La fabuleuse histoire du tramway lyonnais


Alors que les concertations publiques sur la création des deux nouvelles lignes T9 et T10 sont ouvertes, que la T6 est lancée et que les élus songent à repenser la T1, Tribune de Lyon se penche sur la longue histoire des tramways lyonnais. Riche de 34 lignes dans les années 1930, le réseau n’en possède plus que sept. Pourquoi les rails de l’ancien temps ont-ils disparu, et pourquoi reviennent-ils aujourd’hui sur le devant de la scène ? Retour sur une histoire passionnante, entre effervescence, passion, rupture et rabibochage à l’aube des années 2000.

Du T1… au T1. Au début des années 2000, le retour du tramway à Lyon, disparu des radars depuis belle lurette, est incarné par la ligne qui traverse la rue de Marseille. Non sans protestations à l’époque. Un choix qui continue d’animer les réflexions et joutes politiques aujourd’hui, au moment où il s’agit d’« apaiser » la place Gabriel-Péri dont la desserte par cette ligne cristallise bien des débats.

La fabuleuse histoire du tramway lyonnais

Jusqu’à interroger la pertinence de ce mode de transport et même à l’abandonner de longues années durant. Il fera son retour triomphal dans les années 1990. Car si, à l’heure du développement durable et de l’engouement pour les transports en commun, l’intérêt du tramway ne fait désormais plus guère de doute dans le débat public, ce ne fut pas toujours le cas.

Remonter le temps permet de comprendre un peu mieux ce changement d’humeur, et de se rappeler, par exemple, que si les trams d’aujourd’hui ont une jolie petite gueule en forme d’ogive futuriste d’un blanc clinique, ceux d’origine étaient une simple carriole tirée par des chevaux.

h2>130 millions de voyageurs par an

L’histoire commence le 11 octobre 1880. En ce jour d’automne, la mise en circulation du premier tramway lyonnais est effectuée entre Bellecour et le pont d’Écully. La ligne passe par les quais de Saône et le quartier de Vaise et fait partie d’un réseau de 43 km qui se développe rapidement, jusqu’à compter dix lignes en 1881. Un an plus tard, les trams lyonnais transportent déjà plus de 20 millions de passagers.

Le réseau s’étendra jusqu’à 34 lignes, avec la desserte des principaux axes de la ville et des faubourgs et communes limitrophes. À la veille de la Première Guerre mondiale, la compagnie des Omnibus et tramways lyonnais (OTL) transporte jusqu’à 130 millions de voyageurs par an et emploie plus de 2 700 agents. Le tramway lyonnais est à son apogée.

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La construction de la douzième ligne de tram en 1890 sera l’occasion d’expérimenter la traction des tramways par la vapeur. Mais leur performance était faible, puisque les rames ne pouvaient être rechargées qu’après un passage au dépôt. Les motrices pouvaient donc tomber rapidement en panne si elles manquaient de vapeur, et les usagers se retrouvaient coincés en plein trajet.

La guéguerre des compagnies

La principale compagnie gestionnaire des tramways à l’époque n’est autre que l’OTL, la compagnie des Omnibus et tramways lyonnais, créée en 1879. Quelques années plus tard, voyant fleurir un nouveau business, de nombreuses compagnies vont voir le jour et faire concurrence à l’OTL. On retrouvait sur le devant de la scène la CLT (Compagnie lyonnaise des tramways), le FOL (Fourvière Ouest lyonnais), ou encore la Compagnie électrique de Lyon – Croix-Rousse. Mais c’est l’OTL qui gardera le monopole.

La compagnie rachètera progressivement toutes les sociétés, dont sa plus célèbre concurrente, la CLT. En 1914, tout le réseau appartient à l’OTL à l’exception de la ligne Lyon – Neuville, et la compagnie génère des bénéfices exorbitants, de l’ordre de 2,5 millions de francs. La compagnie deviendra un simple opérateur du système en 1941, avec la création du syndicat des TCRL (Transports en commun de la région lyonnaise), un organisme public géré par la Ville et le Département.

Dégringolade progressive

Comme souvent l’apogée précède le déclin, les tramways lyonnais connaîtront celui-ci au milieu des années 1930. Les raisons de l’abandon progressif des lignes de trams sont plurielles. Parmi celles-ci, le développement de nouveaux modes de transport. Au fil des années, le routier se développe massivement, mais à cette époque, l’usage de la voiture personnelle n’est accessible qu’aux personnes les plus aisées.

Ce sont le transports en commun motorisés qui deviennent prépondérants, et les trams sont alors remplacés par des autobus et trolleybus. Le réseau se développe rapidement, passant de 5 lignes de bus à 16 lignes en quelques années. L’OTL tentera d’innover et de suivre la tendance. Car il faut agir vite et empêcher le développement de nouvelles compagnies d’autocar. L’entreprise mettra en place ses propres lignes en remplacement des lignes de tramways.

Comble de l’histoire, les tramways reviendront au goût du jour en 1939 alors que le pays rentre dans un nouveau conflit mondial et que les autobus sont réquisitionnés pour le transport de marchandises. Un pic de fréquentation de 231 millions d’usagers est observé en 1943.

Jusqu’en 1938, il était possible d’aller découvrir les aqueducs romains du Plat de l’Air à Chaponost en empruntant le tramway 14 au départ de la place de la Charité.

Les trolleybus ont la cote

Alors qu’une partie de la France est occupée par les Allemands, l’aménagement du territoire lyonnais en termes de transports en commun se poursuit timidement. Le syndicat des Transports en commun de la région lyonnaise (TCRL) prévoit un plan de modernisation qui entend maintenir les cinq principales lignes de tram. Toutes les autres lignes, au nombre de 24, seront converties en trolleybus. Mais tout ne se passera pas comme prévu.

Le plan de modernisation prévoyait la commande de nouveaux prototypes de tramway à une entreprise suisse. Or, la dévaluation du franc à la suite de la guerre ne permettra pas cet achat devenu trop onéreux. En conséquence, le plan d’aménagement est revu et le maintien des lignes de tramway abandonné. Elles seront dès lors progressivement remplacées par des lignes de trolleybus, si bien que Lyon sera sacrée « ville des trolleybus » lors du congrès de l’Union des voies ferrées en 1947.

Les principales lignes de tramway continuent toutefois à circuler jusqu’en 1956, date à laquelle le dernier tram urbain est supprimé. Dès lors, les trams circuleront annuellement lors de la Foire de Lyon pour y assurer la desserte interne, avant d’être complètement délaissés en avril 1958, sonnant la fin d’une longue histoire qui reprendra vie bien des années plus tard.

Plus de 40 ans d’abandon

plus aucun tramway ne circule dans la capitale des Gaules. Contrairement à leurs voisins stéphanois, les Lyonnais abandonnent leur tram, perçu comme un moyen de transport vétuste, symbole de l’ancien temps. Trop lent, trop bruyant, trop dangereux… Le tram sera remplacé par l’usage frénétique de la voiture, mais aussi par son concurrent souterrain, le métro. Toutefois, dans les années 1960, c’est d’abord l’autobus qui devient la nouvelle star des transports en commun, avant que le trolleybus ne fasse son retour après la crise pétrolière de 1973.

Le tram, victime de la guerre ?

Si les tramways ont été abandonnés au profit d’autres solutions, c’est aussi en partie à cause de la Première Guerre mondiale. Dès l’entrée en guerre de la France, presque la moitié des effectifs des agents de tramways sont mobilisés au front. Ils seront vite remplacés par des retraités et des femmes, mais les travaux d’expansion sont bel et bien figés.

Si l’effort de guerre permet de maintenir un cap, les profits engendrés ne dureront pas bien longtemps et les conséquences profondes du conflit se manifestent par la suite. Pénurie de matières premières, crise économique, essor de l’automobile… autant d’enjeux qui nuiront durablement à la compagnie des Omnibus et tramways lyonnais.

 

Un réseau de tram avorté

Dans les années 1980, le métro s’impose enfin. Mais puisque son financement est définitivement trop coûteux, et qu’il est en partie subventionné par l’État, ce dernier suggère à la Ville de Lyon de créer un nouveau réseau de tramway. Les ingénieurs de la Semaly, anciennement Egis Rail, plancheront sur un projet de « prémétro » dans lequel le réseau serait souterrain en centre-ville et en surface dans les banlieues. Une hypothèse qui sera vite délaissée, faute de soutien des élus locaux.

Il faudra en finir avec l’ère Pradel pour qu’un réel projet de réseau de tramway revienne sur la table. L’héritier de « Zizi Béton », Francisque Collomb, cède sa place à Michel Noir en 1989. Le plan à moyen terme pour les transports lyonnais présenté par le nouveau maire l’année suivante en surprendra plus d’un. Parmi le prolongement des lignes de métro et l’aménagement de nouvelles lignes de bus, il comporte un réseau de tramway. Le projet sera baptisé « Hippocampe », en raison de la forme de son réseau. La ligne de tram pensée dans le projet devait, entre autres, relier Gerland à la station Foch, en passant par Saint-Fons, Les Minguettes, le centre universitaire de La Doua et les gares de Vénissieux et Part-Dieu… Un projet qui finira, comme tant d’autres, aux oubliettes.

collection AFAC Rhône-alpes

La renaissance  : « c’était chaud  ! »

Il faudra attendre 1997 pour que le retour du tramway dans le réseau des transports en commun lyonnais soit définitivement acté par l’exécutif. Raymond Barre, le nouveau maire de centre droit élu deux ans plus tôt, envisage le développement de quatre nouvelles lignes de tram dans son Plan de déplacements urbains. Mais le projet de construction rencontrera de véhémentes oppositions, notamment de certains commerçants craignant le mauvais impact du tram sur la fréquentation de leurs boutiques.

« Les partisans du tram se sont réveillés dans les années 1980. Mais dans les années 1990, les vieux Lyonnais considèrent ça comme un retour en arrière ; le tram a par exemple quitté les Jacobins en 1955. Beaucoup de gens l’avaient connu et disaient que c’était lent, pas confortable, qu’on se bousculait dedans. Du coup, les gens ne voyaient pas du tout l’intérêt, en tout cas les plus anciens. Et puis c’était un peu lobby contre lobby  : le tram prenait de l’espace public et était considéré comme pas assez structurant, contrairement au métro. Avec un métro, on valorise énormément le foncier, le territoire autour prend de la valeur », explique Denis Broliquier, ancien maire du 2e qui siégeait alors au Sytral.

Le passage du T1 rue de Marseille était d’ailleurs déjà au cœur des polémiques. Le tracé était contraignant puisque la taille des rames ne pouvait excéder 2,40 mètres dans cette artère. « Quand Christian Philip (premier adjoint au maire et membre du Sytral, NDLR) a posé ce tracé, c’était chaud avec certains arrondissements et plus encore avec les commerçants, notamment rue de Marseille ; ce qui est amusant d’ailleurs, quand on voit que c’est encore remis en question aujourd’hui. Mais Christian Philip craignait que ça ne défigure les quais… Alors que le bâti rue de Marseille comportait de superbes immeubles. Il y a donc eu une sacrée foire d’empoigne  ! », se remémore l’ancien maire du 2e. Toutes les rames du tramway lyonnais, à l’exception de Rhônexpress, sont donc plus étroites en raison de ce passage rue de Marseille. 

La concurrence souterraine

À l’approche des années 1980, l’aménagement des transports en commun prend une tout autre dimension, souterraine cette fois-ci. Entre 1978 et 1984, les trois premières lignes du métro lyonnais sont construites. Voulant poursuivre le développement du réseau en proposant un axe est-ouest, la Ville se penchera à nouveau sur la possibilité d’une ligne de tram, avant d’opter pour le métro. La ligne D, petite sœur des trois premières, fera son apparition quelques années plus tard, engendrant un réaménagement complet du réseau de surface.

Le coût de la construction du métro lyonnais est exorbitant mais l’exécutif local de l’époque, incarné par le maire de centre droit Louis Pradel, et son successeur Francisque Collomb, est séduit par ce moyen de transport. L’électorat de droite préférait le métro, car l’aménagement souterrain des transports en commun permettait de valoriser le foncier et de préserver le patrimoine.

D’une manière générale, le duel métro – tramway a de tout temps tangué sur les retournements de tendances politiques. « Le tram coûtait moins cher et permettait de desservir des zones périphériques, c’est pour cela que les premiers partisans du tram, c’était les socialistes à l’époque  », confirme Denis Broliquier, membre du Sytral et ancien maire du 2e arrondissement.

Les années 2000, la course aux trams

AFAC Rhône-AlpesLes deux lignes au plus fort potentiel de croissance

Ces deux nouvelles lignes desservent des endroits stratégiques, tels que les deux principaux sites universitaires, plusieurs hôpitaux et la gare de la Part-Dieu. Suivra la création de la ligne T3 en 2006, reliant Meyzieu à Part-Dieu en 25 minutes, contre plus d’une heure auparavant. Puis c’est le Rhônexpress qui fait son apparition en 2010. Le début du XXIe siècle sonne donc le retour en grâce du tram, avec le développement de sept lignes en quelques années.

Et aujourd’hui encore, le fameux T1 de la renaissance pose la question de la pertinence de déplacer à nouveau les rails sur les quais, comme imaginé à l’origine et envisagé sous le mandat précédent. Possibilité évacuée par le vice-président délégué du Sytral Jean-Charles Kohlhaas (lire par ailleurs). Mais l’élu glisse que dans quatre ou cinq ans, le Sytral pourrait envisager une autre manière d’améliorer le réseau  : réaliser des « bouts » de tronçon de quelques centaines de mètres pour relier des lignes entre elles. Petit à petit, le tram refait son nid. 

Le tram repeint en vert

et deux nouvelles lignes T9 et T10, dont l’une reliera Vaulx-en-Velin à Villeurbanne et l’autre Vénissieux à Gerland.

À l’heure de l’écologie, ce sont les trams qui ont la cote, comme à l’époque. Certains diront que c’est parce que cela s’inaugure plus vite qu’un métro. Les deux moyens sont en tout cas toujours en concurrence  : si le métro E entre Alaï et Bellecour – Part-Dieu se concrétise (en balance avec le téléphérique), la ligne T8 promue par les Verts pendant la campagne, permettant justement de relier Part-Dieu et Bellecour, perd tout intérêt.

Un tramway renaît de ses cendres

C’est à Saint-Priest, au Centre de maintenance des tramways, que la motrice n° 439 repose. En activité jusqu’à la fin des années 1950, le tramway a effectué les trajets Saint-Jean – Sainte-Foy – Francheville, en passant par la montée de Choulans, avant d’être conservé comme engin de manœuvre dans le dépôt de Saint-Just.

Le wagon rouge est arrivé au Centre de maintenance de Saint-Priest en 2012 après de longues années d’errance de dépôt en dépôt. La motrice fait partie d’une série de sept fabriquées aux États-Unis et achetées par la compagnie du FOL (Fourvière Ouest lyonnais) en 1898, avant d’appartenir à la compagnie de l’OTL au début du XXe siècle.

Au centre de dépôt, l’ancien tramway est en réalité bichonné par une équipe de passionnés, regroupés au sein de l’association Athaly (Association pour le tramway touristique et historique de l’agglomération lyonnaise). Si le tramway n’est pas prêt d’être remis sur les rails, les membres de l’association espèrent toutefois qu’il puisse circuler un jour, lors d’expositions ou à titre touristique.

La motrice 439 est l’unique survivante de sa série. Elle a été rachetée par un groupe d’amateurs lyonnais à la fin de son exploitation, avant d’être récupérée par l’association Athaly en 2003. Partiellement restaurée, elle poursuit sa métamorphose  : après sa rénovation intérieure et extérieure, c’est sa toiture qui est en travaux. Si le tramway ne circule plus, son usage n’est toutefois pas délaissé  : en 1997, il a été utilisé par le réalisateur Claude Berri dans le cadre du tournage du film Lucie Aubrac, avec Carole Bouquet et Daniel Auteuil.

Trois questions à Jean-Charles Kohlhaas

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon aux Déplacements, à l’intermodalité et à la logistique urbaine, vice-président délégué du Sytral.

Est-ce que le développement du tram est un enjeu écologique ? Le développement des transports en commun est un enjeu écologique de manière générale. Chaque transport a son domaine de pertinence, du métro jusqu’au transport à la demande. Les transports, ce ne sont pas des infrastructures mais avant tout une science humaine. Il s’agit de savoir quels sont les besoins de mobilité de la population. En fonction de cela, il faut trouver les réponses les plus adaptées. Il n’est pas nécessaire de construire du métro, tout d’abord parce qu’il y a des endroits où il n’y en a pas besoin. Comme il n’y a pas d’intérêt à construire du tram partout, dans des endroits où l’on peut trouver d’autres moyens, plus rapides, plus efficaces. Quand on est sur plus de 100 000 voyages par jour, il faut un métro, car c’est un mode de transport fait pour des zones urbaines très denses. Le tramway a un domaine de compétence entre 20 000 et 100 000 voyages par jour et le bus se situe très légèrement en dessous. On ne peut pas imaginer qu’on aura un métro jusqu’à Sathonay car ce n’est pas pertinent et on ne va pas mettre un seul bus pour desservir Saint-Fons ou Villeurbanne. Il faut adapter la réponse aux besoins des citoyens.

Comment expliquez-vous le retour en grâce du tramway dans la ville ? Le tram a pris beaucoup de retard en comparaison avec les autres transports. On a fait beaucoup de métros dans les années 1980, puis on a lancé le tram en 2001, même si une majorité de la population y était opposée, un peu comme avec les transports par câble aujourd’hui. Les trams T9 et T10 étaient déjà inscrits dans le Plan de déplacements urbains de 1997. Les territoires concernés attendent le tram depuis longtemps  ! On rattrape donc notre retard par rapport à des engagements qui avaient été pris et qui nous semblent tout à fait justifiés. On ne crée pas des transports pour créer de la mobilité, on crée des transports pour répondre au besoin de mobilité des gens.

Qu’en est-il de la création du T8 et de l’arrêt du T1 place Gabriel-Péri ? Comme le président du Sytral l’a annoncé dernièrement, le T8 est mis de côté pour différentes raisons. Beaucoup de projets sont lancés et on ne peut pas tout faire en même temps. Il y a une consultation sur l’avenir du métro lancée par la Métropole, dont le tracé correspondrait à celui du T8, donc on attend de voir ce qu’elle va donner. C’était un projet qu’on avait avant l’élection mais en prenant connaissance des dossiers, on s’est rendu compte qu’il était encore trop tôt pour lancer les choses ; le T8 sera peut-être remis en question, ce n’est pas un projet prioritaire. Pour le tracé du T1, c’est à l’étude. Il y a un sujet « sécurité » sur ce secteur et on cherche des solutions, l’éventuel déplacement de la station de tram peut en être une. L’idée est de déplacer l’arrêt qui est rue de Marseille de l’autre côté de la place, cours de la Liberté. C’est un sujet qui dépasse largement la technique des transports. Aucune décision n’est prise pour le moment, ce n’est pas une urgence absolue.

Jacques Pèrenon, auteur de Lyon en tram au temps de l’OTL

G.

puis en 1855 entre Concorde et Sèvres à Paris. À Lyon, la Compagnie lyonnaise des omnibus (CLO) décide d’instaurer le tram en 1856. Elle achète des rails, 12 wagons, dresse un plan de lignes autour du centre et demande l’accord du préfet qui lui indique qu’elle n’a pas de concession, mais une autorisation temporaire et révocable. Elle a donc continué avec ses omnibus à roues… Orléans et Calais s’y sont mis, et les pourparlers ont duré longtemps à Lyon.

Et à l’époque, le tram, ce n’est pas ce qu’on imagine aujourd’hui…C’est un tram sur rails, une voiture à deux essieux tirée par un ou deux chevaux, et à deux niveaux. La vapeur est venue dix ans plus tard, en 1890, entre Saint-Fons et Vénissieux. C’était de la vapeur fabriquée dans une usine fixe et transférée dans la chaudière à chaque passage devant l’entrepôt, ce qui permettait de faire tourner la machine sur un aller-retour. C’était le coup de poker, car au moindre problème, plus de vapeur  ! Il n’y a que quelques lignes qui ont fonctionné comme ça pendant quelques années.

Bien sûr L’année d’après, l’OTL équipe la ligne d’Oullins en électrique, et c’est l’expansion.

À regarder les cartes de l’époque, on voit en effet un maillage conséquent, presque supérieur à celui d’aujourd’hui  !Le maillage partait très loin, jusqu’à La Balme, à 60 km, c’était sans doute l’un des plus grands réseaux de France. Aujourd’hui, on n’a que huit lignes de tram avec Rhônexpress, mais on a aussi le métro et le bus.

Qui étaient les usagers à cette époque ?Au début, c’était plutôt les gens qui avaient de l’argent, les bourgeois ; il y avait d’ailleurs une première classe jusqu’en 1920. Il n’y avait pas de scolaires et beaucoup d’ouvriers vivaient près des usines où ils travaillaient. Et le trafic était très dense le dimanche, toutes classes confondues. Toutes les lignes de banlieue débordaient ce jour-là.

En trois jours, ça a redémarré. Et la fréquentation est remontée à 225 millions de voyages en 1942. Il a été question de mettre des tramways modernes, d’en acheter en Suisse, mais ça ne s’est pas fait car c’était hors de prix. Puis Lyon est devenu la ville des trolleybus, même si les trams ont mis dix ans à disparaître.

Pourquoi a-t-on laissé le tramway disparaître finalement ?L’idée à la base était de conserver au moins quatre lignes en tramway moderne. Les principaux intéressés étaient d’accord  : les Ponts et Chaussées, la Ville et la compagnie exploitante. Mais ils ont fait une erreur en comptant trop sur la Suisse  : ils voulaient concevoir le prototype en Suisse, quitte à le construire ensuite sous licence en région lyonnaise. Mais avec les accords de Bretton Woods, le franc a perdu la moitié de sa valeur. Alors qu’en France, Lille avait fait une modernisation de son tram via une société française, et Lyon aurait pu s’associer à Lille, Roubaix ou Tourcoing. Au final, la seule ville à avoir gardé des trams, c’est Saint-Étienne… contre vents et marées. 1958, c’est la fin du tramway à Lyon, et la modernisation de celui de Saint-Étienne.

Son retour a été compliqué…Il y a eu une grosse opposition sur la ligne T1. Les gens l’appelaient « la manivelle » ; le célèbre avocat lyonnais Alain Jakubowicz a été très virulent à son sujet. Pour moi, le passage du tram rue de Marseille sauve la rue aujourd’hui. Sans lui, le quartier serait une « zone » ; regardez, personne ne se gare sur les voies du tram. Mais le tram avait une image déplorable, de ringardise. Et puis tout le monde voulait du métro à l’époque. Au début, Pradel se moquait bien du tram de Saint-Étienne et puis, avec le temps, il a arrêté, car il a vu que c’était quand même pas mal  !

Dossier réalisé par Romane Vilain et David Gossart