

19. Au refte , il ne faut pas imaginer qu’on fera
bien du papier marbré tout en débutant ; qu’il ne
s’agit que d’avoir les inftrumcns , les couleurs, les
préparer , les étendre fur les baquets , & y appli-
quer des feuilles de papier ; il n’y aura que l’habitu-
de, l’expérience & l’adreflé qui apj)rendront à éviter
un grand nombre de petits inconvénicns de détail ,
& à atteindre A des petites manœuvres qui perfec-
tionnent. Plus il eft facile de fc palier des ouvrages ,
plus il faut y apporter des foins , & moins on en cil
récompenlé. C’eft-là ce qui a fait vraifemblable-
jnent ioml)er le papier marbré. On n’en fait prefque
plus de beau. C’eft un métier qui ne laide pas d’en-
traîner des dépcnfes, quifuppolede 1 uidullric , &
qui rend peu.

Si l’on veut pratiquer fur le papier marbré des fi-
lets d’or , ou autres agrémens de cette nature , il
faut avoir un patron découpé , le ployer Iur la feuil-
le marbrée , appliquer un mordant à tous les en-
droits qui paroilfent à- travers les découpures du i)a-
tron , y appliquer l’or , le laitier prendre , enlulte
ôter le patron , & frotter la tcuille avec du coton.
Le coton enlèvera le fuperflu de l’or que le mordant
n’avoit pas attaché , ik ce qui reftera lormera les fi-
lets & autres figures qu’on voudra donnera la feuille
aiarbi-éc.

M A R

il

MARBRIER , f. m.{Art. mûan.) ouvrier qui fait
des ouvrages communs en marbre , compris fous
le nom de Marbrerie^ &c. Par le nom de marbrerie ‘
l’on entend non – feulement l’ufage & la manière
d’employer les marbres de différente efpece & qua-
lité , mais encore l’art de les tailler , polir , & affem-
bler avec propreté 6c délicatefle , félon les ouvra-
ges où ils doivent être employés.

Le marbre du latin marmor , dérivé du grec y.u^y.aii’
fuv, reluire , à caufe du beau poli qu’il reçoit , eft une
efpece de pierre calcaire , dure , difficile à tailler ,
qui porte le nom des différentes provinces où font
les carrières d’où on le tire. C’eft de cette efpece do
pierre que Ton fait les plus beaux ornemens des
palais , temples, &; autres monumens d’importance
comme les colonnes , autels, tombeaux , vafes, fi-
gures , lambris , pavés , &c.

Les anciens qui en avoient en abondance en fai-
foient des bâtimens entiers, en revétift^oient non-
feulement l’intérieur de leurs maifons particulières
mais même quelquefois l’extérieur. Il en eft de plu-
fieurs couleurs ; les uns font blancs ou noirs ; d’au-
tres font variés ou mêlés de taches , veines , mou-
ches , ondes & nuages , différemment colorés ; les
uns 6l les autres lont opaques ; le blanc feu’l eft:
tranfparant lorfqu’il eft débité par tranche mince ;
auffi , au rapport de M. FéUbien , les anciens s’eiî
fervoient-ils au lieu de verre qu’ils ne connoiftbient
pas alors pour les croifées des bains, éiuves , & au-
tres lieux, qu’ils vouloient garantir du fioid. On
voy oit même à Florence, ajoute cet auteur, une
églife tres-bien éclairée, dont les croifées en étoient
garnies.

La marbrtrie fe divife en deux parties : l’une con-
fifte dans la connoiflTance des différentes efpeces de
marbre, 6c l’autre dans l’art de les travailler pour
en faire les plus beaux ornemens des édifices publics
& particuliers.

Nous avons traité la première à Varticle Maçon-
nerie , voyei cet ardclc. 11 ne nous refte ici qu’à par-
ler de la léconde.

Du marbre Jeton [es façons. On appelle marbre
brut y celui qui étant lorti de la carrière en bloc
d’échantillon ou par quartier , n’a pas encore été
travaillé.

Marbre dégrojji , celui qui eft débité dans le chan-
tier à la fcie , ou feulement équarri au marteau ,
félon la difpofition d’un vafe , d’une figure , d’un
profil , ou autre ouvrage de cette efpece.

Marbre ébauché , celui qui ayant déjà reçu quel-
ques membres d’architedure ou de fculpture, eft:
travaillé à la double pointe pour l’un, 6c approché
avec le cifeau pour l’autre.

Marbre piqué ^ celui qui eft travaillé avec la pointe
du marteau pour détacher les avant-corps des ar-
riere-corps dans l’extérieur des ouvrasses rulHcs.

Marbre matte , celui qui eft frotté avec de la prèle
ou de la peau de chien de mer , pour détacher àcs
membres d’architedurc ou de fculpture dcdeffus un
fond poli.

Marbre poli , celui qui ayant été frotte avec le
grès & le rabot, qui eft de la pierre de Gothlande ,
6c enlulte repalie avec la pierre de ponce , eft poli
à force de bras avec un tampon de linge & de U
potée d’émeril pour les marlxies de couleur , & de
la potée d’etain pour les marbres blancs ; celle d e-
merd les rougiffant, il eft mieux de fe fcrvir , alnli
qu’on le pratique en Italie , d’un morceau de plomb
au heu de linge, pour donner au marbre un plus beau
poli 6c de plus longue durée ; mais il en coûte beau-
cou [) plus de tems 6: de ])eine ; le marbre ialc , ter-
ne ou taché , le repolit de la même manière ; les ra-
dies d’huile j)articulierement fur le blanc, ne pci^t
vcm s’clldcer, parce qu’elles pénètrent.

78

M A R

A R

M.irhrefinl , celui qui ayant reçu toutes les Opéra-
tions de la main-d’œuvre eft prct à être polé en
place.

Marbre artificiel , celui qui cft fait d’une compo-
fitionde gyplc en ni;inieredc iluc , dans laquelle on
met divcrles couleurs pour imiter le maibre ; cotte
Com^ïofuion cft d’une conliftar.ce aile/, dure, &: re-
çoit le poli ; mais lujette à s’écailler. On tait encore
d’autres marbres artificiels avec des teintures cor-
lolivos (ur du marbre blanc, qui imitent les diffé-
rentes couleurs des autres marbres , en pénétrant de
plus de quatre lignes dans l’cpaillcur du marbre ; ce
qui t’ait que l’on peut peindre deffus des orncmens
ifei des figures de toute etpece ; enlorte que ti Ton
pouvoit débiter ce marbre par feuilles trcs- minces ,
on en î.uroit autant de tableaux de même fa(;on.
Cette invention cft de M. le comte de Kailus.

Marbre feuille , peinture qui imite la divei tiré des
couleurs , veines & accidens des marbres , à laquelle
on donne une apparence de poii fur le bois ou lur la
pierre, par le vernis que l’on pofe dcffus.

Des ouvrages de marbrerie. Les ouvrages de Mar-
brerie térvoient autrefois à revêtir non-leulement
l’intérieur des temples , palais, & autres grands édi-
fices , mais mêtne quelquefois l’extérieur. Quoi’.jue
cette matière foit devenue très-rare chez nous, on
■s’en tert encore dans l’mtérieur des égliies , dans les
‘velLbules, grandes lalies & talions des palais , & au-
tres maifons d’impoitance , fur-tout dans des lieux
liumidcs, comme grottes , fontaines, laiteries , ap-
partemens des bains , &c. Tous ces ouvrages (e
divifent en pluiieurs efpeces ; les uns conliltent
dans toutes lortes d’ornemens d’Architedure ; les
aiures dans des compartimens de pavés de mar-
bre de différente forte ; les premiers comme ayant
rapport aux décorations d’Âichitedure , nous les
paiîerons fous fiîence : les autres tbm de deux (ortes ;
la première appellée//OT/;/i,’ , elè celle qui n’étant com-
poiéc que de deux couleurs , ne forme aucune et-
pece de figure ; la féconde appellée figurée , ell celle
qui étant compoféc de marbres de plus de deux cou-
îeurs , forment par-là différentes figures.

Des compartimens de pavés Jîmples. La fig. i. Pi. I.
Teprélenre le plan d’un pavé compote de carreaux
quarrés blancs & noirs, ou de deux autres couleurs,
alternativement difpofés les uns contre les autres en
échiquier.

La fig. 2. repréfente le même defTein , mais dif-
pofé en lolange.

L:^fig.^. repréfente un femblable defTein de car-
reaux quarrés d’une même couleur , croifés & en-
trelacés pnr d’autres noirs , ou d’une autre couleur.
La fig. 4. ell un compartiment de carreaux en
pointes de diamans noirs & blancs, ou de deux au-
tres couleurs différentes.

La/^. 3. PL II. repréfente le plan d’un compar-
timent de carreaux en lofanges tranchés auifi de
deux couleurs.

La fig. C. repréfente un autre compartiment de
carreaux triangulaires, auiii de deux couleurs d.tfé-
Tentes , difpofés en échiquier.

La fig. y. efl un deffein de carreaux quarrés bor-
dés & enrrelacés chacun de bâtons rompus ou pla-
tes-bandes d’un marbre d’une autre couleur.

La fig. 8. eft un autre deifein de caneaux o£lo-
gones, avec de petits carreaux quarrés d’une autre
couleur , dilpolés en échiquier.

La fig. f>. ell le plan d’un compartiment de mar-
bre d’exagone , étoile aulfi de deux couleurs.

La fig. 10. efl un autre plan de compartiment d’é-
toiles confufes en maibre , qui quoique de trois cou-
leurs différentes , ne peut être admis dans la féconde
cfpece.

Des companimtns dt pavé figurés , la féconde forte

appellée compartimens figurés , font ce\\\ quî dans la
manière dont ils font dcfîinés , forment des figures
de toute etpece , telles font les tiiivantes.

L^fig. Il PI. III. efl le plan d’un pavé de marbre
de quatre couleurs différentes , reprétentant des dés
A , avec fonds B.

L,ifig. 12 ell le plan d’un autre pavé de rr arbre
de trois couleurs différentes, reprétentant aufll des
dés y^, mais fans fonds.

LayZj. 73 efl le plan d’un p.ivé de marbre de trois
couleurs, repiétentant des exagones étoiles avec
bordures A.

Lcifi’g. /4 eft le plan d’un pavé de marbre de trois
couleurs, compotes de ronds ^, enireiaflés en B.

Lu fig. 16 efl le plan d’un aiure pavé de maibre,
aufïi compofé de ttois couleurs différentes , compolé
de ronds A , avec bordure B.

L’a fig. iG ^{\ un autre plan de pavé de trois cou-
leurs , reprétentant des odtogones A , régulièrement
irrcguliers, avec bordures if, en peiitb quarrés C ,
difpofés en échiquier.

Les fig. ty 6- 18 PL If^. font des foyers de grandes
cheminées, dont le premier en marbre veiné efl dif-
tribué par bandes de panneaux A, &c demi-panneaux
B, en lof ange, d’un marbre plus foncé; le fécond
bordé d’une plate- bande A, de marbre blanc, efl
aufîi diftribué de différens panneaux B, 6c d’une
autre forme , ornés d’étoiles par leur extrémité.

Les fig. tc) & 20 font auffi deux foyers de chemi-
nées plus petits que les précédens ; le premier en
marbre veiné, bordé de plate- bande A y formant
des panneaux B , en pointe de diamant.

Les fig. 2/ , 22 , 2j 6* 24 font des plates-bandes,’
dont les delTeins font dilpolés de manière à répon-
dre aux compartimens des arcs-doubleaux des voû-
tes, fubdivifées chacune de panneaux quarrés, cir-
culaires ou ovales , avec cadres , entrelacés & non-
cntrelacés , en marbre afforti de différentes couleurs.
Lafig. 26 PL V. efl le plan d’un pavé de miarbre,
propre à placer dans un fallon quarré , &: dont le
plafond terminé en vouffure s’arrondiroit vers le
milieu, pour former des arcs-doubleaux. Ce pavé
efl fiibdivilé de cadres & de panneaux , & le milieu
arrondi repréfente, par tés difîérens panneaux , les
arcs-doubleaux de la voûte.

La 7%, 26 efl un plan de pavé defliné, comme le
précédent , à un fallon , mais dont le plafond s’éle-
veroit en forme de calotte,

Lafig. 27 efl le plan d’un autre compartiment de
pavé detliné aux Uiêmes ufages que le précédent,
mais d’un autre deffein.

Les fi’g. 28 , 25) &30y PL VI. font autant de
compaitmiens de pavé de marbre de différentes cou-
leurs , employés aux mêmes ufages que les précé-.
dens , mais pour des pièces circulaires.

La PL VU. reprélente le plan des différens com-
partimens du pavé en marbre de l’églité du collège
Mazarin, dit diS quatre Nations ; A A y &c. font les
portes d’entrée du veflibule, B l’intérieur du vefli-
bule, de milieu du dôme en ellipfé , D le maître
autel , £ E différentes chapelles , F un tombeau par-
ticulier , G le paffage pour aller à la facriflie, i/ ce-
lui pour fortir dans l’intérieur du collège.

La PL VIII. repréfente le plan du pavé de Téglife
de la Sorbonne avec les diiférens compartimens;
A cft la principale porte d’entrée, B la nef, C les
bas côtés de la nef avec des chapelles , D le milieu
du dôme dillribué de compartiment fort ingénieux
en marbre de différentes couleurs, veiné & non vei-
né , le refle de l’églife étant pavé par carreaux noirs
& blancs , difpofés en lofange ; E ell un périffile qui
donne entrée dans l’églife par une face latérale , F
efl la chapelle de la Vierge, G des paflages pour
aller à des chapelles particulières, ^le tombea,udu

M A R

M A R

cardinal de Richelieu, placé au milieu du chœuf , /
bas-côtés du chœur avec des chapelles, A petit pal-
fage pour iortir dehors , L difxérens corps de logis de
la mailon.

La PL IX. eft le plan du pavé du fauftiialre &
d’une partie du chœur de l’églile de Notre-Dame
de Paris ; AA^ &c. font diffcrens defl’eins d’orne-
mens en marbre de plufieurs couleurs , dont les ar-
mes & le chifFre du roi font partie, B eft un autel
appelle l’autel des fériés, CC font des degrés de
marbre pour y monter, D eil une grande niche cir-
culaire où eft placé un groupe de la fainte Vierge au
pic de la croix, E eltle maître autel, / »i^ font des
îocles qui portent des Anges en adoration , G font
des degrés de marbre pour monter au maître autel >
^cfl le tabernacle , // ibnt des piédeftaux portant
les figures de Louis XllI. & de Louis XIV. KK , &c.
font des lambris de marbre dont font revêtus les pi-
liers, les fept arcades, & les portes de l’enceinte du
chœur jufques au-deflbus des tribunes, LL, &c. font
des grilles de fer doré qui régnent autour du fanc-
luaire , MM font les deux baluflrades circulaires
qui icparent le fan£hiaire du chœur, N N font des
portes à panneaux de fer doré qui donnent entrée au
chœur, 0 0 font les chaires archlépifcopales , P P
portes de dégagement pour le facriilain , Q Q_ font
la reprcfentation des arcs-doubleaux qui devroient
fe trouver dans la voûte fi elle étoit à hi moderne,
R R degrés pour monter aux hautes Ilales , Tries
balles ftales.

La PI. X. repréfente les compartimens du pavé
de l’églile du Val-de-Grace , A en eft la porte d’en-
trée , 5 C en eft la nef, ornée de pilallres d’ordre
corinthien , dont les plate-bandes B font diftribuées
d’ornemens de marbre noir & blanc , qui répondent
aux compartimens des arcs doubleaux , & les in-
tervalles C font ornés de difFerens defteins aufti en
marbre noir& blanc. Aux deux côtés de la nef DD
&c. Si E £ &c. font des chapelles dont le pavé eft
aufti orné de compartimens , Fcû le milieu du dôme
cil eft placé le chiffre de l’abbaye , accompagné de
palmes furmontées d’une couronne. Ce chitiire eft
ceint de deux chapelets ornés de bordures , dont
l’intervalle eft diftribué de cœurs entrelacés en mar-
bre de rance au milieu de chacun defquels eft une
fleur-de-lys , le tout en marbre blanc poJé fur un
fond de marbre noir. Le r(^fte du compartiment cir-
culaire eft diftribué de bandes de maibre de rance
entrelacées , féparécs pai des carreaux de marbre
noir. Les trois ronds-points G font fubdivifés de
compartimens qui , femblables à ceux des plate-
bandes de la nef, répondent à ceux de la voiite qui
leur eft fupcricurc. Aux quatre angles H H 6’c. du
dôme font (jua’.rc chapelles carrelées en marbre noir
& blanc , /eft la chapelle du laint Sacrement , K
la chapelle de la reine , & L le chœur des dames
religieufes.

La PI, XI. repréfente le plan des compartimens
du pavé compris fous le dôme des Invalides , A eft
un pérlftile (|ui donne entrée par le portail du côté
de la campagne ; B eft le milieu du dôme, lubdivilé
de compartimens de marbre de diilérente couleur ,
fenié <fî & là du chiffre du roi & d’autres ornemens
aufli de marbre , C D E 6c F lont les quatre croi-
fécs dont l’une C eft le côté de l’entrée, D celui du
maître-autel de l’églile, A’ celui oii cilla chapelle
de fainte Therefc ; G H I 6c K font quatre autres
chapelles (|ul par les pallages L ont conimunication
dans les troilées du dôme , 6i par ceux M dans le
dôme. Dans la première G eft la chapelle de laint
Auguftln, dans la féconde //celle de laint Ambroile ,
dans la trollicnie / celle de iamt Grégoire, 6c dans
la quatrième A celle de laint Jérôme, A’ A’ 6’t. lont
des elcaliers pratiqués dans les épai fleurs dciuuii s
pour monter aux çoijiblcs,

79

Des outils di marbrerie. La figun première , Pi. Xlh
eft un fort établi de menuiferie , fur lequel on tra*
vaille la plupart des ouvrages en marbre. 11 eft com-
pote d’une Xàhlt A A fort épaifte , portée fur deux
pies doubles B B en forme de traiteaux d’affem-
blage.

Lufy. z eft un maillet, efpece de maffe de bois
A , portant un manche B qui fert à frapper fur dif-
férens outils pour travailler le marbre.

La/%. 3 eft un inftruinent appelle grojffe majfe ^
delliné aux mêmes ufages que le précédent ; c’eft
une maffe de fer A portant un manche de bois Bi

Lay?g. 4 eft le même inftrument , mais beaucoup
plus petit , aulïï l’appelle-t-on pour cela petite majje.

La/^. 6 eft une cuillère à deux manches appel-
lée JebiUe , faite pour contenir du grès 6c de l’eau
lorfque l’on fcie les blocs de marbre.

La 7%. ôcft une cuilliereplus petite avec unfeul
manche fort long, faite pour prendre du grais mêlé
avec de l’eau pour répandre dans les traits de la
fcie , 6c lui procurer par – là le moyen d’avancer
l’ouvrage & de ne point s’échauffer ni fe gâter.

La/^’. 7 eft une fcie à main fans dents , appellée
fciotte , compofée d’un fer ^ , & de fa monture de
bois B.

La /or. 8 eft une fcie à main, mais dentée ; A en
eft le fer, 6c B \t manche.

La /à’- 9 ‘^^ « ne autre fcie à main fans dents ; A en
eft le fer, & ^ le manche.

La/o’. lo eft une petite fcie fans dents avec une
monture compolée de deux montans A , une tra-‘
verfe B , une corde C èi. un gareau Z>, par le moyen
duquel on bande le fer E de la fcie autant qu’on le
juge à-propos.

Làjig, 1 1 eft une autre fcie de mîme façon que la
précédente, mais beaucoup plus foi te , poitant deux
gareaux V D,

La/^. 72, PI. XIII, eft un inftrument appelle
manelme^ efpece de marteau acéré par chaque bout ,
dont l’un A eft femé de petites pointes fort aiguës ,
& l’autre B eft pointu , dont C eft le manche ; il eft
deftiné à marteler les ouvrages que l’on veut égrai-
ner.

hzfig. ij eft une efpece de poinçon appelle cife.iu
en marteline , acéré par le bout A , femé comme au
précédent de petites pointes , & deftiné aux mêmes
ulages.

h^jig. 14 eft une autre efpece de poinçon appelle
boudiarde, avec pointes acérées en d , éc employé
auffi aux mêmes ufages.

La fig. 16 eft \\n poinçon appelle dent-Je-chien , »
acéré en A.

La Jig. /(T eft un autre poinçon appelle gradine %
acere auftî en A.

L^Jig. ly eft un poinçon acéré en A , fait le plus
fouvent pour chalier des pointes.

La fig. iS eft une pointe quarrée &: acérée en ^,
faite pour tailler le marbre par petites parties.

La Jlg. ic) eft une autre pointe appellée houguetie^
méplatte 6.: acérée en A.

La fig. 20 eft un inftrument appelle outil crochu^
fait pour touiller 6c unir ùcs cavités.

La fig. il eft un autre inftrument appelle rondtlle,
dclline aux mêmes ulages que le précédent.

La fig. 22 eft un inllrumcut apiîcllé aulfi rondelle^
mais improprement; c’ell plutôt une efpece de ripe
acérée & dentée en A , faite pour fouiller dans des
cannelures,

La fig. 13 eft un inllrumcut appelle ripe , acéré en
A , employé aux mêmes ufages que le précèdent.
La //;;. 14 ell encore une ripe aeeree en A , appel-
lée grMtoir , deftmée aux mêmes ulages que les pré-
cédentes,

La fig. 2j cftvn inftrument appelle rijîard jcÇ^aq

«o

M A R

lie lime plate recourbée & accrue par chaque bout,
dcftinc à limer ÔJ umr les endroits où les autres ou-
tils ne peuvent pénétrer.

Lajig. 26″ cÙ. un autre riflard en queue de rat re-
courbé & acéré auin par chaque bout , employé aux
mcmcs ulai^es que le précédent.

La fJ’^. -‘V eil un riflard méplat en râpe , la taille
étant diifc; ente des autres.

Liijig. – ;’ ell un riflard en queue de rat , lenibla-
ble au précédent.

La 7%. i 9 ell une lime dite lime d’ Allemagne , em-
manchée dans un manche de bois A.

La/j. 30 cil une lime en queue de rat , emman-
chée aulli dans un manche de bois A.

La/o-, ji ell une lime appellée , à caufe de fa
taille , râpe , emmanchée dans un manche de bois J.
L^Ji^. j z eft une râpe en queue de rat , emman-
chée dans un manche de bois J.

La AV- 33 ^^^ «  » »^ ^^ »^^ *^ »^ dents , emmanchée
dans un manche de bois j4.

Laji’q. 34 cd une queue-de-rat fans dents, em-
manchée dans un manche de bois J.

Lafig. 33 efl un cifcau appelle burin , acéré en J.
La Jig. 36′ ett. un autre burin acéié aufTi en A.
Lsjig. 3y eftun inrtrument appellé/^rmo/r à dtnts^
acéré en A , emmanché dans un manche de bois B.
L-àfig. 38 eft un autre fermoir fans dents acéré en
A , emmanché aulïï dans un manche de bois B.

L^Jîg. 39 , PI. Xiy , elt un inrtrument appelle
vilbrequin , efpece de chaflis de fer A , portant par
un bout 5 une broche qui travcrfe un manche de
bois (Ttournant à pivot, & par l’autre D , une douille
quarrée où s’ajufte la tête aulïï quarrée d’un trépan,
dont l’autre botu -Facéré fert en égrugeant le marbre
à faire des trous.

La/^. 40 eft une mèche à tête quarrée par un
bout A ^ évuidée & acérée par l’autre 5, faite aufll
pour percer des trous , mais dans du marbre très-
rendre.

Lîifig. 41 eu. le fufl d’un trépan compofé d’une
tige A , portant par en-haut un trou au-travers du-
quel paffe une petite corde B B , dont les deux bouts
vont fc joindre aux deux extrémités d’une traverfe
ce , percée d’un trou dans fon milieu au-travers
duquel pafTe la tige A; cette traverfe fert à manœu-
vrer le trépan de cette manière , la corde B B étant
roulée autour de la tige ^ , & la traverfe CCpar
conféquent montée jufqu au milieu , on appuie def-
fus avec fecoufle pour la lâcher enfuite ; & la laif-
fant ainfi remonter , la corde B B qui é^oit roulée
d’un côte, fe déroule pour s’enrouler de l’autre au-
tour de la tige A , ce qui fait faire plufieurs tours
au trépan ; on donne enfuite à la traverfe CC une
nouvelle fccouire,qui réitère la manoeuvre toujours
de même façon jufqu’à ce que le trou foit percé ; &
pour faciliter le volant de cette machine , on arrête
à demeure à la tige A une mafle de plomb D de la
forme qu’on juge à propos ; cette même tige porte
par fon extrémité E une moufle ou douille méplate,
dans laquelle entre la tête d’un trépan /’acéré par
le bout perçant G.

Lajig. 42 eft un inftrument, appellé/r^Z/è , dont
l’extrémité fupérieure A s’ajufte dans la moufle £
du fuft du trépan ,Jîg. 4/ , & qui , par fon extrémité
intérieure B , formant différens angles aigus & acé-
rés , fert à élargir l’entrée des trous ; ou à en per-
cer d’autres dans des marbres très-durs.

La^fig. 43 eft une autre fraife différente de la pré-
cédente , en ce qu’elle cil quarrée par le bout A , &
qu’elle s’ajufte dans une boîte B , pour la mouvoir
par le moyen de l’archet Jig. 44 , ou de ceWù Jig. 4S.
La Jig. 44 eft un archet ou arçon différent du
précédent , en ce qu’il eft compofée d’une lame
il’épée A ou tige d’étoffe (on appelle étoffe une corn-

M A R

politîon de bon fer & de bon acier mêlés enfemble»
qui, lorfqu’elle eft trempée, fait les meilleurs ref-
lorts , c’elt de cela que l’on tait ordinairement les
lames d’épée élaftiques , emmanchée par un bout
dans un manche de bois B , portant par les deux
extrémités les deux bouts d’une corde à boyau ou
corde d’arçon C, qui fe fait avec des lanières de
cuirs arrondies ou tournées fur elles-mêmes.

La Jig. 46″ tû un inftrument appelle /’û/^/re ; c’eft
en effet une palette de bois A dont le milieu porte
une pièce de fer B^ percée de plufieurs trous qui ne
vont que jufqu’au quart de fon épaiffeur : c’eft avec
les quatre derniers inftrumens que l’on perce des
trous en cette manière ; on commence d’abord par
former avec la corde C de l’arçon Jig. 4.^ , un ou
deux trous autour de la boîte B de la fraife/5^. 43 ,
que l’on place par le bout C dans un des trous de
la pièce de fer B de la palette T^’g^. 46″ ^ que l’on ap-
puie alors fur l’eftomac , & dans cette fituation le
bout A de la fraife/^. 43 élargit ou perce les trous
en manoeuvrant l’arçon ,^g. 43, à-peu-près comme
l’archet d’un violon.

L’archet/^. 44 fert auflî comme celui fig. 46 ,
mais pour des fraifes beaucoup plus petites.

La fig. 4y eft un grand compas à charnière en A ,
fait pour prendre desdiftances égales par les pointes
BB.

La fig. 48 eft un petit compas à charnière en -<^,
fait auili pour prendre des diftances égales par les
pointes BB.

La fig. 4C) eft un grand compas , appelle compas
tfépaijjeur à charnière , en A ^ fait pour prendre des
épaifl’eurs , diamètres & autres chofes femblables ,
égales par les pointes recourbées B B.

La fig. 5o eft un compas d’épaiffeur plus petit à
charnière en A , employé aux mêmes ufages que le
précédent.

La fig. Si eft un inftrument, appelle niveau^ corn-
polé d’un chaffis de bois affemblé d’équerre en A ,
portant une traverfe 5, au milieu de laquelle eft un
plomb C, fulpendu à un petit cordeau Z>; c’eft avec
cet inftrument que l’on pofe de niveau toutes les
pierres , carreaux , pavés , & autres compartimens
horifontaux.

Il eft une quantité d’autres outils qui ne font
qu’un rafinenient de ceux que nous avons vus , plus
petits ou plus gros , plus courts ou plus longs à pro-
portion de la délicateffe des ouvrages où on les em-
ploie & du génie des ouvriers à les inventer. Cet ar-
ticle ejlde M. Lu COTTE.

MARBRIERE , f. f. ( Hiji. nat. ) carrière de mar-
bre, yoyci^ ranicle Marbre.

MARC, Evangile de S. ou selon S. {Théol.^
hiftoire de la vie , de la prédication , & des mira-
cles de Jéfus-Chrift, compofée par S. Marc , difci-
plc & interprète de S. Pierre , & l’un des quatre
évangéliftes. C’eft un des livres canoniques du nou-
veau Teftament, également reconnu pour tel par les
Catholiques & par les Proteftans.

On croit communément que S. Pierre étant allé
à Rome vers l’an de Jéfus-Chrift 44, S, Marc l’y
accompagna , & écrivit fon évangile à la prière des
fidèles qui lui demandèrent qu’il leur donnât par
écrit ce qu’il avoit appris de la bouche de S. Pierre.
On ajoute que ce chef des apôtres approuva l’en-
treprife de S. Marc, & donna fon évangile à lire
dans les églifes comme un ouvrage authentique.
Tertullien , liv. ly. contra Marcion. attribue cet
évangile à S. Pierre ; & l’auteur de la fynopfc attri-
buée à S. Athanafc veut que cet apôtre l’ait difté à
S. Marc. Eutyche , patriarche d’Alexandrie, avance
que S. Pierre l’écrivit ; & quelques-uns cités dans
S. Chryfoftome {homil. j. in Matth.^ croient que S.
Marc l’écrivit en Egypte : d’autres prétendent qu’il

ft9

M A R

ne récrivit qu’après la mort de S. Pierre. Toutes ces
diverfités d’opinions prouvent afiez qu’il n’y a rien
de bien certain lur le tems ni fur le lieu oii S. Marc
conij^ofa ion évangile.

On eft aufil fort partagé fur la langue dani^ la-
quelle il a été écrit, les uns foutenant qu’il a été
compofé en grec , & les autres en latin. Les anciens
& la plupart des modeines tiennent pour le grec,
qui pâlie encore à-prcfenî pour l’original de S. Marc;
mais quelques exemplaires grecs manufcriîs de cet
évangile portent qu’il fut écrit en latin ; le fyriaque
& l’arabe le portent de môme. Il étoit convenable
qu’étant à Rome & écrivant pour les R.omains, il
écrivît en leur langue. Baronius & Sciden fe font
déclarés pour ce lentiment qui au refte efr peu fuivi.
On montre à Venife quelques cahiers que l’on pré-
tend être l’original de la main de S. Marc. Si ce fait
ctoit certain, & que l’on pût lire le manufcrit , la
quclHon ferolt bientôt décidée ; mais on doute que
ce foit le véritable original de S. Marc ; & il etl tel-
lement gâté de vétufté, qu’à peine peut-on difcer-
ner une feide lettre. Entre les auteurs qui en ont
parlé, dom Bernard de Montfaucon qui l’a vu , dit
dans jon voyage d’ Italie , chap, iv, page 66. qu’il eft
écrit en latin ; & il avoue qu’il n’a jamais vit de fi
ancien manufcrit. Il eft écrit fur du papier d’Egypte
beaucoup plus mince & plus délicat que celui qu’on
voit en diifércns endroits. Le même auteur , dans f©n
antiquité txpliqiiU , liv. XIII. croit qu’on ne hafarde
jraere en difaut que ce manufcrit ell pour le plus
tard du quatrième fiecle. Il fut mis en i 564 dans un
caveau dont la voùre môme eft dans les marées plus
LauC que la iner voifine , de-là vient que l’eau dé-
goutte perpétuellement fur ceux que la curlofité y
amené. On pouvoir encore le lire quand il y fut
dépoié. Cependant un auteur qui l’avoir vu avant
le P. de Montfaucon, croyoit y avoir remarqué des
caradercs grecs.

Quelques anciens hérétiques, au rapport de S.
Irénce Qib. III. cap. ij.), ne recevoient que le feul
évangile de S. Marc. D’autres parmi les Catholi-
ques rejettoicnt , fî l’on en croit S. Jérôme & S.
Grégoire de Ny fTe, les douze derniers verfets de fon
évangile depu. s hverf. c).Jurgens autem manè, &c. juf-
qu’à la fin du livre , aj)paremment parce qun S. Marc
en cet endroit leur paroiftbit trop oppoié à S. Mat-
thieu , &C qu’il y rapportoit des circonftances qu’ils
croyoient oppolées aux autres évangéliftes. Les an-
ciens pères, les anciennes verfions orientales, &
prclque tous les anciens exemplaires , tant imprimés
que manufcrits grecs & latins , lifent ces douze der-
niers verlets , 6z les reconnoifient pour authenti-
ques , auftl-bien que le refte de l’évangile de S. Marc.

Enfin ei> confrontant S.Marc a\ec S. Matthieu, il
paroît que le premier a abrégé l’ouvrage du fécond ;
il emploie fouvent Jes mêmes termes, rapporte les
mêmes circonftances, ÔC ajofue quelquefois des par-
ticularités qui donnent un grand jour au texte de S.
Matthieu, il rapi)oi te cependant deux ou trois mira-
cles qui ne le trouvent point dans celui-ci , & ne
le conforme pas toujours à l’ordre de la narration,
furtout depuis le c/iap. iv. verf. 12 jufqu’au c/iap. xiv.
Virf. /j. de S. Matthieu , s’attachant plus dans cet
intervalle ïi celle de S. Luc. Calmet , dicUonn. de la
bibl. tom. II. pp. 616 & 61 y. (6)

Marc , (A////. cccUf.’) chanoines de S. Marc., con-
grégation de chanoines réguliers fondés ù Mantoue
par Albert S|)inola , prêtre qui vivoit vers la iiw du
douzième fiecle. Voyc^ Chanoink.

Sjjinola leur donna une règle qui fut fuccefTivc-
mcnt approuvée & corrigée par dltlerens papes.
Vers l’an 14^0 , ils ne fuivirent plus que la règle de
S. Auguftin.

Cette congrégation qui étoit coinpofce d’environ
Joint X,

M A R

8t

dix-hull on vingt maifons d’hommes & de quelques*
unes de filles dans la Lombardie & dans l’état de
Vcnifé , après avoir fleuri pendant près de quatre
cens ans, diminua peu-à-peu , & fe trouva réduite à
deux couvens où la régularité n’étoit pas même ob-
fervée. Celui- de S. Marc de Mantoue, qui étoit le
chef-d’ordre , fut donné l’an 1 584 , du conlcntement
du pape Grégoire Xlli. aux Camaîdules, par Guil-
laume Duc de Mantoue , & cette congrégation finit
alors. Voyi?^ Camaldule.

Oïdn de S. Marc eft l’oidre de la chevalerie de la
république de Venife , qui eft fous la protedtion de
S. Marc l’évangélifle ; les armes de cet ordre font
un lion ailé de gueule , avec celte devife, par. tihi
Marci evangcUfla. On le donne à ceux qui ont rendLi
de grands lervices à la république, comme dans les
ambafladcs, & ceux-là reçoivent ce titre du fénat
même. Ils ont le privilège de porter la ftole d’or aux
jours de cérémonie , 61 un galon d’or fur la Hole
noire qu’ils portent ordinairement. Ceux à oui on
le donne comme récompenfe de la valeur ou da mé-
rite littéraire, le reçoivent des mains du doge, &
portent pour marque de chevalerie une chaîne d’or,
d’oii pend le lion de S. Marc dans une croix d’or. Le
doge crée quand il lui plaît des chevaliers de cette
féconde cfpece , qu’on regarde comme fort infé-
rieurs à ceux de la première.

Marc, {Commerce.) poids dont on fe fert en
France & en philisurs états de l’EuroiJc , pour pe-
fer diverfes fortes de marchandifes, & particulière-
ment l’or & l’argent : c’cft principalement dans les
hôtels des monnoies & chez les marchands qui ne
vendent que des chofés précieufes ou de petit volu-
me , que le marc & fes divilions font en ul’ai’e.
Avant le règne de Phdippe premier , l’on ne fe 1er-
voit en France , fur-tout dans les monnoies , que de
la livre de poids conipofée de douze onces. Sous ce
prince, environ vers l’an 1080, on introduilit dans
le commerce & dans la monnoie le poids de marc ^
dont il y eut d’abord de diverfes fortes , comme le
marc d^e Troyes , le marc de Limoges , celui de Tours,
& celui de la Rochelle , tous quatre difîérens entre
eux de quelques deniers. Enfin ces mara furent réduits
au poids de marc , fur le pié qu’il eft aujourd’hui.

Le marc eft divilé en 8 once*, ou 64 gros lot
deniers, ou 160 efterlins, ou 300 mailles , ou 140
ftlins , ou 4608 grains.

Ses fubdivilîons font chaque once en 8 gros , 24
deniers , 20 efterlins , 40 mailles, 80 felins\ & 576
grains; le gros en 3 deniers , 2 efterlins & demi , ç
mailles , 10 félins, 72 grains; le denier en 24 grains,
i’efterlin en 28 grains, quatre cinquièmes de forain.
Le félin en 7 grains i cinquietne de grain ; enfin le
grain en demi , en quart , en huitième , 6’c. Toutes
ces diminutions font expliquées |)Ius amplement à
leur propre article. 11 y a à Paris dans le cabinet de
la cour des monnoies un poids de marc original gardé
fous trois des , dont l’une eft entre les mains du pre-
mier prélident de cette cour , l’autre en celle du con-
feiller commis à l’inllrudion & jugement des mon-
noies, & la troifiemc entre les mains du gretHer. C’cft
fur ce poids que celui du chàtelet t’ut étalonné en 1 494,
en conféqueuce d’un arrêt du parlement du 6 Mai de la
même année ; & c’eft encore (iir ce même poids que
les Changeurs & Orfèvres , les gardes des Apoticai-
res &: Epiciers , les Balanciers , les Fondeurs , enfia
tous les marchands & autres qui pèlent au poids de
marc font obligés de taire étalonner ceux dont ils fe
lervent. Tous les autres hôtels des monnoies de
France ont aulTi dans leurs greffes un rru^rc original
mais vérifié liir l’étalon du cabinet de la cour des
monnoies de Paris. Il fert à étalonner tous les poids
dans l’étendue de ces monnoies. A Lyon on dit
ccliarniUcr , & en Bourgogne eg.iniill(r j au lieu d’«M-

82

M A R

Ivnner. Voyei ETALON & ETALONNER. Louis XIV.
ayant Ibiihaitc que le poids de niiirc dont on le fcr-
voit dans les pays conquis tut égal à celui du refte
du royaume , envoya en 1686 le licur de Challebias,
député & commillaire pour cet établiflement. Les
anciens étalons qu’on nommoit poids dormans ^ lui
ayant été reprélentés, comme il paroîi par Ion pro-
cès-verbal , & ayant été trouvés dans quelques lieux
plus forts & dans d’autres plus t’oibles que ceux de
France , turent déformés & briles , & d’autres établis
on leur place , pour être gardés à la monnoie de
Lille , & y avoir recours à la manière oblérvée dans
les autres hôtels des monnoies du royaume. Ces
nouveaux étalons l’ont époinçonnés & marqués de
L couronnée de la couronne impériale de France,
& continuent d’y être appelles /’oi^i dormans , com-
me les anciens, qui a voient pour marque un Ibleil,
au-defius duquel étoit une fleur-de-lis. En Hollan-
de , particulièrement à Amfterdam , le poids de marc
le nomme poids de troy , il ell égal à celui de Paris.
^oyei Poids. Voye^ aujjî LiVRE. On appelle en
Angleterre un marc les deux tiers d’une livre fler-
ling. Sur ce pié les mille marc font fix cens Ibixante-
fix & dcttx tiers de livre llerling. Foye:^ Livre , oii
il ell parlé de la monnoie de compte. L’or & l’ar-
gent le vendent au marc , comme on l’a dit ci-deffus;
alors le marc d’or fe divile en vingt-quatre karats ,
le karat en huit deniers , le denier en vingt-quatre
grains , & le grain en vingt-quatre primes. Autrefois
on contracloit en France au marc d’or & d’argent ,
c’ell-à-dire qu’on ne comptoit point les efpeces dans
les grands payemens , pour les ventes & pour les
achats , mais qu’on les donnoit & recevoit au poids
du marc. Avant les fréquens changemens arrivés
dans les monaoies de France fous le règne de Louis
XIV. on faifoit quelque chofe de femblable dans les
caiffes confidérablcs , où les facs de mille livres en
écus blancs de trois livres pièce ne fe comptoient
pas , mais fe donnoient au poids.

Lorfque dans une faillite ou abandonnement de
biens l’on dit que des créanciers feront payés au
marc la livre , cela doit s’entendre qu’ils viennent
A contribution entre eux fur les effets mobiliers du
débiteur , chacun à proportion de ce qui lui peut
être du : c’elt ce qu’on appelle ordinairement contri-
bution au fol la livre,

Marc s’entend aulîl d’un poids de cuivre com-
pofé de plufieurs autres poids emboîtés les uns dans
les autres , qui tous enfemble ne font que le marc ,
c’eft-à-dire huit onces , mais qui féparés fervent à
pefer jufqu’aux plus petites diminutions du marc.
Ces parties du marc faites en forme de gobelets font
au nombre de huit , y compris la boite qui les enfer-
me tous , & qui le ferme avec une elpece de men-
tonnière à relTort attachée au couvercle avec une
charnière. Ces huit poids vont toujours en dimi-
nuant , à commencer par cette boîte qui toute feule
pelé quatre onces , c’eft-à-dire autant que les fept
autres ; le fécond eft de deux onces & pefe autant
que les fix autres ; ce qui doit s’entendre , fans qu’on
le répète, de toutes les diminutions fuivantes hors
les deux derniers ; le troilieme pefe une once, le
quatrième une demi-once ou quatre gros , enfin le
leptieme & le huitième qui font égaux , chacun un
demi-gros , c’eft-à-dire un denier & demi ou trente-
fix grains , à compter le gros à trois deniers & le de-
nier vingt-quatre grains, f^oyci les PL du Balancier.

Ces fortes de poids de marc par diminution fe ti-
rent tout fabriqués de Nuremberg ; mais les Balan-
ciers de Paris & des autres villes de France qui les
font venir pour les vendre , les redifient & ajuftent
en les faifant vérifier & étalonner fur le marc ori »i-
nal &; fcs diminutions , gardés , comme on l’a dit ,
dans les hôtels d«s monnoies. Djilionnairc de Corn-
mtrce. (G)

A R

M AR c , ( Balancier. ) On appelle un marc une boî-
te de cuivre eu forme de cône tror.qué : voici les
noms des pièces qui le compofent. 1″. La poche cft
dans quoi font renfermés tous les autres poids, dont
il eft compolé ; 2°. le deffus qui fert pour fermer les
poids dans la poche ; 3°. deux charnières , une de
devant , & l’autre de derrière qui fert à tenir le marc
terme. Les deux marottes ou les piliers, font deux
petites hgiucs ou piliers où l’anfe eft ajuftée; 4**.
i’anfc.

Dans la poche font les différens poids dont il eft
compolé , luppofons-en un de trente-deux marcs ^ la
poche avec fon tour garni , pefe feize marcs ; le plus
gros des poids de dedans , en pefe huit ; le fécond ,
pefe quatre marcs; le troifieme, deux marcs ; le qua-
trième , un marc ; le cinquième , pefe huit onces ;
le lixieme , quatre onces ; le feptieme , deux onces:
le huitième, une once ; le neuvième , quatre gros ;
le dixième , deux gros ; le onzième , un gros ; le dou-
zième & treizième , chacun un demi-gros , qui font
les derniers poids d’un marc.

Le Balancier vend aulîl les poids de fer , dont le
plus fort eft le poids de 5oliv. les autres au-defîbus,
font 25 liv. 12 liv. 6 Hv. 4 liv. 2 liv. i liv. demi-
livre ; un quarteron & demi-quartcron , qui eft le
plus petit de ces fortes de poids.

Marc , ( Econ.rufiiq. ) fc dit de ce qui refte du
raifin , quand il a été prelTuré ; il fe peut dire en-
core du verjus , du houblon , des pommes, des poi-
res , & des olives , quand ces fruits ont rendu la li-
queur qu’ils contenoient.

Ce marc n’eft point inutile , il entre dans la com-
pofition des terres pour les orangers , & eft encore
propre à améliorer les terres graffes ou humides ,
dont les parties peu volatiles fixent les principes
trop exaltés du marc,

Marc d’Apalaclu ,faint {Géog.’) baie , rivière &
fort de l’Amérique dans la Floride Efpagnole , lat,
30. 2i.

MARCASSIN, f. m. {Vénerie^ c’eft le nom que
l’on donne aux petits du fanglier.

Marcassin , ( Diète & Mat. med. ) Voye^^ San**
GLIER. ( Diète & Mat. med. )

MARCASSITE ,f. f. {Hijl. nat. Minéral. ») une maf’
cajjite eft une fubftance minérale brillante , d’un jau-
ne d’or , compofée de fer, de foufre , d’une terre rton
métallique , à laquelle fe joint accidentellement
quelquefois du cuivre. Cette fubftance donne des
étincelles frappée avec de l’acier, d’où l’on voit que
marcaffite & /’j’/’i^e font des noms fynonymes,comme
Henckel l’a fait voir dans idi pyritologie , ch. ij.

Quelquefois pourtant on donne le nom de mar-
cajp.tes aux pyrites anguleufes , qui afFeftent une fi-
gure régulière & déterminée , aux pyrites cryftalli-
fées ; ces pyrites ou marcajfues font de différentes
formes ; il y en a de cubiques , d’exahédres cubiques,
d’exahedres prifmatiques , d’exahédres rhomboïda-
les , d’exahedres cellulaires, II y en a d’oftahedres ,
ou à huit côtés ; de décahedres ou à dix côtés , de
dodécahedres ou de douze côtés , de décatenahe-
dres ou de quatorze côtés ; il y en a dont les côtés
où les plans font Irréguliers ; d’autres font par grou-
pes de cryftaux ; d’autres enfin font en lames pofées
les unes fur les autres. Voye^ V article Pyrite.

Quelquefois on s’eft fervi du mot de marcajjîte
pour défigner le bifmuth , & on l’a appelle marcaf-
Jîta argentea .fjlve officinarum. Quelques auteurs ont
aulîi donné au zinc le nom de marcajjîte d’or ( mar^
caffita aurea ) fondé vrailTemblablement fur la pro-
priété que le zinc a de jaunir le cuivre. Par marcaf-
fita ferri , on a voulu défigner la pyrite martiale, &
Paracelfe a donné le nom de marcaffiie à toutes les
pyrites. D’autrçs alchimiftes le font fervi indiffé-
remment du mot de marcajjîte pour défigner tous ks

A R

demi-métaux & les mines des autres métaux impar-
faits. On prétend que ce mot efl dérivé du mot hé’^
breu marah , qui figniHe /^o/ir , naioytr ; on prétend
qu’il figniiie -awS^i jLiveft:rt ^ être jaune.

MARCELLIANA , ( Gcog. anc. ) lieu d’Italie darts
la Liicanic , au voilinage d’Atina. M. de Liile le nom-
me Marcdllanum , on crOit que c’eit la Pola d’au*- ^
jourd’hui. (^D. J . »)

MARCELLIENS , f. m. ( Thkl. ) hérétiques du
quatrième fiecle , attachés à la doctrine de Marcel
<a’ Ancyre, qu’on accufbit de faire revivre les erreurs
de Sabellius. ^^oyci SabELLIENS.

Quelques-uns cependant croient que Marcel étoit
orthodoxe , & que ce turent les Ariens fes ennemis,
qui lui imputèrent des erreurs.

S. Epiphane oblerve qu’on étoit partagé fur le
fait de la doûrine de Marcel ; mais que pour fes
jéclateurs , il efl très confiant qu’ils ne reconnoif-
foient pas les trois hypoitafcs , ce qu’ainfi le marcel-
iianifmc n’éioit point une héiélie imaginaire.

MARCELLIN , S. ( Gioi^, ) petite ville de France
en Dauphiné , au diocele de Vienne , canitale d’un
bailliage ; elle cil fituée dans un terrein agréable &
fertile en bons vins , près de l’ifere , à fept lieues de
Grenoble & de Valence , loi S. E. de Paris. Lon«.

MARCHAGE, f. m. (^J u.nj’p .^ inarchaglmn^ dans
îes coutumes d’Auvergne & de la Marche ^ lignifie
le droit que les habitans d’ua village ont de faire
ïTlarchcr &L paître leurs troupeaux lur le territoire
d’un autre village ; ce terme vient de niarchi , qui fi-
gnifie lirnite OU conjiii de deux territoires. Kojei le
gio^. de Ducange au mot MurcLi^ium.

MARCHAND , f. m. ÇComm.) perfonne qui né-
gocie , qui trafique ou qui fait commerce ; c’ell-à-
dire , qui acheté , troque , ou fait fabriquer des mar-
chandifes , foit pour les vendre en boutique ouver-
te ou en magafin , foit auffi pour les débiter dans les
foires & marchés , ou pour les envoyer pour fon
compte dans les pays étrangers.

Il y a des mankands qui ne vendent qu’en gros ,
d’autres qui ne vendent qu’en détail , & d’autres qui
font donc enfenible le gros 6c le détail. Les uns ne
ibnt commerce que d’une lorte de inarchandile , les
autres de plufieurs fortes ; il y en a qui ne s’atta-
chent qu’au ccnimercc de mer , d’autres qui ne iont
que celui de terre , &: d’autres qui ionî conjointe-
inent l’un & l’autre.

La profelûon de marchand tù. honorable, & pour
ctre exercée avec fuccès , elle exige des luuuercs &
des talens , des connoiifances cxaâes d’ariihméti-
que , des comptes de banque , du cours Ck de l’éva-
luation des divcrles monnoics,de la nature 6l Cm prix
des différentes luarcaandiîes , des lois 5c des coutu-
ines particulières au commerce. L’étude même de
quelques langues étrangères , telles que l’eipcigiiole,
l’italienne & l’allenuinde ;, peut être tres-uuie aux
négocians qui embrailcnt un vaile commerce , &C
fur-tout à ceux qui font des voyages de long cours
ou qui ont des correlpondances établies au loin.

On api)elle irtarchands greffiers ou luagafiniirs., ceux
qui vendent en gros dans les nir.gafins , 6i dàuïl-
hurs^ ceux qui achètent des manufaduriers & gref-
fiers pour revendre en détail tians les boutiques. A
Lyon, on nomme ceux-ci loutlqu’un. A Amllerdam,
on ne met aucune différence entre ces deux efpeces
lie marchands , fi ce n’ell pour le commerce du vin ,
dont ceux qui ne lont pas reçus nuirchands ne peu-
Vent vendre moins d’une pièce à la lois, pour ne
pas faire de tort à ceux qiu vendent cette liqueur en
détail.

Les marchands forains font non-feulement ceux
qui fréquentent les foires & les marchés , mais en-
core tous les tnarchunds étrangers qui viennent ap-
Torjit X,

M A II

porter dans les villes des marchandifes pour les ven-
dre à ceux qui tiennent boutique & magafin.

On appelle à Paris les fix corps des marchands ^
les anciennes communautés des marchands qui ven-
dent les plus confidérables marchandifes. Ces corps
font , 1°. les drapiers , chaulfetiers ; i°. les épiciers^
apoticaires, droguifles, confîleurs, ciriers. 3^*. Les
merciers , jouailliers , quinqualliers ; 4°. les pelle-
tiers-fourcurs , haubaniers ; 5°. les bonnetiers , au-
mulciers , mitonniers ; 6°. les orfèvres jouailliers.

Henri III. en 1577 & en 158 t , y ajouta un corps
ou communauté des marchands de vin ; rhais en dif-
férentes occafions les fix premiers corps n’ont paS
voulu s’afibcier cette nouvelle communauté , &
malgré divers réglemens , le corps des marchands de
vin ne paroit pas plus intimement uni aux fix autres
anciens corps qu’il ne l’étoit autrefois.

Les marchands de vin font ceux qui trafiquent dii
vin , ou qui en achètent pour le revendre. Il y a des
marchands de vin en gros &: des marchands de vin ea
détail. Les premiers font ceux qui le vendent en
pièces, dans des caves, celliers, magafins ou hal-
les. Les autres qu’on nomme aulTi cabaretiers ou
taverniers , le débitent à pot ÔC à pinte , dans les
caves , tavernes & cabarets.

Les marchands libraires lont ceux qui font impri-
mer , vendent & achètent toutes fortes de livres ,
foit en blanc , foit reliés ou brochés, ^oye^ Libraire
ù Librairie.

Les marchands de bois font ceux qui font abattre
&: façonner les bois dans les forêts pour les vendre
en chantier ou fur les ports. A Paris il y a deux for-
tes de marchands de bois à brûler , les uns qu’ori
nomme marchands forains , & les autres marchands
iourgtois. Ces deux fortes de marchands font ceux
qui tont venir le gros bois par les rivières , & c’eft
à eux ieuls qu’il elt permis d’en faire le commerce,
étant défendu aux regrattiers d’en revendre. Voyc^
Bois.

Ceux qui vendent des grains , comme blé , avoi-
ne , orge , é-c. Ceux qui vendent des tuiles , de la
chaux , des chevaux , prennent généralement la qua-
lité de marchand. Pluueurs autres négocians, enco-
re qu’ils ne foient proprement qu’artifans , comme
les chapeliers, tapiifiers , chandeliers, tanneurs, t^c.
prennent auHî le nom de marchands.

Les lingeres , grainieres , celles qui vendent du
poiifon d’eau-douce ou de mer frais , fec ou falé,
les tuiitieres , &c. lont aufii réputées marchandes.

Les marchands en gros &: en détail font réputés
majeurs pour le fait de leur commerce , & ne peu-
vent être reltitués lous prétexte de minorité.

La jurildidion ordinaire des marchands ell celle
des juges & coniuls, & leur premier niagilhat de
police à Paris pour le fait de leur commerce, ell le
prévôt des marchands. A’t)j<;{ Consuls 6- Prévôt
DES Makchands.

Marchand , le dit auffi des bourgeois & parti-
culiers qui achètent. On dit d’une boutique qu’elle
cil fort achalandée , qu’il y vient beaucoup de mar-
chands.

Marchand, fe dit encore des marchandifes de
bonne qualité , qui n’ont ni fard , ni défaut, & dont
le débit’ ell tacile. Ce blé elt bon , il ell loyal &

marcnanu.

Les villes marchandes font celles oii il fe fait un
grand commerce, foit par rapport aux ports de nier
6c aux grandes rivières , qui y facilitent l’appoit îk
le tranf[)ort des marchandifes , foit à caufe des nia-
nuf icUires qui y font établies.

0\\ dit qu’une rivière ell marchande , lorfqu’cllc
cfl propre pour la navigation , qu’elle a afVez d’eau
pour porter les bateaux , qu’elle n’efl ni débordée,
ni glacée. La Loire n’cU pas martha/tJe une grande

Lij

84

M A R

partie de l’année , à caufe de fon peu de profondeur
& des lablcs ilont elle eft remplie.

Mauchand, fe dit encore proverbialement en
p’iirKiirs manières, comme marchand ç\m perd ne
peut rire , il n’elt pas marchand qui toujours gagne ,
être mauvais marchand ô^wnQ entreprife , &c. Dicl.
de commerce.

hdARCHAND, valjean. FoyeiV KlSS^XV.

Marchander , v.aft. ( CowOTercs, ) offrir de l’ar-
ccnt de quelque marchandil’e que l’on veut acheter ,
taire en lorte do convenir du prix.

Il y a de la différence entre marchander &C mefof-
frir. 11 faut lavoir marchander pour n’être pas trompé
dans l’achat des marchandilcs , mais c’clî le moquer
du vendeur que demefoffrir. Diâionnaïrede Commer-
ce. {G)

MARCHANDISE, f. f. {Commerce. ) fe dit de
toutes les choies qui fe vendent & débitent , foit en
gros, foit en détail, dans les magafms , boutiques ,
foires, même dans les marchés, telles que lont les
draperies , les foieries , les épiceries, les merceries,
les pelleteries , la bonneterie , l’orfèvrerie , les
grains , €’c.

Marchandifc fe prend aufll pour trafic , négoce ,
commerce. En ce fens, on dit aller en marchandifc ^
pour fignilier aller en acheter dans les foires , villes
de commerce , lieux de fabrique , pays étrangers ;
faire marchandifc , pour dire en vendre en boutique,
en magafin.

Marchandifes d » œuvres du poids , ce font celles au-
tres que les épiceries & drogueries , qui font lujet-
tes au droit du poids-le-roi établi à Paris. Ce droit
pour ces marchandifes efl de trois fols pour cent pe-
lant. royeiPoiDS-LE.-R01.Diciionn.de Commerce.

Marchandifes de contrebande , voye^ CONTRE-
BANDE.

Marchandifc marinée , celle qui a été mouillée d’eau
de mçr.

Marchandifc naufragée , cellequi a effuyé quelque
dégât par un naufrage.

Marchandifc avarice , celle qui a été gâtée dans un
vaiffeau pendant fon voyage , foit par échouemcnt ,
tempête , ou autrement. Diclionn. de Commerce. ( G )

MARCHÉ, f. m. {Commerce. ) place publique
dans un bourg ou une ville où on expofc des den-
rées en vente. ^oyÊ{ Boucherie & Forum.
u iV/arc/ze fignifie aulCi un droit on privilège de tenir
marché i acquis par une ville, foit par conceflion ,
foit p;ir prefcription.

Bradon obferye qu’un marché doit être éloigné
d’un autre au moins de fix milles & demi, &i un tiers
de moitié.

On avoit coutume autrefois en Angleterre de te-
nir des foires & des marchés les dimanches & devant
les portes deséglifes, de façon qu’on fatisfailoit en
même temsàfa dévotion & à fes affaires. Cet ufage,
quoique défendu par plufieurs rois , fubfifta encore
jufqu a Henri VI. qui l’abolit entièrement. Il y a en-
core bien des endroits où l’on tient les marchés de-
vant les portes deséglifes.

Le marché cil différent de la foire en ce que le
marché n’eft que pour une ville ou un lieu particu-
lier , & la foire regarde toute une province , même
plufieurs. Les /r^ûrcAei ne peuvent s’établir dans au-
cun heu fans la permilîion du fouverain.

A Paris, les lieux où le tiennent les marchés ont
différens noms. Quelques-uns confcrvcnt le nom de
marché , comme le marché neuf, le marché du cime-
tière de faint Jean, le marchéaux chevaux, &c. d’au-
tres fe nomment places, la place maubert, la place
aux veati’x; d’autres enfin s’appellent halles , la halle
au blé , la halle aux poilîbns , la halle à la farine.

Il y a , dans toutes les provinces de France , des
•jnareiiés confidérables dans les principales villes ,

M A R

quife tiennent à certains jours réglés de la femaine.
On peut en voir la lifte dans le dictionnaire de Com-
merce y tome III. pag. 2()j & fuiv.

Marché de Naumbourg. C’ell ainfi qu’on nomme en
Allemagne uncytJ/>e célèbre qui fe tient tous les ans
dans cette ville de Mifnie. On regarde ce to^zac/îc; com-
me une quatrième foire de Leipfick, parce que la
plupart des marchands de cette dernière ville ont
coutume de s’y trouver. Il commence le 19 Juin, &
ne dure que huit jours.

Marché ou bourfc aux grains. On nomme ainfî à
Amfterdara un grand bâtiment owhalle , où les mar-
chands de grains tant de la ville que du dehors s’af-
femblent tous les lundis, mercredis & vendredis, &
où leurs fadeurs portent & vendent fur montre les
divers grains dont on juge tant fur la qualité que fur
le poids , en en pefant quelques poignées dans de
petitesbalances, pour évaluer quelle fera la pefan-
tcur du fac &L du laff .

Marché de Petenbourg. Foye^ LawKS.

Marché fe dit encore du tems auquel fe fait la
vente. Il y a ordinairement dans chaque ville deux
jours de marché par femaine.

Marché {q dit pareillement de la vente & du débit
qui le fait à beaucoup ou à peu d’avantage. Il faut
voir le cours du marché. Le marché ïia pas été bon au-
jourd’hui. Chaque jour de marché on doit enregiftrer
au greffe le prix courant du marché des grains. Dic-
tionnaire de Commerce , tome III. pag. 2^ 6.

Marché, ( Commerce. ) en général fignifîe un
traité parle moyen duquel on échange , on troque , on
acheté quelque chofe , ou l’on fait quelque ade de
commerce.

Marché fe dit plus particulièrement , parmi les
marchands & négocians , des conventions qu’ils font
les uns avec les autres , foit pour fournitures , achats ,
ou trocs de marchandifes fur un certain pié , ou
moyennant une certaine fomme.

Les marchés fe concluent ou verbalement fur les
fimples paroles , en donnant par l’acheteur au ven-
deur des arrhes , ce qu’on appelle donner le denier
à Dieu ; ou par écrit, foit fous fignature privée, foit
pardevant notaires.

Les wtzn/î/i par écrit doivent être doubles, l’un
pour le vendeur, l’autre pour l’acheteur.

On appelle marché en bloc & en tache , celui qui fe
fait d’une marchandifc dont on prend le fort & le
foible , le bon & le mauvais enfemble , fans le diflin-
guer ni le léparer. Dïclionnaire de Commerce.

Marché. ( Comm. ) Dans le commerce d’Amf-
terdam on diftingue trois fortes de marchés : le marché
conditionnel, la marché i^tme , & le marché à op-
tion, qui tous trois ne fe font qu’à terme ou à
tems.

Les marchés conditionnels font ceux qui fe font
desmarchandifesquele vendeur n’a point encore en
fa poffeffion , mais qu’il fait être déjà achetées &
chargées pour ion compte par fes correfpondans
dans les pays étrangers, lefquelLes il s’oblige de li-
vrer à l’acheteur à leur arrivée au prix & fous les
conditions entr’eux convenues.

Les marchés fermes font ceux par lefquels le ven-
deur s’oblige de livrer à l’acheteur une certaine
quantité de marchandifes , au prix 6l dans le tems
dont ils font demeurés d’accord.

Enfin les marchés à option font ceux par lefquels
un marchand s’oblige , moyennant ime lomme qu’il
reçoit 6i. qu’on appelle /^Aiwe, de livrer ou de rece-
voir une certaine quantité de marchandifes à un cer-
tain prix & dans un tems flipulé, avec hberté néan-
moins au vendeur de ne la point livrer & à l’ache-
teur de ne la point recevoir , s’ils le trouvent à pro-
pos, en perdant feulement leur prime.

Sur la nature, les avantages ou défavantagcs de

A R

A R

«5

ces différentes fortes de marches , la manière de les
conclure , la forme & les claules des contrats qui
les énoncent, on peut voir le trahi du négoce d^Anif-
urdum par le lieur Picard , & ce qu’en dit d’après cet
auteur M. Savary. Dïclionnairt di Commerce.

Marché , ( Commerce. ) fe dit du prix des chofes
vendues ou achetées. En ce fens, on dit j’ai eu bon
marché de ce vin, de ce blé , &c. c’eft-à-dire , que
le prix n’en a pas été confidérable. C’eft un marché
donné ^ pour dire que le prix en eft très -médiocre.
C’eft un marché fait, pour exprimer que le prix d’une
niarchandife elt réglé , & qu’on n’en peut rien di-
minuer.

li y a auffi plufieurs expreffions proverbiales eu
familières dans le commerce où entre le mot de mar-
ché , comme boire le vin du marché y mettre le marche
à la main , &c.

Il eft de principe dans le commerce , qu’il faut
fe défier d’un marchand qui donne fesmarchandiles
à trop bon marché , parce qu’ordinairement il n’en
agit ainfi que pour fe préparer à la fuite ou à la ban-
queroute , en le faifant promptement un fonds d’ar-
gent pour le détourner. Dictionnaire deCommerce.

Marchés de Rome y ( Antiq. rom.^ places publi-
ques à Rome , pour rendre la juftice au peuple , ou
pour y expoler en vente les vivres & autres mar-
chanà\(es. Les marchés que les Romains appclloient
fora , font encore au nombre des plus fuperbes édi-
rices qui fuflfent dans la ville de Romo pour rendre
la juftice au peuple. C’étolcntde Ipacieulés & larges
places quarrées ou quadrangulaires , environnées de
galeries » foutenues par des arcades , à-peu-près
comme la place royale à Paris , mais ces fortes d’é-
diiîces à Rome étoient beaucoup plus ^lands & plus
l’uperbes en architedure. Amava , Marceliia rap-
porte que le marché de Trajan , forum Trajani , pal-
ibit pour une merveille par le nombre d’arc. ;des po-
féesartiftement les unes iur les autres , de forte que
Conftantius, après l’a voir vii , dé.cfpera de pou-
voir faire rien de femblable. Strabon parlant du f>-
mm Komaniun , dit qu’il étoii fi beau , fi bien accom-
pagné de galeries , de temples & autres éuiliccs nia-
j’nifiques , ut hac fîngula conttmplans , jacilï alia om-
nia oblivione deUbu.

Outre ces marchés deflinésaux afTembléesdu peu-
ple, il y avoit à Rome quatorze autres marchés pour
la vente des denrées, qu’on appelloit /or^ vcn-jUa ;
tels étoient [q forum oUtorium y le marché aux herbes
OLife vendoient les légumes: ce marché cio\t auprès
du mont Capltolin. On y voyolt un temple dédié à
liinon, matuta ; &c un autre coniacré à la piité. II
y avoit la halle au vin , vinarium ; le mirchéwwx
boeufs, forum boarium ; le marché au pain ^ forum
piflorium ; le marché au poiflbn ou la poifionneric ,
forum pifcarium ; le marché aux chevaux, forum
r.juarium ; le marché aux porcs , forum fuarium.

Il y avoit encore un marché que nous ne devons
pas oublier , le marché aux friandifes , où étoient les
rôfifîeurs , les pâtifTiers 6l les confifeurs , forum eu •
pcdinarium : FefliiS croit que ce mot vient de cupediu ,
qiii lignifie chez les Latins dcswi/i exquis ; mais \’ar-
ron prétend que ce marché [mi fon nom d’un cheva-
lier romain nommé Cupes , qui avoit fon j)alais dans
cette place , lequel tut râlé pour (es larcins , & la
place employée A l’ul’age dont nous venons de
parler.

Quoi qu’il en foit , tous les marchés de Rome defli-
nésà la vente des denrées 6i marchan.lifes, étoient
tnvitonnés de porticpies &c de m lifons, garnies il’é-
taux &C de grandes tables , fur le(l|uelUs chacun ex-
pofoit les denrées & marchandilès dont il faifoit
commerce. On appelloit ces étaux , abaci & opéra-
rix menfx,

Onuphre Panvini j dans fon ouvrage des ré^^tons

de Rome , vous donnera la defcription complette
de tous les marchés de cette ancienne capitale du
monde ; c’eft afTez pour nous d’en raffembler ici les
noms : \c forum ronianum ou le grand marché ; forum
Cœfaris ; Augujii j bowium ; tranjitoriurn ; otitor’um\
piflorium ; Trajani ; jEnobarbi ; fuarium ; archotmo-
riwn ; Diocletiani ; equ.irium ; rUjîicorum ; Capedi^
nis ; pifcarium ; Salujli. Il y faut ajouter la halle au
vin , vinarium. Foye-^ nos PL. d’ Antiq. (^D. J.’)

MARCHE d’Appius , le, ( Géog. anc ‘) forum
Appii y c’étoit une bourgade du Laiium , au pays
des Volfques , à 45 milles de Rome, dans le ma-
rais VovlV.xïo ypalus pemptina , entre Hetia au nord ,
& clauflra romana au fud. Appius , pen iant fon con-
fulût, fit jetter une digue au travers de ce marais ,
& Augufte fît enfuite creufer un canal depuis Iç
bourg jufqu’au temple de Féronie ; ce canal étoit
navigable & très-fréquenté. (/?./.)

Marches , les , ( Art miiu. ) dans les armées ,
font une des parties les plus importantes du général ;
elles font la principale fcience du maréchal général
des logis de l’armée.

Les marclus des armées doivent fe régler fur le
pays dans lequel on veut marcher , fur le tems
qu’il faut à l’ennemi pour s’approcher, & fur le def.
fein qu’on a formé. On doit toujours marcher com-
me on eft , ou comme on veut camper , ou comme
on veut combattre.

« Il faut avoir une parfaite connoilTance du pays,
» & beaucoup d’expérience pour bien difpofer une
» marche , lorfqu’on veut s’avancer dans le pays
» ennemi , & s’approcher de lui pour le combattre,
» Il y a des marches que l’on fait fur quatre , fix ou
» huit colonnes , fuivant la facilité du pays ou la
» force de l’armée ; il y en a d’autres qui fc font
»> fans rien changer à la dif polition de l’armée , ea
» marchant par la droite ou par la gauche, fur au-
» tant de colonnes qu’il y a de lignes.

» Ordinairement ces marches fe font lorfqu’on eft
>» en p.éleiîce de l’ennemi, & qu’il faut l’empêcher
» de paffer une nviere , ou gagner quelque porte
>■> de conléquence. On a des rrav.iilleurs à la têre de
» chaque colonne pour leur ouvrir les pallagcs né-
» ccilaii es , iU. les taire toutes entrer en même tems
» dans le catnp quelles doivent occuper. Il eft
» très utile de prévenir de bonne houre ces mur:hes
» par des chemins que l’on doit faire à – travers
» champ , qui facilitent la marche des colonnes &
» leur arrivée au camp.

» Lorfqu’on marche en colonne dans un pays
» couvert, & que l’ennemi vou-; furprend & vous
» rcnvcrfe,il eft important de lavoir prendre ion
» parti fur le champ, en diipolant prompiement en
» bataille les troupes qui ne font point encore at-
» taquées, afin de donner le tems aux autres de fe
» rallier. S’il y avoit d.ins cet endroit quelque ter-
» rein avantageux , on l’occuperoit aulfi-toc pour
» y combattre. Souvent les troupes qui ne Ibnt pas
>» foutenues à tems, fc dérruifent plus par la ter-
» reur ijue par le coup de main. On éviie de l »?m!)la-
» blés fuiprif’es en poulfan; en ava,.: des partisse Je
» forts détaehemens qui ‘iennent en refpeft l’enne-
>» mi, & donnent avis c’e (es mou e v.cns. I! fuit
►> enci)re (ju’ 1 y ait entre les intervalles des colon-
M nés , de petits dét ichemens de cavalerie avec des
» (.(liciers entendus pour les faire toutes marcher à
» môme hauteur ; & , fi remeiii paroifToir , les
>» co’onnes auroient le tems de fc former en ba-
» taille & remplir le terrcin.

» Il feroit bon de donner par écrit cet ordre de
>» marche aux commandans de chaque colonne , &
»> leur marquer celles qui marelient fur la droue Se
>f fur la gauche , alin qu’ils puiilcnt apprenure les

86

M A R

n uns des autres l’ordre du général, & (s conformer
» à ce qu’il leur clî piclcrit.

» On marche quelquefois à colonnes rcnverfées ,
tt c’ert-àdirc , la droite taifant la gauche , ou la
» gauche tailant ia droite ; cette marcàs le tait fui-
» vant la dirpofitioa oit l’on elt, ou le dellein qu’on
» a de (« e porter brulqucmcnt dans url camp pour

V taire tête , en y arrivant , aux colonnes de la
» droite de rarnioe ennemie, qui peut en arrivant
» eni;a;;crunc action. Nos troupes occupent d’abord
» le polie le plus avantageux, & donnent le tems
M aux autres colonnes d’arriver & de s’y mettre
» en bataille.

» On peut quitter de jour fon camp, quoiqu’à
» portée de l’ennemi, lorlque l’on connoit qu’il cil:
» de coniéquence de changer le premier de fitua-
» tion: pour faire cette marchi, on met toutes les
» troupes en bataille , aufli-tôt on fait marcher la
» première ligne par les intervalles de la féconde
» pour palier dilig^-niment les défilés ou les ponts ,
» elle s’étend pour Ibutenir la féconde qui palVeen-
» fuite par les intervalles de ia première , & fe met
» derrière en bataille. Il tant que cette di.’pofition
» de marche l’oit bien exécutée , 6l qu’il y ait au
» flanc de la droite & de la gauche des troupes pour
» obferver les ennemis : les oîîiciersue chaque régi-
» ment doivent être attentiis à contenir leur trou-
» pe. Si le terrein étoit trop délavantageux pour
» taire une femblable marche pendant le jour , il
M faudroit décamper à l’entiée de la nuit fur autant
» de colonnes que le terrein pourroit le permettre;
» on lallferoit des feux au camp à l’ordinaire avec
» des détathemens de tous côtés, dont les fenti-
» nelles ou vedeies leroient alertes pour empêcher
« l’ennemi de s’en appiochcr, & lui ôter la con-
» noiùance de cette inurclu : il faut la rendre plus

V facile par des ouvertures que Ton fait pour chaque
» colonne, & que des officiers- majors les recon-
» noiirent , afin de ne point prendre le change , &
» que les colonnes ne s’embarraliént point.

ï> Quand on veut décamper de jour 6l dérober
» ce mouvement aux ennemis , avant que de le
» faire , on envoie fur leur camp un gros corps de
»> cavalerie avec les étendards , à dellein de les in-
» iriguer , & les amuler afiez de tems pour donner
» à l’armée celui de fe porter au pofte qu’elle veut
» occuper, avant qu’il le puilfe mettre en marche.

» Il y a des marches qu’il faut faire à l’entrée de
» la nuit pour empêcher que l’ennemi n’attaque no-
M tre arrière garde dans fes défilés , & faciliter par
» ce moyen fon arrivée dans un autre camp. Quoi-
» que l’on foit proche de l’ennemi , & qu’il n’y ait
» aucune rivière qui le fépare , un général qui con-
» noît l’avantage de fa fituation , & qui veut enga-
» ger une affaire , peut reculer fon aimée des bords
» de cette rivière pour lui donner la tentation de
» la palîér; mais lorfqu’on fait ce mouvement, il
>> ne faut pas lui lailfer prendre affez de terrein pour
» placer deux lignes en bataille : on doit au con-
» traire le rcfferrer.& profiter du piège qu’on lui a
» tendu , ne lui laiffer palTer de troupes qu’autant

V qu’on en peut combattre avec avantage , fans
» quoi il faudroit abfolumcnt garder les bords de la
» rivière». Trahi de la guerre pur \zu\{\cr.

Une marche de 3 ou 4 lieues elî appellée marche
ordinaire. Si l’on tait faire 6 ou 7 lieues à une armée ,
c’efl-à-dire à peu près le double d’une marche ordi-
naire, on donne à cette marche le nom de marche
forcée. Ces fortes de marches ne doivent fe faire que
dans des cas prefTans, comme pour furprendre l’en-
nemi dans uue pofuion delavantageufe, ou pour
gHgner des polies où l’on puille s’arrêter ou l’incom-
moder, ou enfin pour s’en éioigner ou pour s’en ap-
procher, lorfqu’il a eu l’art de faire une marche fe-

A R

crette, c’eft-à-dire lorfqu’il a fu fouffler ou dérobel
une marche.

Les marches forcées ont l’inconvénient de fatiguer
beaucoup l’armée , par cette raifon on ne doit point
en taire fans grande néceffité. Celles qui font occà-
fionnées par bs marches que l’ennemi a dérobées,
font les plus defagréables pour le général, attendu
que ce n’efl qu’à fon peu d’attention qu’on peut les
attribuer; c’ell pourquoi M. le chevalier de Folard
prétend qu’il en elt plus mortifié que de la perte
d’une bataille, parce que rien ne prête plus à la glojï
des malins & des railleurs.

« Dans les marches vives & forcées, il faut faire
» trouver avec ordre & diligence, dans les lieux où
» palTent les troupes, des vivres & toutes les cho-
» fes nécellaires pour leur foulagement. Avec ces
» précautions , le général qui prévoit le deffein de
» Ion ennemi, cil en état de le prévenir avec affez
» de forces dans les lieux qu’il veut occuper; cette
» diligence l’éionne , ik les obftacles à fon entreprife
» augmentant à mefure que les troupes arrivent, il
» l’abandonne & le retire ». même Traité que ci-dejfus.

Nous renvoyons ceux qui voudront entrer dans
tous les détails des marches ^ à ÏArt de la guerre par
M. le matéchal de Puyfegur, 6l à nos Elémens de
Tactique.

Marche, {,Archit.^ en latin gradus , degré fur
lequel on pôle le pié pour monter ou defcendfe, ce
qui fait partie d’un elcalier.

Les anciens donnoient à leurs marches^ & comme
on diloit dans le dernier lîecie, à leurs degrés^ 10
pouces de hauteur de leur pié , qu’on appelle pié
rotnain antique, ce qui revient environ à 9 pouces
de notre pié de roi. Ils donnoient de giron à chaque
marche les trois quarts de leur hauteur, c’efl-à dire
un de nos pies de roi , ce qui faifoit des marches txo}^
hautes , & pas adéz larges.

Aujourd’hui on donne à chaque marche 6 ou 7 pou-
ces de hauteur, oî; 13 ou 14 de giron. Dans les grands
efcaliers, cette proportion rend nos marches beau-
coup plus commodes que celles des anciens. Leurs
fie^es des théâtres étoient en façon de marches , &
chaque marche fervant de nege avoit deux fois la
hauteur des degrés qui fervoienr à monter & à def-
cendrc. Foyei les Notes de M*^. Perrault fur Vitruve,
Av. ///. & V.

On fait des marches de pierre , de bois, de marbre,
non-feulement on diflingue les marches ou degrés
par leur hauteur & leur giron ou largeur , mais en-
core par d’autres différences , que Davilerexpîique
dans fon Cours d’Architecture.

On appelle, dit-il , marche carrée , ou droite , celle
dont le giron ell contenu entre deux lignes paral-
lèles ; marche d’angle , celle qui eft la plus longue
dun quartier tournant; marches de derni- angle ^ les
deux plus proches de la marche d’angle ; maiches gi-
ron nées ^ celles des quartiers tournans des efcaliers
ronds ou ovales; marches délardées , celles qui font
démaigries en chanfrain par defibus, & portent leur
délardement pour former une coquille d’elcalier;
marches moulées , celles qui ont une moulure avec fi-
lets au bord du giron ; marches courbes^ celles qui
font ceintrées en dedans ou en arrière ; marches ram-
pantes , celles dont le giron fort large eft en pente ,
ik où peuvent monter les chevaux ; on appelle mar-
ches de gafon y celles qui forment des perrons de ga-
lon dans les jardins , & dont chacune eft ordinaire-
ment retenue par une pièce de bois qui en fait la
hauteur. (Z). /. )

Marches, /<;•$,( Rubaniers. ) ce font des mor-
ceaux de bois minces , étroits & longs , de 4 à 5 pies,
au nombre de 24 ou i6 : cependant un maître dudit
métier nommé Dtllappe, a imaginé d’en mettre
jufqu’à 36, qui au moyen de leur extrême délicft-

A R

tefl’e n’occupent pas plus de place que 24, ce qui
lui a parfaitement réuffi. Ces marckes lont percées &
enfilées par un bout dans une broche ou boulon de
fer, qui s’attache lui-même fous le pont du métier.
^<5y£{ Pont. Par l’autre bout elles portent les tirans
des lames, & ces tirans fervent à faire baiffer les
lames. Foj’ê^ Lames. Lorfqu’il y a 24, 26 ou plus
de marches à un métier, il faut qu’il y ait autant de
lames & de hautes-Iifi’es qu’il y a de marches, puif-
que chaque marche tire fa lame , qui à fon tour tire
fa haute-liffe. Foj^^ Haute-lisse. On voit parfai-
tement tout ceci dans nos PI. de Soirie & de Paffe-
menterie. Il faut , comme la figure le fait voir, que les
marches foient d’inégale longueur, les plus longues
au centre , comme devant tirer les lames les plus
éloignées , cette longueur donnant la facilité d’atta-
cher le tirant perpendiculairement à la lame que la
marche doit faire agir; on fent par ce qui vient d’être
dit pourquoi les marches des extrémités doivent être
plus courtes ; les marches ne doivent point être non
plus fufpendues à leurs tirans fur le même r^^*eau,
puifque l’on voit dans les7%«r« que celles du centre
pendent plus bas que les autres, & s’élèvent petit- à-
petit à mefurc qu’elles approchent de l’extrémité ,
en voici la raifon : lorfque l’ouvrier marche les mar-
ches des extrémités, il a les jambes fort écartées, ce
(|ui doit indubitablement leur faire perdre de leur
longueur, au lieu qu’en marchant celles du centre
il les a dans toute leur longueur & dans toute leur
force; il eft donc nécelTaire de donner ce plan aux
marches, outre que l’ouvrier y trouve encore une
facilité pour les marcher. Comme elles font fort fer-
rées les unes contre les autres , fur-tout quand elles
y font toutes , cette inclinaifon lui efl favorable pour
trouver celles dont il a befoin.

Marches, ( Bas au métier ) eft une partie de
cette vcidiùnne. FoyeiTarticle Bas au métier.

Marche, ( Soirie. ) partie du bois de métier
d’étoffe de foie. La marche eft un litteau de 2 pouces
^ à 3 pouces de largeur, fur i pouce d’épaifïeur, il
eft de 5 pies { à 6 pies de long , & percé à un bout ;
ce trou eft nécefTaire pour y paflcr une broche de
fer au travers pour les fixer & les rendre folides,
lorfque l’ouvrier veut travailler.

Les marches fervent à faire lever les lifTes, tant
de fatin, gros-de-tours, que celles de poil.

Marche-basse, ( Tap^^er. ) les ouvriers appel-
lent quelquefois ainfi cette efpece de tapifferie ,
qu’on nomme plus ordinairement ba[[e-Uffe. Ils lui
donnent ce nom , qui n’eft d’ufage que dans les ma-
nufactures, à caufe de deux marches que l’ouvrier
a fous fes pies, pour haufl’cr ou baifler les lifi’es.
yoyei Basse-lisse.

Marches, (^Tiffèrand) partie inférieure du mé-
tier des Tifterands , TifTutiers , Rubaniers , &c. ce
font de fimples tringles de bois , attachées par un
beut à la traverfe inférieure du métier , que l’ou-
vrier a fous fes pies, & fufpendues par l’autre bout
aux ficelles des liffes.

Les marches font ainfi nommées parce que l’ou-
vrier met les pies dcfluspour travailler. Les marches
font haufTer ou baiiTcr les fils de la chaîne , à travers
lefquels les fils de la trame doivent pafler. Ainfi lorf-

2ue l’ouvrier met les pies fur une marche^ tous les
Is de la chaîne qui y réj)ondent par le moyen des
lilTes fe lèvent, & lorfqu’il ôte fon pié ils retom-
bent dans leur lituation par le poids des plombs que
les hfTes ont ù chaque extrémité.

Marche, terme de Tourneur, c’eft la pièce de
bois fur laquelle le tourneur pofc fon pié, |)Our
donner à la pièce qu’il travaille un mouvement cir-
culaire. Cette marche n’cft dans les tours comnuins
qu’une tringle de bois foulevéc par l’extrémité la
plus éloignée de l’ouvrier , par \\i\c corde attachée

A R

87

de l’autre bout à une perche qui pend du haut’ du
plancher. Foye^ Tour.

Marche du loup, (Féncrie.) c’eft ce qu’on
appelle en vrais termes, fijle ou voie ,faux marché y
la biche y eft fujette dans le cours de douze à quinze
pas.

Marche, terme de Blnfon. Le p. Ménétrier dit
qu’il eft omployé dans les anciens manufcrits pour
la corne du pié des vaches.

Marche , ( Géog.)ce mot , dans la bafTe latinité,
eft exprimé par marca , marchia , ^cCigniûe /imites,
frontières ; c’eft pourquoi M. de Marca a intitulé fes
favantes recherches fur les frontières de l’Efpagne
& de la France, marca hifpanica. Le feigneur qui
commandoit aux frontières éroit nommé marcheus ;
de ce mot s’eft formé celui de marchis , que nous
difons aujourd’hui marquis ,^ que les Allemands
expriment par margrave. Voye^^ Margrave.

Dans les auteurs de la baflé latinité; marchani &
marcliiani , font les habitans de la frontière. On a
aufîi nommé marchiones , des loldats employés fur
la frontière, & avec le tems ce mot a été afîèdé
aux nobles , qui après avoir eu un gouvernement
fur la frontière qui leur donnoit ce titre , l’ont rendu
héréditaire, & ont tranfmis à leurs enfans mâles ce
gouvernement avec le titre. Enfin la qualification
de marquis a été prife dans ces derniers tems en
France par de fimples gentilfliommes, & même par
des roturiers ennoblis, qui n’ont rien de commun
avec le fervice , ni avec les frontières de l’état,
^(yfj Marquis. (£>./.)

Marche, la, (^Géog.^ Marchia gallica , province
de France, avec le titre de comté. Elle eft bornée
au feptentrlon par le Berry , à l’orient par l’Auver-
gne , à l’occident par le Poitou &l l’Angoumois , &
au midi par le Limoufm , dont elle a autrefois fait
partie , étant même encore à préfent du diocèfe de
Limoges.

Son nom de Marche lui vient de ce qu’elle eft fi-
tuée furies confins.ou/nû/-c/i« du Poitou & du Berry.
Elle a été réunie à la couronne par François 1. l’an

La Marche a environ 22 lieues de longueur , fur
8 ou iode largeur. Elle donne du vin dans quelques
endroits & du blé dans d’autres ; fon commerce
confifte principalement en beftiaux & en tapilTeries
que l’on fait à Aubuffon , Felletin , & autres lieux.

Elle eft arrofée par la Vienne , le Cher , la Creufe
& la Cartempe.

On la divife en haute & bafte, & on lui donne
Guéret pour capitale. ( Z>. 7. )

Marche, ( Géog. ) petite ville , ou bourg de
France, au duché de Bar, fur les confins de la Cham-
pagne , entre les fources de la Meufe & de la Saône,
à 13 lieues de Toul. Lorig. 23. 2 6^. /at. 4S. 2. {D. /.)

Marche, {Géog. ) petite ville des Pays-bas, au
duché de Luxembourg , aux confins du Liégeois ,
entre Dinant & la Roche , dans le petit pays de
Famène. M. de Lifte ne devoit pas dire comme le
peuple, Marche ou Famine. Long. 2j. 16. lat. 60.
.j.ÇD.J.)

Marche Trevisane, /j,( Geograph.’)
province d’Italie, dans l’état de la république de
Vcnifé, bornée E. parle Frioul,S. par le golfe le
Doi;iit, &C le Padouan , O. par le Vicentin, N. par
le Fcltrin & le Bcluncle. On appelle cette province
Marche tré\’ifanc, parce que dans la divilion do ce
pays-l;\, fous les Lombards, l’état do X’enito ctoit
gouverné par un marquis dont la roliilonco ordi-
naire étoit à Trévife ( Trevigio ). La Marche avoit
alors une plus grande étendue qu’au)ourJ’hui. Sa
[Mincipalc rivière eft la Piavc; mais elle eft entre-
coupée d’un grand nombre de rullleauv: les deux
feules villes font Trévife & Cened.i. ( D. J.)

88

M A R

Marche, U, (Gc^^g.) c’cll ainfi qne les Fran-
çois nomment une province marltnne de l’Ecollc
icptcntrionale , que les Anglois appellent Mers.
Fo.c:;^ Mers. {D. J.)

M A R C H E-P I È , 1. m. ( Grarnm. ) efpece d’efca-
beaii qu’on phicc Tous les piés, pour s’élever à une
hauteur à laquelle on n’atteindroit pas de la main
i’ans ce l’ecours,

Marche-piÉ, (^Aîarlne.) nom général qu’on
donne à des cordages qui ont des nœuds, qui l’ont
fous les vergues, &c lur lelquels les matelots pofent
les i)iés lorfqu’ils prennent les ris des voiles , qu’ils
les térlent & délerlent , & quand ils veulent mettre
ou ôtcr le boute-dehors.

Murchc-pic : on appelle ainfi fur le bord des ri-
vières un clpace d’environ trois toiles de large
qu’on lailfe libre , afin que les bateaux puiflent re-
monter facilement.

M4.RCHE-PIÉ, meuble fervant dans les manufa-
ctures en foie à ciiangcr les lemplcs & à faire Ws
gances.

MARCHENT A , ( Gèog. ) ancienne ville d’Efpa-
gne dans l’Andaloulie , avec titre de duché ; elle eft
fituée au milieu d’une plaine , dans un terroir fertile,
à 9 lieues S. de Séville. Quelques auteurs la pren-
nent pour l’ancienne Artégua ; mais les ruines d’Ar-
tégua en font bien éloignées ; d’autres écrivains
conjcûurent avec vraisemblance, que Lucius Mar-
clus , qui luccéda à Cn. Scipion dans le commande-
ment de l’armée romaine, en eft le fondateur, &
que c’eft la colonui marcïa des Romains , parce qu’on
y a déterré d^s infcriptions fous ce nom. Long. 11.
4J. lac. 37. -xS. (^ D. J.)

MARCHER LE , ( Pkyfiolog. ) le marcher ou l’a-
âion de marcher , eft celle par laquelle on pafîc d’un
lieu à un autre , au moyen du mouvement que l’on
peut donner aux parties du corps deftinées à cet
ulage.

Pour expliquer comment cette aillon s’exécute ,
fuppofons un homme qui fe tienne debout fur le
pouit ç; fiut-il qu’il marche , un pié relie immobile,
6l ell fortement ibutenu par les mufcles ; de forte
que le corps elt tenu par le feul point i; l’autre pié
s’élève, la cullfe conii lérablement pliéc ; de façon
que le pié devient pins court , &c le tibia aulîî le de-
vient un peu. Maintenant lorfque le genou eft per-
pendiculaire fur ce point où nous voulons fixer no-
tre pié mobile , nous laiflbns aller le môme pié fur
la terre où il s’affermit , tout le pié étant étendu , &
le fémur incliné en-devant : alors il faut marcher de
l’autre pié qui étoit immobile. Lors donc que nous
jetions ce pié devant l’autre, qui lui-môme eft plié
par le mouvement en-avant du fémur , & la plante
tellement élevée par le tendon d’Achille, qu’on ne
touche d’abord la terre qu’avec la pointe , & qu’on
ne la touche plus enfuite de la pointe même, nous
fléchilTons en même tems tout le corps en-devant,
tant par le relâchement des extenfeurs de l’épine du
cou &: de la tête , que par les mufcles iliaques ,
pfoas, les droits, & les obliques du bas- ventre ;
mais alors la ligne de gravité étant avancée hors de
la plante du pié, il nous faudroit encore nécelTaire-
mcni tomber, fi nous ne lailTions aller à terre le
pié qui étoit fixe auparavant , & qui eft préfente-
ment mobile, par le relâchement des extenfeurs , &
l’aftion des fléchifleurs ; fi nous ne nous y accro-
chions ainfi cn quelque manière ; fi nous ne lui don-
nions un état ftable ; & fi enfin étant afl’ujettis , nous
ne lui donnions le centre de gravité du corps ; mais
tout cela s’apprend par l’habitude , & à force de
chûtes.

Quand on marche , les pas font plus longs en mon-
tant , 6c. plus courts en defcendant ; voici la railon
que M. de Mairan en apporte.

Un homme qui fait un pas, a toujours unejatribe
qui avance, & que nous appellerons antérieure, &
une jambe po(îérieure qui demeure cn-arriere. La
jambe pofténcrrc porte tout le poids du corps, tan-
dis que l’autre eft en l’air. L’une eft toujours pliée
au jarct , & l’autre eft tendue 6l droite. Lorfqu’on
marche lur un plan honiontal , la jambe poftérieure
eft tendue & l’antérieure pliée ; de même lorfqu’on
monte fur un plan incliné , l’antérieure feulement
eft beaucoup plus pliée que pour le plan horifontal.
Quand on deiccnd , c eft au contraire la jimbe po-
ftérieure qui eft pliée : or comme elle porte tout le
poids du corps , elle a plus de facilité à le porter
dans le cas de la montée où elle eft tendue , que dans
le cas de la defcente où elle eft pliée , & d’autant
plus affo blie, que le pli ou la flexion du janet eft
plus grande. Quand la jambe poftérieure a plus de
facilité à porter le poids du corps , on n’eft pas fi
prefTé de le tranfporter fur l’autre jambe, c’eft-à-
dire de faire un fécond pas & d’avancer ; par con-
féquent on a le loiflr 6i. la liberté de foire ce pre-
mier pas plus grand , ou ce qui eft le même, de
porter plus loin la jambe antérieure. Ce fera le con-
traire quand la jambe poftérieure aura moins de fa-
cilité à porter le poids du corps ; & par l’incommo-
dité que caufcra naturellement cette fituuion, on
fe hâtera d’en changer & d’avancer. On fait donc
en montant des pas plus grands & en moindre nom-
bre , & en defcendant, or. hs fait plus courts, plus
précipités , & en plus grand nombre.

Il y a des pcrionnes qui marchent les genoux en-
dedans & les piés en-dehors. Ce défaut de confor-
mation vient de ce que les cavités fupérieures ii-
tuées extérieurement dans le tibia ou dehors, fe
trouvent un travers de doigt tantôt plus bas, tantôt
moins, que les cavités qui font placées intérieure-
ment.

La luxation des vertèbres empêche le mouve-
ment progreilif: en effet , il eft alors difficile, quel-
quefois même impoftlble au malade de marcher , tant
parce que l’épine n’étant plus droite , la ligne de di-
re£l:lon du poids du corps fe trouve changée , & ne
paife plus par l’endroit du pié qui appuie à terre;
que parce que fi le malade pour mwcher , effaye de
l’y faire paffer comme font les bofTus , tous les mou-
vemcns qu’il fe donne à ce deftcin, font autant de
fccouifes qui ébranlent & preffent la moële de l’é-
pine ; ce qui caufe de violentes douleurs que le ma-
lade évite, en ceffant cette fâcheufe épreuve. Ce
qui fait encore ici la difficulté de marcher , c’eft que
la comprefTion de la moelle interrompt le cours des
efprits animaux dans les mufcles de la progreffion.
Ces mufcles ne font quelquefois qu’affoiblis ; mais
fouvent lis perdent entièrement leur reffort dans les
vingt-quatre heures , & même plutôt , félon le de-
gré de comprelfion que fouffre la moële &les nerfs.
Pour ce qui regarde le mouvement progreffif des
bêtes , je me contenterai de remarquer ici que les
animaux terreftres ont pour marcher des piés , dont
la ftrudture eft très-compofée ; les ongles y fervent
pour affermir les piés , & empêcher qu’ils ne gliffent.
Les élans qui les ont fort durs, courent aifément fur
la glace fans gliffer ; la tortue qui marche avec pei-
ne , emploie tous fes ongles les uns après les autres
pour pouvoir avancer ; elle tourne fes piés de telle
forte , quand elle les pofe fur terre , qu’elle appuie
premièrement fur le premier ongle qui eft en-dehors,
enfuite fur le fécond , & puis fur le troifieme , &
toujours dans le même ordre jufqu’au cinquième ;
ce qu’elle fait ainfi, parce qu’une patte, quand elle
eft avancée en-devant , ne peut appuyer fortement
que fur l’ongle qui eft en-‘^j.i-lere ; de même que
quand elle efl pouflee en-atuere , elle n’appuie bien
que fur l’ongle qui eft le plus Cfi-devant,

Les

M A R

Les animaux c^imarchtnt fur deux pics, & qui
ne font point oilèaux , ont le talon court , & pro-
che des doigts du pié ; en forte qu’ils pofent à-Ia-
fois fur les doigts & fur le talon , ce que ceux qui
vont fur quatre pies ne font pas , leur talon étant
fort éloigné du refte du pié. ( Z>. /. )

Marcher en colonne renversée , ( An
milit. ) c’eft marcher la droite de l’armée faifant la
gauche, ou la gauche la droite. Voyc^^ Marches.
Marcher , ( -An mïlit. ) marcher par manches ,
demi-manches , quart de manches , ou quart de rang
de manches. Voye^ Divisions & Evolutions.

Marcher , ( Marine. ) voye^ Ordre de mar-
che. Marcher dans les eaux d’un autre vaifTeau ,
c’eft faire la même route que ce vaiffeau en le fui-
vant de près , & en paffant dans les mômes endroits
qu’il pafle.

Marcher en colonne , c’eft faire filer les vaifleaux
fur une même ligne les uns derrière les autres : ce
qui ne peut avoir lieu que quand on a le vent en
poupe ou le vent largue.

Marcher l’étoffe d’un chapeau, terme de
Chapellerie , qui fignifie manier avec les mains à froid
fur la claie , ou à chaud fur le baflin , le poil ou ia
laine dont on a dreffé les quatre capades d’un cha-
peau avec l’arçon ou le tamis.

Pour faire cette opération à froid , il faut enfer-
mer chaque capade dans la feutriere l’une après
l’autre ; & pour la faire à chaud , on les y enferme
toutes les quatre enfemble , les unes par-delTus , les
autres avec des lambeaux entre chaque capade ; il
faut outre cela , pour la façon à chaud , jetter de tcms
en tems de l’eau furie balfin & fur la feutriere avec
un goupillon. C’eft à force de marcher l’étoffe , qu’elle
fe feutre. Voye^^ Chapeau.

Marcher , en terme de Potier de terre ; c’eft fouler
la terre avec les pies quand elle a trempé pendant
quelques jours dans de l’eau.

Marcher , parmi les ouvriers qui ourdijjcnt au
métier ; c’eft preîl’er les marches du pié , afin de faire
mouvoir convenablement les lifles. ^oye^ VarticU
Lisse.

MARCHESVAN, {Calend. des Hébreux.) mois
des Hébreux ; c’étoit le huitième mois de leur an-
née ; il répondoit en partie à notre mois d’Oftobre,
& en partie à notre mois de! Novembre. Foye^^ Mois
des Hébreux. (^D. J.)

M ARCHET, f. m. o« M ARCHET A-, ( Hifl. d’An-
glct. ) droit en argent que le tenant payoit autrefois
au fcigncur pour le mariage d’une de les filles.

Cet ufage fe pratiquoit avec peu de différence
dans toute l’Angleterre , l’Ecofle , & le pays de Gal-
les. Suivant la coutume de la terre de Dinover dans
la province de Caermarthen , chaque tenant qui
marie fa fille, paye dix fchelins au feigneur. Cette
redevance s’appelle dans l’ancien breton , gwaùcr
marchcd , ccÙ.-ù-dirc préfcnt de la fille.

Un tems a été qu’en Ecoffe , dans les parties fep-
tcntrionalcs d’Angleterre , & dans d’autres pays de
l’Europe, le feigneur du fief avoit droit à l’habita-
tion de la première nuit avec les époufécs de fes te-
nans. Mais ce droit fi contraire à la juftice & aux
bonnes mœurs , ayant été abrogé par Malconi 1 1 1.
aux inftances de la reine ion épouie , on lui (ubfti-
tua une redevance en argent , qui fut nommée le
marcher de lu mariée.

Ce fruit odieux de la débauche tyrannique a été
depuis long-tems aboli par toute l’Europe ; mais il
peut rappelk-r au Icdeur ce que Ladance du de l’in-
fâme Maximien, ut ipfe in omnibus nupiiis pragu-
Jlator c[fct.

Phiiieurs favans anglois prétendent que l’oiigine
du borough-cnglish , c’eft-ù-dire du privilège des ca-
dets dans les terres, qui a lieu dans k Reniiliirc,
Tome JlT,

M A R

89

vient de l’ancien droit du feigneur dont nous venons
de parler ; les tenans préfumant que leur fils aîné
étoit celui du feigneur , ils donnèrent leurs terres
au fils cadet qu’ils fuppofoient être leur propre en-
fant. Cet ufage par la fuite des tems , eft devenu
coutume dans quelques lieux. (/>./.)

MARCHETTES , f f. (Soierie.) petites marches
qui font lentement bailTer les lifTes de liage.

Marchette, (Chajfe.) c’eft un morceau de
bois qui tient une machine en état, & fur lequel un
oifeau mettant le pié fe prend dans la machine , en
faifant tomber cette marchette.

MARCHIENNES au Pont, ( Géog. ) bourg des
Pays-bas, dans l’évêché de Liège, aux deux côtés
de la Sambre , à huit lieues S. O. de Namur , une O.
de Charleroi. Il ne faut pas confondre ce bourg ,
comme ont fait les auteurs du Didionnaire de la
France , avec Marchiennes abbaye de Flandres , fur
la Scarpe, entre Douai & Orchies. Long. 21. lac.
5o. 23.

MARCHOMEDESles,o«MARDOMEDES, en
latin Marcliomcdi .^ ou Mardomsdi , Ç Géog. anc. ) c’eft
le nom d’un des peuples qui furent vaincus par l’em-
pereur Trajan , & qui étoient quelque part dans
l’Aflyrie : leur nom fe lit dlverfement dans Eutro-
pe , /. FUI. c. ij. {D.J.)

MARCIAGE , f m. ( Jurifprud. ) eft un droit fei-
^eurial qui a lieu dans les coutumes locales de
Bourbonnois ; il confifte en ce qu’il eft dii au fei-
gneur un droit de mutation pour les héritages rotu-
riers , tant par la mort naturelle du précèdent fei-
gneur , que par celle du tenancier ou propriétaire.
Dans la châtellenie de Verneuil , le marciage con-
fifte à prendre de trois années la dépouille de l’une
quand ce font des fruits naturels , comme quand ce
font des faules ou près; & en ce cas , le tenancier
eft quitte du cens de cette année. Mais fi ce font des
fruits induftriaux, comme terres labourables ou vi-
gnes , le feigneur ne prend que la moitié de la dé-
pouille pour fon droit de marciage , & le tenancier
ne paye que la moitié du cens de cette année.

Dans cette même châtellenie , les héritages qui
font tenus à cens payable à jour nommé , & portant
fept fols tournois d’amande à défaut de payement ,
ne font point fujets au droit de marciage.

En la châtellenie de Billy , le marciage ne confifte
qu’à doubler le cens dû pour l’année oii la mutation
arrive.

En mutation par vente il n’y a point de marciage ,
parce qu’il eft dû lods & ventes.

Il n’eft point dû non plus de inarciage’^owxXcs. hé-
ritages qui font chargés de taille &: de cens tout en-
femble, à-moins qu’il n’y ait titre , convention au
contraire.

L’Eglife ne prend jamais de marciage par la mort
du feigneur bénéficier , parce que l’Eglllc ne meurt
point; elle prend feulement marci.igt pour la mort
du tenancier dans les endroits oii on a coutume de
le lever.

La coutume porte qu’il n’eft dû aucun maràageviw
duc de Bourbonnois, fi ce n’efl dans les terres fujet-
tes à ce droit , qui feroient par lui acqulfcs , ou qui
lui adviendrolent de nouveau de fes vafi’aux &: fu-
jets; il paroît à la vérité, que ceux-ci conteftolent
le droit ; mais la coutume dit que monlélgneur leduc
en jouira , ainfi que de raifbn. Foye^^ Auroux des
PonunierSjfur A/ couiumedc Bourbonnois ^ à l’eiulrolt
des coutumes locales , 6clcglojf. de M. de Laurierc,
au mot marci.ii^c. {A)

MARClANbPOLIS, (Géog. anc. ) ville de la
Mocfie dans les terres; fon nom lui avoit ctè donné
en riionneur de Marciana , fœur de l’empereur Tra-
jan. Aulfi toutes les médailles anciennes qui parlent
de cette ville , la nomment iMacK)«rcîTe^/ç : il ne faut

M

€)0

M A R

M A R

donc pas écrire ManianopoUs. Holfbcnliis protencl
que c’eft aujourd’hui Prcllaw , ville de la balle Bul-
garie , aux contins de la Roinanie.

iMARCIGNI , ( Gcogr.) petite ville de France en
Bourgogne , au diocèle d’Autun. C’eft la patrie de
M. du Ryer , fieur de Malézair , dont j’ai parlé au
jTiot Maconnois. Elle eft la vingt-deuxicme qui dé-
pute aux états de Bourgogne , & cil fuuée près de
la Loire, dans un pays fertile en blés. M, Baillet
nomme cette ville Marfigni-lcs-Nonains ; Garraut
écrit Marcigny , & l’appelle en latin Marcigniacum.
Long. 2 2. 20. lat. 46′. iS,

MARCINA , (Gîogr. anc.) ville d’Italie entre Si-
rénuié & Polidonle, lélon Strabon , iiy. V. Cluvier
croit que c’eft le lieu qu’on appelle aujourd’hui Vlc-
tri , fur la côte de Saleriie. {D. J.)

MARCIONITES, f m. pi. (Théol.) nom d’une
des plus anciennes 6c des plus pernicicufes fecks qui
aient été dans l’Eglife. Elle étoit répandue au tems
de faint Epiphanc dans l’Italie , dans l’Egypte , la
Paleftine , la Syrie , l’Arabie , la Perlé , tk dans p’u-
fieurs autres pays.

Marcion , auteur de cette fe£te , étoit de la pro-
vince du Pont ; c’eft pourquoi Eufebe l’appelle le
/oup du Pont. Il étoif fils d’un très-faint Evéque , &
dès fa jeunefle , il fit profeftion de la vie monaftique ;
mais ayant débauché une vierge, il fut excommunié
par fon propre père, qui ne voulut jamais le réta-
blir dans la communion de l’Eglife , quoiqu’il fe fût
fournis à la pénitence. C’eft pourquoi ayant aban-
donné fon pays , il s’en alla à Rome , où il fema fcs
erreurs au commencement du pontiîicat de Pie I.
vers la cinquième année d’Antonin le Pieux , la qiia-
rante-troifieme de Jcfus-Chrift. Il admettolt deux
principes ; un bon & un mauvais; il nioit la vérité
de la nailTance , de l’incarnation &; de la paflion de
Jefus-Chrift, & prétendit que tout cela n’étoit qu’ap-
parent. Il croyoit deux Chrifts , l’un qui avoit été en-
voyé par un dieu inconnu pour le lalut de tout le
monde ; l’autre que le créateur devoit envoyer un
jour pour rétablir les Juifs. Il nioit la réfurredion
des corps , & il ne donnoit le baptême qu’aux vier-
ges , ou à ceux qui gardoient la continence ; mais il
foutenoit qu’on pouvoit être baptifé jufqu’à trois
fois , & fouffroit même que les femmes le confé-
raflent comme miniftres ordinaires de cefacrement;
mais il n’en altéroit pas la forme , ainfi que l’ont re-
marqué faint Auguftin & Tertullicn , aufli l’Eglife
ne le jugeoit-elle pas invalide.

Comme il fuivoit les fentimens de l’hérétique Cer-
don, il rejcttoit la loi & les prophètes. Il prétendoit
que l’Evangile avoit été corrompu par de faux apô-
tres, & qu’on fe fervoit d’un exemplaire interpolé.
Il ne reconnoifl’oit pour véritable Evangile que celui
de faint Luc, qu’il avoit altéré en plulieurs endroits,
aufti-bien que les épitresde faint Paul , d’oii il avoit
ôté ce qu’il avoit voulu. Il avoit retranché de fon
exemplaire de faint Luc les deux premiers chapitres.
DiB. de Trévoux,

Les Marcionites condamnoient le mariage , s’abf-
tcnoient de la chair des animaux & du vin , & n’u-
foient que d’eau dans le facrifice. Ils jcûnoient le fa-
medi en haine du créateur , & ils pouflbient la haine
de la chair jufqu’à s’expofer eux-mêmes à la mort,
fous prétexte de martyre. Leur héréfie dura long-
tems , malgré les peines décernées contr’eux par
Conftantin en 3 26 ; & il paroit par Thcodoret que
dans le cinquième fiecle , cette fede étoit encore
très-nombreufe.

MARCITE , f. m. {Théolog.) nom de fede. Les
Marcites étoient des hérétiques du deuxième fiecle ,
qui fc nommoient les parfaits , & faifoient profef-
fion de faire tout avec ifie entière liberté, & fans
aucune crainte.

Ils avoient hérité cette doctrine de Simon le Ma-
gicien , qui ne fut pourtant pas leur chef; car ils fu-
rent nommés Marches d’un héréfiarque appelle Mar~
eus , ou Marc , qui conféroit le facerdoce, & attri-
buoit l’adminiftration des facremens aux femmes,
Dici. de T rivaux.

MARCfC, LA (^Géogr.^ en latin Marchiœ corni-
tatus, contrée d’Allemagne dans la Weftphalie, avec
titre de comté. Elle eft pofl »édée par le roi de Prufie,
éledeur de Brandebourg. Les villes du pays de la
Marc, font Ham , Wcrden, Soeft , Dortmund, Ef-
fen. Ce pays eft traverfé par la Roer , la Lenne, &
la’Wolme, qui s’y joignent enfemble. Il eft encore
arrofé par l’Emler & la Lippe. Il portoit autrefois le
nom A\lltena , bourgade (ur la Lenne. Le nom qu’il
porte aujourd’hui lui vient d’un château fitué près ,
6c au fud-eft de la ville de Ham , qui pafle pour fa
capitale. Il ne faut pas le confondre avec la Marche
de Brandebourg , que les Allemands appellent aulît
Marck , & que nous nommons en françois la Marcha
di Brandebourg, f^oje^ BRANDEBOURG , {Géogr.^

M ARCODURUM , ou M ARCOMAGUS , {Géog:
anc.) ces deux noms fignifient un même lieu, qui
étoit fur la Roér , rivière des pays-bas. Duren &q
Magen , dit Cellarius , font des mots celtiques, qui
fignifient le paflage d’une rivière. Marcodurum eft la
ville de Z>«’£/z,qui dans la fuite fut appellée Marco-
magus , village dans l’itinéraire d’Antonin & dans
la table de Peutinger , fur la route de Cologne à
Trêves.

MARCOLIERES , fubft. f. pl. (Pêche:) terme de
pêche ufité dans le reiTort de l’amirauté de Poitou ,’
ou des fables d’Olonne. Ce font les filets avec lef-
quels on fait la nuit & pendant l’hiver , la pêche des
oifeaux marins. D’autres nomment ces filets alourcts
& alouraux ; mais on les appelle marcolieres , parce
qu’on y pêche des macreufes.

MARCOMANS, les (Géogr.anc.) Marcomanl ^
ancien peuple de la Germanie , où ils ont habité dif-
férens pays. Spener croit ce mot formé de marck Se
de manner , deux mots allemands , qui fignifient des
hommes établis pour la garde & la défenfe des fron-
tières.

On conjefture avec probabilité , que la demeure
des Marcomans étoit entre le Rhin &c le Danube.
Cluvier a tâché de marquer les bornes préclfes da
pays des M^rçomans. Il dit que le Nécre bornoit la
Marcomanie au nord ; que le Kocker qui fe joint au
Nécre , & le Brentz qui fe jette dans le Danube , la
bornoienî à l’orient , le Danube au midi , & le Rhin
à l’occident. Tout cela eft aflez vraifTcmblable. De
cette façon les Marcomans auroient poftédé les ter-
res que comprend le duché de Wirtcmberg , la partie
du Palatinat du Rhin qui eft entre le Rh’in &: le Né-
cre , le Brifgaw , & la partie du duché de Souabe,
fituéc entre la fource du Danube & le Brentz.

MARCOPOLIS , {Géogr. anc. ) ville de Grèce à
l’orient d’Athènes, à l’entrée de l’Euripe. C’eft pré-
féntement un village de vingt ou trente maifons,
que Wheler appelle encore MarcopoU , & Spon
Marcopoulo. ( D. J. )

MARCOSIENS, f. m. ( Thêolog. ) nom de fefle;
anciens hérétiques du parti des Gnoftiques. Foye:^
Gnostique.

Saint Irenéc parle fort au long du chef de cette
fedle nommé Marc , qui étoit réputé pour un grand
magicien. Le fragment de ce laint , qui mérite d’être
lû,fe trouve en grec dans S. Epiphane. Il renferme
plufieurs chofes très-curieuies touchant les prières
ou invocation des anciens Gnoftiques. On y voit
des veftiges de l’ancienne cabale juive fur les lettres
de l’alphabet, & fur leurs propriétés , auffi-bien que
fur les myftcrcs des nombres j ce que les Juits & les

M A R

ènoftiques avoicnt emprunté de la phllolopme de
Pyfliagore &: de Platon.

Ce Marc étoit un grand impoiieur, qui faifoit illu-
fion aux fimples , principalement aux femmes ; il la-
voit l’art de la magie , qui étoit comme une efpece
de métier dans l’Egypte dont il étoit ; & pour impo-
ser plus aifément à ics feftateurs , il le lervoit de
certains mots hébreux , ou plutôt chaldaiques , qui
étoient fort en ufage parmi les enchanteurs de ces
icms-là. Le but de tous ces prciliges étoit la débau-
che &C l’impureté ; car Marc & les dilciples ten-
doicnt à féduire les femmes , &: à en abufer , comme
il paroit par divers traits que rapporte M, Ficury ,
hijl. ecdéfiaji. tom. I. liv. If^. pag. ijc) & i^o.

Les Marcofuns avoient un grand nombre de livres
apocryphes qu’ils mettoient dans le même rang que
les livres divins. Ils avoient tiré de ces livres piu-
ficurs léveries touchant l’enfance de Jefus-ChrilV ,
qu’ils débitoient comme de véritables hifloires. Il
cû étonnant que ces fortes de fables aient été du
goût de plufieurs chrétiens , & qu’elles îe trouvent
encore aujourd’hui dans des livres maniifcrits qui
iont à l’ufage des moines grecs. Dïcl.di Trévoux.

MARCOTTE , f. f. {Jardin.) c’cÛ un moyen em-
ployé par les Jardiniers pour multiplier quelques
plantes & beaucoup d’arbres. Après la femence ,
c’eft le moyen qui réufht le plus généralement pour
la propagation des plantes ligneules. li n’y a guère
que les arbres réfineux, les chênes verds,Ies tére-
binthes, i/c. qui s’y refufent en quelque façon ; car fi
en vient à-bout , à force de tems , de taire jetter
quelques racines aux branches marcottées de ces ar-
bres , les plants que l’on en tire font rarement du
progrès. Cependant ce mot marcotte ne fert qu’à ex-
primer particulièrement l’une des façons dont on fe
fert pour multiplier les végétaux de branches cou-
chées ; au lieu que par cette cxprefîion de tranches
couchées , on doit entendre en général un moyen de
multiplier les plantes & les arbres , en faifant pren-
dre racine à leurs branches fans les léparer du troi-,c.
Il eft vrai qu’on peut venir à-bout de faire prendre
racine aux branches fans les marcotter , & qu’on peut
encore les marcotter fans les coucher. Pour faire en-
tendre ces différences, je vais expliquer les diveriès
méthodes dont on fe fert pour faire prendre racine
aux branches des végétaux. C’cft une pratique du
Jardinage des plus intéreflàntes , & fouvent la feule
que Ton puifTe employer pour multiplier les arbres
rares & précieux.

Pour faire prendre racine aux branches , on peut
fc fcrvir de quatre moyens que l’on applique félon
que la pofition des branches le demande , ou que la
qualité des arbres l’exige.

1°. Cette opération fé fait en couchant fimple-
mentdans la terre les branches qui font afTez longues
&: a fiez, baffes pour le permettre. Il faut que la terre
f’oit meuble , mêlée de terreau & en bonne culture.
On y fait une petite fofie , un peu moins longue que
la branche, & d’environ cinq ou fix pouces de pro-
fondeur ; on y couche la branche en lui faifant faire
un coude, & en rempliflant de terre la fofTe au ni-
veau du fol.

On arrange & on contraint la branche de façon
que l’extrémité qui ibrt de terre fé trouve droite ;
on obferveque quand les branches ont aile/ de roi-
«Iciir pour faire reffort , il faut les arrêter avec un
crochet de bois , & que toute la pcrfedfion de cet
œuvre confifle à faire aux branches dans l’extrémité
de la fofTe , le coude le plus abrupte qu’il eft pof-
llblc , fans la rompre ni l’écorcer. Par l’exadiiude
«le ce procédé , la fève trouvant les canaux obfhués
par un point de rcfTerrcment & d’extenlion tout en-
icmble , elle efl forcée do s’engorger , <\c former un
bourrelet , & de percçr des racmes. Il tauur^ tou-
Tomt X^

M A R

9′

per la ir anche couchée à deux yeux au-defTus d^
terre , & l’arrolér fouvent dans les fécherefTes.
Cette f; vjple pratique fufîit pour les arbres qui font
aiférhc;!’ racines, comme l’orme, le tillelil , le pl;»-
tane , >>c.

2°. Mais lorfqu’il s’agit d’arbres précieux qui ont
de la lenteur ou de la difficulté à percer des racines ,
on prend la précaution de les marcotter comme cri
le j/ratique pour les oeillets. On couche la bran-
ch’^ de Id manière qu’on vient de l’expliquer, & ori
y tait feulement une entaille déplus imm.édiatement
i.u déiîus du coude. Pour faire cette entaille, on
coupe & on éclate la branche entre deux joints juf-
qu’à mi bois, fur environ un pouce ou deux de lon-
giieur, iuivant fa force , Si on met un petit mor-
ceau de bois dans l’entaille pour l’empêcher de fe
réunir. Quand il s’agit d’arbres qui reprennent diffi*
cilenicnt à la tranfplantation , tels que les houx pa-
nachés & bien d’autres toujours Verds , on plonge
le coude de la branche dans un pot ou dans un ma-
nequin , que l’on enfonce dans la terre.

3″. Mais cet expédient ne réuifit pas fur tous les
arbres ; il y en a qui s’y refufent , tels que le tuli-
pier, le mûrier de Virginie, le chionautus, ou l’ar-
bre de neige , &c. alors en couchant la branche , il
faut la ferrer immédiatement au-defîus du coude
avec un fil de fer au moyen d’une tenaille , enfuite
percer quelques trous avec un poinçon , dans l’é-
corce à l’endroit du coude. Au moyen de cette liga-
ture il fe forme au-deifous de l’étranglement un
bourrelet qui procure néccfTiirement des racines.
Au lieu de fe fervir du fil de fer , on peut couper &
enlever une zone d’écorce d’environ un pouce dô
largeur au deffous du coude : il efl vrai que cette in-
cifion peut opérer autant d’etfet ; mais comme en af-
foibliii’ant l’adion de la lève elle retarde le fuccès ,
le fil de fer m’a toujours paru l’expédient le plusfim-
ple , le plus convenable ôi le plus efficace. Quel-
ques gens au lieu de tout cela , confeillcnt de tordre
la branche à l’endroit du coude. C’efî un mauvais
parti , capable de faire périr la branche; d’ailleurs
impraticable lorfqu’elle eft forte, ou d’un bois dur.

Le meilleur moyen de multiplier un arbre de bran-
ches couchées , c’ert de le coucher tout entier , de
ne lui laifTcr que les branches les plus vigoureufes,
& de faire à chacune le traitement ci-deffus expli-
qué , félon la nature de l’arbre. Ceci cft même fonile
fur ce que la plupart des arbres délicats dépériflent
lorfque l’on fait plufieurs branches couchées à leur
pié.

4°. Enfin il y a des arbres qui ont très-rarement
des branches à leur pié , comme le laurier-tulipier,
ou que l’on ne peut coucher en entier , parce qu’ils
font dans des caiffcs ou des pots. Dans ce cas on ap-
plique un entonnoir de fer blanc à la branche que
l’on veut faire enraciner, ou la marcotte vers le mi-
lieu de l’entonnoir , que l’on empli: de bonne terre.
On juge bien qu’une telle pofition exige de fréquens
arrolcmcns. C’elt ce qu’on peut app^ller marcottir
les branches lau’, tes coucher.

Lorfque les branches couchées ont fait des racines
fufîifantcs , on les fevre de la mcre pour les mettre
en pepiniire. On ne peut fixer ici le tcms de couper
ces branches & de les enlever : ordinairement on le
peut taire au bout d’un an ; quelquefois il lutlit de
fix mois; d’autrestois il faut attendre deux 6c trois
années : cela dépend de la nature de l’arbre , de la
qualité du terrain, & fur-tout des foins que l’on a
dû y donner.

Mais on peut indiquer le tcms qui cfî le |)Iiis con-
venable pour faire les branches couchées. Ou doit
y fiirc travailler dès l’automne , aulliiôt après la
chute dos feuilles , s’il s’agit il’arbrcs robullcs , & fi
le terrain n’efl pas ar^jiUcux , bus 6c humitle ; car en

M ij

92

M A R

ce cas , il faudra attendre le prlntems. Il faut encore
en excepter les arbres toujours vcrds , pour Icfqueis
la hn d’Août ou le commencement de Septembre
lont le tems le plus propre à coucher les plus ro-
builes, parce qu’alors ils ne font plus en levé. A l’é-
gard de tous ks arbres un peu délicats, loit qu’ils
quittent leurs feuilles ou qu’ils (oient toujours verds,
il faut biller palier le froid & le hâle , pour ne s’en
occuper que dans le mois d’Avril.

On obferve que dans les arbres qui ont le bois
dur, ce font les jeunes rejettons qui font le plus ai-
fément racine ; 6c qu’au contraire , dans les arbres
qui font d’un bois tendre & moUafTe , c’efl le vieux
bois qui reprend le mieux.

On dit coucher Us arbres , marcotter des œillets ,
provigncr des feps. A ce dernier égard , voye^ Pro-
VIN. Article dt M. DaUBENTON.

MARDAC, f. m.(^Mat.inéd.anc.’)non\ donné par les
anciens à la liiharge , car les auteurs arabes la nom-
ment quelquefois rnardac ^ & quelquefois rnerdejàn-
gi ; mais c’ell uneleule 6c mCmc choie. Avicenncn’a
fait que traduire , fous le nom de mardac , le cha-
pitre de Diofcoride fur la liiharge ; & ce que dit Sé-
rapion du merdefangi , eft la delcription de la lithar-
ge par Galien. ( Z). /. )

MARDARA (6r’f;;i;/-.d/zc.)Ptolomée nomme deux
villes de ce nom. i*^. Une viiJe du Poni-Cappado-
cien , long’u. ji. j^o. lat. 43. 40. 2°, Une ville de la
petite Arnicnie. Lon^h. 6c). G.lat. ^g, 40. ( D. /.)

MARDELLE , ou MARGELLE , f. m. {J^iaçon.)
dans l’art de bâtir, c’eft une pierre percée, qui pofée
à hauteur d’appui , fait le bord d’un puits.

MARDES LES , ( GiO’^r. anc. ) Mardi , ancien
peuple de Médie , voifm des Perles. Ils rava-
geoicnt les campagnes , & furent fubjugucs par
Alexandre. Il y avoir aufii un peuple marde contigu à
l’Hircanie & aux Tapyriens. Enfin Pline, Av. Vl,
chap. xvj. parle des IsLirdes , peuples de la Margia-
ne , qui s etendoient depuis les montagnes d’Autri-
che, jufqu’aux Baâ^riens. (^D.J,^

MARDI , f. m. ( Chronol.’) troilieme jour de la fe-
maine, confacré autrefois par les payens à la pla-
nète de Mars , d’oii lui eft venu fon nom. On l’appelle
dans l’office de l’Eglife, /twVz tertia.

MARE , f. f. ( GJogr. anc. ) mot latin d’où nous
avons fait celui de mer , qui fignifie la même chofe ;
mais les auteurs fe Icrvoient du mot mare dans le
fens que nous exprimons par celui de côte , pour fi-
gnifier la mer qui bat les côtes d’un pays. En voici des
exemples.

Mare j^gyptium , efl la côte d’Egypte ; mare Œo-
Hum , la cote aux environs de Smyine ; mare Afiati-
cum\ la côte de i’Afie proprement dite dans l’Ana-
tolie ; mare Aufonium , la côte occidentale du royau-
me d e Naples , & la mer de Sicile ; mare Cantabricum ,
la côte de Bifcaye ; mareCilicium^ la côte de Cilicie,
aujourd’hui la côte de Caramanic ; mare Germani-
cum , les côtes de Zclande , de Hollande, de Frife ,
& ce qui fuit jufqu’à l’Elbe , où commence mare
Cimbricum , c’cll-à-dire , la mer qui lave la prefqu’ile
où font le Holilein , le Jutland , & le Sleswig ; mare
Iberum , la côte d’Efpagne, depuis le golfe de Lyon,
jufqu’au détroit ; mart llliricum , U côte de Dalma-
tie ; mare Lygufiicum , la côte delaLygurie, ou la
rivière de Gènes ; mare Lycium , la côte de laLycie ,
aumidi de l’Anatoiie. Elle fait préfentement partie
de la mer de Caramanie ; mare Siievicum , les côtes
méridionales de la mer Baltique, vers la Poméra-
nie \mart Tyrrhenum ^ la côte occidentale de l’Italie;
mare Venedicum , le golfe de Dantzig.

Les anciens ont auiîi nommé l’Océan , mare ex-
terius , mer extérieure , par oppofition à la Méditer-
ranée , qu’ils appelloient mare interius , mer inté-
rieure. Ilsnommoicnt aulH marc inferum , la mer de

Tofcane , par oppofition à mùrefuperum , nom qu’ih
donnoicnt à la mer Adriatique.

Ils ont appelle mare Hcjperium , l’Océan au cou-
chant de la Lybie ; mare Hyperbonum , la mer au fep-
tentrion de l’Europe & de l’Afie : ils n’en avoient
que des idées trcs-confufes.

Enfin , ils ont nommé mare Myrtoum , cette partie
de l’Archipel, qui s’éteiidoit entre l’Argoilde dans le
Péîoponneie , l’Attiquc , TEubée & les îles d’An-
dros , de Tine , de Scyro 6l de Scrife. Ce nom de
Myrtoum^ lui vient de la petite île de Myrtos, quieft
à la pointe méridionale de Négrepont. La fable dit
d’un certain Myriile , écuyer ci’Eaomaiis , que Pé-,
lops jetta dans cette mer. i^D. J.^

Mare Smaragdinvm ^ (////?. /z^r. ) nom que
quelques auteurs ont donné à un jafpe de couleur de
fer, 6c fuivant d’autres, à la prinv^d’émeraude.

MARÉAGE , f. m. ( Marine. ) c’efl le marché
qu’on fait avec les matelots à un certain prix fixe
pour tout le voyage , quelque long qu’il foit.

MARÉCAGE , f. m. en Géographie , efUine efpe*
ce de lac ou plutôt de marais. Foye^ Lac 6* Ma»

HAIS.

Il y en a de deux fortes ; le premier efî un compofé
d’eau & de terre mêlées enlenible , & qui pour l’or-
dinaire n’eft pas afî’ez ferme pour qu’un homme puif-
fe paffer dedus. f^oye^ Marais.

La 2^ forte lont des étangs ou amas d’au bourbeufe,
au-defTus de laquelle on voit çà & là des ominences
de terrein fec qui s’élèvent lur la furface. Chambers,

« Lorfque les eaux qui font à la lurface de la ter-
» re ne peuvent trouver d’écoulement , elles for-
» ment des marais &: des marécages. Les plus fameux
» marais de l’Europe font ceux de Mofcovie > à
» la fource du Tanaïs ; ceux de Finlande , où font
» les grands marais Savolax &c Enafak ; il y en a
» aufTi en Hollande , en V/eftphalie , & dans plu-<
» fleurs autres pays bas. En Aiie , on a les marais de
» l’Euphratc , ceux de laTariarie, le Palus .Viéo-
» tide ; cependant en général , il y en a moins ea
» Afie & en Afrique , qu’en Europe ; mais l’Améri-
» que n’eft , pour ainfi dire , qu’un marais continu
» dans toutes fes plaines : cette grande quantité de
» marais eft une preuve de la nouveauté du pays ,
» & du petit nombre des habitans , encore plus que
» du peu d’induftrie.

» Il y a de très – grands marécages en Angleterre ,
» dans la province de Lincoln , près de la mer , qui a
» perdu beaucoup de terrein d’un côté , & en a ga-
» gné de l’autre. On trouve dans l’ancien terrein
» une grande quantité d’arbres qui y font enterrés
» au-deffous du nouveau terrein amené par les
» eaux. On en trouve de même en grande quantité
» en EcofTe , à l’embouchure de la rivière Nefs. Au-
» près de Bruges , en Flandres , en fouillant A 40 ou
» 50 pies de profondeur, on trouve une très-grande
M quantité d’arbres auffi près les uns des autres que
» dans une forêt; les troncs, les rameaux & les feuil-
» les font fi bien confervés , qu’on diftingue aifément
» les différentes efpeces d’arbres. Il y a 500 ans que
» cette terre oii l’on trouve des arbres , étoit une
» mer , & avant ce tems-là on n’a point de mémoire
» ni de tradition que jamais cette terre eut exifté :
» cependant il efl: nécefîaire que cela ait été ainfi dans
» le tems que ces arbres ont crû & végété ; ainfi
» le terrein qui dans les tems les plus reculés étoit
>> une terre ferme couverte de bois , a été enfuite
» couvert par les eaux de la mer, qui y ont amené
» 40 ou 50 pies d’épaiffeur de terre , & enfuite ces
» eaux fe font retirées.

» Dans l’île de Man on trouve dans un marais qui
» a fix milles de long & trois milles de large , appelle
» Curragk , des arbres louterrains qui font des fapins ,
» ôi. quoiqu’ils foicnt à 18 ou xopiés de profondeur.

M A R

» ils font cependant fermes fur leurs racines, yoyei
» Rays , Difcourfes y pag. zjz. On en trouve ordi-
» nairement dans tous les grands marais , dans les
» fondrières & dans la plupart des endroits maréca-
» geux , dans les provinces de Sommcrfct , de Chef-
» ter , de Lancartre , de StafFord. On trouve aufCi
» une grande quantité de ces arbres fouterrains dans
>> les terres marccageufes de Hollande , dans la Fri(e
M &C auprès de Groninguc, & c’etlde-là que viennent
w les tourbes qu’on brûle dans tout le pays.

» On trouve dans la terre une infinité d’arbres ,
» grands & petits, de toute elpece; comme lapins ,
» chênes, bouleaux , hêtres , it’s , aubépins , laulcs ,
» frênes. Dans les marais de Lincoln , le long de la
» rivière d’Oufe , & dans la province d’Yorck en
» Haifîcldchace , ces arbres font droits , & |)lantés
» comme on les voit dans une forêt. Plulicurs autres
» endroits marécageux de l’Angleterre & de flrlande
» font remplis de troncs d’arbres, auffi-bien que les
» marais de Fiance, de Suifle , de Savoie ik d’ita-
» lie. f^oje;^ tranj] phil. abr, pag. ïi8. 6(.C. voLlF ».

» Dans la ville de Modene, tc à quatre milles aux
» environs, en quelqu’endroit qu’on fouille, lorf-
w qu’on ell pai venu à la profondeur de 63 pics , &
» qu’on a percé la terre à 5 pies de prolondeurdc
» plus avec une tanière , l’eau jaillit avec une fi
»> grande force , que le puits fe remplit en fort peu
» de tems prefque jufqu’au-deflus ; cette eau coule
» continuellement, & ne diminue ni n’augmente par
» la pluie ou par la fccherefle : ce qu’il y a de re-
» marquabledans ce tcrrein , c’ell que lorfqu’on cil
» parvenu à 14 pies de profondeur, on trouve les
» décombremens & les ruines d’une ancienne ville ,
» des rues pavées , des planchers , des maifons , dif-
« fcrentes pièces de mofaiqucs ; après quoi , on trou-
» ve une terre aflez folide , & qu’on croiroit n’avoir
» jamais été remuée; cependant au-delFous on trouve
» une terre humide & mêlée de végétaux , & à i6
n pies , des arbres tout entiers ; comme des noife-
» tiers avec des noilettesdeflus, 6l une grande quan-
>> tité de branches & de feuilles d’arbres : à 28 pies
» on trouve une craie tendre , mêlée de beaucoup
» de coquillages , & ce lit a onze pies d’épailfeur ;
» après quoi on retrouve encore des végétaux, des
M feuilles & des branches , & ainfi alternativement
» de la craie & une terre mêlée de végétaux , jufqu’à
» la profondeur de 63 pies , à laquelle profondeur
M eft un lit de fable mêlé de petit gravier & de co-
» quilles femblables à celles qu’on trouve fur les cô-
» tes de la mer d’Italie : ces lits lucceffifs de terre ma-
» récageufe & de craie fe trouvent toujours dans le
» même ordre, en quelqu’endroit qu’on fouille, &
>• quelquefois latarriere trouve de gros troncs d’ar-
» brcs qu’il faut percer , ce qui donne beaucoup de
» peine aux ouvriers. On y trouve aulfi des os , du
» charbon de terre, des cailloux & des morceaux de
» fer. Ilamazzini , qui rapporte ces faits , croit que
» le golfe de Véiiilé s’étendoit autrefois jufqu’à Mo-
» dene & au delà , & que par la fucceffion des tems ,
» les rivières , & |)eut-être les inondations delà mer
>» ont formé fuccelUvement ce tcrrein.

» On ne s’étendra pas davantage ici fur les variétés
M que préfentent ces couchesde nouvelle formation,
»illuffit d’avoir montré qu’elles n’ont pas d’autres
» caules que les eaux courantes ou flagnantes qui
» (ont à la furface de la terre, & qu’elles ne font ja-
» mais aulli dures , ni aufli folides que les couches
» anciennes qui fe lont formées fous les eaux de la
» mer ». Foyc-^ l’NifL mu. gén. &■ pan. torn. I. d’oii
cet article cil entièrement tiré.

MARKCHAL, f. m. ( Hi/f.rnoJ.Ô- artmU.)\\y
a un grand nombre d’otllcieis de ce nom. f’^oyc^ les ar-
ticles j’uiv ans.

Maréchal de Bataillk , (./Ar /////ù. ) c’ctoit

M A R

93

autrefois , dans les armées de France , un officier dont
la principale fonction croit de mettre l’armée en ba-
taille , (elon l’ordre dans lequel le général avoit rp^
folu de combattre. Ce titre ne paroît pas p!Us ancien
que Louis XllI. Il s’elt feulement conlervé dans le
commencement du règne de Louis XIV. Il n’en eft
plusqueltion depuis la guerre de Hollande en 1672.
^ Maréchal de camp, ( Jn militaire. ) officier
général de l’armée dont le grade eft inanédiatement
audefilis de celui de brigadier, & au-deflbus de
celui de lieutenant général.

C’ell l’oiiicier de l’armée qui a le plus de détail
lorfqu’il veut bien s’appliquer à remplir tous les de-
voirs de fon emploi. On peut dirr qu’un officier qui
s’en eft acquitte dignement pendant fept à huit ans
de pratique & d’exercice , eft très-capable de remplir
les fondtions de lieutenant général.

C’eft fur le maréchal de cump que roule le détail des
campemens 6c des fourrages.

II eft de jour comme le lieutenant général , dont
il prend Tordre , pour le donner enfuite aux majcrs
généraux de l’aimée. Son pofte dans une armée eft:
à la gauche des troupes tjui font fous les ordres du
lieutenant général 6l lous les liens.

Quand le général veut faire marcher l’armée , il
donne les ordres au maréchal de camp , qui conduit
le campement & l’el’coite néceffaire pour fa fureté,
aux lieux qui lui ont été indiqués. Loriqu’ii eft arrivé,
il doit envoyer des partis aans toub les endroits des
environs , pour reconnoure le pays & obferver s’il
n’y a point de lurprile à craindre de l’ennemi : on ne
fauroit être trop alerte & iiop vigilant fur ce fujet ;
mais il eft à-propos de ne faire aller à la découverte
que de petits partis conduits par des officiers intelli-
gens, atin dene point fatiguer excefllvement iîcfans
néceffitéles tioiq^esde l’elcorte.

Avant que de faire luarquer le camp , il doit en.
pofter les gardes & fur-tout n’en pas trop mettre,
car c’eft ce qui fatigue extrêmement l’armée quand
il faut les relever journellement. Il eft absolument
i.éceflaire d’épargner aux troupes toutes les fatigues
inutiles , elles en ont toujours aftez , fans qu’il foie
befoin de leur en cijoùter de fupertlucs.

Quand les gardes font poftees & que le tcrrein eft
bien reconnu , le maréchal de camp doit examiner ,
conjointement avec le maréchal des logis de l’armce
& les majors généraux , la difpofition qu’il veut don-
ner au camp, 6i obferver de mettre les troupes dans
le terrcin qui leur convient. Il prend cni’uite les
points de vue nécelfaires pour l’alignement du camp.
Le maiéchal général des logis fait après cela la dif-
tribution du terrcin aux oîîiciers majors de l’infan-
terie & de la cavalerie , qui en font la répartition
aux majors des régimens , hiivant l’étendue fixée
pour le front de cluique bataillon & de chaque cf»
cadron.

Le maréchal de camp doit s’inftruire des fourrages
qui fe trouvent dans les environs du camp,&: rendre
après cela compte au gênerai de tout ce qu’il a fuit
&: obfervé.

Les maréchaux de camp ont à proportion de leur
rang des honneurs militaires réglés par les ordon-
nances.

Un maréchal de camp qui commande en chef dans
une province par ordre de f.i majerté,doit avoT tine
garde de quinze honunes commandé.spar un ferpent,
fans tambour. Il en fera de même s’il commande lous
un chef iiU delVus de lui.

Si un gouverneur de place eft maréchal de camp ,
l’ulage clique l’officier de garde fafle mettre fi garde
en haie & le fufil lur l’éjiaule lorl’que le gouverneur
palle , mais le tambour ne bat pas.

Que fj le maréchal de camp a ordre pour comman-
der en chef un corps de troupes , alois il a pour fa

94 M A R

garde trente hommes avec un tambour, commandes
par un officier, & le tambour doit app^llcr quand il
parte devant le corps de-garde.

Les niarichaux de camp ont en campagne neuf cens
livres d’appointemcns par mois do campagne ou de
45 jours.

Le oiaJe ùc maréchal de camp efl auiourd’hui une
charge dont l’officier efl pourvu par brevet du roi.

Maréchal de France, ( Art mil’u. ) c’efl: le
premier officier des troupes de France. Sa tonûion
principale eft de commander les armées en chet.

Foyci GÉNÉRAL.

Le P. Daniel prétend que c’cft du tems de Philippe
Auoullccju’on voit pour la premicretbis le comman-
dement des armées joint à la dignité de maréchal.
Avant ce prince l’office de maréchal cio’it une inicu-
daace lur les chevaux du prince , auffi-bicn que ce-
lui de connétable , mais lubordonné & inférieur à
celui-ci.

Le premier maréchal de France qu’on trouve avoir
quelque commandement dans les armées , eft Henri
Clément, qui étoit à la tcte de l’avant-garde dans
la conquête que Philippe Auguftc fit de l’Anjou &
du Poitou 5 ainfi que Guillaume le Breton , hillorien
de ce prince le rapporte. On voit dans le même hil-
torien que ce maréchal commandoit l’armée par la
dignité de maréchal.

Jure marefcalli ciincîïs prcelatus agebat.

La dignité de maréchal de France n’étoit point à vie
dans ces premiers tems : celui qui en étoit revêtu
la quittoit lorfqu’il étoit nommé à quelqu’autre em-
ploi qu’on jugeoit incompatible avec les fondions
de maréchal. Il y en a plufieurs exemples dans l’hil-
toire , entr’autres celui du feigneur de Morcul , qui
étant maréchal de France fous Phihppe de Valois ,
quitta cette charge pour être gouverneur de fon fils
Jean , qui fut f«n fuccefl’eur fur le trône , mais il y
fut rétabli dans la fuite.

Il n’y eut d’abord qu’un maréchal de France lorfqne
le commandement des armées fut attaché à ceite
dignité ; mais il y en avoit deux fous le règne de
S. Louis : car quand ce prince alla à fon expédition
d’Afrique , l’an 1270 , il avoit dans fon armée avec
cette qualité Raoul de Sores , feigneur d’Eftrées , &
Lancelot de Saint Maard. François I. en ajouta un
troifieme , Henri IL un quatrième ; fes fuccelTeurs
en aputerent encore plufieurs auties : mais il tut
ordonné aux états de Blois , tenus fous le règne de
Henri III. que le nombre des maréchaux feroit fixé
à quatre. Henri IV. fut néanmoins contraint de fe
difpenfer de cette loi, & d’en faire un plus grand
nombre , qui a encore augmenté par Louis XIlI. &
par Louis XIV. Il s’en eft trouvé jufqu’à vingt fous
le rcgne de ce prince , après la promotion de 1703.

La dignité de maréchal de France eft du nombre de
celles qu’on appelle charges de la couronne , & il y a
déjà long-tems : on le voit par un aûe rapporté par
le P. Anfelme , oii il eft dit: En V arrêt du duc d’Or-
léans ^ du 2.5 Janvier 1^61 , ejl narré que Us offices
de maréchaux de France appartiennent à la couronne,
& l’exercice auxdits maréchaux , </«/ en font au roi foi
6′ hommage.

Les maréchaux ont un tribunal oii ils jugent les
querelles fur le point d’honneur, Se de diverlés au-
tres chofes qui ont rapport à la guerre & à la no-
bleffe. Ils ont des fubdélégués & lieutcnans dans les
provinces pour en connoître en première inftance ^
avec leur jurifdiûion au palais ù Paris , fous le titre
de connétablie & maréchauffée de France. Ils ont des
officiers qui exercent la juftice en leur nom.

Le revenu de leur charge n’étoit autrefois que de
500 livres , encore ils n’en jouifToient que pendant
qu’ils en faifoient les fondions ; à-préfeut leurs ap-

A R

pointemens font de 12000 livres même en tems dé
paix. Quand ils commandent l’armée, ils en ont de
beaucoup plus torts , favoir 8000 livres par mois de
45 jours : outre cela , le roi leur entretient un fecré-
taire , un aumônier , un chirurgien , un capitaine
des gardes , leurs gardes, &: plufieurs aides de camp.

Les maréchaux de France , en quelque ville qu’ils le
trouvent , quand même ils n’y leroient point de fer-
vice, ont toujours une garde de 50 hommes, com-
pris deux fcrgens & un tambour, commandes par
un capitaine , un lieutenant, avec l’enfeignc &; Ion
drapeau.

Lorfqu’ils entrent dans une ville, on fait border
les murs d’une double haie d’infanterie , depuis la
porte par où ils entrent julqu’à leur logis : les troupes
préientent les armes, les officiers falucnt , & les tam-
bours battent aux champs. S’il y a du canon dans la
place , on le lalue de plufieurs volées de canon.

La dignué de maréchal de France ne s’obtenoit au-
trefois que par le lervice fur terre , mais Louis XIV.
l’a auffi accordée au fervice de mer. Jean d’Etrées ,
perc du dernier maréchal àt ce nom , eft le premier
qui l’ait obtenu : il y en a eu depuis plufieurs autres,
comme Mlvl. de Tourville, de Châieau-Renaud, &c.

Les maréchaux de France portent pour marque de
leur dignité , deux bâtons d’azur femés de fleurs de-*^
lis d’or , paffés en fautoir derrière l’écu de leurs ar-
mes. Hiji. de lu milice françoij’e.

Maréchal général des camps et armées
DU Roi , (^Art. mùlit. ) c’eft une charge militaire qui
fc donne à-prefent à un maréchal de France auquel
le roi veut accorder une didiinction particulière.
Dans fon origine elle étoit donnée à un maréchal de
camp, & c’étoit alors le premier offi.cicr de ce grade.
Le baron de Biron en étoit pourvu avant que d’être
élevé au grade de maréchal de France ; il en donna
la démiffion lorique le roi le fît maréchal de France
le 2 Octobre 1583. Foye^^ fur ce fujet la chronologie
militaire par M. Pinard , tome I. p. 2,2.0 ^ 6l\q com-
mencement du tome IL du même ouvrage.

La charge de maréchal général des camps & armées
du roi fut enfuite donnée à des maréchaux de France.
On trouve dans i’hiftoire des grands officiers de la
couronne, trois maréchaux de France qui en ont été
revêtus , le maréchal de Biron, fécond du nom , le
maréchal de Lefdiguieres , depuis connétable de
France , & M. le vicomte de Turenne. On trouve
dans le code militaire d{:l\i. de Briquet , les provifions
de cette charge pour M. de Turen;io : elles ne por-
tent point qu’il aura le commandement fur les au-
tres maréchaux de France ou qu’ils lui feront fubor-
donnés ; c’eft la railon fans doute pour laquelle le
feu roi ordonna en 1672 qu’ils fuffent fous fes or-
dres, fans tirer à coniéquence.

Depuis M. de Turenne , M. le maréchal de Villars
à obtenu cette même charge en 1733 , & M, le ma-
réchal de Saxe en 1746.

Maréchal général des logis de la cava-
lerie, (^Artmilit. ) c’eft en France un officier qui a
à-peu-près les mêmes fondions & les mêmes détails
dans la cavalerie que le major général dans l’infan-
terie. Foyei Major général. Cet officier va aa
campement ; il diftribue le terrein pour camper la
cavalerie fous les ordres du maréchal de camp de
jour , dont il prend l’ordre pour le donner aux ma-
jors de brigades ; il a chez lui à l’armée un cavalier
d’ordonnance pour chaque brigade , afin d’y porter
les ordres qu’il peut avoir à donner. Cette charge ,
félon M. le comte de Bufly, ne paroît point avant le
règne de Charles IX.

Il y a , outre la charge de maréchal général des logis
de la cavalerie, deux autres officiers qui ont le titre
de maréchal des logis de la cavalerie , dont la création
eft de Louis XIV. ils font dans les années, lorfque

M A R

le maréchal général de la cavalerie n’y eft point ,
les mêmes fondions qui appartiennent à cet officier :
ills ont les mêmes honueurs &c privilèges , 6c des ai-
des de même que lui. Hi/L de. la mil’ucfrançoifi.

Maréchal général des logis de l’armée,
( An mïlit. ) eft un des principaux officiers de l’ar-
i:ice, dont l’emploi demande le plus de talens & de
capacité. Ses fondions confiftent à diriger les mar-
ches avec le général , à choifir les lieux où l’armée
doit camper , & à diftribuer le terrein aux majors de
brigade. Cet officier eil chargé du loin des quartiers
de fourrage , & d’inftruire les officiers généraux de
ce qu’ils ont à faire dans les marches 6i lorfqu’ils
font de jour. Le roi lui entretient deux fourriers ,
dont les fondlions font de marquer dans les villes &
les villages que l’armée doit occuper , les logemens
des officiers qui ont le droit de loger.

Lz maréchal général des logis de ï » armée eft en titre
d’office , mais le titulaire de cette charge n’en fait
pas toujours les fondions : le roi nomme fouvent
pour l’exercer un brigadier, un maréchal de camp
ou un lieutenant général. Celui qui ell chargé de cet
important emploi , doit avoir vme connoiffance par-
faite du pays où l’on fait la guerre ; il ne doit rien né-
gliger pour l’acquérir. Ce n’ell qu’à force d’ufage &
d’attention , dit M. le maréchal de Puyfégur fur ce
fujet , qu’on peut y parvenir ; que Von apprend à
mettre en œuvre dans un pays tout ce qui ejl praticable
pour faire marcher , camper & pojier avantageufement
des armées , les faire combattre , ou les faire retirer en
fureté.

Comme tous les mouvemens de l’armée concer-
nent le maréchal général des logis , il faut qu’il ioit
inflruit des delfeins lecrets du général , pour prendre
de bonne heure les moyens néceffaires pour les exé-
cuter. Quoique cet officier n’ait point d’autorité fur
les troupes , la relation continuelle qu’il a avec le
général pour tous les mouvemens de l’armée , lui
donne beaucoup de confidération , fur-tout , dit M.
de Feuquicre , lorfqu’il eft entendu dans fes fonc-
tions.

Maréchal des logis , /^, ( Art miUt. ) dans
une compagnie de cavalerie & de dragons ell: un bas
officier qui cfl comme l’homme d’affaire du capitai-
ne ; il a fous lui un brigadier & \\n foubrigadier : ces
deux derniers font compris danï; le nombre des ca-
valiers ou dragons ; ils ont cependant quelque com-
mandement fur les autres.

Le maréchal des logis doit faire fouvent la vifite
dans les tentes , pour voir li les cavaliers ne décou-
chent point , & s’ils ont le foin qu’il faut de leur
équipage. C’eft lui qui porte l’ordre aux officiers de
la compagnie ; il doit être pour ainfi dire l’clpion du
capitaine, pour l’avertir exactement de tout ce qui
le paffe dans fa compagnie. Lorfqu’il s’agit de faire
quelque diftribuiion aux cavaliers , ibit de pain ou
de fourrage , c’eft le maréchal de logis qui doit les
conduire au lieu où fe fait la diftribution.

Maréchal. ( Hijl. de Malte. ) Le maréchal ,
dit M. de Vertor , cil la féconde dignité de l’ordre
de Malte , car il n’y a que le grand-commandeur
devant lui. Cette dignité ell attachée à la langue
d’Auvergne dont il cil le chef &; le pilier. Il com-
mande militairement à tous les religieux, à la ré-
lervc des grands-croix, de leurs lieutenans, & des
chapelains. En tems de guerre, il conlic le grand
étendard de la religion au chevalier qu’il en )ugc
le plus digne. Il a droit de nommer le maître-écuycr;
& quand il fc trouve fur mer, il commande non-
feuîemcnt le gêné rai des galères , mais même le
grand-amiral. ( Z). 7, )

Maréchal ferrant, {An méchan.) cil \m
ouvrier dont le mé lier cft de ferrer les die vaux, 6:

M A R

95

de les panfer quand ils font malades ou blelTés.
Foyei Ferrer.

Les inllrumens du maréchal font les flammes k
lancette , le biilouri , la fe-uiUe de fauge , les cifeaiix
les renettes, la petite gouge, l’aiguille, les couteaux
& les boutons de teu , le brûle-queue, le fer à com-
pas , l’elfe de feu , la marque , la corne de chamois ,
le boéticr , la corne de vache , la cuiller de fer la
feringue, le pas- d’âne , le Icve-fole, la fpatule, é-c.
Foyei tous ces inllrumens aux lettres & aux figures
qui leur conviennent.

Les jurés & gardes de la communauté des maré-
chaux fe choifilTent entre les anciens & les nou-
veaux. Deux d’entr’eux font renouvelles chaque
année, ‘6c pris parmi c.nix qui ont été deux ans
auparavant maîtres de la confrairie de S. Éloi pa-
tron de la communauté , & encore auparavant bâ-
tonniers de la même confrairie.

Chaque maître ne peut avoir qu’un apprentif
outre les enfans : l’apprentilTage ell de trois ans.

Tout maréchal a fon poinçon dont il marque fon
ouvrage, & dont l’empreinte relie fur une table
de plomb dépofée au châtelet.

Avant d’être reçus maîtres , les apprentifs font
chef-d’œuvre , & ne peuvent tenir boutique avani
l’âge de 24 ans; permis néanmoins aux enfans de
maîtres , dont les pères & mères feront morts , de
la lever à dix-huit ans.

Aucun maître, de lettres, ne peut entrer en ju-
rande , qu’il n’ait tenu boutique douze ans.

Il n’appartient qu’aux fculs maréchaux de prifer
& ellimer les chevaux & bêtes chevalines, & de
les fiùre vendre & acheter, même de prendre ce
qui leur fera volontairement donné pour leurs
peines par les vendeurs & acheteurs , i’ans pou-
voir y être troublés par aucuns foi-difans cour-
tiers ou autres.

MARÉCHAUSSÉE; {Jurifprud.) c’ell la jurif-
diftlon des prévôts des maréchaux de France. Foye:^

CONNÉTABLIE, PrEVÔT DES MARÉCHAUX, 6^

Point-d’honneur. {A)

Maréchaussées. {An miUt.^ C’ell en France
un corps de cavalerie compofé de trente-une com-
pagnies, dont l’objet eil de veillera la fécurité des
chemins , & d’arrêter les voleurs &: les allaffins.
Leur fervice eil regardé comme militaire ; & ils
doivent avoir les invalides, après lo ans de fer-
vice.

MARECHER, {Jardinage.^ f. m. On appelle ainl»
les jardiniers qui cultivent \^:s marais.

MARÉE, {Phyf.) f. f. fe dit de deux mouve-
mens périodiques des eaux de la mer, par lefquels
la mer fe levé & s’abailfe alternativement deux fois
par jour, en coulant de l’équateur vers les pôles, 6c
refluant des pôles vers l’équateur. On ap|ielle aulîr
ce mouvement _/?//A,- & reflux de la mer. Foye^ Flux
& Reflux , Mer , Océan , &c.

Quand le mouvement de l’eau ell contraire au
vent , on dit que la marée porte au vent. Qu.ini on a
le cours de l’eau & le vent tavorablcs*on dit (.\\\on
a vent & marée. Quand le cours de l’eau eil rapide ,
on l’appelle forte marée. On ilit atundrc les marées
d.ins un parage ou dans un port , quand on mouille
l’ancre ; ou qu’on entre dans un port pendant que
la m.irée ell contraire , pour remettre .\ la voile avec
la marée fuivante & tavorable. On dit refouler la ma-
rée, quand on fuit le cours de la marée, ou qu’oa
fait un trajet ;\ la taveur tle la marée. On appelle La
marée , marée &■ demie , quand elle dure trois heures
de plus au largue, qu’elle ne fait aux bords de I.i
mer : Et quand on dit de plus y cela ne lignifie point
que la marée dure autant d heures de plus ; mais que
li par exemple, iàmuru cil haute aux bords de U

ç)6

M A R

mer à midi , elle ne iera haute au largue qu’à trois s

^Ouand la lune entre dans fon premier & dans fon
troUieme quartier, c’elt-à-dire quand on a nou-
velle 6l pleuie lune , les marccs lont hautes &
fortes . &C on les appelle grandes marcts. Et quand
a luné elt dans (on fécond & dans fon dernier
quartier , les rnaûcs font bafles & lentes , on les
appelle worus-murècs , &c. Chambcrs.
^Nous avons donné au mot Flux & Reflux les
principaux phénomènes des marccs, &c nous avons
tâché d’en expliquer la cauie.

Nous avons promis au même article/^.: 8>C reflux,
d’ajouter ici quelques détails fur les marées; & nous
allons fatistaire à cette promelTe. ^

On demande pourquoi il n y a point de marées
fenfiblcs dans la mer Calpienne m dans la Méditer-
ranée. , , un- J r 1 -t

On trouve par le calcul , que l adion du foieil
& de la lune pour foulever les eaux , eil d’autant
moindre que la mcr^ a moins d’étendue ; & ainfi
comme dans le vatte & profond Océan, ces deux
aaions ne tendent à élever les eaux que d’envi-
ron 8 à lo pies, il s’enfuit que dans la mer Cal-
pienne qui n’eft qu’un grand lac , l’élévation des
eaux doit être inlcnfible.

Il en eil de même de la Méditerranée dont la com-
munication avec rOcéan eft prefqu’entierement
coupée au détroit de Gibraltar.
■ On peut voir dans la pièce de M. Daniel Ber-
noulil , fur le flux- & reflux de la mer, l’explication
d’un  »rand nombre d’autres phénomènes des marées.
On trouvera auffi dans cette même pièce des tables
pour la hauteur & pour l’heure des marées de cha-
que jour : & ces tables répondent allez bien aux
obfervatlons , fauf les différences que la fituation
des côtes & les autres circonlknces particulières
y peuvent apporter. , ,- ,

Les alternatives du flux & reflux de lix heures
en fix heures , font que les côtes font battues ians
celle par les vagues qui en enlèvent de petites par-
ties qu’elles emportent & qu’elles dépolent au
fond ; de même les vagues portent fur les côtes
différentes produdions , comme des coquilles, des
fables qui s’accumulant peu-à-peu, produilent des

éminences. ^, ^ , v t ,

Dans la principale des îles Orcades ou les rochers
font’coupésà pic, 200 pies au-dellus de la mer,
la murée fe levé quelquefois juiqu’à cette hauteur,
lorfque le vent elt fort. Dans ces violentes agita-
tions la mer rejette quelquefois fur les côtes des
matières qu’elle apporte de fort loin, & qu’on ne
trouve jamais qu’après les grandes tempêtes. On
en peut voir le détail dans VHiJl. nat. générale &
particulière, tome I. page 4;^8.

La mer, par fon mouvement général d’orient en
occident, doit porter furies côtes de l’Amérique les
produaions de nos côtes; 6l ce ne peut être que par
des mouvemens fort irréguliers,& probablement par
des vents , qu’elle porte fur nos côtes les produc-
tions des Indes & de l’Amérique. On a vu louvent
dans les hautes mers , à une très grande diftance des
côtes, des plages entières couvertes de pierres-
ponces qui venoient probablement des volcans des
îles & de la terre-ferme, voye^ Volcan 6- Pierre-
ponce , & qui paroiffent avoir été emportées au
milieu de la mer par de courans. Ce fut un indice
de cette nature qui fît foupçonner la communica-
tion de la mer des Indes avec notre Océan, avant
qu’on l’eût découverte. (O)

Marées, (^Marine.) Les Marins nomment ainû
le tems que la mer emploie à monter 6c à defcen-
dre , c ‘eft à-dire , le flux & le reflux qui elf une ef-
pece d’inondation de la part de la mer deux fois
le jour.

Les eaux montent environ pendant fîx heures ; ce
mouvement qui eil quelquefois afléz rapide , & par
lequel la mer vient couvrir les plages, fe nomme le
Jiux ou \q Jlot. Les eaux, lorfqu ‘elles font parve-
nues à leur plus grande hauteur, refient à peine un
demlquart-d’heure dans cet état. La mer efl alors
pleine ou elle efl étale. Elle commence enfulte à
defcendre , & elle le fait pendant fix heures qui for-
ment le tems du rejlux, de l’ébc, ou de jufan. La mer
en fe retirant, parvient à fon plus bas terme qu’on
nomme ba^je-mer, & elle remonte prefque auffi-tôt.

Chaque mouvement de la mer n’efl pas prccl-
fément de fix heures : elle met ordinairement un
peu plus à venir 6c un peu plus à s’en retourner.
Ces deux mouvemens contraires font même confi-
dérableinent Inégaux dans certains ports : mais les
deux enfemble font toujours plus de douze heu-
res ; ce qui efl caufe que la pleine mer où chaque
marée ne fe fiiit pas à la même heure tant le folr que
le matin, elle arrive environ 24 minutes plus tard.
Et d’un jour à l’autre. Il fe trouve environ 48 mi-
nutes de retardeiTient;c’eft-à-dlre, que s’il cfr pleine
mer aujourd’hui dans un port à 9 heures du matin ,
il n’y fera pleine mer ce folr qu’à 9 heures 24 mi-
nutes , & demain à neuf heures quarante-huit mi-
nutes du matin, & le folr à 10 heures 12 minutes.
C’ell auffi la même chofe à l’égard des baffes-mers,
elles retardent également d’un jour à l’autre de 48
minutes, & du matin au folr de 24 minutes.

Ce retardement étant connu, on peut, fi l’on a
été attentif à l’inftant de la marée un certain jour,
prévoir à quelle heure il fera pleine mer dans le
même port un autre jour, & faire fcs difpofitions
à-propos pour fortir du port ou y entrer ce jour-là.
Chaque jour les marées retardent de 48 minutes;
ainfi en 5 jours, elles doivent retarder de 4 heu-
res, ce qui donne la facilité de trouver leur retar-
dement à proporilon pour tout autre nombre de
jours. Elles doivent retarder de 8 heures en 10 jours,
& de 12 heures en 15 jours. Or il fuit de-là que
les marées reviennent exaftement aux mêmes heu-
res dans les quinze jours ; mais que celles qui fe fai-
foient le matin, fe font le folr, & celles qui arri-
voient le foir, lé font le matin : à la fin de quinze
autres jours elles reprennent leur premier ordre.

Les marées font plus fortes de quinze jours en
quinze jours, c’eil ce qui arrive à toutes les nou-
velles & pleines lunes. On donne le nom de grandes
eaux à ces plus fortes marées : on les nomme aufli
malines ou reverdies. Dans les quadratures, c’eft-à-
dire aux premier 6c dernier quartiers , la mer monte
moins, & elle defcend aufTi moins, c’efl ce qu’on
nomme les mortes eaux. Et la différence de hauteur
entre les mortes eaux & les malines , va quelquefois
à la moitié : ce que l’on doit lavoir pour entrer ou
fortir d’un port. En général, les marées du matin &C
du iolr ne lont pas également fortes ; mais ce qu’il
y a de très -remarquable, c’efl que l’ordre de ces
marées change au-bout de llx mois; c’eflàdire , que
fi ce font les marées du matin qui font aduellement
les plus fortes , comme cela ne manque pas d’ar-
river ; en hiver, en llx mois ou un peu plus, elles
feront les plus foibles. Ce font effeftlvemcnt les
marées du foir qui font les plus fortes en été. Mais
au-bout de fix mois, les plus fortes marées devien-
nent les plus foibles , & les plus foibles deviennent
les plus fortes.

Au furplus , les malines n’arrivent pas précifé-
mcnt les jours des nouvelles &c pleines lunes, mais
un jour & demi ou deux jours après. Les plus pe-
tites marées ou les mortes-eaux ne concourent pas
non-plus exaclement avec les quadratures ; elles
tombent un jour & demi plus tard. Après qu’elles
ont été fort grandes un ou deux jours après la nou-
* vclle

velle ou la pleine lune, elles vont en diminuant
jurqu’à un jour & demi après la quadrature , &
elles augmentent enfuiie juiqu’à la pleine ou nou-
velle lune iuivante.

On a vu ci – devant que les marées fdtardoient
cViaque jour de 48 minutes, & qu’elles ne reve-
noient aux mêmes heures que de i^ jours en 15
jours, il cft pleine mer fur toute une étendue de
côte à la même heure Mais félon que les ports
font plus ou moins retirés dans les terres, ou que
leur ouverture eft plus ou moins étroite , la mer
emploie plus ou moins de tems pour s’y rendre , &
il y eft pleine mer plus tôt ou plus lard. Chaque
port a donc fon heure particulière ; outre que cette
heure eft difféiente chaque jour , il a été naturel de
confidcrcr plus particulièrement les marées àt^ nou-
velles & pleines lunes,& d’y rapporter toutes les au-
tres. On nomme établijjement cette heure à laquelle il
eft pleine mer, lorfque la lune eft vis-à-vis du foleil,
ou qu’elle fe trouve à l’oppolite. Par exemple, à
Breit , l’établiflément des marées eft à 3 heures 30
iniiuitcs; au lieu qu’au Ha vrede-grace, il eft à 9 heu-
res, parce qu’il eft pleine mer à ces heures-là les
jours de nouvelle & pleine lune.

Il eft bon de remarquer que les pilotes font affei
dans l’ulage d’exprimer l’établiftément des ports,
par les rumbs de vent de la boufl »olle. Ils fe fer-
vent (lu nord Si du fud pour indiquer 12 heures ;
ils indiquent 6 heures par l’eft &i l’oueft , 3 heu-
res par le fud-eft 6c nord-oueft, & ainfi des au-
tres. Cet ulage qui s’eft introduit dans plufieurs
livres, n’eft propre qu’à induire en erreur les per-
fonncs peu inftruites, en leur faifant croire que ces
prétendus rumbs de vent qui défignent l’établifté-
ment des marées, ont rapport à la direction des ri-
vières, ou aux régions du monde, vers lefquelles
îes entrées des ports font expofées. Il n’eft pleine
mer plus tard à Nantes qu’au bas de la Loire , que
parce que cette ville eft confidcrablement éloignée
de la côte , 6c qu*il faut du tems au flux pour y
faire ientir fon effet.

Tout ce qu’on vient de dire fur les marées, eft
tiré du nouveau iralté de Navigation , publié par
M. Bouguer en 1753, auquel on peut avoir re-
cours pour de plus grands détails. On ajoute ici
une table de quelques côtes & ports de l’Europe,
où l’heure de la pleine mer eft marquée, les jours
de la nouvelle lune & de la pleine, & à la fuite
Une table du retardement des marées.

Tables des côtes & ports de VEurope ou Vheiire de la
pUine mer arrive le jour de la nouvelle & pleine
lune.

France.

A Saint-Jean de Luz, à Rayonne , à . . 3 h. 30′.
A la côte de Guyenne & Gafcogne , . 3 o.

Côtes de Saintor/ge & d’Annis,

A Royan , à Brouage , à la Rochelle ,

à remboucliure de la Ciharente, … 3 4c.

A l’île de Ré 6i. dans les pertuis bretons
& d’Antiochc , 3.

Côtes de Poitou,

Dans toute la côte de Poitou, …. 3.

A Olonne , 3 1^.

A rile-Dieu , . , 3.

Côtes de Bretagne,

A l’embouchure de la Loire , 3 15.

A Pcnibcvuf, c je.

A Morbian , Port-Louis , Concarnaux ,
Tome Jl,

M A R 97

âr toute la côte du fud de Bretagne y 3.

A Vannes , à Auray , . 3 At^

A la Roche-Bernard , 4 30.

A BelleHle, i 30.

A Pennemarck , Audierne, j i^.

A la rade de Breft , 3 15.

A la rade deBertaume , 3.

Entre Oueftant & la terre ferme , & dans

le paftage de l’Iroife , 3 45^.

Au Conquet, 2 ir.

A Abbreverak, 4 3 30.

A l’île de Bas, 5 13»

A Saint Pol de Léon & à l’embouchure

de la rivière de Morlaix , 4.

Aux fept îles , c.

A Samt-Malo & Cancale , 6.

Côtes de Normandie.

AGratidville, g 4^^-

A l’ani’e de Vauville, 6 30*

A Chei bourg, . • »j;;t_* »i i » i . . 7 30.

A la Hougue , ….. 7~.~~. . . .^. . 8 15»
A Honfleur , à l’embouchure de la Seine ,

au Havre de Grâce , o,

A Fccamp,à S. Valéry en Caux, … 9 45.

A Dieppe & à Tréport , 10 30.

Côtes de Picardie,

Dans toute la côte depuis Tréport juf-

qu’à Ambleteufe , 11.

A Calais , n 30,

Dans le j)as de Calais , 3 4c,

A Dunkerque , Nieuport & OHende ,.12.

En Flandres.

Dans le canal entre l’Angleterre & la

Flandres, 3,

En Hollande.

A l’Eclufe &àFleflingue, 1 30.

Dans les îles de Zélande , 1.

Dans le Texel , j jo.

Hors le Texel à la côte , 6.

A Amfterdam , à Roterdam & à Dor-

drecht, 3.

En Angleterre,

Aux Sorlingues & à la pointe occiden-
tale d’Angleterre, 4 30,

A l’entrée de la Manche, 3.

A Montboy , c

Aux côtes près le cap Lézard , . . . . 7.

A Falmouth , ç ^g,

A Faure , à Plimouth & à Darmouth , ç ^c.

A la côte , près le cap Gouftard , . . . 7

A Torbay &L à Exmouth, ç i^^

A Portland & àWeymouth, ….. g 50.

Le long delà côie , depuis Portland

julqu à l’île de \V’ight , n.

Dans la rade de Sainte-Hélène , …. 10 -io;

A Portfmouth & Hampton , u.

Dans toute la côte , depuis l’île de

Wigth jufqu’à Douvres, n 30»’

A Douvres, 12.

Dans la rade des Dunes , 11.

A l’embouchure do la Tamife, …. i i.

Depuis la Tamife jufqu’à Yarmouth , le

long de la côte, 10,

En Irlande.

Dans toute la côte de l’oueft , 4.

Aux îlesBIaqucs, 3.

A Dingic, 3 30;

Dans la baie de Hantry, 4 30.

A Baltunont , à Rofle, & à Kingfalc, 5 i c.

N

98

M A R

M-
30.

30.

30.

30.

A Kork , ; • • 5

A Waterfort&lelongdelacôte, … 6

A Wiclo, ; . . . 7

A Dublin, • • • 9

A la côte du nord d’Irlande , 6

En Efpagnc.

A Cadix & par toute la côte voifine , i

En. Portugal.

A Lagos , .

A Sciiival , »

Dans le port de Lisbonne , . . . • • •
Dans toute la côte depuis Lisbonne jul-

qu’au cap Finiftere ,

Il eft inutile d’étendre cette table ; ce qu’on vient
de voir luffit pour l’intelligence de ce que nous
avons dit ci-devant fur l’établifrement des marccs
dans un port. Il ne nous relie plus que la table du
retardement des marées , qu’on va donner.
Tublc du retardement des marées.

M-

30.

Antici-

Retard.

pation.

H. M.

H.

M.

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Cette table fert aufli pour trouver l’établiffemcnt
d’un port , lorfqu’on y aura obfcrvé l’heure de la

marée. • ‘ i

Un certain jour la table marquera la quantité du
retardement de l’anticipation pour le jour de l’obfer-
vation , & elle la donnera tonjours par rapport à
l’heure de l’établiffemcnt ; ainli il n’y aura qu’à ôter
le retardement , ou ajouter l’anticipation à l’heure
qu’on aura obfcrvée , & on aura l’heure de la pleine
mer pour le jour de la nouvelle & pleine lune.

On obfervc, par exemple , la pleine mer à 10
heures 20 minutes dans un certain port un demi jour
avant la nouvelle lune.

On confulte la petite table qui apprend qu’un de-
«li jour donne 18 minutes d’anticipation , ou que la

M A R

pleine mer doit arriver 18 m. plutôt à caufe du demi
jour , on aura donc 10 h. 38 m. pour l’ctabliffement.
Suppolons , pour lecond exemple, que deux jours
& un quart avant une des quadratures , on obierve
qu’il cil; pleine mer dans un port à 5 heures 40 mi-
nutes , on trouvera dans la table 3 heures 1 1 minu-
nutes pour le retardement ; d’oîi il s’en fuivra que
la mer aura été pleine le jour de la nouvelle ou plei-
ne lune à 2 h. 19 m. , & ce fera l’établiffemcnt requis.
Marées qui portent au vent , font des marées qui
vont contre le V’Cnt.

Marées & contremarées , ce font des marées qui fe
rencontrent en venant chacune d’un côté , &. qui
forment fouvent des courans rapides & dangereux,
qu’on appelle des ras.

Marées qui foutïennent , expreffion qui lignifie
qu’un vailieau taifant route au plus près du vent ,
&: ayant le courant de la marée favorable , fe trouve
foutenu par la marée contre les lames que pouffe le
vent ; enforte que le vaiffeau va plus facilement où
il veut aller. Article de M. Belin.

MAREGRAVE , f. f. maregravia , ( Bot. ) genre
de plante à fleur monopétale en forme de cloche ,
placée fur un piiiil entouré d’étamines qui font tom-
ber la fleur. Ce piftil devient dans la fuite un fruit
prefque fphérique , mol , charnu , qui renferme plu-
fieurs petites femences. Plumier, nova plant. Amer,
gen. ^oyei PLANTE.

MAREMMES DE SIENNE , les ((?%. ) petit
pays d’Italie, en Tofcane, dans l’état de Sienne,
dont il forme la partie méridionale & maritime.
L’Ombrone , rivière , le partage en deux. On y trou-
ve les bourgs de Groffetto , Maffo , Anfedena &
Caftiglione , qui font tous dépeuplés , parce que l’air
y ell très-mal-fain. (Z). /.)

MARE-MORTO,(Gf’o^.) c’efl ce qu’on appel-
loit autrefois Portus-Mifenus , un peu au – delà de
Cumes dans le royaume de Naples. Aujourd’hui ce
port ne peut fervir de retraite qu’à de petites bar-
ques. (Z>./.)

MARENNES , f. f. {Géog.) en latin Marines, pe-
tite ville de France en Saintonge , entre la rivière
de Sendre , 6c le havre de Brouage. Elle efl le fiege
de l’éleétion. Elle fournit du fel qu’on fait remonter
jufqu’à Angoulême , mais fans utiUté pour la pro-
vince , à caufe des droits dont il efl: chargé à Ton-
nai-Charente. Les huîtres vertes qu’on pêche aux
environs de Marennes ont une grande réputation ,
que nos gourmans ont établie. Long. iG. zy. lut, 45,
48.{D.J.)

MARÉOTIDE la, {Géog.anc.^ Marrotis regio ,
ou Marcotus nomus ; pays d’Afrique à l’extrémité de
la Libye & de l’Egypte , auprès d’Alexandrie ; c’é-
toit du lac de ce pays que le Nome prit le nom de
Maréotide ; ainfi voye^ l’article de ce lac. (^D.J.^
MarÉOTIDE lac, {Géog. anc.) Marcia , Mareotis,
, Mareotis palus ; grand lac d’Afrique , auprès d’Ale-
xandrie d’Egypte. Pline & Strabon en parlent beau-
coup. Ce dernier affûre que les eaux s’étoient ac-
crues par des canaux qui venoient du Nil , de forte
que l’on pouvoit s’y rendre par eau de toute l’Egyp-
te. Il arrivoit de-là que les habitans d’Alexandrie
avoient fur ce lac un port plus riche & mieux pour-
vu que celui qui étoit du côté de la Méditerranée.
Le même Strabon donne au lac Maréotide 150 fta-
des de largeur ( 7 à 8 lieues de France ) , & près du
double de longeur. Le vin qui croiffoit fur fes bords
s’appcUoit mareoticum vinum , & c’efl le même qu’A-
ihéneé nomme vin d’Alexandrie : tous les anciens en
parlent avec éloge. Virgile dit de fes vignes ,

Sunt Thafûi vites ^funt & Mareotides albœ.

Les excellcns vins de l’îlo de Tharos , & ceux du
lac Marèotidi font blancs.

A R

Sur îa nouvelle qu’Odave avoit pris Alexandrie,
Horace , pour lui plaire , peint le caradere de Cléo-
patre avec les couleurs les plus vives ; l’amour de
cette princeffe croit, félon lui, une fureur; Ion cou-
rage un defefpoir , fon ambition une ivrclfe ; le
iroiible , dit il , de fon efprit , caulé par les fumées
du vin d’Egypte, fe changea tout-à-coup en une
vérliable crainte.

Mcntemqiie hymphatam Mareotico

Redeg’u in vtros timons

Cafar.

Non-feulementonnevoit plus les bordsdu XzzMa-
Tcoilde , aucuns veftiges des fameux vignobles où
cioUroit ce vin ii renommé chez les anciens; mais le
lac hii-mcmeefl: tellement defléché, que nousdoutons
fi c’cft le lac de Bukiara des mod’jrnes. Il ne faut pas
néanmoins s’éionner de fon defiéchement , puifquc
ce r.’ctoit d’abord qu’un étang formé parles eaux d’u-
ne finiple fource , & que ce fut la feule communica-
tion avec le Nil qui en fît un grand & vafte lac. (Z>./.)

MARESCAYRE , f. f. (^Péche.) terme de pcche
iififé dans le reflbrt de l’amirauté de Bordeaux ; c’efl
ainfi qu’on appelle les rets aveclefquels ont fait la
pêche des oifeaux marins dans la baye d’Arcaiïbn.

MARÉTIMO , (Géog.) Maritima inJuLi ; petite
île d’Italie fur la côte occidentale de Sicile, à fO.
des îles de Lévanzo & de Savagnana, & à 20 milles
de Trapani. Elle n’en a que 1 5 de circuit , un feul
château , & quelques niétairies que les fermiers
tiennent pour y recueillir du miel. Baudran croit
que c’cll dans cette île que Catulus, général de la
flotte romaine , remporta la vlftoire lur l’année na-
vale àcs Carthaginois, Quoi qu’il en foit, le nom de
Mureiino lui vient de ce qu’elle eft plus avancée dans
la mer que les deux îles qui font entre elle & la Si-
cile. Long. -^o. 2. lat. ^8. 6. Ç^D.J.^

MARGARITINI. {Arts.) C’cfl ainfi que l’on
nomme à Venife & en Italie de petites pièces de
compofition dlverfement colorées , que l’on fait fur-
tout i\ Murano, près de Venife. Pour les faire on
prend des tuyaux de baromètres , que l’on cafTe en
petits morceaux , qui ont la forme de petits cylin-
dres courts ; on les mêle avec de la cendre , 6c on
les met fur le feu dans une poêle de fer ; lorfque les
bouts de cylindres commencent à fondre , on les re-
mue & on les agite fans cefî’e avec une baguette de
fer , ce qui leur donne une forme ronde ; on ne ks
hiifi’e point chauffer trop long tems , de peur que le
trou ne fe bouche, vu qu’il faut pouvoir y palier
un fil pour faire des colliers dont fe fervent les fem-
mes du commun ; on en fait aulTi des chapelets.

MARGAUTER ,ou MARGOTER , v.n.{C/iafe.)
fe dit des cailles qiu font un cri enroué de la gorge
avant que de chanter , ainfi on dit que les caidcs
margorent.

MARGE , f. f [Grarn.) blanc rcfervé tout-à-l’en-
tnur de la page imprimée d’un livre , ou aux côtés
de la p’ige écrite d’un manutcrit.

Margiï, (C’ow.) fedit parmi les marchands & né-
gocians îles bords des livres ou des comptes entre
lelquels ils écrivent les articles les uns après les au-
tres. Les marges à gauche fervent à mettre Ics/o/io,
les années & les dates en chifiVes ; 6c ccÛ (ur les
marge!, à droite que l’on tire les iommcs en marge.
Ils le fervent quelquefois du mot rnaigini pour dire
marge, Diclionn. de comm.

MARGEOIR , f. m. {Vcrrcrlt. ) c’cft la pièce avec
I.’quelle on ferme la lunette de chaque arche. On
panifie le margcoir toutes les lois qu’on finit la jour-
née, qu’on fui’pend le travail, &; (|u’on veut empê-
cher la confommation inutile du feu.

MARC;ER un FOUR , {terme de Vcrreùc. ) c’ell
boucher les ouvreaux du four avec de la terre glai-
Ic , pc’ur y entretenir la chaleur les fêtes & les di-
Tcriit A,

M A R

99

manches , & autres jours qu’on ne travaille pas*
/^oye^ Verrerie.

MàRGGR AVE ,{.m.{Hi(i. mod. ) en allemand
tnarck-grnf; lirre que l’on donne à quelques princes
de l’empire germanique , qui pofTédent un état que
l’on nomme marggraviat , dont ils reçoivent l’invef-
titure de l’empereur. Ce mot eft compofé de/TzarcÂ:,
frontière ou limite, 6i. de graf y comte ou juge;
ainli le mot de marggrave indique des feigneurs que
les empereurs chargeoient de commander les trou-
pes & de rendre la juftice en leur nom dans les pro-
vinces frontières de l’empire.

Ce titre femble avoir la même origine que celui
de marquis , marchio. Il y a aujourd’hui en Alle-
magne quatre marggraviais , dont les polfefteurs
s’appellent //M/’^^/-.2^«i, favoir ; 1″, celui de Bran-
debourg ; tous les princes des ditrercntes branches
de cette maifon ont ce titre , quoique la Marche
ou le marggraviat de Brandebourg appartienne au
roi de Prulie , comme chef de la branche aînée :
c’eft alnfi qu’on dit le marggrave de Brandebourg-
Anfpach , le marggrave de Brandebourg-Culmbach ,
ou de Bareuth , le marggrave de Brandeboutg-Sch-
wedt , &c. 2″, Le marggraviat de Mifnie , qui appar-
tient à l’éleâteur de Saxe. 3″. Le marggraviat de Ba-
de , les princes des différentes branches de cette
maifon prennent le titre de marggrave. 4″. Le marg-
graviat de Moravie, qui appartient à la maifon d’Au-
niche. Ces princes , en vertu des terres qu’ils pof-
fédent en qualité de marggraves , ont voix & féan-
ces à la diète de l’empire. A’oj’e^ Diète. (— )

M ARGIAN , i. m. {Mat. méd. anc.) On croit géné-
ralement que le margian des Arabes , & le mtrfnan
des grecs modernes, eft le coraH ; mais les écrits des
anciens ne conviennent point au corail, & fe rap-
portent à une efpece de fucus rouge qui croît fur les
rochers , & qu’on emploie dans la peinture & la
teinture; c’eft le fucus thalaftus des anciens «’recs.
{D.J.)

M ARGIANE la , {Gcog. anc.’) pays d’Afie le long
de la rivière Margus , qui lui donnoit ce nom. Pto-
lomée ( liv. VI. du x.) dit qu’el.e eft bornée au
couchant par l’Hycarnle , au nord par l’Oxus, à l’o-
rient parla Ba6f riane, au midi par les monts Sériphes.

Pline fait un éloge pompeux de la Margiunc: il
dit qu’elle eft dans la plus belle expofition du mon-
de ; que c’eft le feul pays de ces cantons qui porte
des vignes ; qu’elle eft entourée de montagnes dé-
licieules ; qu’elle a 15 cent ftades de circuit , mais
que fon entrée en eft ilifficile, à cauledes dcfertsde
fable qui ont cent vingt mille [ias d’étendue. Stra-
bon confirme tout le dilcours de Pline. Ce pays fait
aujourd’hui ])artie (\\\ Khoraftan. {D. 7.)

MARGIUUNUM , {Géog. anc.) ancien lieu de
la Grande-Bretagne liu- la route de Londres à Lin-
coln ; c’eft aujourd’hui Willoughby , bourg de Not-
tlnghamshlre, aux confins de Leiceffershire. {D.J.)

AlARGINAL, atlj. {Gram.) qu’on a mis ou impri-
mé en marge. Ainli, on dit un titre marginal ^ des
notes marginales.

M A RG OT , {HiJÎ. nat. ) / ^oye^ Pie.

Margot la FENDLE auyVw Je tnclrac ; il fe dit
lorfque l’adverle partie fait un coup qui tombe lur
une flèche vuide entre deux dames découvertes. C c
terme n’eft plus guère d’ufage.

MARGOTAS , f. m. terme de rivière. Petits ba-
teaux que l’on accouple deux enlèiuble, & que l’on
ch.irge ordinairement de foin. Ils ont un aviron par-
ticulier, & une manoeuvre fingulierc. Ils lcr\enC
auill k conduire des avoines & des bles. /'<Mi{ les
PI. de Chiir/unte.

MARGOTER, v.n. {Chaffe.) c’eft le cri enroué
fe rau(|ue que le m.ile de la caille la;t entendre danj
ion golicr lo^fqu’il eft en amour,

N ij

lOO

M A R

MARGOZZA, (Géog.) petite ville d’Italie dans
le Mllanez , au comté d’Anghiera , lur un petit lac de
même nom. Long. ai. 38. lut. ^^. ij. {D.J.’)

MARGUAIGNON,(^///./2^r.)ro7^{ Anguille.

MARGUERITE, Uucarulumum ,(5o^) genre de
plante qui ne diffère du chrylanthcmum que par la
couleur des demi fleurons qui font entièrement
blancs. Tournefort, Inji.rei lurb. royfj; Plante.

On connoît en françois deux plantes de différent
genre fous le même nom de marguerite , (avoir, la
grande & la petite /7z<//-^’we/7/<;. Il ell bonde faire cette
oblervation avant que de les décrire.

La grandi marguerite fe nomme encore autrement:
la grande paquette , ou VœiL di bœuf. C’clt un genre
de plante que les Botaniffes dcfignent par le nom de
leucanthemnm vulgare , ou de bellis major ; en anglois
ihe common ox-eye dai^y- Sescaraderes font les mô-
mesque ceux du chryfanthemum, exct^pté dans la cou-
leur de fes demi fleurons , qui font conftamment
blancs. On compte fix cfpeces de ce genre déplante.

L’e(pece la plus commune dans les campagnes a la
racine fibreufe , rem.pante , acre. Ses tiges lont hau-
tes de deux coudées , à cinq angles , droites , velues,
branchues. Ses feuilles naiffent alternativement fur
les tiges ; elles font épaiffes , crénelées , longues de
deux pouces , larges d’un demi pouce. Ses fleurs
font fans odeur, grandes, radiées. Leur difque eft
compofé de plufieurs fleurons de couleur d’or, par-
tagés en cinq quartiers garnis d’un flile au milieu.
La couronne eft formée de demi-fleurons blancs ,
qui font portés fur des embryons , renfermés dans un
calice demi fphérique, écailleux ,& noirâtre. Les
embryons fe changent en des petites graines oblon-
gues, cannelées, 6c fans aigrettes. Ses fleurs font
d’ufage en Médecine dans les maladies de poumon.

La petite marguerite , autrement â^iio. pâquerette ^ eft
nommée par les Botaniftes , bellis mimor , bellis fyl-
vejiris minor , en anglois the common fmall dai^y.

On caraftérife ce genre de plante par la racine qui
eft vivace , & qui ne forme point de tige. Le calice
de la fleur eft ftmple , écailleux, divifé en plufieurs
quartiers. Les fleurs font radiées, & leurs têtes ,
après que les pétales font tombés , rcffemblent à
des cônes obtus.

Miller diftlngue huit efpeces de pâquerette. La
commune qu’on voit ri ans les prés a des racines nom-
breufes & menues. Ses feuilles font en grand nom-
bre, couchées fur terre, velues, longues, légèrement
dentelées, étroites vers la racine, s’élargifîent &
s’arrondilTentpeu-à-pcu. Cette plante au-lieu de tige
a beaucoup de pédicules qui fortent d’entre les feuil-
les , longs d’une palme 6l plus , grêles , cylindri-
ques & cotonneux. Ils portent chacun une fleur ra-
diée, dont le difque eft compofc de plufieurs fleu-
rons jaunes , & la couronne de demi-fleurons blancs,
ou d’un blanc rougeâtre , foutenus fur des em-
bryons , & renfermés dans un calice fimple par-
tagé en plufieurs parties. Les embryons fe changent
en des petites graines nues , entaffées lur une cou-
che pyramidale. Cette plante paffe pour vulnérai-
re , réfoiutlve , & déterfive.

La marguerite jaune , ou foucy des champs^ eft le
nom vulgaire qu’on donne à l’cipece àii c/tyfantke-
mum que les Botaniftes appellent chryjantheiuum J’e-
getum vulgare , folio glauco. Elle ell commune dans
les terres à blé. M. de Juffieu l’a décrite fort au
long dans les Mémoires de facad. des Sciences , ann.
i;724, parce que la fleur radiée jaune qu’elle porte
eft très-propre à teindre dans cette couleur , comme
cet habile botanifte s’en ell convaincu par quelques
expériences.

Il commença par enfermer la fleur dans du pa-
pier , où fon jaune ne devint que pliu foncé , ce qui
«toit déjà un préjugé favorable j enfuitc il mit dans

M A R

des décodions chaudes de ces fleurs différentes étof-
fes blanches , de laine , ou de foie , qui avoient au-
paravant trempé dans de l’eau d’alun , & il leur vit
prendre de belles teintures de jaune , d’une diffé-
rente nuance , félon la différente force des décoc-
tions , ou la différente qualité des étoffes ; &i la plu-
part fi fortes , qu’elles n’en perdoient rien de leur
vivacité pour avoir été débouillies à 1 eau chaude.
L’art des teinturiers pourroit encore tirer de-là-do
nouvelles couleurs par quelques additions de nou-
velles drogues. Rien n’eft à négliger dans la Bota-
nique : telles plantes que l’on a ôté du rang des
uluelles , parce que l’on n’y reconnoît point de ver-
tus médécinales , en a fouvent pour les arts , ou pour
d’autres vues. (-0. /.)

Marguerite, ÇPharm. &mat. médical.’) grande
marguerite , grande paquette , œil de bxuf , & petite
marguerite , pâquerette ; ces plantes font comptées
parmi les vulnéraires , les réiolutives & déterilves
deftinées à l’ufage intérieur. C’eft précifément leur
fuc dépuré que l’on emploie , aufîl-bien que la dé-
coftion des feuilles & des fleurs dans l’eau commune
ou dans le vin.

Ces remèdes font principalement célébrés , com-
me propres à diflbudre le fang figé ou extravalé.
Vanhelmont la compte , à cauie de cette propriété ,
parmi les antipleuritiques ; & Mindererus , comme
un remède finguller contre les arrêts de fangfurvenus
à ceux qui ont bù quelque liqueur froide , après s’être
fort échauffés ; d’autres auteurs l’ont vantée , pour
la même raifon, contre l’inflammation du foie, dans
les plaies du poumon , & m.ême dans des phtifies >
contre les écrouelles , la goutte , l’afthnie , &c.

On leur a aufli attribué les mêmes vertus , c’efl:-
à-dire , la qualité éminemment vulnéraire , réfoiu-
tlve &. déterfive , fi on applique extérieurement la
plante pllée fur les tumeurs écrouelleufes , & fur les
plaies récentes , ou fi on les baflîne avec le fuc. On
trouve dans les boutiques une eau diftillée de wzar-
guerites , que beaucoup d’auteurs & même Geof-
froi regardent comme fort analogue à la décoûion
& au fuc , en avouant feulement qu’elle eft plus foi-
ble. Il s’en faut bien que ce foit avouer affez ; il faut
au contraire avancer hardiment que l’eau de mar-
guerite eft abfolument dénuée de toute vertu , puif-
que ni l’une ni l’autre marguerite ne contient aucun
principe médicamenteux volatil, & pour la même
raifon que les marguerites font des ingrédiens fort in-
utiles de l’eau vulnéraire &: de l’eau générale de la
pharmacopée de Paris. (^)

Marguerites , f. f. ( Marin.) ce font certains
nœuds qu’on fait fur une manœuvre pour agir avec
plus de force.

Marguerite la ^ ( Géogr.) ou comme difent
les Efpagnols , à qui elle appartient , Sancla Mar-
garita de las Caracas , île de l’Amérique , affez près
delà terre ferme & de la nouvelle Andaloufie , dont
elle n’eft féparée que par un détroit de huit lieues.
Chriftophc Colomb la découvrit en 1498. Elle peut
avoir i 5 lieues de long (ur 6 de large , & environ 3 5
de circuit. La verdure en rend l’afpedt agréable ;
mais c’eft la pêche des perles de cette île , qui a exci-
té l’avarice des Efpagnols. Ils fcfervoient d’efclaves
nègres pour cette pêche, & lesobligeoient ,à force
de châtimens , de plonger cinq ou fix braffes pour
arracher des huîtres attachées aux rochers du fond.
Ces malheureux étoient encore fouvent eftropiés
par les requins. Enfin , l’épuiferaent des perles a
fait cefler cette pêche aux Elpagnols ; ils fe font re-
tirés en terre ferme. Les naturels du pays, autrefois
fort peuplé , ont inlenfiblement péri , & l’on ne
voit plus dans cette île, que quelques mulâtres oui
font expofés aux pillages des flibuftiers , & font trcs-
fouvent enlevés. Les HoUandois y defccndircnt en

M A R

l6i6 , & en raferent le château. Longii, j/^. lat.
n.,o.(D.J.)

Marguerite, Sainte, ( Géogr. ) île de France,
en Provence , que les anciens ont connue fous le
nom de Lero. Foyei LÉRINS.

MARGUILLIER , i\ m. (Jurifp.) cft l’adminiftra-
teur des biens & revenus d’une églife. Les margull-
l’urs font nommés en latin , mairicularii , œd’itui , opc-
rarii , adminijiratorcs , hierophy laces , & en françois ,
dans certains lieux , on les di[i^t\\Q fabriciens ^ procu-
reurs f lum’miers , gagers , &c.

Le nom le plus ancien qu’on leur ait donné efl:
C(:l\x’i de marguillier , matriculil , ou matrïcuLarii , ce
qui vient de ce qu’ils étoient gardes du rôle ou ma-
tricule des pauvres , lefquels n’ofant alors mendier
dans les églifes , fe tenoient pour cet effet aux por-
tes en dehors. La matricule de ces pauvres étoit mife
entre les mains de ceux qui recevoient les deniers
des quêtes , coUeûes & dons faits pour les nécelîi-
Ics publiques , & qui étoient chargés de diftribuer
les aumônes à ces pauvres. On appelloit ces pau-
vres matrïcularii , parce qu’ils étoient infcrits fur la
matricule , & l’on donna auffi le même nom de ma-
trkularii aux diftributeurs des aumônes , parce qu’ils
ctoient dépofuaires de la matricule.

Entre les pauvres qui étoient infcrits pour les au-
mônes , on en cholfiffoit quelques-uns pour rendre
;\ l’églife de menus fervices ; comme de balayer l’é-
glifc , parer les autels , fonner les cloches. Dans la
fuite , les marguiUiers ne dédaignèrent de prendre
eux-mêmes ce foin, ce qui peut encore contribuer à
leur faire donner le nom de matrïcularii , parce qu’ils
prirent en cette partie la place des pauvres matri-
cuHers , qui étoient auparavant chargés des mêmes
fondions. Les paroifles ayant été dotées , &: les
marguilliers ayant plus d’affaires pour adminiftrer les
biens & revenus de l’églife, on les débarrafla de tous
les foins dont on vient de parler . dont on chargea
les bedeaux & autres miniftres inférieurs de l’églife.
Néanmoins dans quelques paroiffes de campagne ,
l’ufage ell encore demeuré, que les marguiUiers ren-
dent eux-mêmes à l’églife tous les mêmes fervices
qu’y rendoient autrefois les pauvres , & que pré-
icntcment rendent ailleurs les bedeaux.

Les marguiUiers étoient autrefois chargés du foin
de recueillir les enfans expolés au moment de leur
nalffance , & de les faire élever. Ils en dreffoicnt
procès-verbal, appelle epifiola collectionis ^ comme
on voit dans Marculphe. Ces enfans étoient les pre-
miers infcrits dans la matricule ; mais préfentement
c’eft une charge de la haute-juftice.

Ce ne fut d’abord que dans les églifes paroiflîales
que l’on établit des marguiUiers ^mn’is dans la fuite on
en mit auffidans les égliles cathédrales,& même dans
les monafteres. Dans les cathédrales & collégiales il
y avoit deux fortes de marguiUiers , les uns clercs ,
les autres lais. Odon, évêquc de Paris, inftitua en
I 2.04 , dans fon églife , quatre marguiUiers lais , dont
le titre liibfille encore préfentement. Ils ont confer-
vé lefurnom de lais , pour les diilinguer des quatre
marguiUiers clercs, qu’il inflitua dans le même tcms.
Ces marguiUiers lais font confidcrés comme officiers
de l’égliie , & portent la robe 6c le bonnet.

Dans les églifes paroiffialcs, il y a communément
deux fortes de marguiUiers ; les uns qu’on api)ellc
marguiUiers dlion/uur ,cci\-h-dnc ad honores , j)arcc
qu’ils ne fe mêlent point du maniement des deniers ,
6l qu’ils font feulement pour le confeil ; on prend ,
pour remplir ces places , des magillrats , des avo-
cats, des fecrctairesdu roi. Les autresqu’on aj^pcllc
marguiUiers comptables , (ont des r.otaires , des pro-
cureurs , des marchands , que l’on prend pour gé-
rer les biens & revenus de la fubri(|ue.

Les marguiUiers font dépolluiies de tous les titres

M A R loi

& papiers de la fabrique , comme aulTi des livres –
ornemens, reliques, que l’on emploie pour le fer,
vice divin.

Ce font eux qui font les baux des maifons & au-
tres biens de la fabrique ; ils font les conceffions des
bancs, ik adminiftrent généralement tout ce qui ap-
partient à l’églife.

La fonâion de marguillier efl: purement laïcale ;
il faut pourtant obferver que tout curé efl: marguil-
lier de fa paroiffe , & qu’en cette qualité , il a la pre-
mière place dans les affemblées de la fabrique. Les
marguiUiers laïcs ne peuvent même accepter aucune
fondation , fans y appeller le curé & avoir fon
avis.

L’éleftion des marguiUiers n’appartient ni à l’évê^
que , ni au feigncur du lieu , mais aux habitans ; 6c
dans les paroiffes qui font trop nombreufes , ce font
les anciens marguiUiers qui élifent les nouveaux.

On ne peut élire pour marguillier aucune femme,
même conrtituée en dignité.

Les marguiUiers ne font que de Amples adminif-
trateurs , lefquels ne peuvent faire aucune aliéna-
tion du bien de l’églife , fans y être autorifés avec
toutes les formalités néceffaires.

Le tems de leur adminiftration n’efl que d’une ou
deux années , félon l’ufage des paroiffes. On conti-
nue quelquefois les marguiUiers d’honneur.

Les marguiUiers comptables font obligés de rendre
tous les ans compte de leur adminiflration aux ar-
chevêques ou évêques du diocèfe , ou aux archidia-
cres , quand ils font Isur vifite dans la paroiffe. L’é-
vêque peut commettre un eccléfiaftique fur les lieux
pour entendre le compte. Si l’évêque, ou l’archidia-
cre ne font pas leur vifite , & que l’évêque n’ait
commis perfonne pour recevoir le compte , il doit
être arrêté par le curé & par les principaux habi-
tans , & repréfenté à l’évêque ou archidiacre , à la
plus prochaine vifite. Les officiers de juflice & les
principaux habitans doivent auffi , dans la règle , y
affirtcr , ce qui néanmoins ne s’obferve pas bien ré-
gulièrement. Voye^ l’édit de 1 Gc)S ,• les lois eccUfiafli.
ques ; Favet , traité de l’abus ; & le mot F A B R I-
QUE. (^)

M ARGUS, ( Gèogr. anc.) nom d’une rivière d’A-
fie & d’Europe.

Le Margus d’Afie arrofoit le pays qui en prenoit le
nom de Margiane. Ptolomée met la fource de ce
fleuve à 105 d. de longit.8>Cd 39 ». de /j/. &: fa chute
dans l’Oxus, à ici. 40 delengit. & à 43. 30 de lat.
Le Margus d’Europe efl , félon M. de Lille & le P.
Hardouin , l’ancien nom de la Moravc , rivière de
Servie. Elle efl nommée Margis par Pline , & c’ell
le Mojchius de Ptolomée , liv. III. chap. ix. cflropic
dans les cartes qui accompagnent fon livre. (D. /.)

MARI , f. m. ( Jurifprud. ) efl celui qui efljoint &
uni à une femme par un lieu qui de la nutuic efl in-
diffoluble.

Cette première idée que nous donnons d’abord de
la qualité de mari , efl relative au mari.igeen géné-
ral , confulcre ielon le droit des gens , iSi’tel qu’il ell
en iil.ige cliez tous les peuples.

Parmi les chrétiens , ui\ mari efl celui qui efl uni
à une teniiue par un contrat civil , & avec les cé-
rémonies de l’eglile.

Le mari efl confuléré comme le chef de fa temmc ,’
c’efl – à- dire comme le maître de la fociété conju-
<‘.ile.

Cette puiffance du mari fur fa tcmme cft la plus
ancienne de toutes , pi)ilc|u »elU: a néceffairemcnt pré-
cédé la puiflance |)aternellv , celle des main es fur
leurs lei viteurs , &: celle des princes lui leurs fujets.

b lie ell fondée lur le droit divin ; caron lit dans la
Gvuele , chap. il/, que Dieu dit A l.i femme qu’elle

102 M A R

feroit fous la pinffance de fon mari : fnh vlrl potef-
tatc cris , & ipfi dominalitur lui.

On lit aiilîidans Ellhcr , c/iap.J. qu’Affuerus ayant
ordonne à les eunuques d’amener devant lui Vallhi ,
& celle – ci ayant retiifé & méiuil’c le commande-
ment du roi ion mari, AfTucrus , grandement cour-
roucé du mépris qu’elle avoit tait de l’on invitation
& de fon autorité , interrogea les lagcs , qui , fuivant
la coutume , étoient toujours auprès de lui , & par
le confeil defquels il failbit toutes chofes , parce
qu’ils avoient la connoiflance des lois &C des coutu-
mes des anciens ; de ce nombre ctoient fept princes
qui gouvcrnoient les provinces des Perles & des
MeJes: leur avant demandé quel jugement on de-
voit prononcer contre Vallhi , l’un d’eux répondit ,
en prélcncc du roi & de toute la cour , que non-feu-
lement Valîhi avoit offenfé le roi , mais aulîi tous
les princes &: peuples qui étoient fournis à l’empire
d’Alfuerus ; que la conduite de la reine feroit un
exemple daneereux pour toutes les autres femmes ,
Icfquelles ne tiendroient compte d’obéir à leurs ma-
ris ; que le roi devoir rendre un édit qui feroit dé-
pofé entre les lois du royaume, & qu’il ne feroit pas
permis de tranfgreffcr, portant que Vallhi feroit ré-
pudiée , & la dignité de reine transférée à une au-
tre qui en feroit plus digne ; que ce jugement feroit
publié par tout l’empire, afin que toutes les femmes
des grands , comme des petits , portaffent honneur
à leurs maris. Ce confeil fut goûté du roi & de toute
la cour, & AlTuerus fit écrire des lettres en diverfes
fortes de langues & de caraderes , dans toutes les
provinces de fon empire , afin que tous (es fujets
pulTcnt les lire & les entendre , portant que les maris
étoient chacun princes & feigneurs dans leurs mai-
fons. Vafthi tut répudiée , & Efther mife à fa place.

Les conflitutions apoftoliques ont renouvelle le
même principe. S. Paul dans fa première aux Corin-
thiens , chap. xj. dit que le mari efl: le chef de la fem-
me , capiu efl mulleris vir : il ajoute , que l’homme
n’eft pas venu de la femme , mais la femme de l’hom-
me , & que celui-ci n’a pas été créé pour la femme ,
mais bien la femme pour l’homme ; comme en effet
il efl dit en la Genefe , faciamus ei adjutorium jimiU

S.Pierre, à^ns(or\épitreI. chap. iij . ordonne pa-
reillement aux femmes d’être foumifes à leurs maris :
muiures fubditœ jint v iris fuis ; il leur rappelle à ce
propos , l’exemple des faintes femmes qui fe confor-
moient à cette loi , entr’autres celui de Sara , qui
obéilToit à Abraham, & l’appelloitfon feigneur.

Piuficurs canons s’expliquent à- peu près de mê-
me , foit fur la dignité , ou fur la puiffance du mari.

Ce n’eft pas feulement fuivant le droit divin que
cette prérogative eft accordée au mari ; la même
choie cft établie par le droit des gens , fi ce n’eft chez
quelques peuples barbares où l’on tiroit au fort qui
devoit être le maître du mari ou de la femme , com-
me cela fe pratiquoit chez certains peuples de Scy-
thie , dont parle i£lien ; oii il étoit d’ufage que celui
qui vouloitcpoufer une fille , fe battoit auparavant
avec elle ; fi la fille étoit la plus forte, elle l’emme-
noit comme fon captif, & étoit la maîtrefle pendant
le mariage ; fi l’hom.me étoit le vainqueur , il étoit
le maître ; ainfi c’étoit la loi du plus fort qui déci-
doit.

Chez les Romains , fuivant une loi que Denis
d’Halicarnafle attribue à Romulus, & qui fut inférée
dans le code papyrien , lorfqu’une femme mariée
s’étoitrendue coupable d’adultère, oudequelqu’au-
tre crime tendant au libertinage , fon m^Ai étoit fon
juge , Ô£ pouvoitla punir lui-même , après en avoir
délibéré avec fes parens ; au lieu que la femme n’a-
Toit cependant pas feulement droit de mettre la main
iitr fon mari , quoiqu’il fût convaincu d’adulterc.

M A R

Il étoit pareillement permis à un mari de tuer fa
femme , lorfqu’il s’appercevolt qu’elle avoit bii du
vin.

La rigueur de ces lois fut depuis adoucie par la loi
des douze Tables. Foye^ Adultère & Divorce ,
loi Cornelia de adul.er.is , loi Cornelia dejlcariis.

Célar , dans fes commentaires de bello gallko ,
rapporte que les Gaulois avoient aulii droit de vie
& de mort fur leurs femmes comme fur leurs en-
tans.

En France , la puilTance maritale eft reconnue
dans nos plus anciennes coutumes , telles que celles
de Touloufe , de Berri & autres ; mais cette puiffan-
ce ne s’étend qu’à des ades légitimes.
La puilfance maritale a plulieurs effets.
Le premier , que la femme doit obéir à fon mari ,
lui aider en toutes chofes , & que tout ce qui pro-
vient de fon travail eft acquis au w^îT-i, foit parce que
le tout eft préfumé provenir des biens & du fait du
mari, foit parce que c’eft anmarl à acquitter les char-
ges du mariage. C’eft auffi la raifon pour laquelle le
mari eft le maître de la dot ; il ne peut pourtant l’alié-
ner fans le confentement de fa femme : il a feule-
ment la jouiffance des revenus , & en conféquence
eft le maître des actions mobiliaires & poffeffoires
de fa femme.

Il faut excepter les paraphernaux, dont la femme
a la libre adminiftration.

Quand les conjoints font communs en biens , le
mari eft le maître de la communauté , il peut difpo-
fer feul de tous les biens , pourvu que ce foit fans
fraude : il oblige même fa femme julqu’à concurren-
ce de ce qu’elle ou fes héritiers amendent de la com-
munauté , à moins qu’ils n’y renoncent.

Le fécond effet de la puilfance maritale eft que îa
femme eft fujette à coneâion de la part de fon marl^
comme le décide le canon placult, ^j. quœfl. 2. mais
cette correûion doit être modérée , & fondée en
raifon.

Le troifieme effet eft que c’eft au mari à défendre
en jugement les droits de fa femme.

Le quatrième eft que la femme doit fuivre fon
mari lorfqu’il le lui ordonne , en quelque lieu qu’il
aille , à moins cju’ilne voulût la faire vaguer çà & là
fans railon.

Le cinquième effet eft qu’en matière civile , la
femme ne peut efter en jugement, fans être autorifée
de fon mari , ou par juftice , à fon refus.

Enfin le fixieme effet eft que la femme ne peut s’o-
bliger fans l’autorifation de Ion mari.

Au refte, quelque bien établie que foit la puiffan-
ce maritale , elle ne doit point excéder les bornes
d’un pouvoir légitime ; car , fi l’Ecriture-fainte or-
donne à la femme d’obéir à fon mari , elle ordonne
auffi au mari d’aimer fa femme & de l’honorer ; il
doit la regarder comme fa compagne , & non com-
me un efclave ; & comme il n’eft permis à perfon-
ne d’abufer de fon droit , fi le mari adminiftre mal
les biens de fa femme , elle peut fe faire féparer
de biens ; s’il la maltraite fans fujet , ou même
qu’ayant reçu d’elle quelque fujet de mécontente-
ment , il ufe envers elle de fcvices & mauvais trai-
temens qui excédent les bornes d’une correâion
modérée, ce qui devient plus ou moins grave , fé-
lon la condition des perlonnes , en ce cas , la fefnme
peut demander fa léparation de corps & de biens.
Foyei SÉPARATION.

La femme participe aux titres , honneurs & privi-
lèges de fon mari ; celui-ci participe auffi à certains
droits de fa femme : par exemple , il peut fedire fei-
gneur des terres qui appartiennent à fa femme ; il
fait auffi la foi & hommage pour elle: pour ce qui efl:
de la fouveraineté appartenante à la femme de fon
chef, le mari n’y a communément point départ. On

M A R

p2iit voir à ce fiijet la diffcrtafion de Jean-Philippe
Palthen, profeffeurde droitùGrypfwald , demanto
rcginœ.

A défaut d’héritiers , le T?iari fiiccede à fa femme ,
en vertu du titre undc vlr & uxor. Foyc^ SUCCES-
SION.

Le mari n’efl; point obligé de porter le deuil de fa
femme , fi ce n’eft dans quelques coutumes fmgu-
licres, comme dans le refTort du parlement de Di-
jon , dans lequel auffi les héritiers de la femme doi-
vent fournir au mari des habits de deuil, f^oyti Au-
torisation , Dot , Deuil , Femme , Maria-
ge, Obligation , Paraphernal. ( ^ )

MARIABA , ( Géo>^. anc. ) nom commun à plu-
fi’curs villes de l’Arabie-Hcureufe , qiri avoient en-
core d’autres noms pour les diftinguer. Mariaba û-
gnifioit en arabe une efpece de métropole , une ville
qui avoit la fupériorité fur les autres ; de-Ià vient
tjue, dans le chaldaïque &; dans le fyriaque , mara
{ï^nAc J’cignair , maître. CD. J.^

MARI JE GLACIES , ( Hi/l. nat. ) en alle-
mund rnurunglajj\ cfpCce de talc en feuillets très-
minces & auffi tranfparens que du verre ; ainfi nom-
mé parce qu’on le met au lieu de verre en quelques
endroits d’Allemagne fur des petites boîtes qui ren-
ferment des petites figures de la Vierge-Marie. Foyei
Talc ; voye7^ Russie ( verre de ).

MARIAGE, f. m. (Théol.^ confidéré en lui-même
&: quant à fa fimple étymologie , fignifie obligation ,
devoir, y charge & fonciion d’une mère : quaji matris
munus ou muniiim.

A le prendre dansfon fens théologique & naturel,
il défigne ^ union volontaire & maritale d’un hom-
me & d’une femme , contraélée par des perfonnes
libres pour avoir des entans. Le mariage qÇl donc i°.
une union foitdes corps , parce que ceux qui ic ma-
rient s’accordent mutuellement un pouvoir fur leurs
corps ; foit des efprits , parce que la bonne intelli-
gence & la concorde doivent régner entre eux. 2″.
Une union volontaire, parce que tout contrat fup-
pofe par fa propre nature le confentement mutuel
des parties contradantcs. 3°. Une union maritale ,
pour diftingucr l’union des époux d’avec celle qui
fe trouve entre les amis ; l’union maritale étant la
feule qui emporte avec elle im droit réciproque-
ment donné fur le corps des perfonnes qui la con-
tradent. 4″. L’union d’un homme & d’une femme,
pour marquer l’union des deux (exes & le iiijetdu
mariage. 5^. Une union contradée par des perfonnes
libres. Toute perfonne n’cfl pas par fa propre vo-
lonté, & indépendamment du confentement de toute
autre, en droit de fe marier. Autrefois les efclaves
ne pouvoient fe marierfans le confentement de leurs
maîtres, & aujourd’hui, dans les états bien poli-
cés , les enfans ne peuvent fe marier ians !e conltn-
îementdc leurs parens ou tuteurs, s’ils font mineurs ,
ou fans l’avoir requis , s’ils font majeurs. Foye^ Ma-
jeurs fr Mineurs. 6″. Pour avoir des enfans :1a
naiflance des enfans eft le but & la fin du mariage.

Le mariage peut être ccnfuléré fous trois diHércns
rapports , ou comme contrat naturel , ou comme
contrat civil , ou comme facremcnr.

Le /«am/^f confidéré comme facrement, peut être
défini l’alliance ou l’union légitime par laquelle un
homme & une femme s’engagent i\ vivre enfemble
le relie de leurs jours comme mari & épouié, due
.’elus-Chrilla inditué coiume le figne de Ion union
avecl’EgUfe, ik à laquelle il a attaché des grâces
j)articulierespourravantage de cette fociétéôc pour
l’éducation des enfans qui en proviennent.

Le fentiment des Catholiques à ce fujet, c(l fon-
dé fur un texte précis derap«’)tre faint Paul dans Ion
t’pi’fre aux Ephéjicns ., ch.v. &: fur plufieurs pallages
des Pères , qui ctablifîent formellement que le ma-

M A R

W3

riagi des Chrétiens eft le figne fenfible de l’alliance
de Jefus-Chrillavec fon Eglife , & qu’il confère une
grâce particulière , & c’elt ce que le concile de
Trente a décidé comme de foi ^fejf. 24, can. /.On
croit que Jefus-Chrift éleva le mariage à la dianité
de facrement, lorlqu’il honora de la préfence les
noces de Cana. Tel eft le fentiment de faint Cyrille
àzns (a. lettre â Ncjîorius ; de faint Epiphane , heref,.
Gy. de faint Maxime , homél. i. fur Cépiphanie ; de
faint Auguftin , tracl. C). fur faint Jean. Les Proteftans’
ne comptent pas le mariage au nombre des facre-
mens. .

On convient que l’obligation de regarder le wa-‘
rw^e en qualité de facrement n’étoit pas un dogme
de toi bien établi dans le douzième & treizième fic-
elés. SainiThomas, faint Bonaventure&i Scot n’ont
ofé définir qu’il lut de foi que le mariage fût un facre-
ment. Durand & d’autres fcholaftiques ont même
avancé qu’il ne l’étoit pas. Mais i’Eglife afi »emblée
à Trente a décidé la queftion.

Au refte , quand on dit que le mariage eft un fa-
crement proprement dit de la loi de grâce , on ne pré-‘
tend pas pour cela que tous les mariages que les’
Chrétiens contiaétent loient autant de facremens.
Cette prérogative n’eft propre qu’à ceux qui font
célébrés fuivant les lois & les cérémonies de i’E-
glife. Selon quelques théologiens , il y a des mariages
valides qui ne font point facremens , quoiqueSiiO-
chez prétende le contraire. Un feul exemple fera
voir qu’il s’eft trompé. Deux perfonnes infideiles ,
mariées dans le fein du paganifme ou de l’héréùe
embraflent la religion chrétienne , le mariage qu’elles
ont contracté fubfifte fans qu’en puifle dire qu’il eil
un facrement. La raifon eft qu’il ne rétoitpas dans
le moment’ de- fa célébration , & qu’on ne le réhabi-
lite poihr lorfque les parties abjurent l’infidélité. Les
lentimens font plus partagés fur les mariages contrac-
tés par procureur , on convient généralement qu’ils
font valides ; mais ceux qui leur refufent le titre de
facrement, comme Melchior Cano , iib. FUI. de
loc: théologie, c. v. remarquent qu’il n’eft pas vraiiîem-
blable que Jelus-Chrift ait promis de donner la orace
fandifiante par une cérémonie à laquelle n’afiifle
pas celui qui devroit la recevoir , à laquelle il ne
penfe fouvent pas dans le tems qu’on la fait. D’au-
tres prétendent que ces mariages Ibnt de vrais facre-
mens , puifqu’ils’y rencontre forme , matière , mi-
niftre de I’Eglife, & inftitution de Jefus-Chrift; nue
d’ailleurs I’Eglife en juge, & par conféquent qu’elle
ne les regarde pas comme de fimples contrats civils.

Les Théologiens ne conviennent pas non plus en-
tr’eux fur la matière ni fur la forme du mariwj^e con-
fidéré comme facrement. i ». L’impofition des mains
du prêtre, le contrat civil, le confentement inté-
rieur des parties, la tradition mutuelle des corps,
& les parties contradantes elles-mêmes , font au-,
tant de choies que ditferens fcholaftiques alfionent
pour la matière du lacrement dont il s’agit. 2^’. il n’y
a pas tant de divifion fur ce qui conftuue la tonne
dumaria-^e : les uns difent qu’elle confille dans les
paroles j^ar lelquelles les contradans fe déclarent
l’un ù l’autre qu’ils le prennent nuituellement pour
époux; & les autres enleignent qu’elle fe réduit au.v
paroles & aux prières du prêtre.

Sur ces diverfes opinions il eft bon d’obferver i °.
que ceux quiaffigneut pour la matière du facrement
(le mariage les perlonnes mêmes qui s’époul’ent en
l’ace d’églife, cont’ondent le fujet du lacrelncnt avec
la matière du facrement. 2″. Que ceux qui préten-
dent que le conlentemcnt intérieur des parties , lua-
nitefte au-dchors par des fignes ou par des paroles ,
eft la matière du facrement de mariage y ne lontpas
attention qu’ils confondent la matière avec les dif-
pofitions qui doivent le trouver dans ceux qui fcnu-

104 M A R

rient , ou, pour mieux dire, avec la caufe efficiente
du mariage. 3″. Que ceux qui l’outicnnent c[ue la
tradliion mutuelle des corps eft la matière du mu-
Tuigc , confondent l’etfet de ce iacrement avec la
matière. 4″. Dire que le iacrement de mariage peut
fe faire fans que le prêtre y contribue en rien, c’cft
confondre le contrat civil du mariagi avec le ma-
riage confidéré comme Iacrement.

Le fentiment le plusluivi ell que le facrementdc
mariagi a pour matière le contrat civil que les deux
parties font cnfcmble , &: pour forme les prières &
la bénédiaion facerdotale. Lu ralfon en eft que tous
les miflels , rituels , eucologes , que le P. Martenne
a donnés au public , nous apprennent que les prê-
tres ont toujours béni les noces, cette bénéditlion
a toujours été regardée comme le fceau qui confirme
les promeffes relpedives des parties. C’ell ce qui a
fan dire à Tertuliien , itb. IL ad uxor. que les maria-
ges des fîdcles font contirmés par l’autorité de l’E-
glife. Saint Ambroife parle dans une de fes lettres de
la bénédiaion nuptiale donnée par le prêtre , & de
l’impofition du voile fur l’époux. ÔC fur l’époule; &
le quatrième concile de Carthage veut que les nou-
veaux mariés gardent la continence la première nuit
de leurs noces par refpeft pour la bcnédidionlacer-
dotale.

De-là il s’enfuit que les prêtres font les minières
du facrement de mariage , qu’ils n’en font pas fim-
plement les témoins nécellaires 6l principaux, &
qj’on ne peut dire avec fondement que les perfon-
nes qui fe marient s’adminiilrent elles-mêmes le fa-
crement, parle mutuel confentement qu’elles lé
donnent en préfenee du curé & des témoins. Ter-
tuliien dit que les mariages cachés, c’elt-à-dire , qui
ne font pas faits en prélence de l’E^lile , font foup-
çonnés de fornication & de débauche , Hb. de pudu.
c. vj. par conféquent , dès les premiers tems de l’E-
glife, il n’y avoit de conjondions légitimes d’hom-
mes & de femmes qu’autant que les miniftres de
l’Eglife les avoient eux-mêmes bénies & confacrées.
Dans tous les autres facremens les miniftres font dif-
tingués de ceux qui les reçoivent. Sur quel fonde-
ment prétend-on que le mariage feul foit exempt de
cette règle } Le concile deTrente a exigé la préfenee
du propre curé des parties, 6d l’ordonnance de Blois
a adopté fa difpofition.

La fin du mariage eft la procréation légitime des
enfans qui deviendront membres del’Eglile, & aux-
quels les pères & mères doivent donner une éduca-
tion chrétienne.

Mariage, f. m. ( Droit naturel. ) la première , la
plus fimple de toutes lesfociétés, 6l celle qui eft la
pépinière du genre humain. Une femme, des enfans ,
font autant d’otages qu’un homme donne à la for-
tune , autant de nouvelles relations & de tendres
liens, qui commencent à germer dans fon ame.

Par-tout oii il fe trouve une place où deux perfon-
res peuvent vivre commodément , il fe fait un ma-
riage^ dit l’auteur de Vefpric des lois. La nature y
conduit toujours, lorfqu’elle n’eft point arrêtée par
la difficulté de la fubfiftance. Le charme que les
deux fexes infpircnt parleur diiî’erence, forme leur
union ; &r la prière naturelle qu’ils fe font toujours
l’un à l’autre en confirme les noeuds :

O Venus y 6 mère de V amour ,
Tout reconnaît tes lois ,’,…

Les filles que l’on conduit par le mariage à la li-
berté , qui ont un efprit qui n’ofe penfcr, un cœur
qui n’oie fentir , des yeux qui n’ofent voir , des
oreilles qui n’ofent entendre, condamnées fans re-
lâche à des préceptes & à des bagatelles , fe portent
réceffairement au mariage : l’empire aimable que
donne la beauté fur tout ce qui rcfpirc , y engage-

A R

ra bien-tôt les garçons. Telle eft la force de l’inftî-
tution de la nature, que le beau fexe fe livre invin-
ciblement à faire les fondions dont dépend la pro-
pagation du genre humain , à ne pas fe rebuter
par les incommodités de la groffefte , par les em-
barras de l’éducation de plulieurs enfans, & à par-
tager le bien & le mal de la fociété conjugale.

La fin du mariage eft la naift’ance d’une famille,
ainfi que le bonheur commun des conjoints, ou mê-
me le dernier féparément, félon Wollafton. Quoi
qu’il en foit, celui qui joint la ralfon à la paflion ,
qui regarde l’objet de Ion amour comme expofé à
toutes les calamités humaines, ne cherche qu’à s’ac-
conmioder à (on état & aux fuuations où il fe trou*
vc. Il devicnt^epere , l’ami , le tuteur de ceux qui
ne font pas encore au monde. Occupé dans fon ca-
binet à débrouiller une affaire épincufé pour le bien
de fa famille , il croit que fon attention redouble
lorfqu’il entend les entans, pour l’amour delquels
il n’épargne aucun travail , courir , fauter & le di-
vertir dans la chambre voifine. En effet, dans les
pays où les bonnes mœurs ont plus de force que
n’ont ailleurs les bonnes lois , on ne connoît point
d’état plus heureux que celui du mariage. « Il a pour
» fa pari , dit Montagne , l’utilité , la juftice , l’hon-
» neur & la conftance. C’eft une douce fociété
» de vie, pleme de fiance & d’un nombre infini de
» bons, de lolides offices, & obligations mutuel-
» les : à le bien façonner , il n’eft point de plus belle
» p;ece dans la lociété. Aucune femme qifi en fa-
» voure le goût , ne voudroit tenir lieu de fimple
» maîtrelle a ion mari ».

Mais les mœurs qui dans un état commencent à
fe corrompre , contribuent principaienunt à dégoû-
ter les citoyens du mariage , qui n’u que .ics peines
pour ceux quin’ontplus defens pour le^ plaifirs de
l’innocence. Ecoutez ceci, dit Bacon. Quand on
ne connoîtra plus de nations barbares , 6c que la
politelfe & les arts auront énervé l’efpece , on ver-
ra dans les pays de luxe les hommes peu curieux de
fe marier , par la crainte de ne pouvoir pas entre-
tenir une famille ; tant il en coûtera pour vivre
chez les nations policées ! voilà ce qui fe voit par-
mi nous ; voilà ce que l’on vit à Rome , lors de la
décadence de la république.

On fait quelles turent les lois d’Augufte , pour
porter (es fujets au mariage. Elles trouvèrent mllie
obftacles ; &, trente-quatre ans après qu’il les eut
données, les chevaliers romains lui en demandèrent
la révocation. Il ht mettre d’un côté ceux qui étoient
mariés , & de l’autre ceux qui ne l’étoient pas : ces
derniers parurent en plus grand nombre , ce qui
étonna les citoyens 6c les confondit. Augufte avec la
gravité des anciens cenfeurs, leur tint ce difcours.

« Pendant que les maladies &c les guerres nous
» enlèvent tant de citoyens, que deviendra la ville
» fi on ne contrafte plus de mariages ? la cité ne
» confifte point dans les maifons , les portiques ,
» les places publiques : ce font les hommes qui font
» la cité. Vous ne verrez point comme dans les fa-
» blés fortir des hommes de deffous la terre pour
» prendre foin de vos affaires. Ce n’eft point pour
» vivre feuls que vous reftez dans le célibat : chacun
» de vous a des compagnes de fa table &C de fon lit ,
» & vous ne cherchez que la paix dans vos dérégle-
» mens. Citerez-vous l’exemple des vierges vefta-
» les ? Donc, fi vous ne gardiez pas les lois de la
» pudicité , il faudroit vous punir comme elles.
» Vous êtes également mauvais citoyens , foit que
» tout le monde imite votre exemple , foit que per-
» fonne ne le f uive. Mon unique objet eft la perpé-
» tuité de la république. J’ai augmenté les peines
» de ceux qui n’ont point obéi ; & à l’égard des ré-
» compenfcs, elles font telles que je ne fâche pas

» que

M A R

» que la vertu en ait encore eu de plus grandes :
» il y en a de moindres qui portent mille gens à ex-
» pofer leur vie; & celles-ci ne vous engageroient
» pas à prendre une femme & i nourrir des enfans ».

Alors cet empereur publia les lois nommées
Pappia-Poppaa , du nom des deux confuls de cette
année. La grandeur du mal paroifToit dans leur
éleftion même : Dion nous dit qu’ils n’étoient point
mariés & qu’ils n’avoient point d’enfans. Conilan-
tin & Juflinien abrogèrent les lois pappiennes , en
donnant la prééminence au célibat ; & la raifon
de fpiritualité qu’ils en apportèrent impofa bien-tôt
la néceflité du célibat même. Mais , fans parler ici du
célibat adopté par la religion catholique, il eft du-
moins permis de fe récrier avec M. de Montefquieu
contre le célibat qu’a formé le libertinage : « Ce cé-
>» libat où les deux fexes fe corrompant par les fen-
» timens naturels même , fuient une union qui doit
» les rendre meilleurs pour vivre dans celle qui rend
» toujours pire. C’eftune règle tirée de la nature ,
» que plus on diminue le nombre des mariages qui
» pourroient fe faire, plus on corrompt ceux qni
» font faits ; moins il y a de gens mariés , moins il y
» a de fidélité dans les mariages , comme lorfqu’il y
y> a plus de voleurs , il y a plus de vols ».

Il réfulte de cette réflexion, qu’il faut rappeller
à l’état du mariage les hommes qui font fourds à la
voix de la nature ; mais cet état peut-il être permis
fans le confentement des pères & mères ? Ce con-
fentement eft fondé fur leur puiffance, fur leur
amour , fur leur raifon , fur leur prudence , & les
inftitutions ordinaires les autorifent feuls à marier
leurs enfans. Cependant , félon les lois naturelles ,
tout homme efl: maître de difpofer defonbienôc de
fa perfonne. Il n’cft point de cas où l’on puiiTe être
moins gêné que dans le choix de la perfonne à la-
quelle on veut s’unir ; car qui eft-ce qui peut aimer
par le cœur d’autrui , comme le dit Quintilien ? J’a-
voue qu’il y a des pays où la facilité de ces fortes de
mariages fera plus ou moins nuifible ; je fai qu’en
Angleterre même les enfans ont fouvent abufé de la
loi pour fe marier à leur fantaifie , & que cet abus a
fait naître l’aûe du parlement de 1753. Cet aûe a
cru devoir joindre des formes , des termes & des
gênes à la grande facilité des mariages ; mais il fe
peut que des contraintes pareilles nuiront à la po-
pulation. Toute formalité reftridive ou gênante eft
deftruftive de l’objet auquel elle eft impofée : quels
inconvéniens fi fâcheux a donc produit dans la
Grande-Bretagne , jufqu’à préfent , cette liberté des
mariages^ qu’on ne puiflfefupporter ? des difpropor-
tions de naiflance & de fortunes dans l’union des
perfonnes ? MhIs qu’importent les méfalliancesdans
une nation où l’égalité eft en recommandation , où
la noblefle n’eft pas l’ancienneté de la naiflance , où
les grands honneurs ne font pas dûs privativement
à cette naiflTance , mais où la conftitution veut qu’on
donne la noblcflTe à ceux qui ont mérité les grands
honneurs ; l’afl’emblage des fortunes les plus difpro-
portionnées n’eft-il pas de la politique la meilleure
& la plus avantageufe à l’état ? C’eft cependant ce
vil intérêt peut-être , qui , plus que l’honnêteté pu-
blique, plus que les droits des percs fur leurs en-
tans , a fi fort infifté pour anéantir cette liberté des
mariages : ce font les riches plutôt que les nobles qui
ont fait entendre leurs imputations: enfin, fi l’on
compte quelques mariages que l’avis des parens eût
mieux afl’ortis que l’inclination des entans ( ce qui
eft prefquc toujours indifférent à l’état ) , ne fera-cc
pas un grand poids dans l’autre côté de la balance ,
que le nombre des mariages , que le luxe des païens ,
le defir de jouir , le chagrin de la privation , peut liip-
primerou retarder , en faifant perdre ;\ l’état les années
précicufes & trop bornécsde la fécondité des femmes?
T»me X,

M A R

105

Comme un des grands objets du mariage eft d’ôter
toutes ks incertitudes des unions illégitimes , la re«
ligion y imprime fon caraûere, & les lois civiles y
joignent le leur, afin qu’il ait l’authenticité requife
de légitimation ou de réprobation. Mais pour ce qui
regarde la défenfe de prohibition de mariage entre pa-
rens , c’eft une chofe très-délicate d’en fixer le point
par les lois delà nature.

Il n’eft pas douteux que les mariages entre les af-
cendans&lesdefcendans en ligne directe, ne foient
contraires aux lois naturelles comme aux civiles ;
& l’on donne de très-fortes raifons pour le prouver.

D’abord le mariage étant établi pour la multipli-
cation du genre humain , il eft contraire à la nature
que l’on fe marie avec une perfonne à qui l’on a
donné la naiflTance , ou médiatement ou immédia-
tement , & que le fang rentre pour alnfi dire dans
la foftrce dont il vient. De plus , il feroit dangereux
qu’un père ou une mère , ayant conçu de l’amour
pour une fille ou un fils , n’abufaffent de leur auto-
rité pour fatisfaire une paflîon criminelle , du vi-
vant même de la femme ou du mari à qui l’enfant
doit en partie la naifl »ance. Le mariage du fils avec la
mère confond l’état des chofes : le fils doit un très-
grand refpeâ: à fa mère ; la femme doit aufli du rcf-
peû à fon mari ; le mariage d’une mère avec fon fils
renverferoit dans l’un ôc dans l’autre leur état na-
turel.

Il y a plus : la nature a avancé dans les femmes
le tems où elles peuvent avoir des enfans , elle l’a
reculé dans les hommes ; & , par la même raifon , la
femme ceflTe plutôt d’avoir cette faculté , & l’hom-
me plus tard. Si le mariage entre la mère & le fils
étoit permis , il arriveroit prefque toujours que ,
lorfque le mari feroit capable d’entrer dans les vues
de la nature , la femme en auroit paflTé le terme. Le
mariage entre le père & la fille répugne à la nature
comme le précédent; mais il y répugne moins parce
qu’il n’a point ces deux obftacles.Aufli lesTartares
qui peuvent époufer leurs filles, n’époufent-ils ja-
mais leurs mères.

Il a toujours été naturel aux pères de veiller fur
la pudeur de leurs enfans. Chargés du foin de les
établir , ils ont du leur conlerver & le corps le
plus parfait , & l’ame la moins corrompue , tout ce
qui peut mieux infpirer des defirs , & tout ce qui
eft le plus propre à donner de la tendreflc. Des pè-
res toujours occupés à conlerver les mœurs de leurs
enfans , ont dû avoir un éloigneinent naturel pour
tout ce qui pourroit les corrompre. Le mariage n’cll
point une corruption , dira-t-on ; mais, avant le ma-
riage^ il faut parler, il faut fe faire aimer, il faut
féduire ; c’eft cette léduftion qui a dû faire horreur.
Il a donc fallu une barrière inlurmontable entre ceux
qui dévoient donner l’éducation 6c ceux qui dévoient
la recevoir, & éviter toute forte de corruption ,
même pour caufc légitime.

L’horreur pour l’incefte du frère avec la fœur a du
partir de la même fource. Il fuffit que les pères &c
mères aient voulu conferver les mœurs de leurs en-
fans & leur maifon pure, pour avoir inf’pirc à leurs
enfans de l’horreur pour tout ce qui pouvoit les por-
ter à l’union des deux l’exes.

La prohibition du mariage entre coufins-germains
a la même origine. Dans les premiers tems , c’ell-A-
dirc , dans les âges oii le luxe n’ctoit i)oint connu ,
tous les entans rertoient dans la mailbn S: s’yétablù-
foient: c’eft qu’il ne talloit qu’une maifon très petite
pour une grande famille , comme on le vit chez les
premiers Romains. Les enfans des deux frères , ou
les coufins-germains , étoient regardes & le rcgar-
doient entr’eux comme frères. L’éloigncment qui
ctoit entre les frères & lœurs pour le mariage , élok
donc aufli entre lc$ çouùns-geruiiiius.

lOÔ

M A R

Que fi quelques peuples n’ont point rejette les ma-
riaogs entre les pères & les enfans , les lœurs & les
frères, c’cll que les erres intelligens nehuvent pas
toujours leurs lois. Qui le diroit ! Des idées religieu-
ies ont lou vent t’ait tomber les hommes dans ces éga-
remcns. Si les AÛyrieus , fi les Perles ont époulé
leurs mères , les premiers l’ont tait par un rcfped re-
ligieux pour Scmiramis ; & les féconds , parce que
ia religion de Zoroalhc donnoit la prét’erence à ces
vuriagcs. Si les égyptiens ont cpoule leurs ibeurs , ce
fut encore un déhre de la religion égyptienne qui
conlacra ces mariagîs en l’honneur d’ilis. Comme
l’elprit de la religion elt de nous porter à faire avec
effort des chofes gVandes & difficiles , il ne faut pas
juger qu’une chofe (« oit naturelle parce qu’une reli-
gion faiifie l’a confacrée. Le principe que les maria-
^ii entre les pères & les enfans , les frères & les
fœiirs , font défendus pour la confervation de la pu-
deur naturelle dans la maifon , doit fervir à nousfaire
découvrir quels font les mariages défendus par la loi
naturelle , & ceux qui ne peuvent l’être que par la
loi civile.

Les lois civiles défendent les mariagzs lorfque ,
par les ufages reçus dans un certain pays, ils fe
trouvent être dans les mêmes circonftances que ceux
qui font défendus par les lois de la nature ; 6c elles
les permettent lorlquc les mariages ne fe trouvent
point dans ce cas. La défenfe desiols de la nature elt
invariable, parce qu’elle dépend d’une chofe inva-
riable; le pcre , la mère & les enfans habitant né-
ceffaircmcnt dans la maifon. Mais les défenfes des
lois civiles font accidentelles ; les coufms-germains
& autres habitant accidentellement dans la maifon.

On demande enfin quelle doit être la durée de la
fociété conjugale félon le droit naturel , indépen-
damment des lois civiles: je réponds que la nature
même & le but de cette fociété nous apprennent
qu’elle doit durer tres-iong-tems. La fin delà fociété
entre le mâle & la femelle n’étant pas fimplcment de
procréer , mais de continuer l’ei’pece , cette fociété
doit durer dumoins mêir.e , après la procréation,
auffilong-tems qu’il eft nécellaire pour la nourriture
& la confervation des procréés, c’eit ;\-dire, jufqu’à
ce qu’ils foient capables de pourvoir eux-mêmes à
leurs befoins. En cela confiÛe la principale & peut-
être la feule raifon , pour laquelle le mâle & la fe-
melle humains font obligés à une fociété plus lon-
gue que n’entretiennent les autres animaux. Cette
raifon eft que la femme eft capable de concevoir, &
fe trouve d’ordinaire grolTe d’un nouvel enfant long –
tems avant que le précédent foit en état de pourvoir
lui-même à fes befoins. Ainli le mari doit demeurer
avec fa femme jufqu’à ce que leurs enfans foient
grands & en âge de fubfifter par eux-mêmes , ou
avec les biens qu’ils leur laiffent. On voit que par un
effet admirable de la fageffe du Créateur , cette rè-
gle eft conftamment obfervée par les animaux mê-
mes dcftitués de raifon.

Mais quoique les befoins des enfans demandent
que l’union conjugale de la femme & du mari dure
encore plus long-tems que celles des autres animaux ,
il n’y a rien , ce me femble , dans la nature & dans
le but de cette union , qui demande que le mari & la
femme foient obligés de demeurer enfemble toute
leur vie, après avoir élevé leurs enfans & leur avoir
laiffé de quoi s’entretenir. Il n’y a rien , dis-je , qui
empêche alors qu’on n’ait à l’égard du mariagi la mê-
me liberté qu’on a en matière de toute forte de fociété
& de convention : de forte que moyennant qu’on
pourvoie d’une manière ou d’autre à cette éduca-
tion, on peut régler d’un commun accord , comme
on le juge à propos , la durcc de l’union conjugale ,
foit dans l’indépendance de l’état de nature , ou lorf-
que les lois civiles fous lefquelks on vit n’ont rien

A R

déterminé là-deffus. Si de-là il naît quelquefois des
inccnvénicns, on pourroit y en oppofer d’autres
auili confidérables , qui réiiiltent de la trop longue
durée ou de ia perpétuité de cette fociété. Et après
tout , fuppofé que les premiers fuffent plus grands ,
cela prouveroii feulement que la chofe feroit fujette
h l’abus , comme la polygamie , 6c qu’ainfi , quoi-
qu’elle ne fût pas mauvaiie abfolument & de la na-
ture, on devroit s’y conduire avec précaution. (Z?./.)

Mariage , macrimonium , conjugium , connubinmy
nuptiœ , conj’onium^ {^Jurifprud.’) confidéré en géné-
ral, eft un contrat civil &: politique , par lequel un
homme eft uni & joint à une femme , avec intention
de refter toujours unis enfemble.

Le principal objet de cette fociété eft la procréa-
tion des enfans.

Le mariage eft d’inftitution divine , auffi eft-il du
droit des gens & en ulage chez tous les peuples,
mais il s’y pratique différemment.

Parmi les Chrétiens, le ma/iage eft un contrat ci-
vil , revêtu de la dignité du lacrement de mariage.

Suivant l’inftitution du mariage , l’homme ne doit
avoir qu’une feule femme , & la femme ne peut
avoir qu’un feul mari. Il eft dit dans la Gènefe que
l’homme quittera fon père & fa mère pour refter
avec fa femme , & que tous deux ne feront qu’une
même chair.

Lamech fut le premier qui prit plufieurs femmes ;
& cette contravention à la loi du w^rwo-e déplut tel-
lement à Dieu , qu’il prononça contre Lamech une
peine plus lévere que celle qu’il avoit infligée pour
l’homicide ; car il déclara que la vengeance du crim.e
de Lamech feroit pourluivie pendant foixante-dix-
fept générations , au lieu que par rapport à Caïn il dit
feulement que celui qui le tucroit,feroit puni lépt fois.

Le droit civil défend la pluralité des femmes 6c
des maris. Cependant Jules Céfar avoir projette
une loi pour permettre la pluralité des femmes,
mais elle ne fut pas publiée ; l’objet de cette loi étoit
de multiplier la procréation des enfans. Valenti-
nien I. voulant épouler une féconde femme outre
celle qu’il avoit déjà , fit une loi , portant qu’il feroit
permis à chacun d’avoir deux femmes , mais cette
loi ne fut pas oblervée.

Les empereurs romains ne furent pas les feuls qui
défendiient la polygamie. Athaldnc , roi des Goths
& des Romains , fit la même défent’e. Jean Métro-
politain , que les Mofcovites honorent comme un
prophète , fit un canon , portant que fi un homme
marié quittoit fa femme pour en épouler une autre,
ou que la femme changeât de même de ma*) , ils ié-
roiént excommuniés jufqu’à ce qu’ils revinft’cnt à
leur premier engagement.

Contran , roi d’Orléans , fut excommunié , parce
qu’il avoit deux femmes.

La pluralité des femmes fut permife chez les Athé-
niens , les Parthes , les Thraces , les Egyptiens , les
Perfes ; elle eft encore d’ufage chez les Payens , &
particulièrement chez les Orientaux : ce grand nom-
Dre de femmes qu’ils ont , diminue la confidération
qu’ils ont pour elles , & fait qu’ils les regardent plu-
tôt comme des efclaves que comme des compagnes.

Mais il n’y a jamais eu que des peuples barbares
qui ayent admis la communauté des femmes , ou
bien certains hérétiques , tels que les Nicolaïtes ,
les Gnoftiques & les Epiphaniftes, les Anabaptiftes.

En Arabie , plufieurs d’une même famille n’avoient
qu’une femme pour eux tous.

En Lithuanie , les femmes nobles avoient outre
leurs maris plufieurs concubins.

Sur la côte de Malabar , les femmes des naires ,
qui font les nobles , peuvent avoir plufieurs maris,
quoique ceux-ci ne puiffent avoir qu’une femme.

Dans certains pays , le prince ou le feigneur du

M A R

I A R

107

Keu avoit droit de coucher avec la nouvelle mariée
la première nuit de fcs noces. Cette coutume bar-
bare qui avoit lieu en Ecoflc , y tut abolie par Mal-
come , 6z convertie en une rétribution pécuniaire.
En France , quelques feigneurs s’étoient arrogé des
droits lémblables , ce que la pureté de nos mœurs
n’a pu ioiiltrir.

Comme il n’y a rien de fi naturel que le mariage ,
& fi nécciïaire pour le loutien des états , on doit
toujours favoriier ces fortes d’établifiémens.

L’éloignement que la plijpart des hommes avoient
pour le maruv^c , loit par amour pour leur liberté,
îbit par la crainte des luites que cet engagement en-
traîne après lo: , obligea dans certains tems de faire
des lois contre le célibat. /^qye{ Célibat.

En France , les nouveaux mariés font exemts de
la coiiedc du ici pendant un an.

Quoique lemariagd confilic dans l’union des corps
& des elprits , le confenremcnt des contraftans en
fait la baie & l’efiénce , tellement que le mariage
«Il valablement contradé , quoiqu’il n’ait pomî été
confommé , pourvu qu’au temps de la célébration
l’un ou l’autre des conjoints ne fût pas impuiffant.

Pour la validité du mariage , il ne raut en général

d’autre confcntcmcnt que celui des deux contrac-

lans, à moins qu’ils ne loientenla puiffance d’aucrui.

Ainfi les princes & princeffes du fang ne peuvent

fe marier lans le conlentement du roi

Dans le royaume deNaples, les officiers ne peu-
vent pareillement fe marier fans la pcrmiffion du
roi ; il efl défendu aux évoques de fouffrir qu’il lé
faffe de pareils mariages dans leur diocefe. Autre-
fois , en France , le gentilhomme qui n’avoit que des
filles perdoit fa terre s’il les marioit fans le conlcn-
tement de fon feigneur ; & la merc en ayant ia garde
qui les marioit fans ce même confentement , perdoit
fes meubles. L’héritière d’un Hef , apvcs la mort de
fon père, ne pouvoit pas non plus être mariée fans
le confentement de fon feigneur ; cet .ifage lubfiftoit
encore du tcms de faint Louis , fuivaut les établifle*
mens ou ordonnances qu’il ht.

Les entans mineurs ne peuvent fe marier fans le
conlcntement de leurs père & merc.

Suivant le droit romain , obfervé dans tous les
parlemens de droit écrit , le mariage n’émancipe pas ;
mais dans toutes les coutumes & dans les pays de
droit écrit du relTort du parlement de Paris , le ma-
riage opère une émancipation tacite.

Ceux qui n’ont plus leurs père & mère & qui font
encore mineurs , ne peuvent fe marier fans avis de
parens; le confentement de leur tuteur ou curateur,
ne fuffit pas pour aurorifcr le mariage.

Pour la validité du mariage , il faut un confente-
ment libre , c’eft pourquoi le mariage ne peut fub-
fiiler entre le ravi fleur 6c la perfonnc ravie.

On regarde comine un devoir de la part du père
de marier les tilles , & de les doter lélon les moyens ;
les filles ne peuvent cependant contraindre leur perc
à le faire.

Le mariage parmi nous eft quelquefois précédé
de proinefles de mariage , & ordinairement il l’cft
par des fiançailles.

Les promclfes de mariage fe font ou par des ar-
ticles & contrats devant un notaire , ou par des pro-
meflcs lous feing privé.

Ces promellés poiu- être valables , doivent être
accompagnées de phificurs circonrtances.

La i)remierc , qu’elles foient faites entre perfon-
nes ayant l’âge cie puberté , 6c qui foient capables
de fe marier cnfemble.

La féconde , qu’elles foient par écrit , foit fous
feing privé ou devant notaire. L\irt. vij. Je /\>rt/o/i-
nance de i Gyi) détend ;\ tous juges , même d’Lglile ,
d’en recevoir la preuve par témoins.
Tome X,

La troîiieme, qu’elles foient réciproques St faitel
doubles entre les parties contradantes> quand il nV
en a point de minute.

La quatrième , qu’elles foient arrêtées en préfencf
de quatre parens de l’une & l’autre des parties * quoi»
qu’elles foient de baffe condition ; c’ell la difpofitiotl
de Van. vij. de f ordonnance de i6yc) , ce qui nes’ob»
férve néanmoins que pour les mariages de mineurs.

Quarvd une des parties contrevient aux promefTes
de mariage , l’autre la peut faire appeller devant le
juge d’Eglife pour être condamnée a les entretenir».

Le chapitre Utteris veut que l’on puilTe contraiii’*
dre par cenfures eccléfiatliques d’accomplir les pro^
méfies de mariage ; c’ell une décifion de îigueur ôt
de f éverité , fondée fur le parjure qu’encourent ceujc
qui contreviennent ù leur foi & à leur ferment ; 5c
pour obvier à ce parjure , on penfoit autrefois quô
c’étoit un moindre mal de contraindre au mariage /
mais depuis les chofes plus mûrement examinées ^
l’on a trouvé que ce n’eft point un parjure de réfi-
lier des promeflcs de mariage , on préfume qu’il y a
quelque caufe légitime qu’on ne veut pas déclarer^
& quand il n’y auroit que le feul changement dô
volonté , il doit être fuffifant , puifque la volonté
doit être moins forcée au //z^na^e qu’en aucune autrô
adlion ; c’eft pour ce fujet qu’ont été faites les décré-
tâtes prœterea & requijîvit , par lefquelles la liberté
eftlaiifée toute entière pour contrafter warwg’c, quel*
ques promefl’es que l’on puiffe alléguer.

Autrefois , dans quelques parlemens, on condam*
noit celui qui avoit ravi une perfonne mineure à
l’époufer , finon à être pendu ; mais cette jurifpru-
dence dont on a reconnu les inconvéniens , ell pré-
feniement changée , on ne condamne plus à époufer.

Il ell vrai qu’en condamnant une partie en des
dommages & intérêts pour l’inexécution des pro-
mefTes de mariage , on met quelquefois cette alter-
natïyeji rnieux n aime T époufer ^ mais cette alterna-
tive laiiî’e la liberté toute entière de faire ou ne pas
faire le mariage.

Les peines appofées dans les promefTes de mariage.
font nulles , parce qu’elles ôtent la liberté qui doit
toujours accompagner les mariages , on accorde
néanmoins quelquefois des dommages & intérêts
félon les circonftances ; mais fi l’on avoit rtipulé
une fomme trop forte , elle feroit redudible , parce
que ce feroit un moyen pour obliger d’accomplir le
mariage , foit par l’impolTibilité de payer le dédit ,
foit par la crainte d’être ruiné en le payant.

Les fiançailles font les promefTes d’un mariage fu-
tur qui fe font en face d’Eglife ; elles font de bien-
féance & d’ufage , mais non pas de nécefïite ; elles
peuvent fe contrader par toutes fortes de perfbn-
nes, âgées du moins de Icpt ans ,du confentement de
ceux qui les ont en leur puifiance.foy. F IAN(; AILLES.

Le contrat civil du mariage efl la matière , la bafc,
le fondement îk la caufe du facrcment de mariage ,
c’efl pourquoi il doit être partait en foi pour être
élevé à la dignité de facrement ; car Dieu n’a pas
voulu fandlifier toute conjondion , mais feulement
celles qui fe font fuivant les lois reçues dans la fb-
ciété civile , de manière que quand le contrat civil
ell nul par le défaut de confentement légitime , le
facrement n’y peut être attaché.

Le contrat ne produit jamais d’efTets civils lorf-
qu’il n’y a point de facrement : il arrive même quel-
quefois que le contrat ne produit ])oint d’elTers ci-
vils , quoique le facrement foit partait ; lavoir ,
lorfque le contrat n’ell pas nul jiar le défaut de
contentement légitime, mais par le défaut de quel-
que tornialité reijuile par les lois civiles , qui n’efl
pas lie fefVence iWxmanagc, fuivant les lois de l’Eglife.
Toute iKMfbnne qui a atteint luge de puberté ,
peut le marier.

Oij

io8

M A R

Les lois ^voient défendu le marlasic d’un homme
de 60 ans & d’une femme de ^o , maib Jiiftinien leva
cet oblbcle , & il cil permis à tout âge de le marier.

On peut contrader mariage avec tontes les pcr-
fonnes , à Tégard dclquelles il n’y a point d’empê-
chement.

Ces empêchemens font de deux fortes ; les uns
empêchent feulement de contraâer mariage , lorf-
qu’il n’ell pas encore célébré ; les autres, qu’on ap-
pelle dirirnans , font tels qu’ils obligent de rompre
le mariage lors même qu’il cil célébré. Foyei Em-
pâCHEMENT.

L’ordonnance de Blois & l’édit de 1697 enjoi-
gnent aux curés & vicaires de s’informer foigneu-
iément de la qualité de ceux qui veulent fe marier ;
& en cas qu’ils ne les connoilfent pas , de s’en faire
inftmire par quatre perfonnes dignes de foi , qui cer-
tifieront la qualité des contr^dans ; 6i. s’ils font en-
fans de famille , ou en la puidance d’autrui , il eft
expreiîément défendu aux curés & vicaires de paf-
1er outre à la célébration des mariages , s’il ne leur
apparoît du confentement àcs père , mère , tuteur
& curateur , fur peine d’être punis comme fauteurs
de crime de rapt.

Il eft aufli défendu par l’ordonnance de Blois à
tous tuteurs d’accorder ou confentir le mariage de
leurs mineurs , finon avec l’avis &: confentement
de leurs plus proches parens , tant paternels que ma-
ternels, fur peine de punition exemplaire.

Si les parties contraftantes font majeurs de 25
ans accomplis, le défaut de confentement des père
& mère n’opère pas la nullité du mariage ; mais
les parties, quoique majeurs de 25 ans, font obli-
gées de demander par écrit le confentement de leurs
père & meie , & à leur défaut de leurs ayeul &
ayeule , pour fe mettre à couvert de l’exhérédation,
& n’être pas privés des autres avantages qu’ils ont
reçus de leurs pere&[mere, ou qu’ils peuvent efpé-
rer en vertu de leui contrat de mariage ou de la loi.

Il fuffit aux tilles majeures de 25 ans de requérir
ce confentement , fans qu’elles foient obligées de
l’attendre plus long-tems : à l’égard des garçons ,
ils font obligés d’attendre ce confentement jufqu’à
30 ans , autrement ils s’expofent à l’exhérédation
& à toutes les peines portées par les ordonnances.

Néanmoins quand la mère eft remariée , le fils âgé
de 25 ans peut lui faire lesfommations refpeûueulés.

Les enfans mineurs des père & mère qui font
fortis du royaume fans permifiîon & fe font retirés
dans les pays étrangers , peuvent en leur abfence
contrader mariage , fans attendre ni demander le
confentement de leurs père & mère , ou de leurs
tuteurs & curateurs , qui fe font retirés en pays étran-
gers , à condition néanmoins de prendre le confen-
tement ou avis de fix de leurs plus proches parens
ou alliés , tant paternels que maternels ; & à défaut
de parens , on doit appeller des amis. Cet avis de
parens doit fe faire devant le juge du lieu , le pro-
cureur d’office préfent.

La déclaration du 5 Juin 1635 défend à toutes
perfonnes de confentir fans la permiffion du roi que
leurs enfans , ou ceux dont ils font tuteurs ou cu-
rateurs , fe marient en pays étranger , à peine des
galères perpétuelles contre les hommes , de bannif-
fement perpétuel pour les femmes , 6c de confifca-
tion de leurs biens.

Suivant les ordonnances , la publication des bans
doit être faite par le curé de chacune des parties
contrariantes avec le conlentemcnt des père, mère,
tuteur ou curateur : s’ils (ont enfans de famille , ou
en la puifTance d’autrui , & cela par trois divers
jours de fêtes avec intervalle compétent , on ne peut
obtenir difpenfe de bans , finon après la publication
du premier , & pour caufé légitime.

M A R

Quand les mineurs qui fe marient demeurent dans
une paroifTe différente de celle de leurs père & mère
tuteurs ou curateurs, il faut publier les bans dans les
deux paroifles.

On doit tenir un fidèle reglftre de la publication
des bans , des difpenfes , des oppofitions qui y fur-
viennent , & des main-levées qui en font données
par les parties , ou prononcées en juftice.

Le défaut de publication de bans entre majeurs
n’annulle pourtant pas le mariage.

La célébration du mariage pour être valable doit
être faite publiquement en prélénce du propre curé;
c’eft la difpolition du concile de Trente , & celle des
ordonnances de nos rois ; &c fuivant la dernière ju-
rifprudence , il faut le concours des deux curés.

Pour être réputé paroiiîien ordinaire du curé qui
fait le mariage , il faut avoir demeuré pendant un
tem.s fuffilant dans fa paroiffe ; ce tems eft de fix
mois pour ceux qui dcmeuroient auparavant dans
une autre paroiflé de la même ville t ou dans le
même diocefe , & d’un an pour ceux qui demeu-
roient dans un autre diocefe.

Lorfqu’il furvient des oppofitions au mariage, \cc\\rè
ne peut pafTer outre à la célébration , à moins qu’on
ne lui en apporte main-levée.

Outre les formalités dont on a déjà parlé , il faut
encore la préfence de quatre témoins.

Enfin c’eft la bénédidion nuptiale qui donne la
perfedion au mariage ; jufques-là, il n’y a ni contrat
civil , ni facrement.

Les juges d’Eglife font fculs compétens pour
connoître diredement des caufes de mariage par
voie de nullité , pour ce qui eft purement fpirituel
&: de l’efTence du facrement.

Cependant tous juges peuvent connoître indi-
redement du mariage , lorfqu’ils connoifTent ou du
rapt par la voie criminelle , ou du contrat par la
voie civile.

Lorfque l’on appelle comme d’abus de k célébra-
tion du mariage , le Parlement eft le feul tribunal qui
en puifTe connoître.

Le mariage une fois contradé valablement, eft in-
difl’oluble parmi nous , car on ne connoît point le
divorce ; & quand il y a des empêchemens diri-
rnans , on déclare que le mariage a été mal célébré ,
enibrte qu’à proprement parler, ce n’eft pas rompre
le mariage , puifqu’il n’y en a point eu de valable.

La féparation même de corps ne rompt pas non
plus le mariage.

L’engagement du mariage eft ordinairement pré-
cédé d’un contrat devant notaire , pour régler les
conventions des futurs conjoints.

Ce contrat contient la reconnoifTance de ce que
chacun apporte en mariage, & les avantages que les
futurs conjoints fe font réciproquement.

Dans prefque tous les pays il eft d’ufage que le
futur époux promet à fa future époufe un douaire
ou autre gain nuptial , pour lui afTûrer fa fubfiftance
après la mort de fon mari; autrefois les mariages (q
concluoient à la porte du moujlier ou églife ; tout fe
faif bit fans aucun écrit , & ne fubfiftoit que dans la
mémoire des hommes ; de là tant de prétextes pour
annuUer les mariages & pour le féparer.

On ftipuloit le douaire à la porte de l’églife ; &
c’eft de-là que vient l’ufage qui s’obferve préfente-
ment dans l’églife , que le futur époux , avant la
bénédidion nuptiale , dit à fa future : Je vous doue,
du douaire qui a été convenu entre vos parens & les
miens y & lui donne en figne de cet engagement,
une pièce d’argent. Suivant le manuel de Beau-
vais , le mari dit en outre à fa femime : Je vous ho-
nore de mon corps , &c.

Il n’eft pas nécelTaire que le mariage ait été con-
fommé pour que la femme gagne fon douaire , fi

M A R

ce n’eft dans quelques coutumes fingulieres , qui
portent expreflement , que la femme gagne fon
douaire au coucher; comme celle oîe Normandie,
celle de Ponthieu , & quelques autres ; on n’exige
pourtant pas la preuve de la confommation ; elle
eu prélumée dans ce cas, dès que la femn.^e a cou-
ché avec ion mari.

C’eft au mari à acquitter les charges du mariage;
& c’eft pour lui aider à les foutenir, que les fruits
de la dot lui font donnés.

Les féconds , troifiemes & autres mariages font
fujets à des lois particulières, dont nous parlerons
au mot Secondes noces.

Sur le mariage en général , voye^^ le Liv. V. du
code de Paris, le tit. i.jufquau 27. inclu/lvement ;
le Ilv. IV. des decrétales; les novelles 117. 140;
redit d’Henri IV. de Février 1556; l’ordonnance
d’Orléans, art. 3; l’ordonnance de Blois,^r/. 40.
&fuiv. l’édit de M.e\\xn, art. 26; l’cdit d’Henri IV.
de 1606, art. 12; l’ordonnance de Lonis XIII.
de 16×9 , art. 351. & iGc) ; la déclaration de 1639 ;
l’édit du mois de Mars 1697; les Mémoires du cler-
gé, tome V; les lois eccléfiaftiques , de Dhcricourt i
la Bibliothèque canonique; celle de Bouchel ; &
celle de Jovci; le dictionnaire de Brillon , au mot
mariage ; & les auteurs qui ont traité du mariage,
dont il donne une longue lifte.

Il y a encore plufieurs obfervations à faire fur
certains mariages , dont nous allons donner des no-
tions dans les fubdivifions fui vantes. (^)

Mariage abusif, eft celui dans la célébration
duquel on a commis quelque contravention aux
faints canons ou ordonnances du royaume , voye:^
Abus , & ce qui a été dit ici du mariage en général.

Mariage ACCOMPLI ftgnifie celui qui eft célébré
en face d’EglKe ; par le contrat de mariage les parties
contractantes promettent fe prendre en légitime ma-
riage , 6l ajoutent ordinairement qu’il fera accompli
inceffamment. Ç^)

Mariage avenant en Normandie eft la légitime
des filles . non mariées du vivant de leurs père &
mère ; leur part fe règle ordinairement au tiers de
la fuccefîion, art. 2S6. de la coût. & en quelque nom-
bre qu’elles lojent , elles ne peuvent jamais deman-
der plus que le tiers ; mais s’il y a plus de frères que
de fœurs , en ce cas les fœurs n’auront pas le tiers ,
mais partageront également avec leurs frères puî-
nés , art. 26c). de la coût, parce que foit en bien no-
ble ou en roture , (bit par la coutume générale ou
par la coutume de Caux , jamais la part d’une fille
ne peut être plus forte , ni excéder la |)art d’un ca-
det puîné. Sur la manière dont le mariage avenant
doit être liquidé , voye:^ Routiery/^r la coût, de Nor-
mandie , liv. If^. cil. iv.Jicl. iv. (y^)

Mariage caché ou secret , eft celui dans le-
quel on a obf’crvé toutes les formalités requifes ,
mais dont les conjoints cherchent à ôter la connoif-
fance au public en gardant entr’cux-im extérieur
contraire à l’état du mariage , foit qu’il n’y ait pas
de cohabitation publique , ou que demeurant en-
fcmble , ils ne lé faftent pas connoître pour mari &
femme.

Avant la déclaration du 16 Novembre 1639, ces
fortes de mariages étoient abfolument nuls à tous
égards , au lieu que f’uivant cette déclaration , ils
font réputés valables quoad Jœdus & facramcnciim.

Mais quand on les tient caches julqu’à la mort de
l’un des conjoints , ils ne produii’ent point d’effets
civils ; de forte que la veuve ne peut prétendre ni
communauté , ni douaire , ni aucun des avantages
portés par (« on contrat de mariage^ les enfans ne fuc-
ccdent point A leurs perc & mère.

On leur laifl’c néanmoins les qualités ftériles de

M A R 109

veuve & d’éhFans légitimes , & on leur adjuc^e or-
dinairement une fomme pour alimens ou une pen-
fion annuelle.

Les mariages cachés font différens des mariages
clandeftins , en ce que ceux-ci font faits fans forma-
lités & ne produifent aucun effet civil ni autre.
yoye{^ Soefve , tom. I, cent, iv, ck. xxvij. &: tom. II.
ch. Ivij. & Ixxj. Augeard , tom. I. ch. Ij. & ix. &
ci-après MarIAGE CLANDESTIN. (^)

Mariage célébré , c’eft lorfque Thomme & la
femme qui font convenus de s’époufer , ont reçu
de leur propre curé la bénédidion nuptiale. Foyg^
Mariage contracté.

Mariage charnel fe dit par oppofion au ma-
riage fpirituel; on l’appelle charnel, parce qu’il com-
prend l’union des corjîs aufti-bien que celle des ef-
pritS. royei ci-apics MaRIAGE SPIRITUEL.

Mariage per coemptionem , étoit une des
trois formes de mariages ufités chez les romains ,
avant qu’ils eulTeiit embraffé la religion chrétienne,
cette forme étoit la plus ancienne & la plus folem-
nelle , & étoit beaucoup plus honorable pour la
femme , que le mariage qu’on appelloit /^^r ufum ou
par ufucapion.

On appelloit celui-ci mariage per coemptionem ,
parce que le mari achetant folemnellement fa fem-
me , achetoit aufli conféquemment tous fes biens ;
d’autres difent que les futurs époux s’achetoient
mutuellement ; ce qui eft de certain , c’eft que pour
parvenir à ce mariage ils fe demandoient l’un & l’au-
tre ; favoir le futur époux à la future, fi elle vouloit
être (« a femme , & celle-ci demandoit au futur époux
s’il vouloit être (on mari; & fuivant cette forme, la
femme palioit en la main de (on mari , e’eft-à dire ,
en fa puidance ou en la puifTance de celui auquel il
étoit lui-même fournis. La femme ainfi mariée étoit
appelléey«y?d uxor^ tota uxor, mater -famiiias ;les cé-
rémonies de cette forte de mariage {ont très- bien
détaillées par M. Teraffon , dans (on Hijî. de laju-
rifprudince rom. f^oye^ aufîi Loifeau , du deguerpi[fim.
liv. II. ch. iv. n. 6. & Gregorius Tolofanus, infyn-
tagm. juris , lib. IX. cap. v. n. 24. ufucapion.

Mariage par confarréation , per confarrea-
tienem , étolt aulfi une forme de mariage ufitce chez
les Romains du tems