« J’ai entendu papa crier et maman aussi et papa il faisait hahaha »


En plein questionnement.En plein questionnement identitaire, son frère de 11 ans n’a pas souhaité assister aux débats tant il a peur de ressembler à son père. Physiquement et moralement. L’adolescente voudrait quant à elle que son père s’explique. « Même si ça changera rien. » Protégée par une femme des services sociaux qui fait écran, elle n’a pas un regard pour l’accusé qui pleure doucement dans le box.

En plein questionnement identitaire, son frère de 11 ans n’a pas souhaité assister aux débats tant il a peur de ressembler à son père. Physiquement et moralement

« J’ai entendu papa crier et maman aussi et papa il faisait hahaha »

Son récit est décousu. Elle préfère répondre aux questions fermées du président. Elle explique qu’elle savait. « Que papa allait tuer maman. » Elle avait déjà assisté à des disputes. À des violences aussi. La veille encore, le quadragénaire avait menacé Safia Mohammedi, dont il était séparé, depuis le palier de sa porte où, éconduit et ignoré, il passait ses nuits. La jeune femme posait un gilet en travers « pour qu’il ne regarde pas », révèle leur aînée. Parfois, elle se sent coupable de ne pas avoir pu empêcher le drame. « Maman avait peur. »

Angoisse d’abandon

Elle a compris qu’elle ne reverrait plus jamais sa mère, qui lui manque dans les étapes de sa vie. « Elle était câline. Dévouée. Elle s’occupait de nous. Je lui disais souvent  : ‘‘Pense un peu à toi’’. Même quand elle avait mal quelque part, elle restait avec nous. » Au moment de l’agression, sa mère l’aurait appelée au secours. « Elle disait  : ‘‘Viens m’aider, viens vite’’. Et j’entendais papa crier et maman aussi et papa qui fait hahaha. » Effacé automatiquement, le message n’a pas été retrouvé.

« Outre la perte de son épouse, c’est aussi la perte d’un idéal de famille unie qui le faisait souffrir en réactivant les blessures de son enfance et une angoisse d’abandon »

Peu aidée par l’accusé, la cour a tenté durant trois jours de mieux cerner la personnalité de celui qu’elle juge. Issu d’une fratrie de six, Merzouk Oudjdi a grandi dans un village kabyle en Algérie. Il était âgé de dix ans quand son propre père a disparu de sa vie. Un abandon de foyer toujours inexpliqué. Une blessure profondeEn 2016, pour faire plaisir à sa femme et assurer un meilleur avenir à ses enfants, il a décidé de partir pour la France. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Tandis que Safia Mohammedi s’épanouissait et s’intégrait, lui connaissait une descente aux enfers et sombrait dans l’alcool. Le divorce demandé par la victime était socialement et mentalement impensable pour lui.