Gourde individuelle, verre consigné, économie d’eau… En été voici les petits gestes écolos qui font la différence


Garder le cap de nos gestes en faveur de l’environnement, est-ce tenable quand on est en vacances? Quand l’envie nous vient d’oublier les contraintes. Puisque, justement, c’est fait pour ça, les vacances.
Si l’environnement arrive régulièrement en tête des préoccupations des Français, dès qu’on entre dans le détail de nos gestes quotidiens, la mise en pratique peut connaître quelques hoquets.

Evolution

Pourtant, l’horizon est en train de changer. Même dans l’économie du tourisme et même en été. Pas seulement auprès des plus vertueux en matière de développement durable.
Par petites touches, les comportements évoluent. Les hôtels de luxe font leur révolution culturelle; le compost apparaît au camping; sur le littoral, on parle d’écogestes en faveur de la Méditerranée; certains marchés provençaux se mettent au tri; des vignerons consignent leurs bouteilles.
Comment suit le grand public, comment s’organisent les professionnels? Et où progresser? Trouver un point d’eau dans un lieu public, gare, centre commercial ou un grand magasin ne devraient pas relever du jeu de piste. Surtout en temps de canicule, dans le sud-est de la France. Des sanctions sont prévues parla loi… en théorie.

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Dans son enquête Sensibilité à l’environnement, publiée en juillet 2023 (la plus récente à ce jour), le Credoc et l’Ademe notaient que « la dégradation de l’environnement se classe en deuxième position », parmi une liste d’une dizaine de sujets.
Pour réduire notre empreinte carbone, les sondés étaient même deux-tiers (67%) à souhaiter que soient encadrés les comportements nocifs pour l’environnement dans le domaine de la consommation.

Mauvaise foi

Patatras, il y a quelques jours, la Fondation Vinci autoroute nous apprend que les Français n’en ont pas fini avec leurs mauvaises habitudes de jeter un déchet, alors qu’ils roulent en voiture. Ce que nous allons presque tous faire cet été (rouler, pas jeter par la fenêtre).
Alors, vertueux? Un peu? Ou pas du tout? La contradiction est révélatrice. Il y a ce qu’on voudrait en général, et ce que l’on fait réellement, à titre individuel. C’est justement là, que le pari doit être gagné. Résoudre notre part de mauvaise foi et profiter des vacances pour changer certaines habitudes. Chaque fois que c’est possible.

Légende photo en plus. Photo Valérie Le Parc.

Prenons un petit marché de Provence. Fruits et légumes locaux en bonne place. Nous sommes à Garéoult, dans ce paradis nommé Provence verte, traversé de rivières et de familles en vacances.
« J’ai essayé de me passer du plastique, mais je m’embête, lâche un revendeur, tandis que les clients se pressent. Il faudrait que tous les gens arrivent avec un joli panier comme celui-là. Quand ils n’ont rien, je suis bien obligé de leur donner ça! »
Ça, c’est une liasse de sacs plastiques, tout fins, à usage unique. « Mais oui c’est interdit, je sais, peste-t-il. Mais le sac cartonné avec une anse, c’est quatre fois le prix! »
Le client face à lui a un grand cabas. La plupart des fruits sont sobrement emballés de sachets papier. Sauf les fraises, « fragiles », en barquette plastique.

Du tri à la consigne

À Garéoult, un effort notable est porté à la question des déchets. En fin de marché, cartons, cagettes en bois et invendus sont différenciés. « Oui bien sûr on trie, on pose près de l’arbre. On est obligés », répond le revendeur volubile, en rendant la monnaie.
Le tri systématique a permis « de diminuer de 14% les déchets et de valoriser ceux qui restent à hauteur de 65%. Au lieu de partir à la benne », relate Mickaël Schneider, directeur d’Ecoscience Provence (lire son interview ci-dessous).
Sous les platanes de Garéoult, il y a aussi Angélique Bodino. Chez elle, le parti pris est proche du zéro déchet.
Ses pots de tartinade sont ornés d’un petit dessin explicatif qu’elle a imaginé. « Je suis consigné, dit le bocal. Ramène-moi, tu récupéreras 1e. Grâce à toi, je trouverai une nouvelle vie. »
À la tête de sa conserverie artisanale Bocaux d’aqui, la jeune femme a voulu créer un système de consigne. « Je trouve important de participer à une sensibilisation de la clientèle. Et c’est une façon de la fidéliser », ajoute-t-elle. Les touristes jouent-ils le jeu?
Une famille passée au marché nocturne du Pradet « est revenue à la fin de leur semaine de vacances. Ils m’ont rendu tous les bocaux et en ont repris autant ». Par marché, la Varoise récupère une dizaine de pots et bocaux vides.
Au Domaine de Gavaudan, l’ambiance est hyper familiale. Une trentaine de mobile-homes, sous les arbres entre la forêt et le fleuve Gapeau.
« Il faut couvrir plus, là. » Jean-Yves Gandon lance quelques volées de broyat par-dessus le compost. Tiens, un emballage plastique de saucisses s’est égaré.
Sa sœur Mireille gère le lieu et s’échine à rendre simples tous ces petits gestes. Le seau vert, pour les matières organiques. Le robinet d’eau pour rincer.
« Les résidents réguliers sont plus consciencieux, nuance-t-elle. Mais pour les locations courtes, c’est pas pareil. » Une voiture arrive, au volant Sébastien. « Ici, on est au top! Grâce à elle. Elle explique à tous les résidents. On ne peut pas faire mieux », rigole-t-il.

Effet immédiat sur la poubelle ménagère

Originaire de la Drôme, Marie, surnommée Marie Frisette, vient de « faire trois allers-retours au compost avec du melon et des crevettes ». Une autre voisine, dite Marie C., assure que « ce n’est pas compliqué de le faire ».
Depuis deux ans, le domaine situé à Méounes s’investit sur cette voie. En été, « les gens ont conscience que c’est important mais ça les barbe un peu », constate Mireille Gandon. Elle ne manque jamais de donner « le petit flyer avec les instructions ». « Je me permets de me présenter et de dire: “N’oubliez pas le tri. » »
L’effet sur le volume de la poubelle ménagère est immédiat. « Je n’en sors plus qu’une par semaine contre deux ou trois, avant. » Même en pleine saison estivale. Et ça, c’est une gageure.

Photo Valérie Le Parc.

C’est encore un sport répandu en France. « Pour la 3 année consécutive, les comportements n’évoluent pas, que ce soit sur l’autoroute ou dans la rue », écrit la Fondation Vinci autoroute en publiant sa dixième enquête annuelle sur les déchets (1). 27% des sondés admettent « jeter leurs déchets par la fenêtre de leur voiture », la même proportion qu’en 2022. Pire, une fois sur quatre, c’est un mégot qui passe par-dessus bord. Non seulement, ces bouts de cigarette sont très polluants, mais ils représentent le risque énorme d’incendie. Chez les moins de 35 ans, le constat reste alarmant malgré un léger mieux: 40% déclarent jeter par la fenêtre quand ils roulent sur l’autoroute (-2%). Un sur cinq (21%) jette des papiers et emballages. Ceux qui jettent ont-ils conscience de polluer? Nuire à la biodiversité? Risquer de provoquer un feu? Pas vraiment. La Fondation Vinci autoroute note un « relâchement », avec une prise de conscience qui baisse. Cela n’a rien d’anecdotique. Chaque jour, 25 tonnes de déchets sauvages sont ramassées par les ouvriers autoroutiers, le long des voies. Ce qui représente aussi un risque d’accident. Pour lutter contre cette « jettomanie », Vinci mène une campagne d’information, sur le ton de l’humour et en lien avec les JO. En vidéo, le commentateur sportif Grégoire Margotton invite chacun à faire un « beau geste ». Visez bien la poubelle!
1. Enquête Ipsos, mai 2024

Photo Valérie Le Parc.

Depuis une quinzaine d’années, l’association Ecoscience Provence promeut l’économie circulaire et la consommation durable. Mickaël Schneider en est le directeur.
Diriez-vous que l’été est propice aux gestes écologiques… ou pas?
On peut penser que l’été est propice à la facilité, mais la question écologique reste en toile de fond. Quelqu’un qui va faire un pique-nique pensera souvent à amener une gourde. Des viticulteurs pratiquent la consigne pour leurs bouteilles de rosé. Sur des marchés, les forains trient le carton et le bois. Les pratiques changent. Il y a 5 ans, cela n’existait pas.
Quel est le bon échelon pour donner l’impulsion?
Nous travaillons avec des producteurs locaux, apiculteurs, viticulteurs, commerçants, restaurateurs qui s’engagent. Il faut y aller! Dire que les changements ne sont pas si difficiles à mettre en place. Chacun a un rôle à jouer. Le changement de comportement prend du temps. Il ne faut pas brusquer, mais sensibiliser et intéresser. Quand un déchet est trié, on comprend vite qu’il devient une ressource.
Est-ce que ça fonctionne?
Autour de la consigne, dans le Var et les Alpes-Maritimes, je dénombre une centaine d’acteurs. Progressivement, on y arrive. Notre travail est de montrer que même vide, une bouteille a encore de la valeur. La moitié des gaz à effet de serre d’une bouteille de rosé par exemple, est liée au verre. Il y a cinq ans, seuls les viticulteurs très engagés s’en préoccupaient. Maintenant, avec l’augmentation du prix du verre, ils peuvent faire des économies. J’en dénombre une cinquantaine qui passe au réemploi. Justement, nous sommes en train de mener une étude pour évaluer l’opportunité de créer une station de lavage locale. Actuellement, nous transportons les bouteilles dans la Drôme pour ça. Ce qui est déjà bien. Je précise que même si nous allions les laver à Lille, ce serait encore plus avantageux que le verre mis au recyclage!

Photo Valérie Le Parc.