Interview. 30 km/h, insécurité, loyers : le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, répond


Par Rédaction Grenoble
Publié le 3 Nov 22 à 15:54 

Actu Lyon

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Cédric Van Styvendael, maire (PS) de Villeurbanne dans son bureau de l’hôtel de ville après une interview avec actu Lyon. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)INTERVIEW ACTU LYON. Cédric Van Styvendael, le maire socialiste de Villeurbanne (Rhône), deuxième commune de la métropole de Lyon et 19e ville de France, accorde une interview exclusive à actu Lyon.L’élu local, qui avait accordé son soutien à la Nupes de Jean-Luc Mélenchon aux législatives, fait le tour des grands sujets : envolée des prix de l’immobilier, urbanisme, capitale française de la Culture, transports en commun et place de la voiture ou encore sécurité. Sur le sujet de la sécurité, le maire de Villeurbanne se démarque clairement de ses alliés Verts de Lyon et interpelle le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Il lui demande plus de policiers pour le quartier du Tonkin.

« Il faut continuer à construire des logements »

Actu : Ces dernières années, la ville s’est beaucoup développée et a accueilli de nouveaux habitants. Comment vous vous situez par rapport au développement de Villeurbanne sur les prochaines années, notamment par rapport à Lyon, qui a mis un petit frein au sien ?Cédric Van Styvendael : Villeurbanne est une ville qui a progressé assez rapidement. Entre 2008 et 2018, on a gagné à peu près 10 000 habitants. On vient de passer au-dessus des 150 000 habitants, ce qui nous positionne comme la 19e ville de France. Mais il n’y a pas une envie particulière de se développer pour se développer. À l’inverse de Lyon, il y a encore beaucoup de tènements qui sont constructibles et qui peuvent accueillir du logement. Pour que Villeurbanne ne devienne pas une ville dans laquelle on ne peut plus se loger avec une envolée des prix, il faut continuer à construire. On est très vigilants là-dessus.C’est en ça que vous vous démarquez de la Métropole. Vous assumez le fait qu’il faut construire…CVS : Je ne sais pas si je me démarque. Je n’entends pas la vice-présidente en charge du logement dire autre chose. Béatrice Vessiller accepte aussi les projets de densification et je ne l’ai jamais vu s’exprimer en disant que ce n’était pas la bonne piste de travail pour Villeurbanne. Par contre, il ne faut pas le faire n’importe comment et à n’importe quel prix. On n’accepte plus de densifier sans qu’il y ait des espaces verts de qualité, des écoles qui suivent… On veut faire une ville agréable à vivre.Combien de logements sont prévus d’ici la fin du mandat ?CVS : Globalement, on produit à peu près 1 000 logements par an et c’est ce qu’on avait dit qu’on ferait. On a aussi dit qu’on voulait atteindre un objectif de 30 % de logements locatif sociaux, on est sur ce rythme-là.Pour produire plus de logements, est-ce qu’on peut imaginer plus de verticalité, des immeubles plus hauts ?CVS : Là où c’est acceptable et où ça a du sens, oui. Sur Gratte-Ciel centre-ville, les trois permis de construire qu’on va valider ont des hauteurs qui peuvent aller jusqu’à R+12, R+13. Sur le reste, on va travailler les densités et les hauteurs au regard de l’existant, de la lutte contre les îlots de chaleur, de la place de l’espace vert sur l’espace public. Un des vrais problèmes de cette ville, c’est un manque de cohérence architecturale et urbanistique qui fait qu’on a l’impression que la ville est un patchwork. On essaie de ramener de la cohérence et de la continuité urbaine dans les projets qu’on soutient.Vidéos : en ce moment sur Actu

Le quartier de Gratte-Ciel, centre-ville de Villeurbanne, va doubler sa surface. (©AS/actu Lyon)

« Il faut appliquer l’encadrement des loyers »

Vous avez parlé de l’envolée des prix du logement et de la nécessité de construire. Quelles sont les autres mesures que vous avez à votre disposition pour l’éviter ?CVS : Il faut produire, encadrer, réguler. Je ne veux plus de ces investisseurs qui viennent faire la culbute et viennent exploiter les étudiants pour un premier logement avec 20 euros le m2. Ce n’est pas tenable. Toutes celles et ceux qui sortent des règles du jeu, on applique l’encadrement des loyers. Où en est-on justement à Villeurbanne concernant l’encadrement des loyers ? On sait que ce n’est pas bien respecté. Quelle est votre marge de manœuvre ?CVS : La Métropole est en train de se doter d’une police de l’habitat avec 6 ou 7 personnes, mais ça ne permettra pas de tout couvrir.J’ai saisi il y a un mois la Direction générale de la répression des fraudes à ce sujet. Je ne suis pas en charge de faire respecter la loi, donc j’ai demandé à ce qu’ils se saisissent des dossiers pour faire des contrôles dans les agences immobilières. J’ai aussi saisi la Chambre de commerce et de l’industrie pour leur demander de ne pas laisser les établissements qui, systématiquement, ne respecteraient pas cette loi. Il faut exploiter leurs structures.

Capitale française de la culture : « un bilan plus que positif »

Vous avez été capitale française de la culture en 2022, quel bilan tirez-vous de cette année ?CVS : On a eu un très bon accueil du côté du public. Les chiffres parlent d’eux même : 50 000 personnes au festival Réel, 150 000 à Royal Deluxe… Tous nos événements ont fait le plein. Aujourd’hui, j’en tire un bilan plus que positif qui dépasse même nos attentes. Mais on aura de vrais éléments évaluatifs en 2023 concernant les sommes engagées et les avancées sur la question de l’éducation artistique et culturelle.Il y a aussi eu des critiques sur Royal Deluxe, qui a coûté 2 millions d’euros. Certains ont estimé que c’était beaucoup au regard de la qualité de la prestation…
CVS : La question du coût, je ne l’ai jamais caché. Si vous ramenez les 2 millions aux 150 000 personnes, ça fait environ 15 euros par personne. Par rapport à ce qu’on met en argent public toute l’année sur d’autres équipements… Ça ne me choque pas. C’était une œuvre gratuite, très populaire et on a eu des retours extrêmement positifs. Maintenant, ce n’est pas mon travail de porter un jugement sur une création artistique.

La compagnie Royal De Luxe à Villeurbanne. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)

Le Tour de France à Villeurbanne ? « La porte est ouverte »

Villeurbanne n’a jamais accueilli le Tour de France. La Ville va-t-elle se porter candidate prochainement pour être ville étape ?CVS : Cela ne s’est jamais présenté. Villeurbanne n’a pas une grande histoire avec le vélo. Ce n’est pas une demande de ma part. Si un jour le Tour de France vient vers nous, la porte est ouverte. Après, cela a un certain coût d’organisation, il faudra peser le pour et le contre. Les grandes fêtes populaires sportives, j’aime ça. Sur la Coupe du monde au Qatar, j’ai émis des critiques, mais jamais je n’ai appelé au boycott. Ce n’est pas à moi de dire ce que les gens doivent penser. J’ai simplement dit qu’il n’y aura pas d’écrans géants, comme c’est toujours le cas d’ailleurs à Villeurbanne.

« Il ne faut pas enterrer définitivement les évolutions » du métro

Villeurbanne est actuellement concernée par les pannes du métro puisque vous avez le métro A et l’arrivée du métro B qui passent en ville. Certains usagers demandent le remboursement intégral d’un mois d’abonnement, après avoir été remboursé de 25 % de leur abonnement en octobre. Est-ce que vous pensez que Keolis doit aller plus loin pour s’excuser ?CVS : Je comprends l’agacement extrême des usagers. C’est assez vite insupportable et ça l’est d’autant plus qu’on demande aux habitants de modifier leurs comportements vis-à-vis des déplacements. Il y a déjà eu un geste significatif, mais, en fonction du niveau de dysfonctionnement, il faudra l’adapter. Ça appartient au conseil d’administration de l’exploitant de nous faire des propositions.L’exécutif a définitivement voté pour l’abandon du métro E. Il y avait aussi une option sur l’extension du métro B, vers le nord, depuis Charpennes. Y êtes-vous favorable ou avez-vous acté que cette solution va de toute façon être enterrée et qu’il faut trouver une alternative ? CVS : Je pense qu’il ne faut pas enterrer définitivement les évolutions liées au métro B. On a tous compris que ce n’était pas à l’agenda immédiat. Un tram express pour l’ouest me semble aussi intéressant et à creuser. Donc, vous êtes plutôt favorable ?CVS : Ça m’intéresse de continuer à y réfléchir, mais je n’en fais pas un cheval de bataille immédiat car je considère qu’il y a d’autres priorités. C’est tout.

Villeurbanne va accueillir deux nouvelles lignes de tram : T6 nord et T9. (©Nicolas Zaugra/ Actu Lyon)

Les travaux du tram T6 et T9 : « ça ne va pas être drôle »

Les trams T6 nord et T9 vont passer par Villeurbanne. Comment cela va-t-il transformer la ville ?CVS : Ça ne va pas être drôle, il faut dire la vérité aux gens. Oui, créer deux lignes de tram et une ligne de bus dans une ville aussi densément peuplée que Villeurbanne, ça ne peut pas se faire sans un désagrément significatif. Mais j’espère que tout le monde comprendra que c’est au bénéfice d’avoir enfin une circulation en transports nord-sud. On va pouvoir désenclaver Saint-Jean, ce qui était attendu depuis 30 ans.On est capables de présenter les tracés quasi définitifs avec leur impact sur les voies de circulation, les places de stationnement, la modification et le déplacement des voies piétonnes, vélo et voitures.La ligne de bus C3 qui passe par Villeurbanne (et qui relie Saint-Paul à Lyon à Vaulx-en-Velin) est saturée. Quelle option défendez-vous pour l’alléger ?CVS : La ligne de BHNS qui a été retenue est Part-Dieu vers Sept Chemins, qui va servir fortement le nord de Villeurbanne de la route de Genas à Maison Neuves. Sur ce mandat, la ligne C3 ne sera pas touchée. À l’avenir, ça ne pourra pas être un tram puisque ce choix aurait dû être fait il y a plusieurs années. Augmenter les fréquences et regarder l’option du BHNS, c’est possible. Il y a aussi l’arrivée du T6 qui est proche et qui croise le C3 à Grand Clément. Le reste sera sur le prochain mandat.

Les 30 km/h généralisés en 2023

Villeurbanne va déployer le 30 km/h dans la plupart de ses rues. Où en est-on ? Quand la mesure va-t-elle entrer en vigueur ?CVS : Ce n’est pas un problème de mobilités, mais de santé publique et de sécurité. J’ai posé une condition à la Métropole : sur certains axes où on constate des vitesses à plus de 50 km/h, il y aura des aménagements chiffrés à 2 millions d’euros. Nous avons un accord pour les financer. J’attends d’être sûr que le Grand Lyon ait les moyens humains d’engager ces chantiers.Le Grand Lyon doit aussi déployer la signalétique, les panneaux et les marquages au sol. Nous sommes obligés d’attendre que cela soit aussi déployé dans d’autres communes comme Lyon.Je souhaite que cela soit déployé dans le courant de l’année 2023. Certains axes resteront à 50 km/h comme le boulevard Stalingrad. L’arrivée du tram T6 et le réaménagement de la place Grand Clément provoque la colère de forains qui assurent qu’ils vont perdre leur emplacement au marché. Ils ont manifesté, bloqué le périphérique… Où en est le dialogue avec eux ?CVS : Ce dossier est sensible et complexe, il n’est pas du tout anecdotique. Tout le monde savait avant notre élection que le marché allait être impacté, y compris les forains. Le tram arrive, le marché va être supprimé sur Général Leclerc. Légalement, il faut passer par la suppression du marché, mais on en crée deux autres, un alimentaire et un pour les produits manufacturés. La solution retenue est la moins pénalisante pour les forains et les automobilistes qui entrent dans l’agglomération. Il n’y aura pas un seul forain relocalisé qui vient d’ailleurs. Le collectif qui est dans la discussion a décidé de m’attaquer devant le tribunal administratif, donc à partir de là, je ne discute plus avec eux. Le dialogue est au point mort parce qu’il y a une action judiciaire. Je continue à leur dire qu’il y a des espaces de discussion. Je suis prêt à étudier au cas par cas les dossiers d’indemnisation.

Les rues 30 km/h vont être généralisées en 2023 à Villeurbanne. (©Renaud Vilafranca / Illustration)

Insécurité : encore des problèmes à Tonkin et Grand Clément

Villeurbanne semble être moins pointée du doigt pour des faits d’insécurité, le focus étant sur Lyon. Quels quartiers doivent encore être traités ?CVS : Si on parle moins de sécurité, c’est parce que j’ai toujours été clair sur ce sujet. Dès mon élection, j’ai dit sur le sujet des trafics de drogue qu’il n’était plus possible de continuer comme ça. Villeurbanne prend ses responsabilités : augmentation du nombre de postes de policiers municipaux. Quand je suis arrivé, il y avait 36 agents, aujourd’hui, il y en a 50 et à la fin du mandat ce nombre sera porté à 75.Je n’ai pas de blocage idéologique sur la vidéosurveillance. Nous avons installé de nouvelles caméras dans la ville. À la fin du mandat, on aura multiplié par trois le nombre de flux vidéos pour la sécurité routière et la lutte contre le trafic de drogue. Nous mettons aussi en place deux antennes de police municipale mobile qui permettent d’améliorer la perception de sécurité des habitants. Il y a aussi eu plus de 100 réunions avec les habitants et les associations. Le préfet a mis en place un dispositif de pilotage où on se réunit tous les deux mois. On vise des lieux, des adresses touchées notamment par le trafic de drogue. Il y a encore de mauvais chiffres sur les cambriolages dans les caves et les garages. Nous avons amélioré la situation sur le trafic de drogue et les rodéos. Il y a une approche de gauche en matière de sécurité, à la fois le respect de la loi et celle de la prévention.

« Darmanin n’a strictement rien fait pour Villeurbanne »

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin vous cite régulièrement en exemple pour vos positions sur la sécurité contrairement au maire de Lyon qu’il critique.CVS : Je n’ai jamais polémiqué, mais Darmanin n’a strictement rien fait pour la ville de Villeurbanne. Je lui ai écrit en lui disant que j’étais ravi qu’il trouve que nous répondions à ses attentes et que j’espérais que lui serait à la hauteur des miennes. Je demande la création d’une brigade de police territoriale sur le quartier du Tonkin, et cela, depuis 2 ans. Cette brigade doit être présente sur un terrain où tout le monde reconnaît que le trafic de drogue est installé avec beaucoup d’argent qui circule. On le fait, mais le trafic n’a pas disparu. Mais quand les effectifs de police sont au Tonkin, ils ne sont pas à Grand Clément. Or, j’ai un vrai problème à Grand Clément avec du trafic de cigarettes et des gens qui occupent l’espace public. Je ne peux pas demander à la police d’être partout.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, « n’a strictement rien fait pour Villeurbanne » (©Archives CM / actu Paris)Ce sont les trafics de la Guillotière à Lyon qui se sont déplacés à Grand Clément ?CVS : On me dit que non, mais j’ai du mal à y croire au vu des quantités de cigarettes saisies. C’est un phénomène que l’on n’avait jamais vu.

3 000 euros pour Alliance Citoyenne : la subvention assumée

Vous avez été récemment critiqué pour avoir accordé une subvention municipale de 3 000 euros à l’association Alliance Citoyenne qui défend le burkini. Pourquoi avez-vous versé cette subvention malgré les critiques et réserves ?CVS : Alliance Citoyenne est présente sur le quartier Jacques Bonnot depuis cinq ans. Ils ont pour seul objet de travail la question de la réhabilitation énergétique du bailleur social. Les représentants à Villeurbanne ne s’occupent que de ça. Ils ont fait un travail de mobilisation des habitants pour faire valoir leur droit. On a besoin de ces collectifs d’habitants. Je le fais en connaissance de cause, y compris avec leurs façons de faire. Ils ont par exemple manifesté devant mon domicile privé. Ils ont présenté leurs excuses. Cette subvention de 3 000 euros n’aide pas l’antenne de Grenoble, mais celle de Villeurbanne. La responsabilité du politique, c’est de rendre cela possible et de ne pas mélanger des positions nationales. Je n’ai jamais dit que j’étais favorable au burkini. Est-ce que vous m’avez déjà pris en défaut sur la laïcité ?Propos recueillis par Ludivine Caporal et Nicolas ZaugraChaque semaine, recevez dans votre boite mail l’actualité politique en France vue des régions. Inscrivez-vous par ici, c’est gratuit ! Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre Actu Lyon dans l’espace Mon Actu . En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.