Lalu : réalités alternatives : RADIO METAL


Ce lien est devenu pour lui une passion et un métier.

S’il essaye de le moderniser, il assume pleinement vouloir garder les éléments vintage, voire désuets, qui font le charme du prog à l’ancienne. Pas de djent sur ce nouvel album Paint The Sky donc, mais des mellotrons et des grosses descentes de toms qui résonnent.

Lalu : réalités alternatives : RADIO METAL

« Ma mère était enceinte, j’étais dans son ventre, et elle jouait des reprises de Yes, Kansas, etc.

sur scène. Il a dû y avoir une influence prénatale, je ne sais pas si ça existe. »

Peux-tu nous parler de l’influence que tes parents ont eue sur ta musique ?

Vivien Lalu (clavier) : L’influence remonte à l’enfance, parce que mes parents avaient un groupe de prog et ça peut paraître assez bête, mais ma mère était enceinte, j’étais dans son ventre, et elle jouait des reprises de Yes, Kansas, etc. sur scène. Il a dû y avoir une influence prénatale, je ne sais pas si ça existe.

En tout cas, j’ai été introduit au rock progressif depuis tout petit. A la maison, mes parents – surtout mon père – écoutaient tout le temps des disques de Yes, Genesis, etc. Il y avait le Moog de ma mère qui traînait dans le salon, donc j’étais toujours en train de pianoter dessus.

J’ai vraiment été biberonné au prog rock des années 70. Je pense que cet environnement a été une grosse influence pour moi musicalement.

Il peut arriver qu’il y ait une rébellion et qu’on se construise en contradiction avec l’éducation de ses parents.

Tu n’as pas connu ça ?

Un petit peu plus tard, car quand j’étais au collège, j’ai commencé à écouter Iron Maiden, et après, vers la fin du collège, du Megadeth, j’ai eu ma période Sepultura… Je suis rentré dans des styles de musique qui étaient beaucoup plus heavy. J’aimais toujours le prog, mais mon truc c’était clairement la musique metal. Après, ce qui s’est passé, c’est qu’un jour, quand j’étais au lycée, à mon anniversaire, j’ai un ami qui m’a offert Images And Words de Dream Theater que je n’avais jamais entendu.

Ça a été un peu un choc pour moi, parce que je n’imaginais pas qu’on puisse mélanger le côté metal, les grosses guitares avec plein de double grosse caisse, avec des structures de chansons vraiment progressives. J’ai découvert le metal progressif et depuis ce jour-là, ça m’a vraiment formaté dans cette ligne directrice, même si je n’aime pas trop mettre la musique dans des cases. Pour moi, une bonne chanson est une bonne chanson, j’écoute aussi de la pop… Pour moi, le plus important, c’est que ce soit une bonne chanson.

Mais c’est vrai que j’écoute énormément de metal et de rock progressif, et plus je vieillis, plus j’ai tendance à revenir aux sources et à écouter du prog rock tout simple. C’est certainement la nostalgie qui frappe. Depuis ces dernières années, j’écoute pas mal de prog rock des années 70, j’ai fait un vrai retour aux sources.

notamment sur la partie business ?

que ce soit ma passion et que je ne veuille rien faire d’autre dans ma vie. Je suis compositeur, je suis claviériste, mon truc c’est la musique, et du fait de leur passé, ils ont été certainement beaucoup plus compréhensifs que d’autres parents qui n’auraient pas compris mon choix.

En même temps, ils ont un peu les deux opposés : mon frère est ingénieur dans l’aéronautique et moi je suis compositeur de musique.

Tu l’as évoqué, tu as été biberonné au rock prog puis au metal prog un peu plus tard, tu en écoutes énormément, et comme tu l’as dit, tu vis un peu un retour aux sources. Comment trouves-tu que ces deux scènes ont évolué avec le temps ?

Je dirais qu’il y a clairement deux branches qui se sont faites.

Alors, je t’avoue que je ne suis pas très fort en histoire du prog metal ou du prog en lui-même, mais j’ai l’impression qu’il y a toute cette branche néo-prog qui, je crois, s’est enclenchée dans les années 80. Après, il y a une autre branche qui s’est enclenchée récemment qui est carrément djent. Et quelque part, il y a certains groupes qui essayent de reproduire les sonorités exactes du prog des années 70, en essayant de retrouver les mêmes amplis qu’à l’époque, les mêmes tables de mixage, etc.

Concrètement, je trouve que l’idéal serait un mélange d’un petit peu tout ça. Enfin, il n’y a pas vraiment d’idéal, chacun fait ce qu’il veut, tous ces groupes font ce qu’ils veulent, mais moi, j’aime bien le fait d’avoir une production moderne, comme avec tous ces groupes un peu djent – Haken, par exemple, a des éléments très djent dans leur son – j’aime bien ce côté heavy moderne, par contre je ne suis pas très fan du djent en lui-même. Mon idéal serait donc ce côté moderne et heavy, mais avec des textures très atmosphériques, avec du mellotron, comme dans les années 70.

Le côté rétro viendrait plutôt par l’arrangement, les claviers, etc. Je voudrais retrouver la texture de ces morceaux sans pour autant aller dans la reproduction des sonorités d’époque, comme le font d’ailleurs très bien certains groupes. Je ne sais même pas si je réponds à la question…

« Ca peut faire très peur quand tu vois un disque arriver et que tu vois toute une liste d’invités : tu te demandes si ce n’est pas un truc fait de manière commerciale, où le gars a invité tout le monde, et musicalement, soit c’est de la merde, soit c’est juste un prétexte pour mettre plein de monde dedans.

 »

Tu as commencé à répondre à ma question suivante, car quand on écoute ton album, on peut se dire que c’est un prog très vintage dans les influences, sur les sons de clavier, sur le chant, sur le côté très technique, sur la batterie très en avant, sur les descentes de tom qui sont très années 90 voire 80, etc. En même temps, il y a un travail pour rendre tout ça très actuel qui est assez flagrant, par exemple sur un morceau comme « Reset To Reset ». Peux-tu nous parler du travail que tu as réalisé pour trouver un équilibre ?

Pour aller vers cet esprit d’un prog moderne avec une âme classique, très 70, je me suis dit que, déjà, ce serait bien de faire appel à un producteur qui sache faire des prods modernes, bien produites.

C’est pour ça que je me suis rapproché de Jelly Cardarelli, qui est le batteur sur l’album et qui l’a mixé – entre autres, récemment, il a produit Adagio. Par contre, je l’ai abreuvé de clavier rétro et ainsi de suite, et il y a une grosse partie qui, pour moi, est importante, il s’agit du chant. Je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’aie un chanteur anglais qui aurait du coup des textes un petit peu mystiques, comme Yes à l’époque, et ce chant à la Jon Anderson de Yes justement.

Sans vouloir aller dans la copie ou dans le clonage. Je pensais vraiment qu’avoir un chant à la Jon Anderson fait par un Anglais et dans un registre complètement différent de ce qu’on entend normalement dans le metal progressif, ce serait intéressant, et que s’il était mélangé avec tous ces claviers et ce côté rétro, on aurait une espèce de prog metal assez pur. C’est-à-dire que la partie pop serait là, avec tous ces mellotrons, ces orgues, le chant à l’anglaise typé 70, mais aussi le côté metal avec des gros riffs, de la double grosse caisse et une prod beaucoup plus moderne.

En résumé, je voulais faire du prog metal, comme si tu prenais un groupe de prog et un groupe de metal, et que tu les mélangeais bien ensemble. Et quand je dis prog, c’est vraiment les années 70 pour moi – alors que le prog, bien sûr, c’est beaucoup plus vaste que les années 70. Au final, j’espère que le pari est réussi.

A t’écouter, en tout cas, ça fait plaisir, ça veut dire que peut-être ça marche !

Tu as encore répondu à ma prochaine question : le choix de Damian Wilson n’est pas anodin, car sa voix est très cristalline, très pure, et à la fois, très puissante. Ça peut rappeler le prog des années 70 mais aussi le metal prog des années 90, ainsi que des groupes plus actuels comme Haken où on retrouve aussi ce côté très cristallin…

et c’est super intéressant.

Et puis on le reconnaît en trois secondes, il a une signature très forte. C’est aussi ce qui est très important pour moi : j’aime le fait qu’il ait un style personnel qui se dégage. Surtout quand on veut faire du Yes et autre, ça fait déjà pas mal d’influences, donc c’est bien d’avoir quand même une touche d’originalité.

donc on était en plein confinement à ce moment-là. Comment se sont passés l’écriture et l’enregistrement de cet album dans cette période si particulière ?

mais tu as raison, ce qui fait que c’est vraiment un produit de la pandémie, c’est qu’une grosse partie s’est faite pendant le confinement et pendant toute la période qu’il y a eu autour, tout 2020.

Ça a aussi beaucoup affecté Damian dans son écriture, pour ses textes et ses concepts. C’est même dommage que l’album sorte aussi tard, parce que c’est clairement un album que nous aurions pu sortir en 2020 ou en 2021, nous aurions été vraiment dans la tonalité du moment. En fait, nous avions commencé quelques mois avant et nous avons dû nous réorganiser et nous réadapter, et au final, je pense que le confinement m’a permis de terminer l’écriture beaucoup plus vite.

Depuis ton tout premier album, Oniric Metal, il y a toujours eu pas mal d’invités sur chacun de tes disques. C’est important qu’un album de Lalu ait cette richesse d’influences ?

Non, pas du tout. En fait, ça l’était au début.

C’est vrai que quand j’ai fait Oniric Metal, j’avais vingt-trois ans, j’étais tout jeune, et à cette époque j’étais à fond dans Devin Townsend. J’avais contacté son batteur, donc il y avait Ryan qui a joué sur Oniric Metal. A cette époque j’avais tendance à bien aimer jouer avec des gens que j’admirais sur des albums que j’avais entendus, etc.

Mais en fin de compte, je n’ai pas vraiment eu cette démarche-là avec Paint The Sky. C’est juste qu’il y a des gens que je connais depuis longtemps et j’avais besoin de leur aide sur certaines parties, mais ce n’est pas vraiment quelque chose que je cherche. D’ailleurs, ça peut même être un point négatif, parce que ça peut faire très peur quand tu vois un disque arriver et que tu vois toute une liste d’invités : tu te demandes si ce n’est pas un truc fait de manière commerciale, où le gars a invité tout le monde, et musicalement, soit c’est de la merde, soit c’est juste un prétexte pour mettre plein de monde dedans.

J’avais donc plutôt peur de ça.

« J’aime bien qu’une chanson soit complètement différente d’une autre. Du coup, ça fait comme si tu te baladais dans plein d’univers différents : tu ouvres une porte, tu es dans un autre monde magique avec un décor complètement différent.

 »

Tu as eu des retours comme ça ?

C’est vraiment assumé, ça fait partie du truc, on a besoin de voix différentes pour faire des personnages différents, sur fond de concept, etc. Alors que là, ce n’est pas vraiment le cas. Je voulais vraiment avoir un groupe avec Damian, Joop et Jelly, nous sommes quatre à faire tout, mais c’est vrai qu’il y a eu quelques apparitions dessus.

Je fais deux ou trois trucs avec Jordan en dehors du groupe, donc je voulais lui envoyer à nouveau une partie, car il était déjà sur Atomic Ark et c’est un copain, et pourquoi se le refuser ? Je connais Jens depuis 2001, il était déjà sur un album aussi. La plupart d’entre eux sont des gens qui reviennent ou avec qui j’enregistrais déjà vers 2004-2005, ce sont des amis de longue date.

Pour le reste, la seule personne que j’ai contactée récemment pour faire un truc sur le disque, c’est Vikram Shankar.

Il a fait un projet avec Tom S. Englund, le chanteur d’Evergrey, qui s’appelle Silent Skies. C’est super atmosphérique, c’est juste du piano et du chant, ça fait très musique de film.

Je suis vraiment fan de ce qu’il fait, et Damian voulait faire un interlude au piano. Il voulait avoir une chanson au piano-chant. Je lui ai dit que je n’étais pas très bon au piano, que j’étais claviériste et que je composais mes musiques, mais que je n’étais pas du tout un virtuose du piano.

Je lui ai dit : « J’écoute un mec en ce moment que j’adore qui s’appelle Vikram Shankar et qui fait de la musique paino-chant avec le chanteur d’Evergrey. Ce serait cool de lui demander de faire ça avec toi. » Ce qui est marrant, c’est que quand j’ai contacté Vikram, il connaissait apparemment déjà mes albums, il avait adoré Atomic Ark, donc le contact est très bien passé, très naturellement.

Je lui ai expliqué que Damian voulait faire du piano-chant et ça s’est enclenché comme ça. C’était plutôt pour un besoin spécifique. S’il y a vraiment une partie pour laquelle je ne suis pas doué et que j’entends une idée, je n’hésite pas à demander à quelqu’un de le faire, mais ce n’est pas du tout un but recherché.

Ça n’a pas été compliqué à gérer en termes purement logistiques, avec toutes les restrictions qu’il y a eu ?

Non. Je n’ai pas eu de souci, parce que justement, tous ces gens ont maintenant un home studio pour enregistrer à distance. C’était déjà comme ça avant le confinement.

Pour ce petit coin-là de la musique, ça ne nous a pas vraiment affectés. Le seul truc chiant était que nous voulions être avec Damian en studio pour l’enregistrement et, au final, nous avons dû bosser à distance. Encore plus délirant, c’est que Jelly habite à moins d’une heure de chez moi, et comme nous étions en plein confinement quand nous avons mixé l’album, nous avons dû trouver un service en ligne pour pouvoir partager le studio tous les deux, en faisant un streaming des données du studio jusqu’à moi, etc.

Nous avons mixé à distance l’album ensemble. Nous avons dû nous raccorder par internet !

Tu l’as évoqué, dans les invités on retrouve Jordan Rudess et Jens Johansson qui sont aussi claviéristes. A première vue, on pourrait se poser la question pourquoi un claviériste invite d’autres claviéristes sur un album.

Peux-tu nous parler un peu plus de la relation que tu as avec eux ? Avez-vous une relation d’échange de compétences, de conseils, etc. d’un claviériste à un autre ?

Si Jordan me donnait une leçon de clavier J’aime plutôt Vangelis, les ambiances, tout ce qui est très planant, qui fait rêver, tu fermes les yeux, tu as une espèce de pad qui te fait planner sur une autre planète… Je ne suis pas comme Jordan, un keyboard wizard qui va faire des solos super rapides et tout. Même si je peux faire deux ou trois trucs dans ce style-là, ce n’est pas du tout ma spécialité.

Par contre, j’aime bien écouter ces solos quand ils sont bien faits – surtout Jens, par exemple, je suis très fan de lui et de son frère, j’ai tous leurs albums de jazz fusion, je suis à fond sur tout ce qu’ils font. Je préfère donc leur demander de faire ce genre de solo plutôt que je les fasse directement, parce que ce serait une pâle copie ou un massacre comparé à ce qu’ils pourraient faire. Et je suis super content de les entendre aussi jouer sur ces parties-là.

Jordan, je le connais depuis pas mal de temps. Nous avons eu deux ou trois interactions dans le passé. Ce qui est assez rigolo, c’est qu’à une époque j’avais réservé un nom de domaine qui s’appelle Orkeystra, qui était un mélange entre le mort « orchestre » et le « key » de « keyboard ».

Lui avait pensé au même nom et il a vu que c’était moi qui l’avais enregistré, et il m’a dit : « C’est délirant, je voulais réserver ce domaine-là et je m’aperçois que c’est toi qui l’as déposé ! » A cette époque, il avait déjà enregistré sur Atomic Ark, donc je l’ai aidé à retransférer le domaine. Du point de vue perso, nous faisons toujours quelques trucs ensemble mais qui n’ont rien à voir avec la musique. C’est juste une amitié comme ça.

Mais oui, tant qu’à faire, quand on est copain avec un Jordan ou un Jens, et qu’on a de beaux passages sur lesquels on voit des solos de clavier, c’est mieux de leur faire faire.

« Quand j’ai écrit de la musique, ça fait un peu comme un sismographe qui enregistre les tremblements de la terre. Quand je me pose devant mon clavier, je ne sais même pas comment ça sort.

Tu as la musique qui sort au kilomètre, toute seule, et je ne sais pas d’où ça vient. »

Globalement, sur cet album il y a quelques invités, dont eux ou Marco Sfogli, qui étaient déjà là par le passé. Leur présence pourrait-elle aussi être due au fait que tu penses qu’ils connaissent un peu mieux le projet et qu’ils arrivent plus naturellement à s’y intégrer ?

Nous avons tous tendance à faire beaucoup de jams en off, par internet, Facebook, etc.

C’est très courant. Par exemple, le morceau sur lequel Marco a joué était une ballade que j’avais faite à l’époque où nous parlions par Facebook, Messenger, etc. et sur laquelle il avait posé des grattes.

C’est un morceau qu’au final, j’ai utilisé pour ce disque. Ayant déjà ses parties de grattes, comme j’adorais le petit drone qu’il avait joué à la guitare, plus les petites notes de guitare clean qu’il avait faites en plus, j’ai gardé ces parties-là. C’est la raison pour laquelle il est mentionné comme faisant partie de l’album.

Ils sont donc intervenus naturellement dans le processus à un moment donné, sans même penser à ce qui serait sur l’album ou pas. Ce sont vraiment des circonstances naturelles. C’est pour ça que j’insiste : je ne me suis pas dit un jour que j’allais faire un album avec tous ces invités, ce serait un produit comme ci, comme ça.

C’est après que je réalise que ça fait beaucoup de monde.

On peut comprendre ta crainte, car je crois qu’Arjen Lucassen lui-même, avec Ayreon, a eu ce genre de crainte, c’est-à-dire qu’on s’arrête seulement aux invités…

C’est sûr que ça aide aussi quand on se retrouve avec certains noms sur son album. Dans le cas d’Ayreon, je lui fais confiance à cent pour cent, je sais qu’il fait ça clairement par amour de l’art.

D’ailleurs, pour moi, Into The Electric Castle est l’un des plus grands concepts albums jamais sortis. Je suis vraiment en admiration de ce mec.

Pour revenir à Paint The Sky, dans la manière dont l’album est construit, il y a régulièrement une nouvelle sonorité qui vient attirer notre attention.

Le meilleur exemple serait le morceau « Paint The Sky » : il y a Steve Walsh, il y a une grande diversité de sonorités de claviers, de sonorités de guitares… Penses-tu tes albums comme un genre de voyage, avec des péripéties qui vont tenir en haleine ?

En fait, je déteste l’idée d’avoir deux fois la même chanson sur un album. Comme je disais, je suis quelqu’un qui fonctionne vraiment par chansons et non par styles de musique, et j’aime bien qu’une chanson soit complètement différente d’une autre. Du coup, ça fait comme si tu te baladais dans plein d’univers différents : tu ouvres une porte, tu es dans un autre monde magique avec un décor complètement différent.

C’était aussi un peu le principe sur Oniric Metal, il n’y a pas vraiment deux chansons qui se ressemblent. C’est vrai que j’aime bien partir comme ça dans l’inconnu. Après, ce n’est pas non plus un truc que je calcule.

En fait, quand j’ai écrit de la musique, je t’avoue que ça fait un peu comme un sismographe qui enregistre les tremblements de la terre. Quand je me pose devant mon clavier, je ne sais même pas comment ça sort. Tu as la musique qui sort au kilomètre, toute seule, et je ne sais pas d’où ça vient.

C’est instinctif. Après, je ne me soucie pas du tout de l’histoire du concept. C’est un truc qui m’est complètement étranger, à l’opposé d’un mec comme Arjen Lucassen.

C’est Damian, de son côté, qui a écrit toute l’histoire dessus. Et pour moi, l’histoire derrière provient plutôt… Quand j’écris de la musique, souvent je ferme les yeux et je me mets à planer. La musique me donne plein d’images et je ne sais même pas si je saurais leur donner une histoire.

Ce troisième album est le premier en partenariat avec Frontiers Music, qui est un label notamment pas mal orienté prog, entre autres. Sens-tu que c’est une collaboration plus pertinente ?

à faire mes albums

C’est super cher de produire un disque. Jusqu’à présent, j’avais beaucoup de ce qu’on appelle du « love money », c’est-à-dire le soutien de mes parents, de ma famille, etc. En fait, c’est Frontiers qui m’a contacté, donc ça a créé une dynamique très différente, et le fait qu’ils puissent me soutenir dans cette « aventure » – car j’ai signé pour plusieurs albums –, ça va me permettre de développer cette idée de musique dans le style de Yes mais avec un côté beaucoup plus moderne.

Ça aide énormément. Ça me permet vraiment de me concentrer sur la musique. Pour le reste, je ne me verrais pas faire ça tout seul.

Je ne sais même pas si, aujourd’hui, j’aurais pu sortir l’album par moi-même.

Tu penses qu’en termes de communication, le public prog est différent des autres et que c’est la raison pour laquelle c’est important d’avoir un label qui connaît cette scène ?

Oui, tout à fait. Si j’étais parti en solo sur cette aventure, je l’aurais certainement sorti en digital, or le public prog, par défaut, achète encore pas mal de physique.

D’ailleurs, qui parle de prog années 70 parle de gens de ma génération et au-delà, la génération de mon papa, qui, elle, a beaucoup plus de pouvoir d’achat. Je vois, mon papa achète des disques, il y a tout un public progressif qui achète des vinyles, et c’est sûr que d’avoir un label comme Frontiers qui presse du disque physique et des vinyles, c’est très important pour un groupe prog. C’est quand même une audience qui apprécie le support physique, l’artwork d’un disque, etc.

« L’humanité va aller chercher un nouveau monde où habiter, qu’on nous promet magnifique, que ce soit dans les étoiles ou de manière virtuelle dans le métavers. En réalité, on aura beau changer le décor, au final, le problème fondamental, c’est nous. »

D’ailleurs, peux-tu nous parler de la pochette de l’album ?

C’est un collage de trucs peints.

C’est de Travis Smith avec qui j’ai bossé aussi sur mon album précédent. Ça part du principe que… C’est vrai que du coup, je n’ai pas parlé du concept derrière l’album et de ce que Damian avait en tête. Ça fait un peu comme le personnage d’Alice au Pays des Merveilles, avec cette espèce d’Alice qu’on voit au milieu sur une montagne en train de peindre un ciel plus beau que ce qui existe derrière.

Tu as la réalité en arrière-plan qui paraît très froide, monstrueuse, avec des étoiles, l’espace, etc. Par-dessus, tu as un monde qui est superposé, une simulation sur laquelle elle essaye de faire un environnement plus beau. Ça fait référence au métavers dans lequel on va bientôt tous être plongés par Facebook et les autres.

C’est également une mise en parallèle avec le concept de l’album, le fait que l’humanité va aller chercher un nouveau monde où habiter, qu’on nous promet magnifique, que ce soit dans les étoiles ou de manière virtuelle dans le métavers. En réalité, on aura beau changer le décor, au final, le problème fondamental, c’est nous. Que ce soit sur la Terre numéro deux ou dans le métavers, on retrouvera les mêmes problèmes qu’on a laissés derrière nous.

Après, bien sûr, il y a quand même un message positif. C’est pour ça que ça se termine avec le morceau « We Are Strong » : à la fin, dans son concept, Damian pose le constat qu’on va réussir à surmonter toutes ces difficultés, on va arriver à se remettre en question, etc. C’est un peu la dualité entre la réalité et le nouveau monde qu’on veut se créer ou qu’on espère obtenir par-dessus.

J’ai vu le premier trailer, c’est la folie. Et musicalement, l’adaptation du morceau… Tu vois, on parlait du côté moderne versus rétro, quand tu as la chanson qui commence à jouer, qui monte en intensité dans le trailer et devient complètement orchestrale à la Matrix… Rien que la musique du trailer m’a retourné ! Il est magnifique.

Mais c’est vraiment des sujets d’actualité, en fait. Je n’avais pas pensé à ça, mais il y a Matrix qui sort, il y a Elon Musk qui veut nous emmener sur Mars, il y a la Nasa qui recherche des exoplanètes… Toutes ces thématiques sont très actuelles.

Est-ce Damian qui est le seul responsable de cette thématique ou tu t’es quand même senti un peu investi par ce thème ?

parce que pendant tout le temps du confinement, nous parlions énormément par téléphone la nuit, parfois jusqu’à trois, quatre ou cinq heures du matin.

Nous avons eu des sessions de brainstorm de fou où nous parlions énormément de plein de sujets. Je n’ai eu aucune contribution au niveau de l’histoire, je lui ai laissé cent pour cent de liberté pour les paroles et tout, mais nous avons énormément interagi au niveau conceptuel. Et bien évidemment, quand il avait une idée pour un truc particulier, il avait la décence de me demander si c’était bon pour moi, ce que j’en pensais, etc.

Il me présentait ses idées, donc c’était très intéressant.

C’est la première fois que tu t’investis autant dans une thématique ?

Ça dépend, parce que sur le premier album, Oniric Metal, le dernier morceau, j’avais fait l’histoire avec Martin , mon chanteur de l’époque. C’était un morceau qui faisait entre quinze et vingt minutes.

C’était une histoire complètement farfelue. Ça m’est arrivé comme ça des fois d’avoir une idée et de la construire avec le chanteur. J’ai toujours beaucoup d’interactions.

En fait, il y a un lien très étroit avec la personne qui va faire le chant et les paroles sur la musique. Ça amène à faire beaucoup de discussions et au final, c’est passionnant. C’est vrai que je ne m’occupe pas des textes, mais là en l’occurrence, c’est un sujet super passionnant sur lequel tu peux vite passer des heures à discuter.

Interview réalisée par téléphone le 9 décembre 2021 par Nicolas Gricourt.Retranscription : Nicolas Gricourt. Jerome Weissman (1), Anthony Dubois (2, 5), Eleftheria Zavalis (3) & Michel Lalu (6).

facebook.com/laluprog

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