« C’est important d’avoir des rivaux »


22h30
, le 15 octobre 2022
Quel consommateur de football êtes-vous ?Je n’ai jamais trop regardé. Même mes propres matches. Moi, j’adorais jouer. Pendant mes trois années en tant que directeur sportif de São Paulo, j’ai été impliqué à 100 % au quotidien. Ça a été une expérience intense, mais ce n’est pas mon profil. Le reste me manque.Étiez-vous à l’aise avec l’univers des transferts ?J’étais bien entouré. J’ai aidé aux négociations avec l’Ajax pour Antony : on a gardé 20 % sur la plus-value, donc São Paulo a gagné 20 millions d’euros cet été [transfert à Manchester United]. Je m’intéresse aux mutations économiques. Aujourd’hui, plein de groupes possèdent des clubs un peu partout. Le phénomène foot attire, on le voit en France. On est à un point où il faut se mettre autour d’une table pour garder un milieu sain et équilibré. Ce sport a un impact social, économique, politique, géopolitique… Beaucoup de propriétaires dépensent plus d’argent qu’ils n’en génèrent parce qu’ils ont une contrepartie ailleurs. Je ne suis pas complètement contre, mais il faut poser des limites.

« Ce sport a un impact social, économique, politique, géopolitique »

En première ligne, il y a le PSG et Manchester City, financés par des États. Ces modèles vous gênent-ils ?On ne peut pas empêcher d’investir, mais il faut des règles pour avoir un minimum d’équilibre. L’idée du fair-play financier est très bonne. Mais jusqu’ici, ce n’est ni assez efficace ni assez clair. Cela fait aussi longtemps que j’aime l’idée de redistribuer aux petites équipes les amendes pour dépassement.Sans l’argent du Qatar, le PSG n’aurait eu aucune chance de rivaliser avec les grands d’Europe.Ça aurait été beaucoup plus long. À notre époque, on a été en demi-finale de la Ligue des champions [1995]. Donc ça existe : avec de la compétence et une bonne stratégie, on peut rivaliser, à condition qu’il n’y ait pas trop d’écarts. Par ailleurs, dépenser beaucoup d’argent ne garantit pas le succès. Et là, je crois que le PSG a fait du bon boulot au départ. Ils ont eu des résultats assez vite, plus que City.Lire aussi – Football : TransferRoom, la plateforme qui veut simplifier le mercatoSauf que les courbes se croisent…Paris, c’est plus difficile qu’ailleurs, donc il faut être encore plus efficace dans la gestion. Et puis en Ligue des champions, l’histoire compte.L’actualité montre que l’ADN de la crise traverse les époques ?Comme tous les grands clubs, la frontière entre la crise et le succès est ténue. Maintenant, je ne sais pas ce qui est vrai ou pas. Ce que je vois concernant Kylian Mbappé, c’est qu’il a confirmé sur le terrain ce qu’il avait montré à 19 ans en devenant champion du monde. C’est un phénomène. S’il continue, il va rester parmi les meilleurs de l’Histoire.

« La frontière entre la crise et le succès est ténue »

Auriez-vous aimé jouer aujourd’hui ?J’ai eu la chance de côtoyer de grands joueurs mais j’aurais aimé tester ce que ça fait de jouer au quotidien avec 20 internationaux guidés par un entraîneur novateur. Juste une saison. À mon époque, on se demandait si le physique ne prendrait pas le pas sur la technique. La nouvelle génération allie les deux. C’est aussi le cas dans le tennis, d’ailleurs.Quel joueur vous ressemble ?Je me retrouve un peu dans le style cérébral de Kevin De Bruyne. Il construit et marque. Comme Kaká avant lui. Lucas Paquetá arrive. L’évolution du foot fait que tu es obligé de jouer partout, de presser haut, d’être complet. Le schéma tactique devient si compact et dynamique que tu n’as pas un numéro 10 mais plusieurs joueurs qui changent de place pour prendre ce rôle.

« L’évolution du foot fait que tu es obligé de jouer partout, de presser haut »

Neymar va rester plus longtemps que vous à Paris. Pourquoi ne laisse-t-il pas une trace aussi profonde ?C’est un génie du foot qui doit toujours faire face aux attentes qu’il suscite. Depuis qu’il a 13 ans, on attend qu’il devienne le meilleur du monde. Depuis qu’il est à Paris, on attend la Ligue des champions. Comme les résultats ne sont pas à la hauteur, on a l’impression que c’est la catastrophe. Une victoire changerait la perception. C’est aussi un joueur controversé, pas forcément méchant, mais qui a des attitudes ou des positions polémiques. Provocateur sur le terrain, parfois en dehors. Ça ajoute un poids.Qu’il soutienne Bolsonaro ne vous surprend pas ?Cette génération n’a pas la notion exacte du danger que représente l’extrême droite. J’étais jeune mais j’ai vécu la dictature, le manque de liberté. Je suis sûr que Neymar et d’autres ne sont pas racistes et ont même des valeurs contraires à celles que Bolsonaro a défendues toute sa vie. Mais il arrive à tromper pas mal de joueurs. Surtout pas mal de monde…Lire aussi – « Le Prodige », le livre qui dénonce le trafic des enfants footballeursLe Brésil est-il favori du Mondial ?J’avais un doute il y a un an, mais là, j’y crois. On a tous les atouts. Le Brésil et la France ont les deux meilleures équipes – ce qui ne garantit rien. Je suis heureux d’avoir assisté au changement de mentalité des athlètes français. Lors de ma deuxième année à Paris, la première question après avoir gagné un match compliqué avait été : « Est-ce que le PSG a eu le réalisme italien ? » J’avais répondu qu’on avait eu celui du PSG. Ça montrait l’état d’esprit.Quels souvenirs gardez-vous des Classiques ?De matches nuls âpres. Je suis surtout content que Marseille soit au niveau actuellement. C’est important d’avoir des rivaux. On en revient à la problématique du début. À ce propos, le fait que la fiscalité française crée un déséquilibre avec les autres pays est aussi une réalité à prendre en compte.Vous avez été élu meilleur joueur lors des 50 ans du PSG, mais l’histoire commune s’écrit en pointillé…Je suis bien reçu à chaque fois mais, oui, il n’y a pas plus que ça. Le respect que je sens des supporters me touche et me suffit.Comment ça se passe avec le Paris FC ?Pour l’instant, je suis en phase de découverte, mais petit à petit je vais apporter ma vision du foot. L’idée, c’est aussi de ramener des partenariats. Le plus important, c’était déjà d’arriver avec un groupe d’investisseurs. Comme toute capitale, Paris a cette vocation à accueillir d’autres clubs dans l’élite. Ça peut faire du bien à la ville, et même d’un point de vue sportif.