Après une carrière passée dans l’analyse financière, Christine Roulet s’est mise au vert voici dix ans. Passionnée de chevaux, elle a lancé une activité d’équicoaching. Mais de quoi s’agit-il?
Il fait frisquet en ce lundi matin de décembre. Le ciel est bas. Les bocages du plateau de Herve sont boueux. Pas de quoi décourager Nathalie, emmitouflée dans sa doudoune. Cette employée est en plein questionnement sur sa vie personnelle et professionnelle. Ce jour-là, elle est venue suivre sa deuxième journée de formation en « équicoaching », au Cercle Équestre du Rond-Puits, sur les hauteurs de Charneux.
Encore un nouveau terme de jargon psy et management? Pas du tout, selon Christine Roulet, l’équicoache de Nathalie: « Le cheval est un animal de proie, doté d’une grande sensibilité, explique-t-elle. Son système sensoriel très développé lui permet d’être en permanence connecté à son environnement. En votre présence, il est un médiateur, il perçoit tous vos ressentis, tous vos non-dits. C’est un véritable miroir de vos sentiments. Il ne porte aucun jugement, il est là à vos côtés, il agit et interagit. Il permet de nous libérer des blocages qui subsistent en nous. »
Son rôle de coach? « Accompagner les gens sur le chemin de la découverte de leurs réponses et veiller à leur sécurité. » Choix professionnels et privés, burn-out, manque confiance en soi… : les applications sont multiples, selon elle. Il n’est pas nécessaire de pratiquer l’équitation, le cheval n’étant jamais monté.
La connexion avec le cheval
Nathalie, elle, a identifié plusieurs options qui s’offrent à elle dans la poursuite de sa carrière: rester à son poste, rester dans la même société mais avec d’autres fonctions, ou quitter son employeur. « Parce que le cheval perçoit ce qu’elle ressent, il va l’aider à se positionner », explique Christine Roulet.
Dans la prairie qui jouxte le manège, elle a placé des cônes, comme le ferait un entraîneur de foot. Chacun représente une des trois options. Elle a laissé le licol de sa jument, Viva Eva, aux mains de Nathalie, afin de favoriser le contact. Christine Roulet lui a posé quelques questions. Quand Nathalie s’est placée devant le cône censé évoquer un statu quo dans sa carrière professionnelle, le cheval n’a pas bronché. Quand elle s’est placée devant celui évoquant un changement d’employeur, le cheval a fait mine de s’éloigner.
« Le cheval est un véritable miroir de nos sentiments. Il permet de nous libérer des blocages qui subsistent en nous »
Christine Roulet
Equicoache
Conclusion: ce n’est sans doute pas le moment de changer de boulot. « Lors de ma première séance, j’ai été scotchée par la connexion avec le cheval, poursuit Nathalie. Un moment, la coache m’a posé une question à laquelle j’ai répondu très superficiellement, car je n’avais pas envie d’aller plus loin. Le cheval s’est alors mis à gratter le sol avec son sabot, comme pour me dire: ‘creuse, va plus loin’. À un autre moment, je n’arrivais pas à sortir la réponse. J’étais bloquée, le cheval est venu subrepticement derrière mon dos comme pour me dire: ‘crache le morceau!' »
On y croit ou on n’y croit pas, mais pour Nathalie, cela semble fonctionner. Son exemple et d’autres ont incité Christine Roulet à aller plus loin et à faire de l’équicoaching une véritable activité à titre indépendant: « Et qui coache? » Pour elle, il s’agit d’une véritable reconversion après un début de carrière passé dans la finance.
Vocation précoce
Uccloise d’origine, cette néo-quinquagénaire, maman de deux ados, s’est découvert une passion pour le cheval lors d’un stage d’équitation effectué alors qu’elle avait à peine onze ans. Une passion qu’elle n’a pu que rarement assouvir en raison d‘une carrière professionnelle intense.
Titulaire d’un master en sciences économiques de l’ULB complété par un post-graduat en fiscalité, obtenu à la VUB, et une formation d’analyste financière, à l’ABAF, Christine Roulet a passé toute sa « première vie » professionnelle dans l’analyse financière, les placements et la gestion de fonds.
D’abord chez SEFB (aujourd’hui aux mains d’ING), puis de la Caisse Privée (ING), avant de passer une douzaine d’années, entre 1997 et 2008, chez Nagelmackers, d’abord comme analyste financière puis comme gestionnaire de fonds institutionnels et privés. En 2007, suite à la reprise de Nagelmackers par Delta Lloyd, elle se voit proposer la direction de l’équipe de private asset management.
Survient la crise des subprimes qui lui vaudra un licenciement pour être restée fidèle à un de ses supérieurs qui sera débarqué. « Cela m’a permis de faire une pause, de remettre en question mes choix de vie, se souvient-elle; avec mon mari qui avait l’opportunité de revenir travailler à Liège, nous avons décidé de déménager et d’acquérir une vieille ferme dans son village natal, Thimister-Clermont, dans le pays de Herve. » Le mari en question n’est pas un inconnu des lecteurs de L’Echo puisqu’il s’agit de Michel Ernst, stratégiste actions senior chez CBC.
Au grand galop
De caractère extraverti, Christine Roulet prend assez vite ses marques dans sa région d’accueil, sympathise avec les habitants, s’engage dans une troupe théâtrale et remet le pied à l’étrier en travaillant au CPAS de son village. Au gré de ses rencontres, elle découvre en 2018 l’hippothérapie (aides aux personnes handicapées via le cheval), puis l’équicoaching. C’est une révélation, car cela lui permet d’allier activité professionnelle et passion pour le cheval.
« L’équicoaching peut par exemple permettre à un patron de découvrir quel type de leader il est, d’évaluer le niveau de cohésion de son équipe, d’améliorer la communication de son entreprise. »
Christine Roulet
Equicoache
Malgré la crise sanitaire, elle suit une formation ad hoc pendant deux ans et active son réseau local pour se faire connaître: pages Facebook, reportages sur la télé locale Vedia… Le bouche-à-oreille lui permet de démarrer ses activités (côté tarif, comptez 125 euros la séance de 1 h 30, mais plusieurs formules sont possibles), de rencontrer d’autres équicoaches, et de développer avec elles des séances pour adolescents troublés par les contraintes du covid, pour des enfants hyperactifs ou souffrant de troubles autistiques.
Outil de management
Avec ses amies Annabelle et Elisabeth, elle crée l’association Join Up visant à promouvoir l’équicoaching avec, à terme, l’ambition de créer une entreprise et de pratiquer ses activités dans des infrastructures locales dédiées au team building. Début 2022, le trio entamera d’ailleurs une formation en création de sociétés.
Alors qu’elle vient de quitter son emploi au CPAS, c’est l’occasion pour Christine Roulet de renouer avec le monde de l’entreprise, d’autant que, selon elle, l’équicoaching peut aussi être un outil de management: « L’équicoaching peut par exemple permettre à un patron de découvrir quel type de leader il est, d’évaluer le niveau de cohésion de son équipe, d’améliorer la communication de son entreprise, etc. » Bref, avec l’équicoaching, Christine Roulet est aujourd’hui passée du trot au grand galop.