« La ville de Lyon prend une nouvelle trajectoire démocratique »



Pour le maire Europe Ecologie-Les Verts de Lyon, il faut en finir avec l’exercice vertical du pouvoir. Les nouveaux dispositifs de démocratie participative remettent le citoyen dans le collectif.

© Fournis par Le Monde
Le maire de Lyon, Grégory Doucet, dans son bureau à l’Hôtel de ville de Lyon, le 28 juin 2021.

Le maire de Lyon reçoit Le Monde dans son bureau de l’Hôtel de ville, mercredi 5 janvier, après plusieurs jours de repos forcé, imposé par le Covid-19. Ses dix-huit premiers mois ont été marqués par de virulentes attaques de ses opposants, et la gestion de l’épidémie. Grégory Doucet veut désormais ouvrir une nouvelle séquence, en concrétisant les projets emblématiques de son mandat. Dont la mise en œuvre des outils de démocratie participative. Vous lancez cette année plusieurs dispositifs de démocratie participative. Pour quelles raisons ? Le développement de la démocratie participative est un marqueur important de notre mandat, porteur de sens. Nous avons créé un budget spécifique, qui n’existait pas auparavant, d’un montant de 50 millions d’euros. L’objectif est de redonner du pouvoir d’agir aux citoyennes et aux citoyens. Ce budget va leur permettre des projets d’investissement près de chez eux, pour des équipements ou des aménagements, dont ils éprouveront la nécessité. Toutes les suggestions seront bonnes à prendre. L’idée c’est aussi d’aller dans les quartiers et vers les populations les plus éloignées de la démocratie. Un des critères de réussite de ces dispositifs sera de voir émerger des projets dans les quartiers de « politique de la ville ». A Lyon, la mairie multiplie les expérimentations pour un exercice partagé du pouvoir local Certains reprochent à ces méthodes de tourner en rond, sans répondre aux décisions stratégiques d’une grande ville. Qu’en pensez-vous ? La question de l’efficacité est souvent mise sur la table pour justifier l’exercice vertical du pouvoir. C’est la conception du chef qui décide vite et de tout. Je n’élude pas la responsabilité du maire dans des choix décisifs. Je l’assume, comme quand il a fallu rapidement mettre en œuvre un centre de vaccination à Gerland. Mais la démocratie participative, ce n’est pas du tout perdre son temps. Sur des sujets à long terme, plus la décision sera collective, plus elle sera solide, ancrée dans le réel, durable. Lorsque j’envisage le réaménagement de la rive droite du Rhône, après soixante-dix ans d’urbanisme dévolu aux voitures, on peut souffrir de quelques mois de concertation, non ? Des opposants vous accusent de court-circuiter la démocratie représentative en contournant le rôle des élus. L’entendez-vous ? Ces critiques viennent souvent de la tendance conservatrice du personnel politique. La démocratie représentative s’est trop réduite à des modalités convenues : un bulletin dans l’urne à des périodes espacées. Cela ne suffit plus. Il y a d’autres façons de faire démocratie. Plus on multiplie les perspectives, plus on enrichit la démocratie. A Lyon, la démocratie participative divise les écologistes et l’opposition Nous avons besoin de cultiver en permanence notre appartenance à un collectif. Je renforce la démocratie représentative en renforçant les conseils de quartiers, en créant le conseil d’arrondissement des enfants ou encore en instaurant la conférence des maires d’arrondissement et en donnant à ces derniers des moyens réels. C’est un changement, personne ne peut le nier. Et je lance d’autres modalités démocratiques, en initiant plusieurs outils de participation comme le budget participatif, le baromètre du bien-être. La ville de Lyon prend une nouvelle trajectoire démocratique. Chantal Jouanno : « Allier transition écologique et démocratie est le défi des années à venir » Cela change-t-il la place de l’élu ? La professionnalisation du monde politique a instauré la captation du pouvoir par une élite politique, qui est plus préoccupée par sa réélection que par la recherche de l’intérêt général. Le monde politique, tout occupé à faire des coups médiatiques, s’est isolé dans une bulle. La seule démocratie représentative a éloigné le citoyen de sa capacité à agir. Aujourd’hui, la solution passe par différentes formes d’expressions démocratiques, j’en suis persuadé. L’élu local représente le citoyen dans certaines instances pour prendre des décisions, mais il redonne aussi du pouvoir qui lui a été confié. La convention citoyenne sur le climat, lancée par le président de la République, a généré beaucoup de déceptions. La consultation des citoyens ne risque-t-elle pas d’être un leurre ? L’échec du dispositif est lié à l’exercice jupitérien du pouvoir, c’est tout. Le président de la République n’a pas tenu l’engagement qu’il avait annoncé, il a changé les règles en cours de route. C’est une machine à défiance. La qualité du travail des 150 citoyens tirés au sort a démontré toute la pertinence d’un travail collectif, indépendant des sphères d’influence, avec des propositions simples et très engageantes. Pour réussir la démocratie participative, il faut des principes clairs, basés sur l’humilité de l’élu, et la redevabilité de son action. Et il faut les tenir, sinon c’est de l’esbroufe. Cet article est réalisé dans le cadre de l’événement « Place de la république » en partenariat avec la Ville de Lyon.