INTERVIEW : Yarol, Lescop et Caroline de Maigret reviennent sur "Comme la pluie"


Elle est née à Poitiers sous le nom de Camille Berthomier, et, après s’être fait remarquer au cinéma, est rapidement devenue une rockeuse avertie. D’abord au sein du duo formé avec Johnny Hostile, John & Jehn, puis avec le groupe punk féminin Savages.

Son premier solo, To Love is to Live, résonne de sa voix puissante et de sa fureur de vivre.

INTERVIEW : Yarol, Lescop et Caroline de Maigret reviennent sur

ombre lumineuse.

Le terreau sonore, lui, est country, folk et rock, les tempos assagis, afin de raconter des histoires d’amour qui, comme souvent, finissent mal. Ou, au contraire, ne se terminent jamais… Entrecoupée de réflexions sur le style d’une veste en velours, le charisme de Grace Jones ou le charme des petits chiens qui ronflent (merci au sens de la digression de Gillespie !), interview croisée des deux acteurs d’Utopian Ashes.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Jehnny Beth : La toute première fois, c’était à un défilé où nous étions tous les deux invités.

Je portais du cuir, et Bobby a commenté ma tenue ! Un peu plus tard, on s’est croisés à la BBC. J’étais avec mon groupe Savages, dans une ambiance tendue car nous avions des soucis avec notre management…

C’était intense. Quelques mois plus tard, j’ai proposé à Jehnny qu’elle chante sur scène avec moi, lors d’un live de Primal Scream, une reprise de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood. On a fini par tous se retrouver, les gars du groupe, Jehnny et Johnny Hostile, à Paris.

Le temps de deux sessions, Utopian Ashes était en boîte.

n’est-ce pas ?

J.B.

Le romantisme de rester avec la même personne, quoiqu’il arrive… Ce n’est pas un sujet courant : la liberté prime, en poésie comme dans notre société actuelle, où il ne faut surtout pas de contraintes, y compris au sein du couple. Or, on peut être libres ensemble dans un seul et même cadre. Vivre une vie amoureuse enrichissante n’induit pas forcément le changement, et il me semble qu’on l’intègre davantage, dans un monde de plus en plus individualiste et dévorant.

B.G. : Tu as raison.

Chaque génération sert ses besoins, ses expérimentations, ses peurs. Durant les années 60, les générations antérieures représentaient l’ennemi, avec leurs valeurs et leur vision nucléaire de la famille, on considérait que c’était fasciste. C’était après la guerre, place à la jeunesse, on devait rejeter le mariage.

Et, au milieu de tout ça, des artistes comme Merle Haggard, Johnny Cash, Willie Nelson et Kris Kristofferson qui n’avaient pas la même vision que leur jeune public. Moi, en revanche, le romantisme m’a toujours touché !

B.G.

Absolument. Il est relié de près à l’expérience d’êtres humains. Une relation émotionnellement déconnectée peut créer des traumas, des dépressions.

J’ai vu des amis se rouler par terre de chagrin. Oui. il y a une lourdeur, une charge, une tristesse… mais il y a toujours de la beauté quand on parle d’amour, et j’avais besoin de renouer avec ce sentiment de perte. Ce grand sujet quasi politique qu’est la séparation nécessitait une poésie pragmatique.

On l’entend dans “You Don’t Know What Love Is” ou “Chase it Down”, par exemple…

J.B. : La première fois que j’ai écouté ces paroles, j’ai pleuré ! Si son titre est très anglais, évoquant les romans victoriens, la musique de l’album, elle, puise sasource dans les grands paysages américains – là où vous avez toujours puisé une partie de vos influences musicales ?

B.

G. : Depuis toujours, oui. Primal Scream avait même enregistré à Memphis… Il y a vingt ans, j’ai été très marqué par cette chanson de Merle Haggard et Bonnie Owens, “Today I Start Loving You Again” : on sentait leur amour, on sentait aussi qu’ils prenaient du LSD et c’était drôlement beau.

“We Go Together”, de Georges Jones et Tammy Wynette est aussi un morceau important dans mon panthéon musical.

J.B.

  : J’ai toujours aimé June Carter et Johnny Cash, par exemple. Et, même si ce n’est pas un duo, il y a cette chanson de Neil Young, “Harvest Moon”, qui me touche beaucoup. Il chante pour le gars du ranch à côté, et pourtant elle a une telle portée universelle ! Il n’y a rien de sexy là-dedans, c’est anti pop, quasi révolutionnaire.

Car l’amour est radical, et en cela, il se soustrait à la consommation, donc au capitalisme.

Comment une bonne chanson vient-elle à vous ?

B.G.

C’est un mélange d’élan créatif et de pulsion narcissique. Certains artistes vont en studio six ou sept heures par jour, comme au bureau, et c’est dans la boîte. Moi, je ne peux pas.

En allant faire mes courses, en sortant le chien, je pense à mes chansons. Je me souviens de vacances en famille où je me faisais engueuler parce que je m’isolais un peu trop écrire pour un bout de couplet… Quand la chanson vient au fur et à mesure, c’est comme si elle prenait possession de toi, couche après couche. Cependant, elle peut arriver d’un seul coup, et c’est ultra cathartique.

C’est magique quand la mélodie et les mots se marient instantanément ensemble. Et ça a été souvent le cas sur Utopian Ashes.

J.

B. : Je travaille partout, même dans la rue, j’écris énormément, j’enregistre des notes vocales quand je n’ai pas de stylo sous la main… J’ai accumulé pas mal de textes, ce qui me permet de piocher dedans régulièrement car je ne peux pas chanter sans paroles.

Retrouvez l’interview dans son intégralité dans Rolling Stone Hebdo

Sophie Rosemont