Léa Falco, la «génération climat» en action


Mais comment qualifier au juste Léa Falco ? « Ça dépend des jours », serions-nous tentés de répondre, bien en peine de la faire entrer dans une case tant elle se glisse dans les costumes de l’activiste, experte, ou chroniqueuse avec une facilité déconcertante. Après s’être fait connaître comme une jeune militante écologique et charismatique, elle est aujourd’hui chargée d’élaborer un programme de formation aux enjeux environnementaux à l’École des Ponts ParisTech. Quand on l’a rencontrée, en septembre dernier, dans un café près du Palais-Bourbon, la jeune femme de 25 ans sortait tout juste des locaux de la chaîne LCP, où elle s’est vue confier une pastille hebdomadaire sur l’écologie.Quatre mois plus tard, mercredi 24 janvier, elle lance avec quatre ingénieurs et le philosophe Pierre Charbonnier une association baptisée Construire l’écologie pour rassembler les professionnels de la transition environnementale. «Nous allons aborder les sujets et les blocages de manière très concrète, en mettant tout le monde autour de la table (patrons, ONG, élus locaux), avec des cas pratiques bien précis », souligne-t-elle.À la différence des autres associations de professionnels de la transition, comme les Shifters (à l’origine un groupe d’ingénieurs), ou Le Lierre dans la fonction publique, Construire l’écologie veut mettre le travail et la question sociale au centre de sa réflexion. Une structure qui se veut « apartisane » à l’approche des élections européennes

« Prise de conscience progressive »

à Melun raconte-t-elle.À son retour à Paris, elle s’engage dans l’association Pour un réveil écologique, à l’origine du manifeste signé par 34 000 étudiants et jeunes diplômés dans lequel ceux-ci interpellent leurs futurs employeurs sur la nécessaire transition, et militent pour davantage de formations sur les enjeux environnementaux. Invitée sur un plateau télé, elle est repérée par la production des «Grandes Gueules», sur RMC, où elle fera une saison en tant que pensionnaire, alors qu’elle est encore étudiante. À l’heure des marches étudiantes lancées par Greta Thunberg, elle devient ainsi l’une de ces figures emblématiques de la « génération climat » qui émergent sur la scène médiatique. Sa recette : un discours clair et précis, assumé à gauche, de la nuance et… beaucoup de chiffres. RMC ne la renouvellera pas. « Je n’avais pas vraiment le profil Grande Gueule, sourit-elle spontanément. Mais c’était intéressant de faire entendre une autre vision de l’écologie à des gens qui ne sont pas forcément sensibles à la question. »

Léa Falco, la «génération climat» en action

Formation des agents publics

Qu’importe. Après avoir obtenu son diplôme, elle travaille à partir de 2022 à ce programme de formation à l’École des ponts ParisTech, pour former 25 000 agents de la fonction publique sur l’adaptation de leurs pratiques professionnelles à l’urgence environnementale. Et vient de commencer une thèse sur le sujet, supervisée par le ministère de la transition et l’École des ponts…De là à s’éloigner de l’engagement des débuts pour rentrer dans un moule techno ? Aux yeux de Pierre Charbonnier, qui a fait appel à elle pour lancer l’association : « Son profil est au contraire une force. Elle a une connaissance très fine des sujets environnementaux, des institutions, des blocages et des leviers, juge-t-il. Et en même temps, son expérience associative en fait une excellente stratège.Elle est extrêmement impressionnante intellectuellement.

»Elle-même n’a aucune hésitation à se définir comme radicale, « au sens d’attaquer les choses à la racine, précise-t-elle. On peut questionner en profondeur les causes d’un problème, être radical dans les propositions tout en étant nuancé dans la façon de parvenir au résultat. »Dans un essai publié en 2023, Faire écologie ensemble (1), titre qui pourrait faire office de mantra personnel, elle prône une « écologie par défaut » : « Aujourd’hui, toutes les structures publiques et privées font que la plupart des décisions les plus efficaces sur le plan climatique nécessitent un effort, de sortir de son confort, dit-elle. Si l’on veut qu’elles soient adoptées par le plus grand monde, il faut inverser la norme et faire en sorte que le choix écologique soit le plus simple. » Ce qui implique investissements, subventions, régulations. Mais aussi de dépasser, dans les discours, les oppositions toujours ressassées entre jeunes et moins jeunes, entre fin du monde et fin du mois… et éviter ainsi tout fatalisme face à la crise environnementale.———

« L’écologie est désormais très présente dans les médias »

« Quand j’ai commencé à militer en 2017, le débat sur les sujets environnementaux était encore marginal. Cinq ans plus tard, l’avancée est considérable : la question écologique est désormais très présente dans les médias. On en parle, pas toujours correctement, mais ça progresse et le sujet irrigue désormais les discussions. Si l’on continue sur cette lancée, dans cinq ans, on sera encore plus proches d’être sur les bons rails qu’aujourd’hui. »——–(1) Faire écologie ensemble : La guerre des générations n’aura pas lieu, Léa Falco, Rue de l’échiquier, 2023, 96 p. 12 €