À sept mois de l’élection présidentielle, Guillaume Larrivé, le député LR de l’Yonne, entend apporter sa contribution au débat national. C’est tout le sens de ses « Rendez-vous pour la France ». Deux débats organisés samedi 2 octobre à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre. Rendez-vous dont les principaux invités sont Manuel Valls, l’ancien Premier ministre socialiste, et Michel Barnier, l’ex-négociateur du Brexit et candidat à la présidentielle.
Pourquoi avoir nommé ainsi les deux tables rondes organisées samedi à l’abbaye Saint-Germain ?
L’ambition portée par ces Rendez-vous, ouverts au public, est de débattre de l’avenir de la France. Sur deux sujets essentiels pour notre pays : sauvegarder la paix civile et bâtir la puissance. En invitant des républicains sincères, des patriotes engagés. C’est aussi l’occasion de braquer les projecteurs sur Auxerre et notre abbaye Saint-Germain, devenue la cité des arts de la parole. Je prendrai d’autres initiatives en ce sens au cours des prochains mois.
Le casting ne manque pas de surprendre.
En invitant Manuel Valls, je sais que je vais surprendre : quand il était Premier ministre, j’étais le porte-parole de Nicolas Sarkozy alors chef de l’opposition. Nous nous sommes parfois combattus dans l’Hémicycle, mais je le respecte car il a tenu l’État, en 2015, lorsque la France était la cible d’attentats islamistes. En héritier de Clémenceau, il a des choses intéressantes à dire. Le débat permettra de faire émerger nos points d’accord, sans masquer nos différences. J’invite aussi Patrick Stefanini qui est un collègue du Conseil d’État, aujourd’hui directeur de campagne de Valérie Pécresse : c’est un grand préfet avec qui j’ai travaillé en binôme lors de la création du ministère de l’immigration. J’ai aussi convié autour de cette même table l’ancienne directrice de Normale Sup, Monique Canto-Sperber, philosophe des libertés. Et Hakim El Karoui, un essayiste qui a engagé une réflexion sur l’Islam dans la société française. Pour la seconde table ronde, nous recevrons une personnalité qui a une très grande expérience de la scène internationale, comme ministre des affaires étrangères puis commissaire européen, Michel Barnier. On aura aussi un jeune intellectuel venu de Washington, Benjamin Haddad.
Trop souvent, et on l’a vu lors de la crise des gilets jaunes, on assiste à un retour de la lutte des classes, à une nouvelle lutte des âges, mais aussi à une lutte des territoires et même à une lutte des pseudo-races. La Nation est déchirée.
Estimez-vous aujourd’hui que la France peut basculer dans la guerre civile ?
La montée de la violence est telle qu’un scénario catastrophe n’est pas impossible. C’est pourquoi il est urgent d’agir pour sauvegarder la paix civile. Nous devons tout faire pour retrouver ce bien commun et décider d’un autre chemin que celui de l’affrontement. C’est pourquoi, selon moi, le but premier de l’action politique, aujourd’hui, ce doit être la réconciliation nationale. Réconciliation de la France avec elle-même et réconciliation des Français entre eux. Réconciliation avec notre histoire, de manière paisible, sans s’excuser d’être ce que nous sommes. Réconciliation avec notre destin de puissance : nous sommes un grand pays qui ne doit pas renoncer à peser en Europe et dans le monde. Ce sont les grands défis de la décennie qui vient.
Qu’entendez-vous par « réconcilier les Français entre eux » ?
Trop souvent, et on l’a vu lors de la crise des gilets jaunes, on assiste à un retour de la lutte des classes, à une nouvelle lutte des âges, mais aussi à une lutte des territoires et même à une lutte des pseudo-races. La Nation est déchirée. Il faut réussir à la fédérer, à nouveau, autour d’un projet positif. C’est l’enjeu de fond de 2022.
Avec d’autres, j’essaie de mettre de l’ordre dans le débat public. Il y a urgence à remettre de la rationalité et à sortir des polémiques permanentes
Ce rendez-vous à Auxerre est, pour vous, une contribution à l’élaboration de ce « projet positif » ?
Oui. On n’est encore ni dans le temps des candidatures, ni dans celui de l’élection du président de la République. On doit être dans le temps d’un vrai débat. Et c’est ce qui m’anime aujourd’hui. Avant de choisir « qui » dirigera l’État en 2022, pensons au « quoi » et au « comment ». J’entends contribuer à cela dans les mois qui viennent. Modestement, avec d’autres, mais activement, comme député de l’Yonne.
A sept mois de la présidentielle, les délais ne sont-ils pas trop courts. Ce temps du débat que vous appelez de vos vœux n’arrive-t-il pas un peu tard ?
Nous ne partons pas d’une feuille blanche. On est certes dans un moment d’accélération mais cela fait cinq ans que je publie des livres et que, avec d’autres, j’essaie de mettre de l’ordre dans le débat public. Il y a urgence à remettre de la rationalité et à sortir des polémiques permanentes ! Pour ma part, je refuse cette course à la radicalité et à la zizanie qui domine les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu. La France mérite une vraie discussion démocratique, sérieuse, nuancée, qui précède le choix démocratique.
Le parcours de Guillaume Larrivé depuis 2012
La seconde table ronde s’intitule : « Bâtir la puissance ». Pouvez-vous préciser ce que sera le contenu des échanges ?
Ma conviction est qu’on assiste à un retour du tragique de l’Histoire et à un recul de l’Occident. Avec plusieurs réveils historiques. Les attentats islamistes de 2015 en ont été la première sonnerie. La crise de la Covid en est la seconde. L’enjeu, désormais, c’est le reclassement des puissances. Le sujet, pour nous, ce doit être d’éviter le déclassement de la France. Dans la nouvelle échelle de puissances qui est en train de se dessiner, quelle sera la place de notre pays ? Nous devons penser et assumer notre puissance, dans tous ses volets : militaire, mais aussi économique, industriel, agricole, culturel. Il y a une immense transformation à accomplir pour bâtir la puissance de la France, tout autant que pour sauvegarder la paix civile.
Ce rendez-vous à l’abbaye Saint-Germain, à titre plus personnel, est-il aussi une façon de dire qu’il faudra aussi compter sur vous en 2022 ? Que vous serez candidat à votre succession dans la première circonscription de l’Yonne ?
En ce qui concerne ma mission de député, je suis encore et plus que jamais dans le temps de l’action territoriale. Je travaille en équipe, celle de l’Yonne. La bonne coopération avec la sénatrice Dominique Vérien, l’équipe du président du conseil départemental Patrick Gendraud, le nouveau maire d’Auxerre Crescent Marault, la maire de Sens ou encore le député André Villiers permet d’obtenir des résultats. Nous en avons apporté la preuve, la semaine dernière, avec les décisions obtenues du Premier ministre. Plusieurs années de coopération et de négociations ont permis de boucler enfin le financement du futur contournement sud d’Auxerre. C’est vital pour l’Yonne qu’une équipe d’élus territoriaux s’efforce de parler d’une seule voix. En ma qualité de député et président des Républicains de l’Yonne, j’y contribue aux côtés des collègues et amis de la droite et du centre. Mais j’essaie aussi de travailler avec tous les élus qui ont été choisis par les électeurs de l’Yonne, comme Nicolas Soret, vice-président de la région, ou comme le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne. Je ne suis pas sectaire : je veux que l’équipe de l’Yonne fasse avancer les dossiers et obtienne des résultats.
Nous devons construire un nouveau projet, un nouveau rassemblement, une nouvelle majorité pour la France. Et je ferai tout pour que Les Républicains soient au cœur de cette nouvelle majorité.
Vous n’avez pas répondu à la question s’agissant de votre candidature aux élections législatives de 2022.
Le moment n’est pas venu d’y répondre. Le temps de l’action et celui du débat doivent précéder le temps des candidatures. Je m’inscris pleinement dans cette logique. Il y aura deux étapes majeures en 2022 pour choisir comment la France sera gouvernée : celle de l’élection présidentielle et celle de l’élection de l’Assemblée nationale. Il y aura donc quatre dimanches électoraux. Nous sommes à 262 jours du second tour des législatives. Ma ligne est droite : pendant ces 262 jours, nous devons construire un nouveau projet, un nouveau rassemblement, une nouvelle majorité pour la France. Et je ferai tout pour que Les Républicains soient au cœur de cette nouvelle majorité.
Les LR sont-ils en capacité d’incarner cette alternative en 2022 alors que le candidat n’est toujours pas connu ?
Je trouve utile et très respectable que plusieurs personnalités, comme Michel Barnier et Valérie Pécresse, apportent leur expérience et leurs idées. Je regarde leur démarche avec un grand intérêt. J’échange librement avec les uns et les autres. Maintenant, il faut avancer un pas après l’autre. N’allons pas plus vite que la musique : le temps de l’élection n’est pas venu.
Pas de primaire ouverte pour LR : le candidat sera choisi par les seuls adhérents du parti
Parmi ces candidats à la candidature qui aurait votre préférence ?
La politique n’est pas une course de petits chevaux où l’on devrait choisir une écurie. On a beaucoup trop souffert de l’ultra personnalisation, de l’obsession du « qui ». Construisons les conditions du rassemblement des hommes et des femmes qui sont sincèrement patriotes, sincèrement républicains. Qui sincèrement veulent sauvegarder la paix civile et bâtir la puissance de la France. Et qui ne se livrent pas à une course à la radicalité. Qui ont l’exigence du sérieux. Capables de tracer un nouveau chemin pour la France en 2022. C’est ma seule préoccupation.
Ni Zemmour ni Mélenchon ni Le Pen n’ont les aptitudes requises pour diriger l’État. Les extrémistes sont inaptes à porter un projet de réconciliation de la France, ils ne font que mettre du sel sur les plaies.
N’est-ce pas déconnecté des attentes des électeurs de la droite et du centre ?
Au contraire. Je suis chaque semaine sur le terrain. L’expérience de la Puisaye et de l’Auxerrois me renforce dans mes convictions : les Français veulent que les responsables politiques proposent un chemin sérieux. Une vraie délibération démocratique, pour définir les grands enjeux. Sortir de l’écume de la petite phrase. Abordons les vrais sujets, pas de manière stratosphérique et désincarnée, mais bien au service des gens, en étant ancré dans le territoire. C’est de la délibération qui doit déboucher sur de la décision. Au plan politique, mon cap est clair : construire une nouvelle majorité en 2022, pour réussir la réconciliation nationale. Il faut par ailleurs être humble avec le suffrage universel : au bout du bout, ce sont les Français qui choisiront. Et c’est tant mieux.
Eric Zemmour est-il selon vous un contributeur pertinent du débat politique actuel ?
mais je combattrai le candidat qu’il devient. Quand j’étais secrétaire général délégué des Républicains, j’avais invité Zemmour à débattre au siège national des LR. Et il m’est aussi arrivé de débattre dans l’Hémicycle avec Jean-Luc Mélenchon. Je préfère toujours le débat aux barricades. Mais présider la République, c’est autre chose ! Ni Zemmour ni Mélenchon ni Le Pen n’ont les aptitudes requises pour diriger l’État. Les extrémistes sont inaptes à porter un projet de réconciliation de la France, ils ne font que mettre du sel sur les plaies.
Comment s’est mise en place la mécanique Zemmour ?
Programme. Les « Rendez-vous pour la France » se tiendront ce samedi 2 octobre, à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre.A 10 heures. Première table ronde intitulée « Sauvegarder la paix civile », avec Manuel Valls (ancien Premier ministre), Monique Canto-Sperber (philosophe), Patrick Stefanini (conseiller d’État) et Hakim El Karoui (essayiste).A 14 heures. Seconde table ronde, « Bâtir la puissance », avec Michel Barnier (ancien ministre des Affaires étrangères et ex-commissaire européen), Constance Le Grip (députée des Hauts-de-Seine), Robin Reda (député de l’Essonne) et Benjamin Haddad (directeur Europe de l’Atlantic Council).Dédicaces. Les invités dédicaceront leurs derniers ouvrages, après chaque table ronde, à 12 h 15 et 16 h 15, dans le cloître de l’abbaye Saint-Germain.
Franck Morales