journalisme d'investigation… et montage à sensations


(.) C’est un reproche récurrent : Élise Lucet en fait trop, lorsqu’elle course des P.-D.G. dans la rue, où lorsqu’elle pousse son interlocuteur à partir, furieux. « Comptez ces moments, plaide Luc Hermann, fondateur et codirigeant de l’agence Premières Lignes. Ils sont rares ». « Ils interviennent après des mois de demandes d’entretiens infructueuses et de questions sans réponse, complète Élise Lucet. On ne fait pas la séquence pour la séquence. »En une occasion au moins, il est permis d’en douter. Le 13 mai 2018, « Cash Investigation » diffusait « l’Eau, scandale dans nos tuyaux », avec un classique : le départ précipité du communicant acculé. En l’occurrence, il s’agissait de Christophe Piednoël, porte-parole de la Saur. Il était interrogé par Élise Lucet sur le cas d’un couple auquel la compagnie avait coupé l’eau pendant douze ans, pour cause d’impayé. La séquence dure à peine plus d’une minute et Christophe Piednoël semble mettre fin brusquement aux échanges. Mais la Saur avait tout filmé… Et a mis les rushes en ligne, sous le titre : « les mensonges de Cash Investigation ».Le film N° 3 montre les conditions réelles du départ de Christophe Piednoël. Élise Lucet attaque : pour un impayé, couper l’eau à un couple pendant 12 ans ? ! Le couple a piraté le réseau dix ans…, corrige Christophe Piednoël. Élise Lucet est désarçonnée mais elle se reprend très vite : quelle preuve de ce piratage ? Un jugement de correctionnelle condamnant les pirates, répond posément le dircom. Élise Lucet change d’angle : la Saur a bétonné le puits d’accès au compteur. Méthode de voyou ! Le dircom en convient d’autant plus volontiers que ce n’est pas la Saur. mais le couple qui avait coulé le compteur dans le béton, dans l’espoir de retarder la coupure.

« Les monteurs à « Cash Investigation » ont une importance folle »

La découverte du document compromettant, le lanceur d’alerte, le patron traqué, le communicant coincé sont devenus les marqueurs de l’investigation. Elle n’exige rien, pas la peine, on devance ses attentes dans les synopsis, souvent rédigés à partir d’idée de stagiaires, qui manquent de recul. Ensuite, une fois que France Télévision a avancé 15 000 euros, il faut livrer les séquences, coûte que coûte. »(.)Retrouvez l’intégralité de notre enquête  :Élise Lucet  : journalisme d’investigation… et montage à sensations