Bart De Wever est fatigué de devoir toujours répondre à la même question, qui le met mal à l'aise


La N-VA a présenté sa tête de liste dans le Brabant wallon. Quelles sont les chances du parti nationaliste au sud du pays ?Les nationalistes flamands et Theo Francken attirent un certain électorat mécontent à Bruxelles et en Belgique francophone, notamment grâce à leur discours sur l’immigration ainsi qu’à leur programme de droite. Mais le MR sera plus populaire auprès des électeurs francophones.

La N-VA ne sera pas élue dans le Brabant wallon. Elle va peut-être toutefois affaiblir les libéraux.Jan Jambon dit que le Vlaams Belang est un parti comme les autres.

Bart De Wever est fatigué de devoir toujours répondre à la même question, qui le met mal à l'aise

Bart De Wever le recadre très rapidement. A quoi joue la N-VA ?Il ne faut pas tellement voir une stratégie derrière ces deux sorties contradictoires. En réalité, la N-VA n’aime pas aborder ce sujet.

Pourtant, les nationalistes sont constamment confrontés à cette même question à chaque interview en Flandre: faut-il ou non rompre le cordon sanitaire ? On sent que la N-VA est très mal à l’aise et en a un peu marre. D’un côté, ils ne veulent pas froisser les électeurs du Vlaams Belang en disant que ce parti ne doit pas monter au pouvoir. D’un autre côté, ils ne veulent pas trop lui céder non plus et lui donner l’image d’une formation qui pourrait gouverner.

Les nationalistes sont un peu coincés et ne peuvent pas donner une réponse claire. C’est un vrai problème pour la N-VA. Ils essaient donc d’esquiver en jouant sur le fait que le vote pour le Vlaams Belang est un vote inutile.

Au niveau fédéral, la question de briser le cordon sanitaire ne se posera jamais: les partis francophones ne travailleront jamais avec l’extrême droite.Y a-t-il des dissensions au sommet du parti sur cette possible alliance avec l’extrême droite ?Il est certain que des tensions existent au sein de la N-VA au sujet du Vlaams Belang. Selon un sondage, 53% des électeurs du parti sont favorables à une telle alliance.

C’est naturellement quelque chose qui se fait ressentir également au sein de la formation politique. Certains pensent qu’il faut collaborer avec l’extrême droite. Ils estiment que c’est peut-être la seule façon de leur faire perdre des plumes.

Les études montrent que les partis qui montent au pouvoir ne performent pas au scrutin suivant. Une partie des nationalistes pense qu’il vaut mieux pousser le Vlaams Belang à prendre ses responsabilités, plutôt que de lui laisser à nouveau l’occasion de faire du bruit dans l’opposition.Comment Bart De Wever peut-il sortir de cette situation sans diviser davantage son parti ?S’il arrive à imposer des négociations sur une nouvelle réforme de l’Etat au niveau fédéral, il arrivera à gérer ces tensions au sein de son parti et à convaincre tout le monde qu’il ne faut pas s’allier à la formation de Van Grieken.

Mais si le bourgmestre d’Anvers échoue, la pression va s’accentuer au sein de la N-VA pour monter au pouvoir avec l’extrême droite. Et là, le cordon sanitaire pourrait être rompu. En plus, le Vlaams Belang est le plus grand parti de Flandre, plus important que la N-VA, donc on pourrait se retrouver avec Tom Van Grieken comme ministre-président.

Mais ce serait compliqué pour les nationalistes qui seraient le parti le moins fort de la coalition.Comment cette montée au pouvoir du Vlaams Belang serait-elle perçue au nord du pays ?Il y aurait bien entendu beaucoup de critiques. Surtout de la part des partis politiques.

Mais également de la part de pas mal d’électeurs flamands, qui ont déjà montré leur volonté de maintenir le cordon sanitaire. Evidemment, une partie non-négligeable des Flamands ne sont pas défavorables à cette montée au pouvoir de l’extrême droite. Et ce ne sont pas que des gens de droite.

Ça ne concerne pas la majorité, mais certains électeurs de Groen et de Vooruit se positionnent de la sorte. De manière générale, en Flandre, un gouvernement avec le Vlaams Belang pourrait convenir aux électeurs. Beaucoup plus qu’au sud du pays.

« Bart De Wever pourrait mener le pays à une situation tout aussi inédite que chaotique »Groen, Ecolo, Vooruit, le PS et le PTB veulent mettre en place une « taxe des millionnaires ». Une telle mesure pourrait-elle réellement aboutir ?Il faut tout d’abord noter cette évolution assez flagrante: on a toujours parlé d’un impôt sur les plus-value et, à présent, il est question d’une taxe sur la fortune. La mesure a donc été gauchisée.

C’est une évolution dans la campagne qui s’observe également chez les partis de gauche flamands, qui donnent un coup de volant à gauche. Le PTB met la pression, avec une campagne très agressive sur le sujet. Les partis de gauche se sentent obligés de le suivre pour éviter de perdre des électeurs.

Quand on regarde les sondages, on voit que Groen et Vooruit ne vont pas très bien. Le PTB s’en sort un peu mieux. Il est donc logique que les autres partis l’aient à l’oeil et qu’ils le copient sur certains aspects.

A savoir si c’est faisable, il est clair que la taxation de la fortune serait très compliquée ç appliquer. D’autant que ça ne serait pas du tout accepté par les libéraux, ni même par la N-VA. Donc si la Vivaldi est reconduite ou si un gouvernement avec la N-VA se forme, je ne vois pas cette mesure aboutir.

Cela va rester un thème de campagne.Est-ce une stratégie efficace pour les partis de gauche de se calquer sur certaines mesures prônées par le PTB ?Je comprends qu’ils le fassent. Ils ont peur de perdre des électeurs au profit du PTB.

Mais en mettant en avant une mesure qui est typique de l’extrême gauche, vous placez son discours à l’avant-plan de la campagne. C’est donner davantage d’importance au PTB. Les partis de gauche sont donc confrontés à un choix difficile.

Des partis comme Vooruit ou Groen essaient avant tout de montrer que les propositions du PTB sont avant tout irréalistes et populistes. Pour le contrecarrer, ils proposent d’autres manières de taxer la fortune de manière réaliste. Ils veulent montrer que le PTB est un parti qui ne prendra jamais ses responsabilités, qui ne montera jamais au pouvoir et qui est incapable de gouverner.

Ils copient donc ses idées en les rendant plus envisageables. Ainsi ils invitent les électeurs de gauche à voter pour eux, parce que, contrairement au PTB, ils vont vraiment faire bouger les choses.De Wever a estimé que cette taxe allait finir par retomber sur les épaules de la classe moyenne.

« Ce sont les personnes qui épargnent, travaillent et entreprennent ou, en d’autres termes, les Flamands qui paieront cet impôt », a-t-il expliqué. Qu’en pensez-vous ?Cette crainte est partagée par certains experts qui estiment également que la classe moyenne finirait par payer en partie cette taxe sur la fortune. Je ne suis pas économiste donc je ne peux pas vraiment me positionner.

Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit d’une réaction typique de Bart De Wever. Il a recours à un slogan qu’il utilise souvent afin de convaincre les travailleurs et les entrepreneurs de la classe moyenne qui font partie de son public cible. Il veut leur montrer que les mesures de la gauche les toucheraient.

Il essaie aussi de mettre en avant la question communautaire, ce qui est aussi typique de la N-VA. Il veut accentuer les différences entre le nord et le sud du pays, pour obtenir sa réforme de l’Etat. Il préfère parler du volet communautaire que du cordon sanitairePaul Magnette s’en est pris au PTB lors du débat des présidents de parti en traitant ses membres de « couillons ».

La phrase a fait réagir. Le président socialiste a réitéré ses dires. Cette façon de mener campagne peut-elle être gagnante pour le socialiste ?Le PTB est surtout un point d’attention en Belgique francophone, où il est assez puissant.

Au nord du pays, même si le parti risque d’obtenir un meilleur score qu’en 2019, la menace du PTB reste bien moins importante. Personne n’envisage de former un gouvernement avec l’extrême gauche en Flandre. Magnette utilise la même stratégie vis-à-vis du PTB que Bart De Wever vis-à-vis du Vlaams Belang.

Il dit que son adversaire n’est qu’un leurre, un lâche et qu’il ne montera jamais au pouvoir. En gros, il fait passer le message que le vote pour le PTB est un vote inutile. De Wever et Magnette utilisent la même stratégie mais vis-à-vis d’un autre parti.

Le parti de Raoul Hedebouw est-il le principal danger pour le PS ?Bonne question… Je pense bien que le PTB est une grande menace pour le PS. Les études montrent qu’il y a une grande migration d’électeurs entre ces deux partis. Ce sont des formations qui visent un peu les mêmes personnes.

Donc c’est un vrai danger pour le PS. Mais il y a d’autres partis qui peuvent s’adresser à certains électeurs du PS. Je pense aux Engagés, qui sont en croissance.

Raoul Hedebouw est très connu au sud du pays. A-t-il également un franc succès en Flandre ?Oui. Selon les derniers sondages, c’est la quatrième personnalité politique préférée des Flamands et l’homme politique de gauche préféré au nord du pays.

Il a un certain charisme et il parle très bien le néerlandais, ce qui est très apprécié. Certains trouvent aussi que c’est une figure amusante. Il est apparu dans quelques programmes de divertissement, dont la célèbre émission De Slimste Mens Ter Wereld.

Ce n’est pas anodin car c’est également grâce à ce programme que la popularité de Bart De Wever a grimpé en flèche.