Dévoilé ce jeudi, le rapport annuel du Secours catholique (SC) fait froid dans le dos. Il montre qu’en pleine pandémie de Covid, entre 5 et 7 millions de personnes se sont présentées devant les centres de distribution alimentaire en 2020 en France. « Une humiliation que notre pays inflige à près de 10% de sa population », selon Véronique Devise et Vincent Destival, respectivement présidente et délégué général du SC.
Le constat est similaire dans le Var. « La période du printemps a précipité dans la pauvreté des personnes qui étaient sur le fil et qu’on a vu arriver pour la première fois », indique Benjamin Rosier, délégué départemental.
Artisans, nouveaux précaires, auto-entrepreneurs
Cela se traduit dans les chiffres, remontés par les équipes locales, « avec des familles déjà modestes qui ne pouvaient plus faire face. On a eu plus que d’habitude. Trois ménages sur dix ont subi une baisse de revenus en lien avec le travail et le chômage partiel et six sur dix ont vu leurs dépenses augmenter du fait de la fermeture des cantines scolaires. Le niveau de vie médian des ménages a baissé de façon significative, reflétant l’accroissement dans nos accueils de la part de ceux qui ont des ressources extrêmement faibles, voire nulles ».
Il souligne aussi : « La part des migrants s’est accrue », rappelant que « les étrangers sans statut légal stable n’ont pas le droit de travailler. Un tiers de ceux que nous avons accompagnés vient du Maghreb, notamment de la Tunisie. La manière dont a été gérée la crise sanitaire dans ces pays et l’absence d’écoute des revendications démocratiques font qu’on a eu énormément de mineurs et de majeurs seuls. Parmi les familles, la part de celles sans papiers, donc sans ressources, a augmenté clairement, notamment sur les demandes d’aide alimentaire car tout ce qui est travail au noir a été réduit, totalement arrêté au premier confinement ».
en revanche, le nombre de jeunes de moins de 25 ans, en couple et parfois avec enfants, a grimpé.
En 2021, ces demandes d’aide alimentaire ne faiblissent pas. « 27% des personnes en insécurité alimentaire grave expriment une véritable inquiétude sur leur santé et celle de leurs enfants ».
Enfin, « la précarité s’installe aussi en matière de logement. Et l’explosion du prix de l’énergie laisse craindre le pire pour cet hiver ».
Des propositions et des attentes
La situation ne semble pas s’améliorer en 2021. « On s’attend à un retour de bâton sur le front de l’emploi » redoute le délégué départemental.
Face à tant de drames, que faut-il faire? « L’un des enseignements de cette crise c’est la question de l’accès digne à l’alimentation, répond Benjamin Rosier. Le RSA ne suffit pas. Le Secours catholique demande un revenu minimum garanti qui soit fixé à 50% du revenu médian en France pour tous les adultes en situation régulière et sous conditions de ressources. On va le porter très fort pendant la campagne électorale de la présidentielle ».
isolement ou fracture numérique ».
Les « gilets orange » se retroussent les manches
Quelque 190 tonnes ! Alors que les bénévoles de la Banque alimentaire du Var préparent leur grande collecte annuelle, ils ont en tête le record établi l’an dernier en pleine deuxième vague de la crise sanitaire.
les Varois s’étaient montrés particulièrement généreux. « Alors qu’on était très inquiets, compte-tenu des contraintes sanitaires, on avait récolté plus qu’en 2019 (175 tonnes), qu’en 2018 (165 tonnes) et en 2017 (160 tonnes) », savoure Joël Gatullo, président de la structure.
138 magasins partenaires
Au moment de motiver les 2.500 à 3.000 bénévoles (membres de toutes les associations partenaires de la Banque alimentaire) pour qu’ils se postent derrière les caisses de 138 grandes surfaces varoises, les « gilets oranges » espèrent récidiver.
Eux qui préfèrent conjuguer discrétion et efficacité tout au long de l’année savent qu’ils vont devoir sortir de leur réserve pour attirer l’attention et encourager la solidarité. « Le message qu’on peut faire passer, c’est qu’il n’y a pas que les pâtes ! sourit Joël Gatullo. Il en faut bien sûr, mais c’est aussi important de pouvoir offrir des petits plaisirs comme du chocolat ou des gâteaux apéritifs. ».
Trois actus de la Banque alimentaire
La ramasse à la ramasse !
Depuis qu’elles luttent réellement contre le gaspillage alimentaire (principalement en bradant les produits qui approchent de la date de péremption), les grandes surfaces ont moins de « frais » à offrir aux bénévoles de la Banque alimentaire (BA) qui tous les jours viennent réaliser « la ramasse ». « On récoltait jusqu’à 900 tonnes de produits frais par an. On n’est plus qu’à 450 tonnes, soupire Joël Gatullo, président de la BA83. C’est comme ça. à nous d’être imaginatif pour continuer à offrir du frais ». Le président se console en constatant que la collecte prend du volume du côté des plateformes de distribution qui les alimentent.
Une convention avec les étudiants
Ne reste plus qu’à trouver un local pour faciliter l’installation de la distribution.
Cap sur le Haut Var
on doit pouvoir arriver dans 3 nouveaux villages
Un besoin de bénévoles
Le Secours catholique du Var recherche des bénévoles. « On en a perdu un petit peu pendant la crise et on en a aussi accueilli de nouveaux, un peu plus jeunes, précise Benjamin Rosier. On en a besoin pour deux nouveaux accueils qui seront prochainement inaugurés à Toulon, un en centre-ville, l’autre à Saint-Jean-du-Var où il y aura un point accueil migrants et un espace “talents et interculturel” pour promouvoir la culture de la rencontre ».
L’association caritative, présente dans le Haut Var (Barjols, Régusse), y porte également un projet de bus « La ruche aux idées » pour Barjols, Carcès, « et un troisième lieu qu’on recherche, ainsi que des bénévoles ».
Car l’isolement en milieu rural est l’un des champs de pauvreté. À l’origine, le prix des loyers qui explose sur la côte dans un département touristique.
« Les gens se replient dans l’arrière-pays, en sacrifiant leur employabilité. C’est un vrai problème dans le Var. Il faut relever le parc des logements sociaux », dit-il. En attendant, le Secours catholique se rapproche de ces exilés, qui pour se mettre un toit sur la tête à moindres frais se retrouvent souvent dans des passoires thermiques.
notamment sur Provence Verte et Provence Verdon », ajoute-t-il.
Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire des inégalités: « La crise a révélé le problème »
Anne Brunner codirige avec Louis Maurin le rapport sur la pauvreté en France.
La précarité alimentaire a-t-elle vraiment explosé avec la crise sanitaire?
La crise a surtout révélé ce problème. Ce n’est pas une explosion, mais une nette augmentation. Ce n’est pas nouveau, nous l’observons déjà depuis une dizaine d’années.
Quelles sont les raisons de l’augmentation?
etc. Quand les gens ont des difficultés financières, ils ne peuvent arbitrer que sur des choses, pourtant absolument nécessaires, que sont la nourriture et le chauffage en hiver.
La crise sanitaire a quand même touché les plus vulnérables?
Tout le monde a en tête les files d’attente affolantes dans les centres de distribution. C’est vrai, les plus précaires ont été encore fragilisés. Ce sont eux qui ont perdu le plus vite leur travail, les heures sup’. Mais on ne peut pas dire que la population est affamée. L’étude Inca 3 de 2015 qui reste une référence parle de 1 % de la population, ça fait quand même 600 000 personnes, c’est énorme, mais on est loin des 7 millions de Français qui se sont tournés vers l’aide alimentaire.
Le Secours catholique dans le Var
Le Secours catholique (SC) du Var, ce sont 432 bénévoles, répartis dans 28 équipes locales et 28 lieux d’accueil dont 14 permanences de solidarité.
14.000 personnes ont été accompagnées par le CS en 2020 (moins de 10.000 en 2018). Les mères seules et femmes seules représentaient respectivement 30,3% et 25,7% des personnes aidées (25,7% et 33,7% en 2019).
La part des couples avec enfants a aussi augmenté, de 10,4% à 13,3% entre 2019 et 2020.
La part des jeunes (moins de 25 ans) a plus que doublé en un an (2,4% en 2019, 5,1% en 2020).
Les principales demandes d’aide concernent le loyer, les factures d’eau et d’énergie, qui ont bondi de 5 points entre 2019 et 2020, passant de 33,5% à 38,8%, alors qu’elles n’étaient que de 6,7% en 2015. Vient ensuite l’alimentation, avec un bon de près de 10 points: l’aide alimentaire qui représentait 18,2% des demandes en 2019 a atteint 27,7% en 2020.