N’est-ce pas là une belle performance
Cela dépendra des investissements dans le numérique, et de la capacité des entreprises pour adapter les modes de production à la numérisation.Cette crise va-t-elle provoquer d’autres bouleversements sur le marché du travail ?Cette crise est l’occasion de revoir les conditions de travail et les contrats de certains employés. Les difficultés de recrutement dans l’hôtellerie-restauration ou dans la santé, par exemple, devraient amener à offrir des contrats plus longs et de meilleurs horaires.
Les difficultés de recrutement dans l’hôtellerie-restauration ou dans la santé, par exemple, devraient amener à offrir des contrats plus longs et de meilleurs horaires.
Il est possible que cela provoque un peu d’ inflation salariale. Prenons garde à la tentation de seulement augmenter le salaire des personnes déjà en emploi tout en conservant un chômage élevé.
La priorité est de réintégrer le maximum de personnes dans le marché du travail.Les derniers mois ont rendu certains emplois plus essentiels, et d’autres beaucoup moins…C’est incontestable. C’est ce qui rend les restructurations absolument nécessaires dans certaines entreprises.
Il ne faut pas qu’elles soient réalisées trop tard, au risque de mener à la liquidation pure et simple de ces établissements. Les gouvernements ont bien géré cette crise, il est temps de gérer la restructuration accélérée de l’économie. Les pays les plus flexibles sont ceux qui repartiront le plus vite.
Cette capacité à détruire et reconstruire des activités varie beaucoup selon les régions. Les Scandinaves, par exemple, ont une capacité formidable à accompagner massivement leurs salariés dans leur transition professionnelle.
Les pays les plus flexibles sont ceux qui repartiront le plus vite.
Il faut se poser la question de la stratégie de transition énergétique partout. Nous devons à tout prix éviter que les nouvelles transitions – numérique et écologique – provoquent les mêmes drames humains que le développement des nouvelles technologies et l’ouverture des années 1990. Nous avions alors échoué à bien accompagner les salariés.
Ne reproduisons pas les mêmes erreurs.
Nous devons à tout prix éviter que les nouvelles transitions – numérique et écologique – provoquent les mêmes drames humains que le développement des nouvelles technologies et l’ouverture des années 1990.
La compétitivité française a-t-elle décroché au cours de cette crise ? Quelles sont ses principales faiblesses ?La France conserve trois grandes faiblesses structurelles.
Premièrement, elle offre un accès très inégalitaire au marché du travail et à la progression sociale. Elle recule dans le classement PISA sur les acquis des élèves, et dans de nombreuses études qui évaluent les compétences des adultes. On ne peut pas encore mesurer l’effet des dernières réformes mises en oeuvre par le gouvernement pour augmenter l’égalité des chances.
Mais cela reste un sujet : la crise a accentué l’écart entre enfants de familles aisées et non aisées. Nous avons un vrai problème de formation : elle reste très insuffisante pour les chômeurs. Notre système concentre les moyens sur les salariés diplômés, qui disposent déjà d’une bonne situation de l’emploi.
La France aurait intérêt à renforcer les formations non-académiques et les passerelles entre formation.Et notre deuxième faiblesse ?Le travail. Les Français jeunes comme ceux de plus de 55 ans sont bien moins intégrés dans l’emploi que chez les autres pays de l’OCDE.
Les Français quittent le monde du travail cinq ans plus tôt que la moyenne de l’OCDE pour passer en moyenne 25 ans à la retraite. Ce n’est pas tenable. La France a également beaucoup de mal à évaluer l’efficacité de ses dépenses publiques.
Le problème n’est pas la dette covid en soi, mais plutôt la gestion des finances publiques en général.
La France a également beaucoup de mal à évaluer l’efficacité de ses dépenses publiques.
Les pays qui avaient une bonne gestion des finances publiques reviendront au niveau de dette modéré d’avant la crise.
Ceux qui dérivent depuis des décennies n’arriveront pas à inverser la donne sans changement profond.Les fonds de relance de l’Union européenne parviennent enfin aux pays membres. La commission exige des réformes en contrepartie.
A-t-elle vraiment le pouvoir de les imposer ?Ce principe de « dette contre réforme » était nécessaire pour obtenir un compromis et convaincre les pays du nord d’accepter le principe d’une dette commune. Les pays semblent pleinement jouer le jeu. L’Italie, par exemple, a annoncé trois réformes qui correspondent exactement à ce que l’OCDE recommandait : une réforme de la justice, du système fiscale et une digitalisation des services publics.
L’OCDE travaille à l’instauration d’un impôt minimal mondial. Certains pays estiment qu’il n’y a aucune raison légitime de les priver de leur compétitivité fiscale…La concurrence entre Etats doit porter plus sur la qualité des infrastructures, de l’environnement réglementaire ou de l’éducation, que sur la fiscalité. Cet impôt mondial minimal envoie un message aux électeurs de tous les pays qui est extrêmement fort : la mondialisation permet une meilleure coordination des Etats.
C’est quand même extraordinaire de voir autant de pays signer un tel accord !
Son parcours
Laurence Boone est chef économiste de l’OCDE et représente l’OCDE aux réunions préparatoires sur le volet financier du G20. Ancienne conseillère spéciale auprès du président François Hollande, elle continue de siéger au Comité stratégique de l’Agence France Trésor. Elle a été également chef économiste du groupe AXA, de Bank of America Merrill Lynch et de Barclays Capital.
Son actualité
en outre, au G7 et G20 Finances.