Haute-Loire. Il y a 40 ans, le drame de « la rhumerie » d’Espaly-Saint-Marcel


Une nuit d’ivresse. Une bagarre. Un coup de feu… Un mort. C’est le triste résumé d’une nuit tragique qui a endeuillé le début de l’année 1984 à Espaly-Saint-Marcel.Les faits se sont noués dans la nuit du samedi 7 au dimanche 8 janvier 1984, au n° 66 de l’avenue de la Mairie. C’est là, au rez-de-chaussée d’un petit immeuble de ville, que se tenait un débit de boissons répondant au nom de Bar des Antilles.Un lieu « connu également des couche-tard sous le nom de La Rhumerie, où l’on va parfois boire « le dernier » », explique notre journaliste Jean Verroul dans La Tribune – Le Progrès du lundi 9 janvier 1984




Le fusil avec lequel l’ami de la tenancière a ouvert le feu. Photo archives Le Progrès

Du plomb pour gros gibier

Par son nom évocateur, le troquet aurait apporté une touche de soleil dans la grisaille des nuits de janvier. Pourtant, cette nuit-là, il est le théâtre d’un drame qui fait basculer le décor dans une épouvantable noirceur. Il est minuit lorsque trois clients passent la porte de l’établissement et y rejoignent la patronne des lieux. « La rencontre pourrait être prétexte à trinquer, car tous les quatre se connaissent plus ou moins ».Mais très vite, la soirée bascule : Farid B., un des trois clients qui est arrivé déjà bien imbibé d’alcool, exhibe un poignard commando qu’il portait à la ceinture. Un autre client répond par une manchette qui permet de récupérer l’arme et de la confisquer à son propriétaire en la plaçant dans la réserve.

« Une affaire à la fois stupide et lamentable »

L’affaire aurait pu en rester là. Mais les choses continuent de s’envenimer. « Farid B. s’énerve, le ton monte. Il veut à tout prix récupérer son poignard ». Il brandit même un second couteau de type coupe-ongle…C’est alors que tout bascule. Dans la réserve, Marc P., un ami de la tenancière, se saisit d’un fusil de chasse Browning. Il tire. Farid B ; s’écroule sur le carrelage du bar : il vient d’être atteint au sternum par une décharge de plomb pour gros gibier. Il est tué sur le coup. Il avait 27 ans et vivait avenue Maréchal-Foch au Puy-en-Velay.Aussitôt, l’enquête débute. Une première patrouille de police, qui sillonait le quartier quelques instants auparavant, est dépêchée sur place.Les enquêteurs de la sûreté arrivent ensuite. Ils interpellent l’auteur du coup de feu et auditionnent les témoins du drame. Très vite, ils acquièrent la certitude que « l’alcool, consommé à fortes doses, est la cause principale du drame », notre journal évoquant « une affaire à la fois stupide et lamentable ».

La victime avait 4,24 grammes d’alcool dans le sang
Les investigations menées autour de ce terrible drame ne tardent pas à confirmer certaines certitudes des enquêteurs : l’alcool a joué une place prépondérante dans le déroulé du drame.« Le taux d’alcoolémie était, pour Farid B., de 4,24 grammes par litre de sang, proche du coma éthylique, et de 2,16 grammes par litre de sang pour Marc P., dose suffisante pour provoquer l’ivresse », révèle notre quotidien dans son édition du mardi 10 décembre 1984.« Il est bien évident que, dans un tel contexte, toutes les conditions étaient hélas réunies pour que l’altercation tourne au tragique », écrit notre journaliste, Jean Verroul.

 L’auteur du tir laissé en liberté

L’instruction qui s’ouvre suite au drame essaie, dès lors, de répondre à une question : Marc P. se trouvait-il en état de légitime défense lorsqu’il a ouvert le feu ? La menace d’un coupe-ongle par un homme manifestement aviné nécessitait-elle de répondre avec un fusil ?Présenté devant le juge d’instruction le surlendemain du drame, le meurtrier présumé est inculpé (c’est le terme employé à l’époque N.D.L.R.) d’homicide volontaire mais laissé en liberté… Une décision qui motivera que le procureur du Puy-en-Velay, qui avait requis un mandat de dépôt, interjette appel.