La réélection d'Emmanuel Macron est historique mais marque le début des ennuis


à ParisC’est un exploit électoral. Avec 58% des voix, Emmanuel Macron a été réélu ce dimanche 24 avril, selon les estimations d’Ipsos-Sopra-Steria face à Marine Le Pen (42%). Jamais, avant lui, un président sortant n’avait réussi la prouesse d’être réélu, hors période de cohabitation.Il y a cinq ans, François Hollande désespérément bas dans les intentions de vote et après un mandat marqué par les difficultés politiques avait renoncé à se représenter en 2017. Avant lui, en 2012, Nicolas Sarkozy s’était incliné (avec 48.4% des suffrages) face à François Hollande. L’ancien premier secrétaire du PS avait joué sur la fibre “anti-Sarkozy” du pays, dans une anaphore restée célèbre, “moi président”, pour critiquer en creux le bilan de son prédécesseur.Avant Emmanuel Macron, seuls Jacques Chirac en 2002 s’impose largement face à Jean-Marie Le Pen (82,2%) -mais c’est la gauche et Lionel Jospin qui gouvernaient – et François Mitterrand, en 1988, réélu face à son Premier ministre Jacques Chirac (54%).

Une réélection et un score du RN historiques

Une réélection qui s’inscrit dans l’Histoire, tout comme le score de l’extrême droite qui n’a jamais été aussi élevé, alors qu’Emmanuel Macron avait promis en 2017 de ne plus donner de raisons aux Français de “voter pour les extrêmes”. C’est un échec. En vingt ans, l’extrême droite française double son score ; Marine Le Pen obtient huit points de plus qu’en 2017.C’est donc à la tête d’un pays ultra-divisé qu’Emmanuel Macron va gouverner cinq ans de plus. Entre les abstentionnistes (un quart des inscrits au premier tour), les 42% qui ont voté pour Marine Le Pen et les 22% de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, qui, pour beaucoup, sont allés faire barrage, le chef de l’État est reconduit sans adhésion majeure à son projet.Ce n’est pourtant pas ce que semblaient constater certains de ses ministres pendant la soirée électorale, comme Agnès Pannier-Runacher, sur Public Sénat. “Je suis très heureuse de la confiance des Français, c’est un président plutôt bien élu. Dans ce moment, c’est le meilleur projet pour les Français”, analyse la ministre déléguée à l’Industrie. Bruno Le Maire, quelques minutes plus tôt était plus nuancé : “Les messages ont été reçus 5/5, il nous faudra aller plus vite pour la lutte contre le réchauffement climatique et pour nos compatriotes en grandes difficultés”, proposait le ministre de l’Économie. il faudra y répondre en attitude. Le pays ne supporte plus le passage en force, on aura donc un sujet sur la méthode”, prévenait, quelques jours avant le second tour, un ministre de Jean Castex auprès du HuffPost.En arrivant sur la scène du champ de mars, dimanche 24 avril au soir, au bras de son épouse Brigitte Macron, Emmanuel Macron a fait le même choix de musique qu’il y a cinq ans: l’Ode à la joie, de Beethoven qui est aussi l’hymne européen. Au risque de répéter le même quinquennat, marqué par les crises et les divisions? “Nombre de nos compatriotes ont voté pour moi pour faire barrage aux idées de l’extrême droite et je veux les remercier. Leur dire que ce vote m’oblige pour les années à venir”, a déclaré le président réélu.

La réélection d'Emmanuel Macron est historique mais marque le début des ennuis

Nous devrons être bienveillants et nul ne sera laissé sur le bord du chemin.Emmanuel Macron, le 24 avril 2022

Il a promis, comme dans l’entre-deux-tours, une méthode “collective refondée”, sans en dessiner les contours et promet ”cinq années de mieux” et une ”société plus juste”. ”Nous avons tant à faire. Nous devrons être bienveillants et nul ne sera laissé sur le bord du chemin”, a assuré le président réélu, conscient que ces propos lui seront ressortis en cas d’oubli. Au cours du même discours, il mettait tout de même l’accent sur sa marque de fabrique : “c’est un projet fondé sur le travail, fondé sur la libération de nos forces académiques, culturelles, entrepreneuriales”. Comme s’il tentait, dès son discours de victoire, de rejouer la carte du “en même temps” dont beaucoup d’électeurs se méfient désormais. “Il faudra travailler la recherche de consensus avec des forces politiques avec lesquelles on n’est pas d’accord”, suggérait le même ministre au lendemain du débat de l’entre-deux-tours.

Le plus dur arrive

Car s’il a réussi l’exploit électoral et historique d’être réélu, le plus dur arrive pour Emmanuel Macron. À commencer par les législatives prévues les 12 et 19 juin. Ce dimanche soir, elles étaient de tous les discours politiques. Dès 20h10, Marine Le Pen salue le score historiquement haut de son mouvement et lance la “bataille des législatives”. “Ce soir, je le redis, jamais je n’abandonnerai les Français”, exprime la candidate défaite qui verra tout de même le patron de Reconquête !, Éric Zemmour et sa volonté d’union des droites lui convoiter des circonscriptions.Sur sa gauche, Emmanuel Macron peut compter sur un Jean-Luc Mélenchon plus déterminé que jamais pour se faire ”élire” Premier ministre. C’est ainsi qu’il a démarré son combat pour ce qu’il nomme le “troisième tour” en essayant de rassembler la gauche derrière son “union populaire”. Même si le Premier ministre est nommé, Mélenchon poursuit son offensive pour tenter de mobiliser un électorat d’habitude peu enclin à voter à ces élections. Bien que troisième homme, éliminé du second tour, il s’exprime ce dimanche 24 avril entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, bien décidé à exister : “Les 12 et 19 juin, vous pouvez battre monsieur Macron (.) vous pouvez m’élire comme Premier ministre”, a insisté celui qui a commencé à mener campagne depuis sa défaite du 10 avril, sans perdre de temps.

Respecter ses promesses écologistes

Emmanuel Macron a beaucoup promis dans cet entre-deux tours, notamment pour donner des gages aux électeurs de gauche. Il devra respecter sa promesse de nommer un Premier ministre dédié aux enjeux climatiques et deux ministres associés pour réaliser la “planification écologiste”, terme emprunté à Jean-Luc Mélenchon qu’il s’est approprié.Les législatives passées et s’il obtient une majorité, il faudra qu’il surveille la rentrée sociale, surtout s’il met en œuvre la réforme des retraites, déjà contestée lors de son premier mandat, ainsi que celle du RSA qui devrait crisper les syndicats et concernés.Même chose pour le corps enseignant, qui n’a pas l’air bien emballé par sa réforme de l’Éducation nationale qui consiste à rémunérer plus les enseignants qui travaillent plus, en dépit de la traditionnelle égalité républicaine de la fonction publique.

“Recoudre le pays”

la question devient centrale.