Du Web au papier glacé. Un pas qu’a décidé de franchir Sulivan Gwed, l’un des youtubeurs les plus connus de sa génération, qui affiche au compteur de sa chaîne
YouTube près d’1.7 millions d’abonnés. Mercredi, il a sorti Fashionology (aux éditions HarperCollins), un livre inspirant dans lequel il déclare son amour pour la mode, qu’il doit notamment à sa grande sœur, férue de style, et dont les couvertures de magazine et les icônes mode tapissaient les murs de sa chambre d’adolescente. Une passion qu’il a longtemps gardée pour lui malgré son entrée très jeune dans le monde des vidéos et des réseaux sociaux, en 2014 avec son compte UnPandaMoqueur.
Il est depuis devenu incollable sur le sujet, et du haut de ses 21 ans compte parmi les jeunes influenceurs de ce domaine. Dans son livre, il témoigne de l’importance de la mode dans son quotidien et prodigue également ses conseils pour s’habiller librement et oser casser les codes. Sulivan Gwed y dévoile aussi un peu de sa vie, de son parcours et de son expérience en tant « qu’enfant d’Internet ». Un jeune homme affable, enthousiaste et particulièrement mature que 20 Minutes a rencontré.
Derrière ce livre il y avait aussi la volonté d’en dévoiler un peu plus sur vous ?
Je suis une personne très pudique. Je suis sur les réseaux sociaux depuis l’âge de 13 ans donc j’ai appris très vite à me protéger dans ma petite carapace. Et puis je suis cancer, quand on aime on s’ouvre beaucoup, sinon on n’est pas du genre à vouloir se montrer. J’ai toujours été très discret et je n’ai jamais montré grand-chose de ma vie privée, du vrai moi, par protection. Avec ce livre je ne voulais aucune barrière, je voulais que la démarche soit la plus honnête et sincère possible. Je me livre sur mes débuts sur YouTube, sur ma famille alors que je n’en parle jamais… Toujours pas sur les relations amoureuses, mais un peu quand même. Ce livre a été très thérapeutique pour moi : retracer ma folle aventure sur Internet qui était parfois très positive, parfois très négative. A chaque fois que je sortais des séances de travail j’avais un poids en moins.
Quand vous vous êtes lancé dans les vidéos vous ne parliez pas de cette passion pour la mode ?
Ça a pris directement et je suis resté dans cette ligne édito parce que je me disais que je ne pouvais pas me permettre du jour au lendemain de parler de mode alors que les gens me kiffaient pour mes lifestyles. Je me suis enfermé dans cette petite bulle. A mes 16-17 ans j’ai fait une grosse crise existentielle, ce qui est normal quand on est ado mais aussi quand on est autant exposé aussi jeune. Je me suis dit « maintenant je m’en fous, je ne cherche plus à plaire ou ne pas plaire, à me forcer à être une certaine personne ». Ça a pris du temps quand même mais j’ai eu cette prise de conscience que je ne pouvais pas vivre pour tout le monde, et pas pour un million de personnes différentes.
Est-ce que ce changement coïncide avec la période où vous avez été victime de cyberharcèlement ?
Un petit peu oui. Je n’avais pas d’exemples de personnes avant moi qui avaient été harcelées sur Internet. J’étais seul car c’était très très tôt. Je n’avais pas vraiment de modèles pour prendre exemple et me dire « ça va aller, ça ne dure qu’un certain temps ». J’avançais droit dans un tunnel sans lumière. Je m’obligeais un petit peu à rester dans une certaine case et malgré cela je vivais mal le regard que les autres avaient sur moi… Donc pourquoi ne pas juste être moi-même ? Depuis cet épisode, je me fiche qu’on m’aime ou non.
Plus qu’une passion, vous expliquer que la mode est selon vous un moyen de s’affirmer, de s’épanouir. Vous dites même qu’elle est « une nécessité » pour vous. En quoi vous aide-t-elle au quotidien ?
Beaucoup de personnes ont besoin de chanter, danser, peindre, pour se sentir bien et à l’aise avec eux-mêmes. Moi c’est la mode, ma passion est de m’habiller. Mais c’est aussi grâce à mes modèles, et surtout Lady gaga, qui m’a appris que la mode est la seule forme d’art qui se porte. Le jour où j’ai compris ça je me suis dit « waouh, je veux porter de l’art toute ma vie sur moi ! »
Dans ce livre l’un des conseils que vous donnez est notamment d’oser casser les codes. Qu’est-ce qui vous, vous a permis de vous affranchir de certains d’entre eux ?
Mes copains. On est dans une sphère avec mes amis qui parfois peut paraître un peu terrifiante pour les autres, sectaire, on est tellement dans un confort entre nous ! On est quasiment tous les jours ensemble et on fait ce qu’on veut. Bilal quand il a commencé à porter des perruques ce n’était qu’avec nous, ce n’est qu’après qu’il a osé en porter sur Internet. Ensemble on se libère, et ensuite on se pose la question de savoir si ça nous va ou pas. C’est grâce à mes amis que je suis libre. J’ai beaucoup de chances de les avoir.
Autre conseil : faire abstraction des critères de beauté ou encore des codes du féminin et du masculin. Une des leçons que vous avez apprises est de ne pas rester enfermer dans ces normes ?
Depuis que j’ai 13 ans je dois plaire aux gens, et tu es directement réduit à « beau/pas beau ». Tu es un peu un produit qu’on trouve beau ou moche. A un moment ou un autre tu es obligé de passer outre. Dans tous les cas ma tête est là et elle est là pour rester. Autant se dire que je ressemble à ce que je veux, même si je ne rentre pas dans les normes de beauté. C’est important de donner l’exemple pour essayer de casser ces barrières.
Vous-même auriez-vous aimé une lecture similaire quand vous étiez plus jeune ?
J’aurais adoré. Mais j’ai quand même réussi à me trouver des petits modèles qui m’ont beaucoup aidé. Si je peux être – sans me mettre au même rang qu’elle- la petite Lady Gaga de quelqu’un avec ce livre, mon job est fait. Je ne cherche pas à ce que ce livre soit un succès commercial, évidemment c’est toujours cool, mais je cherche réellement que chaque personne qui le lise arrive à trouver un truc cool et inspirant.
On peut vous comparer à Léna Situations qui a sorti un livre et qui a rencontré un grand succès l’an dernier. Vous aimez cette comparaison ?
Ça ne me dérange pas du tout, déjà parce que Léna est ma copine. Je suis reconnaissant envers les personnes comme elle, mais aussi EnjoyPhoenix, Natoo, toutes les personnes qui étaient là avant moi et qui ont osé sortir un livre, dans un monde où la littérature reste quand même quelque chose d’élitiste. Elles ont osé le faire et casser plein de barrières pour que moi je puisse y aller un peu plus tranquillement. Elles ont tracé un petit chemin pour que je sois plus à l’aise. Sortir un livre, sachant que je suis une personne qui doute beaucoup et qui est très anxieuse, dans un monde où il n’y aurait pas eu ces gens-là avant, ça aurait été d’autant plus compliqué. C’est comme moi, pour comparer, j’ai été l’une des premières personnes jeunes à avoir une grosse plateforme sur les réseaux et à se faire bully comme pas possible. Le cyberharcèlement je l’ai connu et d’une manière assez importante. Mais je sais que ça a permis d’ouvrir certaines conversations petit à petit. Et après il y a eu des personnes comme Bilal qui sont arrivées et ont encore plus ouvert ces discussions sur le fait que ce n’est pas normal de vivre ça. J’espère que les prochaines personnes qui arriveront sur les réseaux sociaux, oseront avoir une plateforme et être eux-mêmes, n’auront plus à subir cela.