Organisation, investissement, terrain, connaissances spécifiques: accueillir son cheval chez soi est un rêve pour beaucoup, mais nécessite d’assumer l’entière responsabilité de son animal. La charge en vaut-elle la peine? Quelles sont les difficultés rencontrées? Plus de mille lecteurs ont accepté de répondre au sondage en ligne proposé sur ce thème par GRANDPRIX, en partenariat avec Horse Development, agence de conseil en marketing et en stratégie spécialisée dans le monde équin.
L’alternance entre box et prairie constitue le logement majoritaire pour les chevaux des lecteurs sondés.
Plus de la moitié des 1020 lecteurs ayant répondu à un questionnaire en ligne publié sur le site de GRANDPRIX accueillent actuellement des chevaux chez eux (55%), contre 36% qui aimeraient mais ne peuvent pas, et enfin 9% préfèrant que leurs chevaux restent en pension. “Le désir d’héberger un cheval chez soi peut être motivé par plusieurs facteurs: le désir de l’avoir à proximité pour nouer une relation plus profonde, la volonté de l’inclure dans sa famille, l’insatisfaction du service des pensions voisines, un manque de confiance envers ces dernières ou encore un désir de changer de vie. On a noté que près de 70% des cadres ont émis le souhait de s’installer à la campagne après les épisodes de confinements liés à la Covid-19 et, parmi eux, les cavaliers urbains qui peuvent désormais envisager leur monture à la maison”, débute Alice Monier, gérante de Horse Development, agence spécialisée en marketing et stratégie dans la filière équine. “La confiance en la structure accueillante devient quasiment le premier critère de sélection aujourd’hui, avant même l’évaluation des installations”, poursuit-elle. “Premièrement, certains propriétaires ont pu être déçus par le passé, et deuxièmement, à la suite de l’évolution de leurs attentes, ils ne retrouvent pas toujours une offre correspondant à leurs envies et à proximité de chez eux.” “Avoir un cheval à la maison permet d’effectuer une gestion individualisée aux besoins de chacun, et de s’affranchir du risque d’un personnel peu, voire non qualifié dans certaines écuries”, amorce Marie, une des lectrices sondées. “En outre, je note dans ces dernières que l’emploi de temps de l’animal – nourrissage, interactions, repos et sorties – est plus souvent calqué sur le temps de travail de l’humain que sur les réels besoins du cheval.” Même son de cloche pour Audrey et Marie-Anne, qui prônent une gestion de A à Z : “Cela représente beaucoup de boulot, mais on a l’esprit plus tranquille. On ne s’inquiète pas de savoir si notre cheval a été bien traité selon nos critères (voire monté à notre insu.) et on peut tout gérer, du box aux pâtures, de l’alimentation aux soins, en passant par le choix du compagnon adapté à notre cheval.” L’assurance du respect des besoins fondamentaux “permet d’avoir un cheval plus serein et bien dans ses sabots. On n’est plus systématiquement associé au travail puisque l’on peut multiplier les visites “gratuites”, ce qui est moins possible dans une pension”, appuie Héloïse. La gestion du foin (en qualité, quantité et avec possibilité de le mouiller) est aussi mise en avant comme déclencheur dans la prise de décision d’accueillir son cheval chez soi, appuyé par un besoin d’horaires plus flexibles – pas d’heures d’ouverture de pension à respecter – et par un gain de temps et d’argent en évitant les trajets jusqu’à la pension. À l’inverse, plusieurs personnes ont soulevé les contraintes associées à ce mode d’hébergement, et à l’instar de Frédérique et Marion, certaines ont préféré retourner en pension pour n’avoir “plus que les bons côtés de la pratique”. “C’est comme avoir un deuxième travail”, résume Nina. “C’est bien si l’on est en télétravail ou à temps partiel, mais quand on part au travail vers 8h00 et que l’on revient à 19h30, l’ajout de ces tâches rend les journées très longues. En outre, monter à cheval demande des installations et donc un investissement important.” Plusieurs lecteurs et lectrices soulèvent aussi un temps de monte réduit et l’obligation de pouvoir se libérer facilement en journée pour pallier à une urgence, ou, plus souvent, pour accueillir un intervenant (maréchal-ferrant, vétérinaire, etc.), sans compter la nécessité de trouver une personne remplaçante en cas d’impossibilité ou de départ en vacances. Pour Isabelle, Sarah ou encore Morgane, “héberger un cheval reste un métier et beaucoup de professionnels savent très bien le faire”. Maëla apprécie également de pouvoir compter sur l’appui d’une pension : “Je sais que mon cheval voit d’autres chevaux et humains tout au long de la journée, qu’il est sorti au paddock, rentré en cas de mauvais temps, nourri en plusieurs fois, etc. Le gérant veille sur lui au quotidien lorsque je suis absente. En prime, j’apprends à bien m’occuper de lui sous l’encadrement du gérant car il s’agit de mon premier cheval.” En dernier lieu se trouve le désir d’accueillir son cheval chez soi, mais l’impossibilité de le faire. Le principal problème concerne le terrain adéquat, qui nécessite un espace rural et des hectares d’herbage, suivi de près par l’investissement financier requis et la gestion des soins de l’animal en l’absence du propriétaire. Viennent ensuite une impossibilité ou une difficulté à développer des infrastructures, le manque crucial de temps et, enfin, des lacunes sur la connaissance des soins quotidiens. “Il y a une réelle attente d’enseignements sur la gestion du cheval au quotidien, propositions qui sont encore insuffisantes voire inexistantes auprès de nombreux centres équestres”, commente Alice Monier, de Horse Development. “L’envie n’est plus seulement d’apprendre à monter, mais aussi de connaître les besoins du cheval liés à son bien-être et sa santé, dans l’espoir souvent de devenir propriétaire.”
Il est important de budgétiser correctement son projet d’hébergement de son cheval à la maison, le coût des équipements nécessaires pouvant rapidement grimper.
D’autres formes de logements émergent
“Depuis sept ou huit ans, la tendance à l’écurie active s’accroît”, poursuit Alice Monier. “La notion de bien-être et de respect des besoins des équidés ne colle plus avec un cheval cloîtré au box 23h/24h. Les propriétaires veulent désormais leurs chevaux en mouvement, que ce soit en prairie, en box/paddock, en box-terrasse, ou bien en écurie active et autres systèmes associés. Nous recevons à notre bureau d’études de plus en plus de demandes pour la création d’écuries actives, qui sont encore minoritaires en France à ce jour (on en chiffre une cinquantaine environ, ndlr). Les confinements dus à la Covid-19 ont accéléré la tendance et ont montré les limites de certains systèmes de logement quand l’humain n’est plus là pour en assurer le fonctionnement.” En écurie active, les chevaux sont en effet logés sur une surface stabilisée et organisée en différentes zones d’activité – fourrage, alimentation, couchage, roulage –, en utilisant parfois l’automatisation pour gérer l’accès à certaines ressources alimentaires. Il existe également les logements dits sur pistes, incitant l’équidé à circuler dans des couloirs reliant différentes zones d’activité (souvent connus sous le nom de la marque associée, Paddock Paradise). La majorité des sondés fait vivre ses équidés en alternance pré (ou paddock)/box, quand l’autre moitié table sur un pré intégral, avec abri. Une minorité seulement s’est tournée vers les écuries actives (7%) et 40% des lecteurs ne sont pas enclins à ce genre de logement. La domotique utilisée pour nourrir est souvent pointée du doigt pour ses supposés effets néfastes sur l’animal, à savoir déclencher des stéréotypies (appelées communément tics d’écurie) et appauvrir le lien avec l’humain.Une récente étude sur le bien-être équin en écurie active et logements sur pistes, menée par Maïlis Humbel, Noriane Martin, Marc Vandenheede, Jean-François Cabaraux et Christine Briant en 2020, a montré la tendance inverse : si, en effet, certaines écuries actives équipées de distributeurs mécanisés ont vu apparaître des stéréotypies envers ces derniers, ce cas était loin d’être généralisé et peut sans doute se solutionner avec un meilleur réglage des rations. L’étude révèle aussi que le lien à l’homme n’est en rien amoindri car le soigneur a plus de temps libre pour chaque cheval. Elle a également évalué les critères de bien-être associés à chaque logement. Ainsi le box apporte du confort, un abri et une eau propre, mais montre de sérieuses restrictions des contacts sociaux, des mouvements et du fourrage, ce qui porte atteinte à la santé physique et mentale de l’animal, avec les conséquences qui s’ensuivent, comme l’agressivité, l’apathie, l’hyper-vigilance ou le développement de tic. Le pré intégral en troupeau stable couvre parfaitement les besoins sociaux, de déplacements et alimentaires, mais peut amener à quelques légères blessures – poil dépilé – ainsi qu’à un confort de couchage relatif. Enfin, les logements sur pistes et les écuries actives présentent des résultats proches: les besoins primordiaux sont bien couverts, mais certains chevaux peuvent présenter des signes d’hyper-vigi- lance ainsi que quelques légères blessures quand le troupeau n’est pas stabilisé ou que l’espace ne permet pas une fuite. En dernier point, on peut évoquer le cas de l’écurie ouverte, qui nécessite peu d’aménagement sur une structure traditionnelle déjà formée. Les chevaux vivent la moitié du temps au box, et sont laissés libres de faire seuls le trajet jusqu’au pré ou paddock via des couloirs pendant l’autre moitié. “C’est une idée toute simple et déjà beaucoup utilisée, mais il est juste de la rappeler”, souligne Justine, une lectrice. “Les chevaux n’ont plus besoin d’être tenus en main pour y aller et apprennent vite à se déplacer calmement. Ils s’approprient davantage l’espace et cela nous fait gagner du temps.”
Est-il possible de concilier aménagement et écoresponsabilité?
“Le particulier fait également rapidement face à des déchets agricoles, à l’instar des sachets d’alimentation et des ficelles de ballot (qui peuvent être recyclées à 100%, ndlr). La filière ADIVALOR est étudiée à ce sujet et désigne les points de collecte et les matériaux acceptés. Le recyclage de textile équestre (recyclhorse.fr) se développe aussi”, complète Jessica Viel, d’INECA Conseil & Développement. Se pose également la question des déchets vétérinaires, appelés déchets d’activités de soins (DAS), et surtout des DAS à risques infectieux (DASRI) (pansements et compresses souillées, seringues, etc.). Les DASRI doivent être collectés dans des récipients adaptés, des sacs ou caisses jaunes, avec un logo avertisseur sur le côté. En théorie, car dans la pratique, cette réglementation est inconnue de la plupart des propriétaires et n’est quasiment jamais respectée, faute de véritable éducation populaire sur le sujet. Le plus simple reste de confier ces déchets à son vétérinaire, s’il les accepte !
Encore méconnues en France, les clôtures en plastique recyclé avancent une solution supplémentaire pour construire une barrière physique.
La valse des clôtures
Héberger son cheval s’accompagne d’une obligation de détention. Attention aux dramatiques fuites, en particulier quand elles finissent sur la route.
24% croient aux clôtures tout électriques Matériau traditionnel utilisé dans le cadre de clôtures physiques fixes Avec un très beau résultat Il est ainsi conseillé d’augmenter la conductibilité quand la prise de terre est connectée à un sol sec ou rocailleux mais est également fortement déconseillé car il se transforme rapidement en un dramatique piège si le cheval y passe le pied. Une barrière électrique située le long de voies de circulation doit, quant à elle, être signalée tous les cinquante mètres par un panneau réglementaire bien visible. En parlant visibilité, prudence concernant celle des électrificateurs de clôture, car il y a hélas souvent des vols, y compris en dehors des voies passantes. Enfin, concernant les lices en bois, attention aux poteaux traités à la créosote car c’est une substance toxique interdite à la vente, à l’installation et au réemploi depuis 2019 !
Un point sur la réglementation
le fumier doit être collecté dans une fumière la loi dite Dombreval (n°2021-1539), du député de La République En Marche Loïc Dombreval, s’inscrit contre la maltraitance animale et prévoit pour tout détenteur d’un équidé “l’obligation d’attester de sa connaissance des besoins spécifiques de l’espèce”. Applicable à partir du 30 novembre 2022, le décret précisant les modalités de la loi est toutefois toujours en cours d’élaboration et n’est pas encore paru à ce jour. En dernier point, si la Suisse interdit la détention d’un équidé seul, sans congénère, la France n’a pas – encore? – statué sur ce point, pourtant primordial au respect du bien-être du cheval.Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.
Passer plus de temps avec son cheval est l’un des premiers critères lorsqu’il est question de l’héberger chez soi.
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