James Bond, la livre sterling et la gastronomie française


Publié le 5 nov. 2021 à 15:00Même le meilleur des agents secrets de Sa Majesté n’est pas immunisé contre le risque de change. Selon une étude très sérieuse du NBER, intitulée « Licence to dine » (1), l’évolution erratique de la livre sterling n’a pas été sans impact sur le train de vie de James Bond, à la fois globe-trotter international et grand amateur de gastronomie française.Dans la quarantaine de romans sur James Bond, écrits depuis 1950 par Ian Fleming ou ses successeurs, l’agent 007 prend 500 repas dans une centaine de restaurants, dont les deux tiers existent encore. Près d’un sur quatre est situé en France (le Grand Véfour, Lucas Carton, l’Oustau de Baumanière, la Rotonde, le Galion…). Il y boit du champagne (Bollinger, Dom Perignon, Veuve Clicquot) et des bons vins (Château Lynch-Bages, Château Batailley, Mouton Rothschild). En analysant les prix (au menu et à la carte) de ces grands restaurants entre 1953 et 2019 et le prix des bouteilles préférées de 007, les chercheurs ont analysé l’impact des variations de la livre sterling sur ses frais de bouche.

Volatilité

Résultat : de 1953 à 2019, l’évolution de la livre sterling ne fut guère favorable à James Bond et aux voyageurs britanniques. « Ils bénéficièrent globalement de l’appréciation de la devise anglaise face au franc mais ils furent considérablement pénalisés par sa chute depuis l’avènement de l’euro », constate l’étude. En une décennie (1950-1960), la livre a bondi de 40 % face au franc permettant à 007 de dîner à bon compte dans les meilleures tables françaises.Seulement, la volatilité de la devise britannique s’est retournée contre l’un des plus dévoués serviteurs du royaume. Entre 2000 et 2019, l’euro a progressé de 50 % par rapport à la livre sterling . Avec une hausse des prix des grands restaurants français supérieure à celle du salaire de 007, une part croissante de ses émoluments a été dépensée pour savourer le meilleur de la gastronomie française. Manger au moins une fois par semaine dans un grand restaurant français lui aurait coûté 18 % de son salaire dans les années cinquante, puis 26 % au début des années 2000. Sans note de frais, l’agent de Sa Majesté aurait donc vite été dans le besoin.

52.000 euros de salaire

Dès Casino Royal (le roman paru en 1953), James Bond ne se sépare plus de son Guide Michelin pour trouver les meilleurs restaurants. Il reçoit à l’époque un salaire annuel de 1.500 livres, soit plus de trois fois la moyenne britannique. Cela équivaudrait aujourd’hui à un salaire de 44.000 livres (52.000 euros). « Aujourd’hui, manger dans un restaurant trois étoiles français semble réservé aux gérants de hedge funds, mais ce n’était pas le cas au début de la carrière de 007 dans les années 50, lorsque le prix des plats à la carte était équivalent à 1 ou 2 livres sterling ».(1) « Licence to dine : 007 and the real exchange rate », Lee A. Craig, Julianne Treme, Thomas J. Weiss, National Bureau of Economic Research, working paper n° 29415