À peine François Hollande a-t-il posé un pied à Bort-les-Orgues, ce samedi 22 juin, qu’un conseiller l’alpague : « Le club de rugby fête ses 120 ans, François. On y va ? » Dans cet ancien fief de Jacques Chirac, l’ex-président redevenu candidat va faire… du Chirac. Sous les « François on t’aime, François on t’adore, on t’aime plus que le pastis d’Andorre ! », il entre, enchaîne les poignées de mains puis attrape un grand verre de bière. « Cul sec ! Cul sec ! » hurlent les rugbymen, à l’heure de l’apéritif. Hollande s’exécute, en douceur, lève son verre et repart aussi vite qu’il était arrivé… Sa campagne législative surprise en Corrèze serait-elle une simple formalité ? Pas vraiment. Passé les sourires et les selfies, les questions demeurent. « Il a été un bon maire, bon président du Conseil départemental et il reste populaire, mais on ne sait pas pourquoi il revient… » s’interroge Brigitte, sculptrice, qui vit entre Brive et Tulle. « Quand l’extrême droite est près du pouvoir, avec un risque d’instabilité, c’est mon devoir de m’engager sans chercher mon intérêt, répond François Hollande à Paris Match. Si je suis élu, je ne serais pas un député comme les autres, j’aurais à appeler à la vigilance sur le respect des droits fondamentaux. » L’inquiétude est palpable. Ce jour-là, entre la crème brûlée et le café, au restaurant, il s’alarme d’un sondage donnant 250 sièges au RN.«J’entends « On ne les a pas essayés », souffle-t-il. Mais c’est un argument trompeur parce que ce choix est dangereux pour les Français. Même avec une majorité relative, la pression serait énorme sur Les Républicains pour qu’ils votent certains textes avec l’extrême droite.»
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C’est son deuxième rendez-vous avec le pays
Bernard Combes, son fidèle conseiller
«Le RN est haut même ici mais il sait être rassembleur, analyse son fidèle conseiller Bernard Combes, maire de Tulle. Cette campagne lui permet d’être en prise directe avec ce qui percute la vie des Corréziens, des Français. C’est son deuxième rendez-vous avec le pays. »« Cette candidature s’est imposée à lui, ça n’est pas un calcul, poursuit sa femme, Julie Gayet, sur le marché d’Ussel. Il ne m’en a pas parlé avant. Il a fait le journal de 20 heures et le lendemain il m’a dit « On part en Corrèze ». C’est courageux et je le soutiens quoi qu’il arrive. » Des kilomètres de route en lacets plus tard, Hollande est à Uzerche. Entre deux chansons jouées par la banda locale, Denis, qui vit à Allassac, le questionne. « Pourquoi s’allier à La France insoumise ? »
La discrétion de Jean-Luc Mélenchon serait souhaitable pour beaucoup de candidats de gauche
François Hollande, ancien président de la République
« Pour avoir le plus de socialistes et de sociaux-démocrates, l’union était la seule solution, répond-il. Il y a beaucoup de questions sur Jean-Luc Mélenchon, je les comprends. Mais il n’est pas candidat aux législatives et il y a plusieurs prétendants au poste de Premier ministre dans sa famille politique. Sa discrétion serait souhaitable pour beaucoup de candidats de gauche. C’est aussi pour un rééquilibrage en faveur du PS dans l’alliance que je me suis présenté. » Sur ces terres socialistes, la victoire est incertaine. Le RN y a fait plus de 32 % aux Européennes et le député LR sortant, Francis Dubois, proche du président du Département, moque cet « énarque de 69 ans qui s’est toujours servi de la Corrèze comme tremplin politique. » « Si j’avais visé 2027, j’aurais regardé le chaos tranquillement pour chercher à être un recours », rétorque l’intéressé, que certains imaginent à la présidence de l’Assemblée, si la gauche gagne. « Je ne me place dans aucune recherche de postes. Mais le fonctionnement de l’Assemblée ne va pas. Si aucun parti n’obtient une majorité absolue, tout doit être fait pour préserver l’intérêt national. Pour que des textes soient votés, comme la fin de vie. Il faudra établir des règles pour vivre ensemble. Car il ne pourra y avoir de dissolution avant un an… »Lancé dans cette campagne législative, l’ancien chef de l’État se montre particulièrement critique envers son successeur Emmanuel Macron, qui a décidé de dissoudre l’Assemblée au soir des Européennes. Il considère que le « macronisme, c’est terminé. Édouard Philippe l’a le mieux résumé. Ce qu’il a pu représenter à un moment se dissoudra à la fin de son mandat.»