« C’est simple, c’est clair, c’est limpide : nous voulons que les Français se fassent vacciner. » Voici donc la stratégie du gouvernement, résumée en une phrase par Olivier Véran, pour tenter d’endiguer la 5e vague : mettre le paquet sur la vaccination.La décision de la Haute autorité de santé, lundi, permet de faire un pas de plus dans cette tactique. Elle a donné son accord à la vaccination de tous les enfants de 5 à 11 ans. Mais elle demande que la campagne ne puisse être ni « exigible, ni obligatoire ». Il ne reste plus que l’avis du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, dirigé par Alain Fischer, pour donner le vrai coup d’envoi. Cela pourrait être dès mercredi « si tout va bien », a estimé le ministre de la Santé, Olivier Véran.
La vaccination des enfants divise
Reste une question : combien d’enfants se feront vacciner ? Le sujet est sensible. Selon une enquête de Santé publique France, plus de la moitié des parents ne sont pas prêts à faire vacciner leur enfant de 5 à 11 ans.Et le débat, dans la communauté scientifique, n’aide pas à y voir plus clair : certains médecins sont pour, pointant l’intérêt individuel (réduire les risques de formes graves, de covid long, de syndromes inflammatoires généralisés et de fermeture des classes) et collectif (diminuer la circulation du virus) ; d’autres contre, affirmant que la vaccination n’aura aucun effet sur la 5e vague et les formes graves sont extrêmement rares dans cette tranche d’âge, alors que les vaccins peuvent avoir des effets secondaires sur le cœur – certes très peu fréquents.Notre direct sur la covid-19
Restreindre les non-vaccinés
En attendant les enfants, le gouvernement souhaite aller plus loin dans la vaccination des adultes. À ce jour, 5,6 millions de personnes éligibles restent non-vaccinées. Soit 24 % des plus de 12 ans. Le gouvernement entend donc faire peser une contrainte supplémentaire sur les réfractaires au vaccin, en remplaçant le passe sanitaire par un passe vaccinal. Il espère le faire avant la fin janvier, après adoption d’un projet de loi.« On souhaite que les vaccinés puissent vivre quasi normalement ; ça implique que les non vaccinés vivent malheureusement un quasi-confinement », a résumé dimanche soir le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Il s’agit là d’une « forme d’obligation vaccinale ».
Faire plus pour les gestes barrières
Mais cette stratégie pourra-t-elle durer encore longtemps ? Dans la communauté scientifique, les premières critiques apparaissent. « Le vaccin c’est bien, le vaccin et les gestes barrières c’est mieux », note un médecin, qui regrette que le gouvernement ne fasse pas autant la promotion du port du masque et de la distanciation, alors que le nouveau variant Omicron est extrêmement transmissible.Car malgré le tout-vaccin, l’épidémie continue de flamber : on enregistre en moyenne près de 53 000 cas quotidiens, et près de 16 000 malades du Covid sont actuellement hospitalisés. Pour la première fois depuis mai, il y en avait lundi plus de 3 000 dans les services de soins critiques.
Restrictions supplémentaires dans les pays voisins
Et l’épidémie pourrait aller encore plus haut, à cause du variant Omicron. Aux Pays-Bas, il a poussé le gouvernement à décréter un nouveau confinement à partir de dimanche. Au Danemark, les théâtres, cinémas et salles de concerts sont fermés. L’Allemagne s’apprête à durcir aussi ses restrictions sanitaires pour le Nouvel An.En France, le Conseil scientifique alerte lui aussi sur le réveillon de la Saint-Sylvestre, où on se mélange plus qu’à Noël. Tout en laissant le choix aux politiques, il estime que « des mesures de restriction significatives » pourraient être nécessaires. Entre autres : la généralisation des dépistages, l’interdiction des grands événements et un couvre-feu effectif dès le Nouvel an. Certains scientifiques souhaitent également le rétablissement des jauges d’accueil. Pour le moment, l’exécutif, par la voix d’Olivier Véran, a répondu par la négative. En rappelant les mesures déjà mises en place pour les fêtes : interdiction de la vente d’alcool sur la voie publique et annulation des feux d’artifice. Mais le discours change progressivement : mardi, Gabriel Attal n’a pas exclu la possibilité d’avoir recours à des mesures de restrictions plus contraignantes, face à la progression d’Omicron qualifiée de « foudroyante ». « Si l’on constate qu’il y a une reprise très forte de l’épidémie liée au variant Omicron et un risque, évidemment qu’on pourra aller au-delà. » « Il faut trouver un équilibre entre le moral de tout le monde et le quotidien. Ce n’est pas simple », reconnaît le ministère de la Santé, dans les colonnes du Parisien.
Regard sur les hospitalisations
Pour éviter un nouveau tour de vis, le gouvernement prend en compte le fait qu’Omicron pourrait entraîner moins d’hospitalisations que les variants précédents. Un choix risqué, compte tenu du peu d’éléments scientifiques sur l’impact de ce nouveau variant, mais assumé. « S’il commence à circuler, il est amené à circuler très vite très fort, avec une vague extrêmement violente mais extrêmement fugace », a dit M. Véran samedi sur Brut.« Violente, ça ne veut pas dire qu’il y a forcément un gros impact sanitaire. (…) On n’a pas la réponse à cette question, c’est pour ça qu’on booste sur la vaccination ».L’impact d’Omicron sur les hospitalisations pourra être mesuré cette semaine ou la semaine suivante. « Au Royaume-Uni, trois semaines après le début de cette vague d’Omicron très forte, on sera si le vaccin, oui ou non, résiste contre les formes sévères et si, oui ou non, la capacité des hôpitaux anglais va résister. Et cela va faire clairement la différence », prévient le professeur Anne-Claude Crémieux dans « C dans l’air ».« Si la vague de contaminations en Angleterre se transforme en vague d’hospitalisations, ça mettra les dirigeants de toute l’Europe devant la situation que leurs réanimations vont aussi déborder. » À ce jour, 58 % des lits de soins critiques sont occupés en France, et de nombreux hôpitaux ont déclenché leur plan blanc.
Études encourageantes sur l’efficacité vaccinale
Les dernières études sur l’efficacité des vaccins sont un peu encourageantes. Selon l’Institut Pasteur, les sérums de personnes vaccinées avec deux doses il y a cinq mois « ne neutralisent quasiment plus le variant Omicron ». L’efficacité du Pfizer tombe à 19 %, et en plus avec AstraZeneca. Mais une 3e dose « reste efficace » un mois après l’injection : la solution de Pfizer remonte à 73 % et celle d’AstraZeneca à 77 %. Reste à savoir « la durée de cette protection » dans le temps, rappellent les scientifiques, qui vont se pencher sur la question.La très forte contagiosité d’Omicron va, enfin, peser sur les capacités de dépistage et de contact-tracing. Les laboratoires et pharmacies croulent déjà sous la demande et il n’est déjà plus possible de contacter par téléphone tous les cas contact. On arrive aux limites du système.
Le nombre de tests réalisés chaque jour dépasse désormais 850 000, nouveau record absolu.Il continue d’augmenter mais de moins en moins vite, on sent que l’on s’approche des capacités maximales des pharmacies, laboratoires, etc. #Covid19 pic.twitter.com/geZlgdAVqV— Nicolas Berrod (@nicolasberrod) December 19, 2021
« Le nombre de tests réalisés chaque jour continue d’augmenter, mais de moins en moins vite. On sent que l’on s’approche des capacités maximales des pharmacies et des laboratoires », souligne sur Twitter Nicolas Berrod, journaliste spécialisé du covid-19. S’il y a encore plus de cas qu’aujourd’hui, la situation devrait se tendre encore davantage. « On rentre dans une période de fortes turbulences », prévient Gabriel Attal.