Katalin Karikó est une scientifique dont les travaux sur l’ARN messager ont permis de faire face au coronavirus. Rencontre.
Pendant des années, cette Hongroise émigrée aux États-Unis a travaillé en marge du monde scientifique. Elle n’a reçu ni argent, ni promotion, ni reconnaissance, mais elle était convaincue dur comme fer que ses recherches sur la technologie ARNm sauveraient des vies. Puis la pandémie a déferlé et son travail de pionnière est devenu la base du développement de vaccins efficaces contre le coronavirus. « Et ce n’est qu’un début », explique Katalin Karikó, qui croule aujourd’hui sous les prix scientifiques.
Le vaccin Pfizer/BioNTech et celui de Moderna sont basés sur la technologie ARN messager, révolutionnaire, à laquelle elle a travaillé avec plusieurs collègues.
Le matin du 9 novembre 2020, le monde recommence à respirer. Le premier hiver sombre de pandémie de Covid-19 est aux portes de l’hémisphère nord, mais dix mois après le début de la pandémie et de ses mesures de confinement, un communiqué de presse de Pfizer et de BioNTech apporte enfin un peu d’espoir. Les vaccins développés et testés en un temps record par les deux entreprises semblent fonctionner, et même étonnamment bien, avec une efficacité pouvant aller jusqu’à 95%. Un fin rai de lumière apparaît enfin au bout du tunnel. C’est la fête, ce lundi, sur les marchés financiers.
Katalin Karikó n’oubliera jamais ce moment, non parce qu’elle était euphorique, et encore moins étonnée. Mais parce qu’Ugur Sahin, le CEO allemand de BioNTech (et son patron) l’a appelée la veille pour lui annoncer la nouvelle et que c’était l’anniversaire de sa fille. « Ma réaction fut: ok, ça fonctionne. C’est comme nous l’avions prévu », se souvient la scientifique lorsque nous l’interviewons par visioconférence. « J’étais bien sûr contente, mais je ne suis pas du genre à sauter de joie et à crier ‘oh my god!’. »
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Âgée aujourd’hui de 67 ans, Karikó a célébré l’évènement avec un simple sachet de Goobers (des cacahuètes enrobées de chocolat, NDLR), son snack préféré. Cependant, à l’époque, l’annonce signifiait qu’elle avait raison. Le vaccin Pfizer/BioNTech et celui de Moderna – qui allait bientôt présenter des résultats de tests aussi robustes – sont en réalité basés sur la technologie révolutionnaire à laquelle elle a travaillé avec plusieurs collègues. Il s’agit de la grande percée de la technologie ARNm ou ARN messager: la petite partie du code génétique qui transmet les instructions de l’ADN (qui est présent dans le noyau de toutes les cellules de notre corps) vers la production de protéines en dehors des noyaux cellulaires. Traduit en vaccin: les molécules ARNm injectées dans des centaines de millions de bras ont donné à nos cellules l’ordre de produire la protéine couronne du Sars-Cov-2, le coronavirus. Vu que notre corps ne la reconnaît pas, il fabrique des anticorps qui constituent un mur de défense pour le cas où le véritable virus viendrait frapper à la porte.
Pendant des dizaines d’années, elle a expérimenté les techniques ARNm pour traiter les accidents vasculaires cérébraux, les insuffisances cardiaques ou des maladies comme le cancer.
Conviction profonde
« Je n’ai jamais eu pour objectif de développer des vaccins », explique Karikó. Pendant des dizaines d’années, elle a expérimenté les techniques ARNm pour traiter les accidents vasculaires cérébraux, les insuffisances cardiaques ou des maladies comme le cancer. Mais pendant tout ce temps, Karikó semblait travailler en marge du monde académique. « C’est comme si je vivais dans un vide », explique-t-elle. Elle s’est heurtée à plusieurs reprises à des murs lorsqu’elle a demandé des bourses ou du financement pour mettre sur pied un laboratoire et recruter des étudiants doctorants. Elle a plusieurs fois dû chercher de nouveaux employeurs parce que les précédents ne croyaient pas en son domaine d’étude. Ses publications n’ont eu que peu d’impact.
« Beaucoup ont tourné le dos à l’ARNm, mais nous avons malgré tout réussi à améliorer progressivement le processus. »
Mais elle a continué, par conviction et par pure curiosité. « Beaucoup ont tourné le dos à l’ARNm, mais nous avons malgré tout réussi à améliorer progressivement le processus, au point que nous avons obtenu des résultats en expérimentation animale. Je voyais que les choses progressaient, ce qui est important. J’ai surtout empêché les autres de me définir. Car qu’est-ce que le succès ? Certains scientifiques ont 100 articles publiés à leur actif. Pas moi. Mais je menais sans cesse des expériences. Si elles ne donnaient rien, je pouvais les qualifier d’échecs, mais j’en tirais toujours des leçons, y compris des choses que je n’avais pas envie d’entendre. »
Depuis la percée de l’ARNm, elle s’est retrouvée tout d’un coup inondée de prix scientifiques, en tant que « mère de l’ARNm ».
Depuis la percée de l’ARNm, elle s’est retrouvée tout d’un coup inondée de prix scientifiques, en tant que « mère de l’ARNm ». Sur sa page Wikipédia, sous « Awards and honors », deux distinctions sont mentionnées en 1975 et 2009, dont le titre de citoyenne d’honneur de son village natal en Hongrie. Depuis début 2021, elle a reçu plus de 50 prix, parmi les plus prestigieux. Pour notre interview, elle appelle d’une chambre d’hôtel à Tokyo, en plein décalage horaire, vêtue d’un sweat à capuche portant le logo de l’UPenn, son alma mater à Philadelphie. Elle doit recevoir un prix japonais pour « des réalisations scientifiques exceptionnelles ayant servi la paix et la prospérité dans le monde » et doit rencontrer l’empereur. Le magazine féminin Glamour l’a qualifiée de « scientifique qui a sauvé le monde ». Pour Time, elle fut « Hero of the Year ». Un corps céleste porte aujourd’hui son nom.
« Grâce à son incroyable détermination, elle a réalisé une avancée majeure qui devrait révolutionner le traitement de nombreuses maladies. »
Ilham Kadri
CEO de Solvay
À la fin du mois dernier, elle est venue à Bruxelles pour recevoir le prix « Science for the Future », décerné par le groupe chimique Solvay. « Grâce à son incroyable détermination, elle a réalisé une avancée majeure qui devrait révolutionner le traitement de nombreuses maladies », a déclaré la CEO Ilham Kadri lors de la remise du prix. Karikó a elle-même tweeté: « Mon dernier passage à Bruxelles remonte à 1977. J’étais étudiante et je voulais voir à quoi ressemblait l’autre côté du rideau de fer. Qui aurait pu prédire que ma prochaine visite serait pour ce prix? Je suis très touchée. »
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Zéro complaisance
Katalin « Kati » Karikó a grandi à Kisujszallas, un village situé à 150 kilomètres de Budapest, en Hongrie communiste. Son père était boucher et sa mère comptable. « Mes parents ont arrêté leurs études après l’école primaire. Mais ils étaient très intelligents. Ils n’arrêtaient pas de travailler. Pour nous, cela semblait naturel. Ils n’avaient pas le temps de nous aider, ma sœur et moi, avec nos devoirs et lorsque nous avions terminé, nous devions les aider, notamment en préparant des saucisses, etc. Tout simplement zéro complaisance. »
« J’ai appris que je ne devais jamais être amère lorsque les personnes à côté de moi obtenaient des promotions en travaillant moins. Car cela vous distrait de votre objectif: entreprendre. »
Son intérêt pour la science lui est venu d’un professeur qui l’a encouragée, ainsi que sa classe, à écrire une lettre à Hans Selye, un célèbre endocrinologue canadien d’origine hongroise, pionnier de l’étude du stress. À son grand étonnement, il lui a répondu, en expliquant entre autres que les gens avaient trop souvent tendance à blâmer les autres. « J’ai appris que je ne devais jamais être amère lorsque les personnes à côté de moi semblaient mieux gagner leur vie ou obtenaient des promotions en travaillant moins. Car cela vous distrait de votre objectif: entreprendre. Au lieu de vouloir faire plaisir à un patron ou à d’autres personnes, vous devez faire des choses qui vous rendent heureux. Sinon, vous ne pouvez être que déçu », explique Karikó. « Vous pouvez appeler cela une leçon de vie. »
1985
En 1985 le laboratoire où elle menait des recherches sur l’ARN a dû fermer par manque de financement. Elle a ensuite déménagé sur la côte est américaine.
Elle a obtenu un doctorat en biochimie à Szeged, mais en 1985 le laboratoire où elle menait des recherches sur l’ARN a dû fermer par manque de financement. Grâce à un contact, elle a reçu une proposition d’emploi à la Temple University à Philadelphie et a déménagé sur la côte est américaine avec son mari et sa fille de deux ans. Elle avait alors 30 ans. Ils ont vendu leur voiture et échangé le produit de la vente sur le marché noir pour obtenir 900 livres sterling. Étant donné qu’à cette époque, il était interdit de convertir du cash en devises étrangères et de les sortir du pays, elle a caché l’argent dans un ours en peluche de sa fille.
« Mon travail, je ne le faisais pas pour de l’argent. Je le faisais parce que cela m’intéressait. Je voulais apprendre et comprendre. »
Ne pas se laisser impressionner
Sa technique de survie en tant que jeune scientifique étrangère qui ne parlait pas bien l’anglais fut de ne pas se laisser intimider par toutes ces compétences autour d’elle. Et de travailler dur. Karikó raconte qu’un jour de juin d’une certaine année, elle s’est rendu compte qu’elle a avait passé les 365 derniers jours dans son laboratoire. « Vu de l’extérieur, cela peut sembler exagéré. Mais je ne le faisais pas pour quelqu’un d’autre. Je ne le faisais pas non plus pour de l’argent. Je le faisais parce que cela m’intéressait. Je voulais apprendre et comprendre. » Elle a même transmis cette discipline de travail: lorsque sa fille Susan Francia est devenue deux fois championne olympique d’aviron, aux Jeux de Pékin et de Londres, elle a toujours évoqué ses parents comme source d’inspiration.
Karikó a poursuivi son rêve, à savoir démontrer que l’ARNm pouvait être utilisé pour ordonner aux cellules de produire des protéines capables de combattre des maladies.
Karikó a poursuivi son rêve, à savoir démontrer que l’ARNm pouvait être utilisé pour ordonner aux cellules de produire des protéines capables de combattre des maladies. Mais à cette époque, les problèmes d’ordre pratique étaient énormes. Si fabriquer des molécules d’ARN dans une boîte de Pétri est une chose, c’en est une autre de les introduire dans un organisme. Ses collègues réagissaient souvent négativement aux expériences farfelues – mais bien intentionnées – entreprises par Karikó pour prouver qu’elle avait raison. Un doyen de faculté de Temple l’a un jour signalée comme illégale parce qu’elle avait envisagé de rejoindre une université concurrente. Elle a même reçu un ordre de quitter le territoire, mais a finalement trouvé refuge à l’UPenn. « Plus tard, j’ai revu ce professeur. Il avait oublié ce qu’il avait fait et j’ai pensé: pourquoi lui garder rancune? »
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Succès et échecs
Succès et échecs se sont succédé. Elle ne recevait plus d’argent pour les expériences qu’elle espérait réaliser, et des collègues avec qui elle collaborait étroitement ont choisi de travailler dans le secteur privé. Elle s’est à nouveau retrouvée seule. À plusieurs reprises, on lui a demandé de changer la direction de ses recherches. Un des plus grands obstacles auxquels elle a été confrontée était que l’ARNm, pourtant fabriqué dans toutes les cellules, n’était pas accepté par le corps humain lorsqu’il provenait de l’extérieur. Les souris auxquelles elle injectait les molécules ARNm tombaient malades. Le système immunitaire semblait les considérer comme des intrus pathogènes et provoquait une violente inflammation.
En 1998, elle rencontre Drew Weissman, qui travaille sur un vaccin contre le SIDA. Ils ont cherché ensemble la solution potentielle qui induisait la production de protéines sans provoquer de réaction violente.
Un coup de chance a tout changé. En 1998, elle se trouvait à la photocopieuse en même temps que le médecin et chercheur Drew Weissman. Il lui a expliqué qu’il cherchait un vaccin contre le SIDA. Elle s’est alors présentée comme experte en ARNm et a tenté un coup de bluff en lui disant qu’elle pouvait l’aider. Le problème: la question de la réaction inflammatoire n’était pas encore réglée. Ils ont cherché ensemble le mélange de molécules idoine et ont finalement trouvé une solution potentielle qui induisait la production de protéines sans provoquer de réaction violente. L’article fut publié en 2005, mais personne, à part eux, ne s’est montré enthousiaste à propos de l’énorme promesse de l’ARNm. Karikó et Weismann ont essayé de créer une société autour de leur découverte, mais le projet a échoué.
2013
En 2013, Karikó, faute de résultats tangibles, doit fermer son laboratoire. Ugur Sahin, qui avait entre-temps créé BioNTech à Mainz (Allemagne) avec sa femme Özlem Türeci lui offre un poste.
« Attention, cet endroit deviendra un musée »
En 2013, le bout du tunnel semblait en vue lorsque Karikó, faute de résultats tangibles, a été licenciée par l’UPenn et a dû fermer son laboratoire. Lors de son départ, elle a déclaré sans sourciller: « Attention, cet endroit deviendra vite un musée. » Elle a été repêchée par Ugur Sahin, qui avait entre-temps créé BioNTech à Mainz (Allemagne) avec sa femme Özlem Türeci, et s’est vu offrir un poste. Sahin connaissait le travail qu’elle avait accompli avec Weismann, tout comme le biologiste canadien Derrick Rossi, le fondateur de Moderna. Les deux sociétés de biotechnologie se sont mises au travail avec l’ARNm pour développer des médicaments et ont saisi l’occasion lorsqu’au début 2020, une mystérieuse maladie pulmonaire a fait son apparition en Chine. Les deux entreprises ont pu mettre au point leur vaccin quasi immédiatement après que les scientifiques à Wuhan aient publié le code génétique du nouveau coronavirus.
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Une révolution médicale – dont l’impact pourrait se révéler bien plus important que la lutte contre la pandémie – est aujourd’hui en vue.
Révolution médicale
Maintenant que la promesse a été tenue, une révolution médicale – dont l’impact pourrait se révéler bien plus important que la lutte contre la pandémie – est aujourd’hui en vue. Kalikó s’empresse de souligner que, même avant les vaccins, d’autres recherches sur l’ARNm, entre autres pour renforcer les vaisseaux sanguins après un pontage, étaient déjà bien avancées. Grâce au développement rapide des vaccins contre le coronavirus, le domaine d’étude a connu un important coup d’accélérateur. Cette technologie pourrait devenir une plate-forme pour le traitement de nombreuses maladies, l’idée fondamentale étant que si l’ARNm synthétique peut donner à nos cellules l’ordre de fabriquer certaines nouvelles protéines, les possibilités de produire des médicaments sur mesure sont quasiment infinies. « Les vaccins contre le coronavirus ne sont qu’un début. »
Des dizaines de projets de recherches ont été lancés pour développer des vaccins ARNm, notamment contre l’herpès, le Zika, le SIDA, le paludisme et le zona.
Entre-temps, des dizaines de projets de recherches ont été lancés pour développer des vaccins ARNm, notamment contre l’herpès, le Zika, le SIDA, le paludisme et le zona. Il reste bien entendu de nombreux problèmes pratiques à résoudre. Les vaccins ARNm sont connus pour être instables et doivent être conservés et transportés à des températures extrêmement basses. On espère cependant développer des vaccins universels capables de nous protéger contre de nouvelles formes de coronavirus ou de grippe en se concentrant sur la souche du virus plutôt que sur les parties mutantes. « C’est en cours », explique Karikó. « Cela pourrait nous protéger contre les virus qui ne sont pas encore passés de la chauve-souris à l’homme. »
« En réalité, je préférerais retrouver mon ancienne vie et lire des articles au lieu de parcourir le monde. »
« Nous devons nous attendre à ce qu’un nombre incroyable de publications voient le jour. Toutes les grandes firmes pharmaceutiques ont depuis lors investi dans l’ARNm pour s’assurer de disposer d’un programme de recherche opérationnel. En réalité, je préférerais retrouver mon ancienne vie et lire des articles au lieu de parcourir le monde », confie Kalikó en riant. Elle rêve même tout haut d’un avenir où les gens conserveraient dans leur frigo un ARNm à utiliser en cas de besoin. Elle a un jour élaboré une liste de 30 maladies susceptibles d’être traitées à l’aide de cette technologie. « C’est rapide, simple et bon marché. Cela devrait éliminer de nombreuses inégalités. Je peux difficilement entrer dans le détail de ce à quoi je travaille actuellement, car si j’en parle, tout le monde va immédiatement m’envoyer des mails pour me proposer de servir de cobaye. Et je ne souhaite décevoir personne. »
Les anti-vax voient dans cette technologie une manipulation de notre matériel génétique.
Au même moment, certains doutes – voire certaines craintes – subsistent à propos de cette technologie. Les anti-vax y voient une manipulation de notre matériel génétique. Le rejet par certains d’entre eux est tel que des personnages clés comme Ugur Sahin doivent être protégés 24/7 par des gardes du corps. La situation de Karikó n’est pas aussi grave. « Parfois, je lis un message disant qu’on veut me pendre. Ou quelqu’un est en colère parce que le cycle menstruel de sa femme est perturbé. Mais je reçois bien plus de réactions positives. » Elle a mis un point d’honneur à répondre personnellement à tous les messages et à tous les mails qu’elle reçoit avec des questions sur le fonctionnement des vaccins, à l’instar de Selye qui lui a répondu il y a 50 ans. « Souvent, je réponds simplement en faisant référence aux directives en vigueur. Mais je continue à répondre même s’il y a des centaines de mails qui m’attendent. C’est mon devoir en tant que scientifique. »
« Ma vie a beau ressembler à une lutte et à des revers permanents, ce n’est pas du tout le cas. »
Reconnaissante
N’a-t-elle pas tendance, après une traversée du désert de 40 ans, à crier haut et fort partout où elle se rend et reçoit des louanges « Je vous l’avais dit! »? « Je ne suis pas ce genre de personne. Je ne serais pas ici si je n’avais pas été licenciée ou quasiment expulsée des États-Unis. Cela devait arriver, sinon toutes ces autres choses ne se seraient pas non plus passées. C’est ainsi que je vois ma vie. Je suis surtout très reconnaissante. Ma vie a beau ressembler à une lutte et à des revers permanents, ce n’est pas du tout le cas. It was a joy! »
« Vivez votre rêve et pas les attentes des autres. Je n’étais pas un génie. Je n’avais aucun talent particulier. J’ai dû me battre à l’école. »
Elle estime que son histoire devrait surtout être une source d’inspiration pour les jeunes femmes et les pousser à faire des études scientifiques. « Il n’est pas nécessaire d’être parfaite. Il n’y a que 24 heures dans une journée, alors vivez votre rêve et pas les attentes des autres. Je n’étais pas un génie. Je n’avais aucun talent particulier. J’ai dû me battre à l’école. Mais mes parents ne me mettaient pas la pression. C’est simplement une énorme satisfaction d’être la première à comprendre quelque chose et à trouver une solution. C’est de la science fondamentale et je savais que cela allait servir à quelque chose. »
Ce dernier point en particulier lui apporte énormément de satisfaction, confie-t-elle. Bien plus que les nombreux prix, dont elle investit l’argent dans ses recherches (sauf si cela provient d’une organisation à but non lucratif, auquel cas elle propose de le reverser ou de le consacrer à un autre objectif). « Au début, tout cela me mettait mal à l’aise, car je ne suis pas quelqu’un qui cherche à être reconnu. Je m’appuie aussi sur le travail accompli avant moi par des milliers de personnes. »
Elle se dit heureuse que l’œuvre de sa vie et les innombrables heures passées dans son laboratoire sauvent des vies. « L’an dernier, j’ai reçu une lettre des résidents d’une maison de repos à New York. Ils m’avaient vue à la télévision quelques jours avant de recevoir leur vaccin. Une semaine plus tard, la maison de repos subissait une vague de contamination, ce qui, en l’absence de protection, aurait sans nul doute provoqué de nombreux décès. Mais personne n’est décédé. C’est pourquoi ils ont proclamé le 2 septembre comme étant le Katalin Karikó Appreciation Day. Ils m’ont envoyé des photos de la fête et des T-shirts qu’ils avaient fait fabriquer avec ma photo. Ils m’ont écrit qu’ils étaient contents d’avoir pu remercier quelqu’un. »
Katalin Karikó dans les grandes lignes
A obtenu un doctorat en biochimie à l’Université de Szeged.
À 30 ans, a déménagé aux États-Unis pour travailler à la Temple University à Philadelphie.
Associée à l’Université de Pennsylvanie (UPenn) depuis 1989.
A consacré toute sa carrière au développement de la technologie ARNm, qui a fait sa percée en 2020 pour le développement de vaccins efficaces contre le coronavirus.
Travaille depuis 2013 pour BioNTech, la société de biotechnologie allemande ayant développé un des vaccins contre le Covid-19 en collaboration avec Pfizer.
Après une carrière menée dans l’anonymat, elle a récemment obtenu de nombreux prix scientifiques prestigieux.
Maman d’une fille: Susan Francia, double championne olympique d’aviron.