Sans expérience ni formation, un enquêteur de l’association L214 s’est fait embaucher au sein des services vétérinaires officiels d’un abattoir du groupe Bigard (marques Charal et Socopa) à Cuiseaux, en Saône-et-Loire. Il rapporte d’importants dysfonctionnements. L214 « Est-ce que vous supportez la vue du sang ? » La question avait été posée à Thomas Saïdi, lors de son entretien d’embauche pour un poste de contrôleur en abattoir à Cuiseaux, en Saône-et-Loire, au sein d’un établissement spécialisé dans les bovins appartenant au groupe Bigard (propriétaire notamment des marques Bigard et Socopa). Ayant répondu par l’affirmative, et étant disponible immédiatement, Thomas Saïdi a été embauché comme agent sanitaire – contrôlant l’état des carcasses, des abats, le respect des règles d’hygiène et les conditions de mise à mort des animaux – au sein de cet établissement bourguignon… sans aucun diplôme en la matière et aucune formation spécifique. En réalité, des diplômes, Thomas Saïdi en a. Il est même ingénieur de formation et travaille pour l’association L214. Pour observer de près les conditions de travail et d’abattage dans cet abattoir de Bigard, numéro un de la viande bovine en France et en Europe, l’enquêteur n’a trouvé d’autre option que de s’y faire employer. L’affaire n’a pris que quelques semaines : l’offre d’emploi, qui ne requérait aucune étude spécifique, juste une « connaissance du monde agricole et/ou agroalimentaire appréciée », a été diffusée en janvier 2021. Thomas Saïdi, qui a postulé sous sa vraie identité, mais n’avait gardé sur son CV que son baccalauréat et trois expériences en industrie, a été vite rappelé pour un entretien, puis embauché à la mi-février. « J’ai eu le sentiment que si on était disponible et qu’on n’était pas effrayé par le travail on avait toutes ses chances », précise-t-il au Monde.
Contractuels formés sur le tas
Les services de contrôle vétérinaire dans les abattoirs, qui relèvent d’une mission de service public, sont des services de l’Etat déconcentrés, qui dépendent du ministère de l’agriculture et sont rattachés à chaque préfecture. Dans les gros abattoirs, une équipe fixe y travaille en permanence. A Cuiseaux, une quinzaine d’agents tourne sur les postes. Si deux vétérinaires en titre encadrent l’équipe, les auxiliaires qui contrôlent la chaîne d’abattage se divisent entre les contrôleurs fonctionnaires, qui ont passé un concours accessible à partir du baccalauréat et bénéficié d’une formation de plusieurs mois, et les contractuels, pour la plupart formés sur le tas. Dans l’abattoir de Cuiseaux, ils étaient, comme Thomas, un tiers de contractuels, payés au smic horaire, pour deux tiers de titulaires. « Pendant mes premières semaines, j’ai été formé en binôme avec des collègues qui étaient eux-mêmes contractuels, raconte Thomas Saïdi. Ils m’expliquaient quelles maladies on peut observer sur les carcasses ou sur les abats… Mais je n’ai eu aucune formation théorique sur la réglementation et, au bout de trois semaines, j’étais placé en autonomie sur la chaîne. » Parfois perdu face aux explications parcellaires, Thomas Saïdi s’interroge notamment sur la conduite à tenir en cas de souillures, lorsque du contenu digestif de l’animal se retrouve sur la carcasse. « Certains me disaient de mettre la carcasse à l’écart, d’autres que ce n’était pas grave et qu’un opérateur nettoierait tout après. En me renseignant plus tard, j’ai appris que ces souillures peuvent entraîner la formation de bactéries de type Escherichia coli. » Il vous reste 54.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.