Par Xavier Paccagnella
Publié le 21 Juin 23 à 12:27
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A la Une ce 20 juin 2023… ©Mario SinistajToujours en quête d’émotions, musicien chevronné mû par sa passion, le Directeur artistique et fondateur du très apprécié festival « Jazz à Sète » revient, fidèle à sa philosophie et à son goût pour l’éclectisme, avec une 28e édition pleine de surprises qui met en lumière les nombreuses facettes du Jazz. Une touche de soul music, un peu de funk et de pop, quelques accents hip-hop ou encore de subtiles envolées flamencos… Pour l’amour du jazz, passionnément, nous le rejoindrons du 15 au 21 juillet prochain pour une semaine de beauté au cœur de l’île singulière, mais aussi (c’est une nouveauté) « hors les murs », grâce à une programmation enrichie, qu’il nous dévoile à l’occasion d’un déjeuner où nous nous attacherons à « toucher ses cordes sensible », en référence au guitariste invétéré qu’il est.
Interview
Louis martinez, est-ce le fondateur et directeur artistique de Jazz à Sète que j’interviewe aujourd’hui, ou le gamin dans un corps d’adulte enthousiaste de rassembler ses idoles sur scène pour toute une semaine ? Difficile à dire… Ce festival, je le vis avec passion depuis le premier jour et j’en embrasse tous les aspects.
Alors oui, l’histoire retiendra sûrement que j’en suis le fondateur. Et les artistes comme les équipes qui se démènent autour de moi, s’adressent à moi comme le Directeur artistique, que je suis par ailleurs. Mais moi, à mon niveau, vous avez raison de dire que je reste un gamin dans l’âme car chaque année, au moment de dévoiler l’affiche de la nouvelle édition, j’ai le cœur qui palpite.
Jazz à Sète, c’est un rêve de gosse… Mais je vous rassure, c’est aussi un job à temps plein, avec tous les soucis qui peuplent le monde des adultes ! Vous avez ce point commun avec tous les artistes que vous accueilliez sur le festival d’être vous-même musicien, de continuer à faire de la scène, notamment à l’international. Vous étiez récemment en Belgique, au Canada… Quelle émotion cela vous procure-t-il ? Cela influe-t-il sur votre façon de composer l’affiche d’une édition festivalière ? La musique, j’ai ça dans le sang depuis que je suis tout petit. Je joue de la guitare depuis l’âge de huit ans, j’ai rejoint mon premier groupe « Les Centaures » à tout juste 14 ans, j’ai vibré au son de The Shadow, des Chaussettes noires.
J’ai reçu ma première claque avec les Beatles, j’ai littéralement vibré d’émotion en écoutant Otis Redding pour la première fois, en découvrant ce Rhythm & blues qui t’arrache le cœur… Si, comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai d’abord été aspiré par le rock, je n’ai jamais cessé d’écouter des artistes comme Henri Salvador, Michel Legrand… Et là, tout doucement, j’ai glissé avec le jazz jusqu’à ce qu’il soit trop tard… J’étais mordu. Et jusqu’à l’os, en plus.
Lieu de notre déjeuner : la Plage, Domaine de Verchant (©Métropolitain)Cela contribue à faire de Jazz à Sète un festival à votre image.
Indéniablement, même si, j’insiste : je ne compose 100% de la programmation pour répondre à mes aspirations personnelles. Je ne perds pas de vue que Jazz à Sète est conçu pour le public avant tout, avec la volonté de démocratiser le genre. Le jazz est une musique qui souffre encore d’une image un peu surannée, élitiste, alors que quand on s’y intéresse, on s’aperçoit vite que c’est tout le contraire ! Quelle est votre définition du jazz ? C’est la musique de la liberté.
Dans d’autres genres, j’ai cette sensation qu’on est vite enfermé. Pas dans le jazz. La programmation du festival en est la preuve : chaque soirée est portée par une thématique.
Tantôt mainstream, tantôt funk, parfois soul, ou carrément R&B… Ça chante en français en anglais, en iranien, en arabe, en coréen, quand ça ne part pas en langage corporel, en tango… Il y a presque autant de formes de jazz que d’artistes. C’est fascinant. On touche à l’art du sensible, au frisson.
Les USA restent-ils la place forte du jazz dans le monde ? Ils restent les meilleurs, car ils sont bercés par une longue tradition musicale. Mais le jazz, c’est international et il est aussi excellent ailleurs, comme dans les pays nordiques, par exemple, qui développent une approche très mélodique. Impossible de ne pas citer le groupe « E-S-T », qui a lancé la vague du jazz nordique.
Pour achever de répondre à votre question, j’aurais du vous dire de regarder le programme du festival en 2023 : on est loin d’avoir que des Américains dans la place !
« L’une des sensations de cette édition 2023 est d’ailleurs Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne à la voix cristalline »
Effectivement. L’une des sensations de cette édition 2023 est d’ailleurs Youn Sun Nah, une chanteuse coréenne à la voix cristalline, qui revient sur scène avec son onzième album “Waking World”, dont elle signe paroles et musiques aux influences jazz folk et pop. Ne manquez pas cette soirée, qui promet de vous faire dresser les poils.
Un mot sur quelques-uns des artistes qui sont à l’affiche cette année ? Pat Metheny et Stanley Clarke, deux icônes internationales du jazz, nous offriront deux soirées inoubliables. Pat Metheny ouvrira le bal, le 15 juillet et Stanley assurera le show le 20 juillet.
« Nous clôturerons le Festival avec Snarky Puppy, un incroyable collectif new-yorkais » (©Mario Sinistaj)Jazz à Sète a aussi pour vocation de programmer de belles découvertes.
… Comme Ludovic Louis, qui a tourné plusieurs années avec Lenny Kravitz. C’est un trompettiste et chanteur de grand talent. Je pense aussi à la délicate tromboniste et chanteuse Rita Payés (avec le Pol Batlle Featuring), qui partagera la soirée Flamenco avec le maestro Vicente Amigo, digne successeur de Paco de Lucia.
Le tout premier concert, c’est Madeleine & Salomon.Deux artistes aux univers musicaux bien affirmés. Leur dernier opus rend hommage à la pop orientale et militante des années 1960-1970, avec des chansons engagées, rêveuses ou romantiques.
Un pur régal. Mais le Théâtre de la mer va aussi trembler grâce à notre soirée Hip-Hop avec Sly Johnson au groove et à la voix unique, et Arrested Developpement, groupe mythique de la fin des années 80, aux influences funk, soul, rap et hip hop. Je suis aussi très impatient d’accueillir Cory Wong, surnommé le “Hype man” du funk car c’est un magicien de la guitare rythmique et de l’exubérance technique.
Vous n’allez pas tous les citer ! Pourquoi pas ? Nous aurons aussi Kinga Glyk, la reine de la basse électrique et, pour ceux qui préfèrent, une bonne dose de jazz à l’orgue Hammon des années 1960 grâce à Jimmy Smith et une pointe de soul, de blues et de guitare cosmique avec Baby Face Willette. Plébiscité par la presse nationale Jean-Pierre Como, ce pianiste charismatique et virtuose, nous dévoilera son nouveau trio franco-scandinave d’une rare élégance. Kham Meslien, aussi ! Il empruntera, lui, la puissance narrative de la contrebasse et la chaleur des mélodies accrocheuses.
Il explore les sonorités de son instrument, superpose les boucles et les improvisations. C’est juste sublime.Vidéos : en ce moment sur ActuEt en clôture ?Nous clôturerons le Festival avec Snarky Puppy, cet incroyable collectif new-yorkais dirigé par le bassiste Mickael League et qui n’a cessé d’accroitre sa notoriété à travers le monde depuis son premier passage à Jazz à Sète…Combien de monde attendez-vous ?12 000 personnes, rien qu’au Théâtre de la mer.
Et quelques milliers de plus, c’est presque impossible à quantifier, dans le cadre des « Before », des « Afters » et des « Hors-les-murs » qui se tiendront à Marseillan, Bouzigues, Balaruc-les-Bains, Sète bien sûr, ou encore l’abbaye de Valmagne. Notez aussi que des artistes se produiront durant l’été, au sein de la toute nouvelle paillote « Les pieds dans le sable », qui vient d’ouvrir à Sète. On fourmille d’idée pour que le jazz rencontre son public, mais aussi de nouveaux publics.
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Jazz à Sète, après toutes ces années, a forcément évolué. Quels sont les changements, les nouveautés qui marquent cette nouvelle édition ? Je ne sais pas s’il faut parler de changement, c’est plutôt une transition, en phase avec notre époque et les enjeux du réchauffement climatique. Nous avons choisi, en ce sens, de faire de Jazz à Sète un festival engagé en faveur de l’écologie, nous sommes accompagnés par l’association I Love Planet.
Je ne dis pas que c’est une manifestation écolo ! Simplement qu’à notre niveau, on essaie de montrer qu’un autre schéma est possible. Ce message apparaît même dans la superbe affiche qu’a pu réaliser mon ami Jean-Paul Bocaj. On y voit une figure féminine, dame nature, qui a les pieds dans l’eau et la tête dans les arbres, avec ces raisins dans les cheveux, en clin d’œil à notre patrimoine régional… Notre posture, c’est d’agir en responsabilité, de minimiser notre impact, de compenser au maximum.
Ainsi, on interroge nos visiteurs sur le mode de transport emprunté pour venir nous voir afin, ensuite, de développer des offres plus durables. Nos achats, pour la boutique par exemple, deviennent plus responsables. Je prends un exemple, mais il y en a plusieurs : les t-shirts « collector » étaient « bio », ils sont désormais bio et made in France, produits en circuit court dans les Cévennes.
Autre chose : toute notre publicité sur bâche est offerte aux Nouvelles Grisettes qui, dans son atelier, confectionne des sacs, des accessoires et forme des jeunes aux métiers de la couture pour réaliser nos goodies. Nous avons aussi noué des liens étroits avec Emmaüs pour aménager nos décors scéniques avec des produits de récupération, dont l’achat profite aux compagnons. Nous avons aussi constitué un fonds de dotation « Jazz à Sète » pour créer un club des mécènes afin de nous aider à financer davantage d’événements ou actions en faveur du Jazz.
Nous existons depuis plus de 30 ans, nous sommes d’ailleurs le vétéran des festivals de la région ! On se soit de montrer l’exemple et, à l’instar du jazz, d’ouvrir les frontières.
« Ne comptez pas sur moi pour lever le pied »
Et vous, a-t-on des chances de vous entendre sur scène ?Oui, mais pas dans le cadre de Jazz à Sète, je préfère laisser toute la lumière aux talents du cru. Mais je vous invite avec grand plaisir à (re)découvrir mon 20e album, paru il y a quelques semaines, qui s’intitule « Reflets Duo » avec Jean-Marc Floury.
Votre question est aussi pour moi l’occasion d’annoncer que je travaille déjà sur le prochain. Il ne sortira qu’en 2024, mais je connais déjà le nom. Ce sera « Influences 2 ».
Vous pourrez me retrouver sur scène à Marseillan le 1er juillet au bord du Canal du Midi avec Influences en formule quintet. Comme je vous le disais, j’ai chopé le virus du jazz, alors ne comptez pas sur moi pour lever le pied. Jazz a Sète / Du 15 au 21 juilletProgrammation complète sur jazzasete.
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