Le 8 mai 2008, le corps de Justice Ikubor est retrouvé dans une chambre du Bins Hotel à Benin City. Les raisons de sa mort sont floues, certains médias locaux se contentant d’évoquer un cœur fragile et un excès de boissons énergisantes. Pour Rema, qui a 8 ans, c’est un monde qui s’écroule. Il se renferme sur lui-même, ne parle presque plus : « J’avais une tristesse très profonde en moi et je me murais dans le silence. Petit à petit, j’ai commencé à avoir moins d’amis, à me couper des autres. » Pour se changer les idées, il prend l’habitude de s’asseoir au fond de la classe et de dessiner des comics inspirés des super-héros Marvel dont il parlait si souvent avec son père. Un moyen aussi d’oublier ce qui se passe chez lui. Car après le décès de son père, sa famille peine à joindre les deux bouts. « À cette époque, il m’arrivait d’aller à l’école le matin en ayant faim. Donc j’ai commencé à vendre mes comics ou à échanger quelques dessins contre de la nourriture », se souvient Rema.
En 2015, c’est un nouveau drame qui frappe le foyer. Le frère de Rema décède lors d’une opération chirurgicale qui tourne mal. « J’ai perdu mon frère à cause du mauvais système de santé du Nigeria. Ils l’ont opéré à la lumière d’une bougie. Il a été incisé au mauvais endroit et s’est vidé de son sang », racontera plus tard le chanteur sur Twitter. Face à ces épreuves, le jeune Divine est forcé de grandir en accéléré : « J’ai dû changer la manière dont je parlais, dont je me comportais. J’ai compris qu’il allait falloir se battre pour s’en sortir.» Derrière la bouille d’enfant, le mental du guerrier.
God’s plan
Pour faire face à ces épreuves, Rema se tourne très vite vers la religion. Issu d’une famille chrétienne, il a déjà l’habitude d’aller à la messe tous les dimanches. Mais le décès brutal de son père lui fait l’effet d’une révélation mystique. Il en est désormais persuadé : il n’est pas tout à fait comme les autres. Il s’explique :« Dieu m’envoie des signes, il me parle. C’est pour ça que je sais qu’il y a quelque chose de différent chez moi. Je suis branché sur une autre fréquence. » Peu à peu, il est de plus en plus assidu sur les bancs de la Christ of Mercy Church, l’église de Benin City, où il se passionne pour la musique gospel. Au sein de sa congrégation, il crée trois groupes différents et finit même par être convié à venir chanter avec ses amis à Lagos, sur la scène de la Christ Embassy, dont dépend son église. C’est là qu’il décide d’adopter le nom de scène de Rema, qui signifie « amour » en Igbo, une langue parlée au sud du Nigeria.
Un jour, le pasteur de son église le prend à part et lui fait part d’une prophétie à son sujet : « Il m’a dit que Dieu m’avait donné un don et qu’un jour, le monde entier écouterait ma musique. » Dès lors, certains de ses proches commencent à le surnommer « l’Élu ». Devenu youth leader de son église, il crée le programme Rap Nation qui vise à apprendre aux jeunes à rapper pour la congrégation. Lors d’un événement religieux, Rema rencontre Alpha P, un adolescent de son âge lui aussi passionné de musique. Ensemble, ils forment le duo RnA et finissent même par remporter en 2015 le premier prix du télécrochet local Dream Alive grâce à leur morceau « Mercy », qui remercie Dieu de les avoir menés jusque-là. Dans la foulée, Rema et Alpha P sont interviewés par Channel TV, l’une des antennes les plus suivies du pays. Les deux ados ont les yeux qui brillent. Ils se voient déjà au sommet.