Eolien en mer  : 4 questions sur ces projets qui divisent


Voitures électriques, production industrielle décarbonée, abandon progressif des chaudières au gaz … Pour répondre aux immenses défis posés par le changement climatique et tenter d’atteindre la neutralité carbone en 2050, la France va devoir diminuer drastiquement sa consommation d’énergies fossiles et augmenter, dans le même temps, sa production d’électricité. D’après les dernières prévisions du gestionnaire de réseau RTE, la France devra doubler sa production d’électricité renouvelable d’ici 2035, tout en maintenant à flot la production nucléaire, pour répondre à ses besoins.Pour y parvenir, Emmanuel Macron a décidé d’ accélérer massivement sur les renouvelables . Le président souhaite réussir à produire 40 gigawatts (40.000 MW) grâce à l’éolien offshore d’ici à 2050, ce qui représente environ 50 parcs. Cet objectif est-il atteignable ? Où en sont les projets en cours ? Explications.

1. Où en est la France ?

En France, seul un parc d’éolien en mer a vu le jour. Installées au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ces 80 éoliennes tournent depuis 2022 pour une puissance installée d’environ 500 mégawatts (MW). Si la filière estime que ce premier pas est encourageant, « la France est très en retard par rapport aux pays européens », juge Michel Gioria, délégué général de France Energie Eolienne (FEE), une association de défense de l’énergie éolienne.En effet, le Royaume-Uni – qui a la première façade maritime d’Europe, juste avant la France – a déjà atteint une puissance installée avec ses éoliennes offshore de 14.000 MW et l’Allemagne, de 8.000 MW.

Eolien en mer  : 4 questions sur ces projets qui divisent

2. La France a-t-elle besoin de ces éoliennes pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone ?

La France est, de loin, le pays européen doté de la plus importante capacité de production d’énergie nucléaire. Malgré la découverte de microfissures sur plusieurs réacteurs, le nucléaire a fourni 62,7 % de l’électricité consommée en France en 2022, selon RTE. Et la construction de nouveaux réacteurs EPR devrait accroître cette capacité de production. Alors, les opposants aux éoliennes s’interrogent sur l’opportunité de leur construction.« Les éoliennes, c’est beaucoup de nuisances : le bruit, l’esthétique, l’impact sur les fonds marins, sur les oiseaux… Mais s’il n’y avait que ça, on pourrait le supporter. Notre vrai questionnement, c’est l’utilité des éoliennes », explique Robert Ployart, président de l’association des Gardiens du large, opposée à la construction d’éoliennes offshore.Cette vision relève du fantasme, juge Michel Gioria. « Dans l’imaginaire collectif, les gens croient que la France n’a plus rien à faire pour sa décarbonation parce que le nécessaire a déjà été fait avec le nucléaire », explique le délégué général. « Or, le seul moyen d’augmenter assez fortement la production d’électricité au cours des 15 prochaines années, c’est de développer l’éolien et le photovoltaïque parce que les prochains réacteurs nucléaires arriveront trop tard », martèle-t-il.Une opinion confirmée par les précédents travaux de RTE . Dans un rapport publié en 2021, le gestionnaire du réseau estime que, d’ici à 2050, la consommation d’électricité en France pourrait avoir bondi de près de 30 % par rapport à 2020, pour atteindre 645 térawatt-heures par an. Or, même en cas de renouvellement du parc nucléaire français et de prolongation de la durée de vie de certains réacteurs existants, cette demande ne pourra être couverte qu’à 50 %, au maximum par de l’énergie nucléaire, prévoit RTE.Et pour assurer une forte production électrique, les éoliennes offshore sont bien plus efficaces que leur équivalant terrestres. « A puissance installée égale, cela permet de produire deux plus d’électricité », précise Michel Gioria. Le vent beaucoup plus constant au large des côtes et la possibilité d’installer des éoliennes plus puissantes expliquent ce doublement des capacités.

3. Pourquoi un tel retard ?

Dix ans après le lancement des premiers projets visant à doter la France d’un parc éolien offshore, le premier parc a été inauguré à Saint-Nazaire en 2022. Pourquoi un tel délai ? En raison des multiples recours en justice déposés par les opposants. « En France, on a un courant anti-éolien extrêmement structuré et organisé autour d’une vision claire : ‘j’attaquerai tous les projets’ », explique Michel Gioria, de FEE.« Il devrait y avoir huit parcs installés en France pour une puissance d’à peu près 4.000 MW. Ces parcs seront installés et raccordés plutôt à l’horizon 2030, alors qu’initialement, c’était prévu entre 2018 et 2020 », développe-t-il.Mais le gouvernement a également voulu aller trop vite, en zappant une étape pourtant cruciale pour l’acceptabilité des éoliennes : la planification. « La France lorsqu’elle a lancé les appels d’offres d’éolien en mer n’a pas lancé de grande consultation. Donc l’ensemble des acteurs de la mer se sont très légitimement inquiétés de ne pas avoir de visibilité sur l’endroit où aller être implantés les parcs et sur la suite des opérations à 15 ou 20 ans », juge le délégué général. « Ça a créé un phénomène de crispation tout à fait légitime », constate Michel Gioria.Le sujet est en train d’être revu, puisque l’Etat vient de lancer un processus de planification par façade maritime, avec un débat public à l’automne, afin d’établir pour 2024 une cartographie des zones d’implantation.

4. Que reproche-t-on aux éoliennes offshore ?

Les pécheurs et les associations de défense de l’environnement, comme l’ONG Sea Sheperd, craignent que les éoliennes affectent la biodiversité marine et tuent des oiseaux avec les pâles. Michel Gioria considère que ces impacts sur la biodiversité n’ont pas été prouvés. « Il y a 5.700 éoliennes installées en Europe et il n’y a pas d’études qui montrent un effondrement de la biodiversité marine ou de la faune volante », estime-t-il.Les opposants reprochent aussi aux éoliennes le fait que l’énergie produite soit intermittente. En effet, elle dépend de la force du vent et l’électricité ne pouvant pas être stockée, il faut que la production corresponde à la demande à l’instant t. « Il ne faut pas voir les choses de manière isolée », répond Jérémy Simon, délégué général adjoint du Syndicat des énergies renouvelables (SER). « Nous avons un réseau de connexions avec les autres pays européens et il y a toujours du vent quelque part en Europe », explique-t-il.Enfin, ces grandes structures sont considérées comme « moches » et certaines municipalités littorales craignent que cela puisse affecter le tourisme. « Au large de Belle-Île-en-mer, on aura 62 monuments de 300 mètres, la taille de la Tour Eiffel  ! On les verra beaucoup, ça va nous gâcher l’horizon », anticipe Robert Ployart, des Gardiens du large. « De toute façon, il n’y a pas de structures de production d’énergie qui n’aient aucun impact sur les sols, le paysage… Le nucléaire aussi à un impact », conclut Michel Gioria, de la FEE