Ses clichés nous embarquent ainsi sous la surface des océans, en plein cœur des vagues, ou encore dans les mouvements d’écume. Il a récemment publié Turbulences, où il réunit 75 images au dynamisme saisissant.
Je suis né et j’ai grandi au bord de l’eau ! Pour tout vous dire, je voyais la mer depuis mes salles de cours à l’école. Mon père a toujours eu un petit voilier sur lequel on passait toutes nos vacances. Mes grands frères m’ont aussi initié au surf dès mon plus jeune âge, donc je dirais que l’eau a toujours fait partie de ma vie !
Depuis, c’est devenu mon métier. J’ai toujours gardé l’océan dans ma vie comme un pilier de mon équilibre.
À 19 ans, vous êtes parti sur un coup de tête à Hawaï. Qu’est-ce qui vous a décidé à partir, et pourquoi cette île en particulier ?
C’était super, j’y ai appris plein de choses, mais la vie à Paris était trop compliquée pour moi. Il fallait que je bouge.
Il m’avait dit que tout se passait à Hawaii et que si je voulais faire mes débuts, il fallait que j’aille là-bas. Ce n’était pas tombé aux oubliettes dans ma tête, et 6 mois plus tard, je quittais l’école pour partir à Hawaii, la Mecque du surf et du windsurf. C’est là-bas que tout a vraiment commencé professionnellement.
Lorsque vous partez surfer, quel est votre processus créatif ? Existe-t-il un “scénario-type” ?
L’océan n’est jamais pareil, les vagues ne sont jamais les mêmes. La taille, le vent, la lumière, la clarté de l’eau… Tout est sans cesse changeant, il faut s’adapter. C’est pour cela que c’est passionnant, c’est un challenge permanent et ce n’est pas souvent évident.
J’utilise depuis toujours du matériel Canon dans des caissons étanches Aquatech. Ces dernières années, je me suis équipé d’un moyen format avec les nouveaux boîtiers Fujifilm et j’alterne entre le 24×36 et le format plus large selon les conditions.
C’est loin d’être évident.
Il fallait ensuite revenir à la plage, tout sécher, ouvrir, changer de film et repartir. C’était autre chose. Aujourd’hui on peut créer pendant des heures, c’est génial ! Avec mon Canon 1-DX Mark III je reste 6h dans l’eau sans avoir besoin de changer de batteries ni de cartes !
Ou avez-vous une équipe qui vous accompagne ?
Je suis seul 99% du temps, sauf quand je shoote du surf avec les surfeurs. Mais quand je shoote mes vagues ou mes paysage sous-marin, je suis seul. Cela me convient et je préfère. Ainsi je suis libre d’aller et venir, de me reposer, de sortir de l’eau, de rester plus longtemps que prévu… La météo est tellement changeante qu’il faut pouvoir être réactif et patient à la fois. En étant seul, c’est beaucoup plus simple.
sans planche de surf, avec l’appareil dans un caisson et simplement une paire de palmes… Pas de flottaison pour pouvoir passer sous les vagues lorsqu’on se fait enfermer, pas forcément de leste non plus. Je nage simplement et je me faufile entre les vagues.
car on nage pendant des heures Il faut toujours être prêt à shooter et que l’appareil soit déjà réglé, car lorsque la série (de vagues) arrive, il faut la plupart du temps ajuster son placement, nager vers le large ou plus à l’intérieur… donc vous n’avez plus le temps de régler votre appareil, mais devez simplement viser et shooter !
y compris à grande profondeur ?
Oui en effet, je suis passionné par le monde sous-marin, juste sous la surface ! La clarté de l’eau à Tahiti est exceptionnelle et permet de réaliser des prises de vues qui ne sont pas possibles ailleurs où l’eau est trouble, notamment à cause du sable remué.
il faut que toutes les conditions soient au rendez-vous Il faut donc être présent, être prêt, et ne pas les rater.
Quelle importance accordez-vous à la postproduction ?
Très peu ! Je shoote énormément et je capture parfois des milliers de fois la même chose jusqu’à ce que j’obtienne l’image parfaite ! C’est grâce à beaucoup de travail à la prise de vue que j’arrive à obtenir des images différentes.
mais ça reste très basique.
je ne supprime ou ne rajoute jamais rien dans mon image C’est selon moi une question d’intégrité et de respect envers son audience.
J’ai toujours shooté dans l’optique de réaliser de grands, voire de très grands tirages. Il était donc indispensable pour moi que mes fichiers soient parfaits. Si vous recadrez vos images ou que vous exagérez vos retouches, vous détruisez votre fichier et vous perdez en résolution, en richesse de détails. Votre image sortira très mal en grand format. Cela fonctionne pour Instagram, mais on ne peut pas tricher sur des tirages en grand format.
Surface, à celles de votre ouvrage le plus récent, Turbulences, on sent une évolution de votre style, avec un virage un peu plus artistique, plus abstrait et un rapport plus intime avec l’océan : pouvez-vous nous en dire plus ?
On plante le décor, on décrit le sujet et on touche du doigt le fond du sujet, l’élément eau !
Livre Surface de Ben Thouard
Dans Turbulences, j’ai voulu travailler beaucoup plus sur la matière : le surf et l’humain se retrouvent au second plan. Ils donnent une échelle de temps en temps, mais disparaissent rapidement. L’eau est la star du livre. J’ai essayé de la montrer sous plusieurs formes en travaillant les textures, les reflets et différentes ambiances. Elle peut être figée, en pleine vitesse, verticale, en suspens, glacée, froide, ciselée, arrachée, comprimée. C’est ce qui me fascine depuis toujours. C’est cet émerveillement pour ce spectacle dont je suis témoin que j’ai essayé de transmettre à travers mes images. J’ai essayé de partager au mieux ma fascination pour l’océan.
Je pense que cela peut parler à beaucoup plus de monde : à des surfeurs, à des navigateurs, à des nageurs – mais aussi à de simples baigneurs de la période estivale qui ont pu ressentir ce genre d’émotion en mettant la tête sous l’eau ou en étant au bord de l’eau.
Je suis le premier touché par ce que je vois et ce que je capture. Si une image me touche alors je la retiens dans ma sélection.
elle est rapidement ennuyante
Est-ce votre cas
Comme tout le monde de nos jours, il m’arrive de filmer, pour plusieurs raisons et notamment quand les clients me le demandent. C’est un excellent moyen de promouvoir son travail sur les plateformes, mais pour ma part, je suis un éternel amoureux de l’image fixe ! Je trouve ça fabuleux et passionnant de réussir à faire passer des émotions dans un seul cliché.
Bien sûr
c’est probablement pour cela que certaines personnes ne le prennent pas au sérieux. En tout cas mon rôle est de répandre la beauté de ce monde aquatique et de partager mes émotions lors de mes découvertes. Si cela aide à sensibiliser les gens c’est fabuleux !
Sur une note plus légère, quelles sont vos bonnes résolutions pour l’année 2023 ?
Shooter uniquement par plaisir 😉
Merci à Ben Thouard d’avoir répondu à toutes nos questions.
128 pages, 30 x 24 cm) aux éditions Mons est disponible à partir de 55 € sur son site Internet ainsi que sur le site Leslibraires.fr.
Vous pouvez retrouver l’intégralité du travail de Ben Thouard sur son site Internet et sur son compte Instagram.