Laïcité à l'école : la "police des vêtements", c’est l’abaya, par Anne Rosencher


La France défend la liberté de croire ou de ne pas croire

Las ! Les Insoumis font semblant de ne pas le voir. Pire : par clientélisme, ils dénoncent, comme Mathilde Panot sur Twitter, une « obsession » du gouvernement envers « les musulmans » et « plus précisément, les musulmanes ». D’abord, redisons-le, cette façon d’amalgamer systématiquement « les musulmans » et « les musulmanes » aux pratiques et aux conceptions de certains d’entre eux seulement est nocive dans le débat public. Ensuite : il y a, dans le port croissant des abayas à l’école (4 710 signalements ont été effectués lors de l’année scolaire 2022-2023, contre 2 167 en 2021-2022, selon une note des services de l’Etat) une volonté, assumée sur les réseaux sociaux, de tester la laïcité. De montrer que la prescription religieuse peut se frayer un chemin dans les établissements, sur fonds de flou juridique et d’intimidation du quotidien. Doit-on rappeler que la décapitation de Samuel Paty, il y a quatre ans, a généré une peur durable et compréhensible chez beaucoup de proviseurs et d’enseignants, paniqués à l’idée de se retrouver épinglés dans les « mauvaises boucles », sur les réseaux sociaux ?La gauche fut un jour plus clairvoyante. Un exemple, parmi cent. Dans le débat qui l’opposa à Jules Guesde, à Lille, en 1900, Jean Jaurès eut ces mots que certains – qui se revendiquent pourtant allègrement de lui – semblent avoir oubliés : « C’est le devoir des socialistes, quand la liberté républicaine est en jeu, quand la liberté intellectuelle est en jeu, quand la liberté de conscience est menacée, quand les vieux préjugés qui ressuscitent les haines de races et les atroces querelles religieuses des siècles passés paraissent renaître, c’est le devoir du prolétariat socialiste de marcher avec celle des fractions bourgeoises qui ne veut pas revenir en arrière. Je suis étonné, vraiment, d’avoir à rappeler ces vérités élémentaires, qui devraient être le patrimoine et la règle de tous les socialistes. […] Nous, socialistes, nous sommes avec le prolétariat contre la bourgeoisie et avec la bourgeoisie contre les hobereaux et les prêtres. »A l’époque les injonctions politiques de la religion venaient avant tout du christianisme, la chose est entendue. Mais les mécanismes ne changent pas. La France défend la liberté de croire ou de ne pas croire ; elle défend la liberté religieuse, la liberté d’exercice du culte et la non-discrimination entre les religions. Mais elle ne veut pas des injonctions politiques des religions – quelles qu’elles soient – dans sa vie publique. A l’école, elle veut en protéger ses citoyens en devenir. C’est pourquoi elle a créé la laïcité. Un jour, naguère, la gauche a su la défendre.