Un lactarium péi à l'étude pour mieux répondre aux besoins des bébés prématurés


Lundi, le député Frédéric Maillot a alerté sur un risque de pénurie de lait maternel à La Réunion. « Nous n’en sommes pas là, relativise le Dr Isabelle Tiran-Rajaofera, pédiatre en néonatalogie et consultante en lactation. Mais nous sommes parfois à flux tendus, comme l’ensemble de la France, parce que les dons sont en baisse. » En effet, le lactarium de Marmande (47) recevait, au début des années 2000, environ 50 000 litres de lait maternel par an. Aujourd’hui, il est plus proche de 18 000. Qui plus est, ce lactarium haute technicité va cesser sa production pendant six mois, le temps de déménager au CHU de Bordeaux. D’où son appel pressant aux dons, qui a pu créer une certaine anxiété reprise, ici, à La Réunion, alors qu’il s’agissait, pour Marmande, de constituer des stocks suffisants afin de répondre à la demande durant les travaux. La consommation mensuelle au CHU Nord varie entre 200 et 400 flacons de lait congelé ou de lait lyophilisé, selon nos informations. Les tensions actuelles sur les stocks en métropole imposeraient des envois plus fréquents et donc plus coûteux.Marmande n’est pas la seule source d’approvisionnement pour La Réunion. « Nous pourrions faire appel à d’autres lactariums en métropole », reconnaît la pédiatre. Cependant, le lactarium de Marmande a une spécificité unique en France : après avoir congelé et pasteurisé le lait, ce lactarium, pionnier de la méthode dans le monde, le transforme en paillettes. Le lait maternel est ensuite reconstitué avec de l’eau. Un procédé industriel lourd qu’il n’est évidemment pas question de reproduire à La Réunion : « Le projet que le CHU a monté s’appuie sur les procédures classiques : congélation des dons, décongélation, pasteurisation et recongélation », explique le Dr Isabelle Tiran-Rajaofera. Un process qui repose sur des critères de sélection stricte des donneuses, notamment en termes d’hygiène de vie (alimentation équilibrée, pas de tabac ni de stupéfiants, pas d’infections sexuellement transmissibles, etc., NDLR) et sur des analyses bactériologiques.

Un coût important

Ce projet, mené par le service de néonatalogie du CHU Nord, qui accueille les deux-tiers des naissances prématurées de l’île, pourrait voir le jour dans cinq ans, lorsque le nouveau bâtiment Femme, Parents, Enfant sera en fonction. « Le lactarium nécessite un espace de 200 m2 mais, si on trouvait maintenant au CHU Nord 100 m2 disponibles, on pourrait envisager de le créer plus vite », souligne la pédiatre. À condition d’avoir les ressources humaines et financières suffisantes : « Il faut un médecin à 20 %, une infirmière puéricultrice et des auxiliaires de puériculture pour s’occuper de la gestion des donneuses et du traitement du lait. Cela représente un coût important. » Sans parler des frigos, des congélateurs, des pasteurisateurs et autres équipements indispensables, des honoraires du laboratoire d’analyses bactériologiques et du coût des sérologies ponctuelles des donneuses.

Un lactarium péi à l'étude pour mieux répondre aux besoins des bébés prématurés

Allaiter pour moins dépendre des dons

Actuellement, les mamans des bébés prématurés sont encouragées à tirer leur lait pour leur enfant. Mais, selon les professionnels de santé concernés, les moyens « humains » manquent pour les accompagner efficacement dans leurs débuts d’allaitement. « Il faut aussi donner les moyens aux mères au sortir de la maternité quand le bébé reste hospitalisé. Un tire-lait spécifique préma peut coûter jusqu’à 1 500 euros. Il n’y en a pas forcément suffisamment en location en pharmacie. Qui plus est, la caution demandée par chèque n’est pas toujours possible pour ces mamans, et totalement impossible pour les mamans mahoraises », conclut la pédiatre. Or, ces bébés de moins de 32 SA et moins de 1 500g ne peuvent être alimentés qu’avec du lait de femme : soit celui de leur mère soit du lait de don. Ils ne peuvent recevoir de « préparation pour nourrisson spécifique pour prématurés » car le risque de complications digestives est trop grand. « Encourager l’allaitement des mamans accouchant prématurément, faciliter l’accès aux services d’hospitalisation (bus, parking, etc..), aux tire-laits, leur présence auprès de leur bébé (chambres, maison des parents, aide à la garde des autres enfants) est d’une importance capitale pour répondre aux besoins de ces bébés et de leurs familles », conclut la pédiatre. Un lactarium péi serait un plus indéniable mais pas la réponse à tous les besoins des bébés grands prématurés.

Mireille Legait[email protected]

Toute l’actualité en vidéo

Recharger les commentaires