«Choqué. » Depuis mercredi, le mot tourne sur toutes les lèvres. Ce soir-là, 17 jeunes âgés de 11 à 17 ans se rendent au Kinepolis de Lomme, accompagnés de deux animatrices. La sortie ciné, organisée par la Maison de quartier Les Moulins, a été initiée par les ados eux-mêmes. Mais tout ne se passe pas comme prévu. « Dès notre arrivée, le vigile me dit : « Faudra bien les tenir », s’étonne Farida Meslem, l’une des deux animatrices, pourtant rompue à l’exercice. Le film commence et deux jeunes mettent leurs pieds sur les sièges devant eux. Le vigile, présent dans la salle, leur demande de les retirer et ils le font. Et puis, sans qu’il se soit rien passé d’autre, ce vigile revient avec un collègue et nous demande de ‘dégager’ ». L’animatrice demande pourquoi, tente de comprendre. « Ils nous disent que les jeunes ont crié, qu’ils parlent, qu’ils gênent les autres, alors que rien de tout cela ne s’est produit. »
rejoints par plusieurs autres quelques minutes plus tard, poursuit l’animatrice. Ils m’ont aussitôt répété de « dégager » ». Elle appelle alors sa collègue, restée avec le groupe, et lui demande de faire sortir les jeunes : « Je ne voulais pas qu’ils soient humiliés ».
Pluie d’insultes et gazage
« Parce qu’il a eu un cri de surprise, ils ont plaqué un jeune de 11 ans contre le mur et ont commencé à l’insulter : « sale puceau », « sale bâtard », raconte l’autre animatrice de la Maison de quartier. « Bande de cassos », « toujours les mêmes »… » Leurs identités sont relevées puis le groupe est raccompagné vers la sortie. « Ils nous ont fait sortir par derrière, par les champs. Il n’y avait pas de lumière, poursuit l’animatrice qui se demande toujours, deux jours plus tard, ce qui a bien pu se passer pour que la soirée dégénère à ce point-là. Ils nous ont dit : « ça va vous faire du bien de marcher ». L’un des jeunes n’allait pas assez vite à leur goût, ils l’ont gazé en pleine face. Du coup, on a tous commencé à accélérer. »
j’ai eu peur que ça tourne mal »
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j’ai eu peur que ça tourne mal. Le plus petit était collé à l’animatrice tellement il était effrayé. »
assure l’animatrice.
Fanny Houssière, la directrice de la Maison de quartier, est révoltée. « Ce n’est pas acceptable, répète-t-elle. On agit sur le terrain pour lutter contre les discriminations et nos jeunes, mineurs de surcroît, subissent cela. Surtout, il y a une certaine résignation chez eux et cela m’embête profondément. » Elle souhaite interpeller des élus et songe à un dépôt de plainte. « Ne rien faire serait leur donner le mauvais exemple ; ces jeunes sont des victimes. »
Ironie du sort : Bac Nord, le film que les adolescents auraient dû voir au cinéma ce soir-là, décrit le quotidien d’une brigade de terrain qui cherche à améliorer ses résultats dans la lutte contre la criminalité. Poussés par leur hiérarchie, « les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune », indique le synopsis.