Le vrai ou faux junior répond aux questions sur la sextorsion


Pourquoi le chantage à la vidéo (ou à la photo) intime a-t-il pris une grande ampleur depuis trois ans ? Pourquoi les jeunes sont-ils les plus concernés ? Margaux Stive, journaliste à franceinfo, et Samuel Comblez, psychologue et membre de l’association e-enfance, répondent aux questions des collégiens.

Publié le 01/03/2024 18 :27

Le vrai ou faux junior répond aux questions sur la sextorsion

Temps de lecture : 6 min

Les adolescents sont les principales victimes de sextorsion. (HALFPOINT IMAGES / MOMENT RF)

La sextorsion est devenue l’un des principaux dangers pour les adolescents sur les réseaux sociaux. Les victimes envoient des photos ou des vidéos d’elles dénudées à un proche ou à un inconnu qui va ensuite menacer de diffuser ces images. Un chantage afin d’obtenir, par exemple, de l’argent.

es élèves des collèges Jean Perrin dans les Hauts-de-Seine et André Derain dans les Yvelines nous interrogent au sujet de ce phénomène. Margaux Stive, journaliste à franceinfo et Samuel Comblez, psychologue, membre de l’association e-enfance et directeur du 3018 (ligne d’écoute nationale sur le cyberharcèlement), leur répondent.

Des escrocs de plus en plus rodés 

Camille nous demande s’il est vrai que les plaintes pour sextorsion sont en hausse.  « Oui », lui répond Margaux Stive, reporter au service police-justice de franceinfo. Elle a enquêté sur ce type de cyberharcèlement. « Pour donner une idée  : l’an dernier, il y a eu 12 000 signalements aux autorités françaises. Il y a trois ans, il y avait une dizaine de signalements par an. Donc ça a littéralement explosé. Comment expliquer cette augmentation ? Déjà, il y a de plus en plus d’escrocs. Avant, il y en avait dans des pays étrangers, notamment en Côte d’Ivoire. »

« Aujourd’hui, ce que la police observe, c’est qu’il y en a de plus en plus en France et de plus en plus d’escrocs très jeunes, c’est à dire de la sextorsion entre enfants ou entre adolescents. »

Margaux Stive, journaliste à franceinfo

« Ces escrocs sont de plus en plus rodés, c’est-à-dire par exemple, qu’ils vont faire des profils qui paraissent vraiment vrais avec des photos, ils alimentent le compte. Il y a aussi plus de jeunes sur les réseaux sociaux, notamment depuis le Covid, pour faire des rencontres amoureuses ou amicales parce qu’on était un peu seul dans sa chambre. Donc, plus de victimes, plus d’escrocs plus rodés et ça fait plus de sextorsions ».

Le piège peut commencer par un jeu vidéo

« Est-ce vrai que 79% des sextorsions ont lieu sur Snapchat et Instagram ? », se demande Bakara. Margaux Stive n’a pas de chiffre « aussi précis » mais « ce qui est vrai, poursuit-elle, c’est que la sextorsion se passe sur les réseaux sociaux où vont les adolescents : Snapchat, Instagram, Tiktok. Et ce que la police observe, c’est que de plus en plus, ça va commencer sur les jeux vidéo en ligne. Donc on joue avec quelqu’un, on s’entend bien, on s’aide dans le jeu et après l’escroc va amener sa victime à aller discuter, par exemple, sur WhatsApp ou sur des messageries cryptées »

Et c’est sur ces messageries que la sextorsion se met en place.

Les victimes et les auteurs sont, en majorité, des garçons

Aymen nous demande si 90% des signalements mettent en cause des personnes de sexe masculin ? Les escrocs sont, principalement, des personnes de sexe masculin, confirme Margaux. Et ce qui est plutôt inhabituel par rapport au cyberharcèlement en général, précise-t-elle, c’est que chez les jeunes, les victimes de sextorsion sont aussi, en majorité, des garçons (60% de garçons, 40% de filles). 

Un sentiment de culpabilité et de solitude

directeur du 30 18 : « Alors Lydia, c’est une question importante que tu poses parce que les impacts sont importants et souvent ils sont assez graves. Ce que l’on voit, c’est que quand les victimes nous appellent, elles sont souvent complètement démunies. Et souvent, elles n’osent en parler à personne parce que les photos sont souvent à caractère sexuel ou mettent en avant le corps dénudé ».

« C’est vrai que ce n’est pas évident d’en parler à ses parents, à ses enseignants ou même à ses copains. Et donc on sent souvent des victimes très seules, très apeurées, avec un sentiment très important de culpabilité parce qu’elles se disent ‘je suis un peu responsable de ce qui m’arrive puisque si je n’avais pas envoyé les photos, ça ne serait pas arrivé ensuite’. » 

Samuel Comblez, psychologue et directeur du 3018

à franceinfo

« C’est vraiment une idée qu’il faut s’enlever de la tête », insiste Samuel Comblez. Le vrai coupable c’est bien celui ou celle qui diffuse les photos. La victime, même si elle a envoyé volontairement ces images, a été manipulée, abusée.

Les plateformes peuvent retirer rapidement les contenus

Manika nous demande : « Quelles conséquences après un signalement de chantage à la vidéo intime ? Que risquent les accusés ? » Dans un premier temps, les équipes du 3018 peuvent demander au dirigeants des plateformes de retirer les images intimes. Et ça peut aller très vite, explique Samuel Comblez : « Surtout quand ces contenus sont à caractère sexuel et surtout sur des mineurs, en général, il n’y a pas beaucoup de discussion. Nous, on envoie des éléments de preuve, des captures d’écran de la situation, une petite explication évidemment sur ce qui s’est passé. Il nous faut aussi l’URL de la victime, éventuellement le nom ou un url de compte de l’escroc. Les réseaux sociaux avec lesquels nous sommes signaleurs de confiance vont retirer les contenus en général en quelques minutes ou en quelques heures. Parce qu’on travaille avec eux tous les jours, on fait des remontées de signalement tous les jours et donc ils ont l’habitude de collaborer avec nous, ils nous font confiance aussi ».

La police peut aussi contacter les plateformes et tenter d’arrêter les escrocs, indique Margaux Stive.

Ensuite que risquent les accusés ? Pour sextorsion, ils encourent jusqu’à dix ans de prison si la victime est mineure. Pour l’instant, la réalité, précise Margaux Stive, c’est que les enquêteurs ont beaucoup de mal à remonter jusqu’aux escrocs. À cause de l’anonymat d’internet et parce qu’ils sont souvent à l’étranger.

Il faut éviter d’envoyer des images de soi dénudé

Enfin, Mélinée se demande s’il est possible de savoir que quelqu’un nous vole des images à notre insu.Malheureusement, ce qu’expliquent Margaux Stive de franceinfo et Samuel Comblez du 30 18, c’est qu’il est presque impossible de démasquer un escroc avant qu’il agisse. Si l’on veut ne prendre aucun risque, le mieux, c’est tout simplement de ne pas envoyer de photo ou de vidéo de soi dénudé.

les équipes du 3018 sont joignables tous les jours de l’année de 9 heures à 23 heures.