Qu’est-ce qui a changé depuis la France de Georges Pompidou  ?


Songer qu’il ne s’est écoulé que 50 ans entre 1974, année de la mort de Georges Pompidou et aujourd’hui a quelque chose de vertigineux. À l’échelle de l’histoire un demi-siècle n’est rien mais la France a profondément changé de visage. Entre le règne d’Hadrien à Rome en 117 et l’année 167, période du règne de Marc Aurèle, l’empire romain a évolué bien sûr mais à bien y regarder, tant de choses ont demeuré immuables. Entre François 1er, le père et restaurateur des lettres, et Henri III, le royaume de France n’a pas changé du tout au tout.Si l’on prenait d’autres époques, le constat serait le même : aujourd’hui l’histoire s’accélère. Il fallait à l’Antiquité ou au Moyen-Âge des siècles pour que de vastes évolutions sociales, économiques ou culturelles n’imprègnent réellement la société. Désormais tout va plus vite, les évolutions se font en une décennie, voire moins.Qu’à de commun la France de Pompidou et la France de Macron ? Comment en seulement cinq décennies, la France a-t-elle pu changer à ce point ? Impossible de répondre à ces questions sans esquisser une morphologie de la France. Alors qu’Emmanuel Macron déclarait qu’il n’y avait « pas une culture française » l’exercice est difficile et peut même créer la polémique, tant le débat sur l’identité nationale est source de conflits aujourd’hui.

L’ambition gaullienne d’une nation debout et l’irrésistible parfum de liberté

Qu’est-ce qui a changé depuis la France de Georges Pompidou  ?

Certaines choses en France, se sont peu à peu imposées comme les contours immuables d’une nation qui, à la façon d’un tableau impressionniste se compose par petites touches et s’admire comme un tout cohérent. Au XVIe siècle déjà, Joachim du Bellay voyait la France comme la « mère des arts, des armes et des lois ». Le poète énonçait là certains traits caractéristiques du pays qui semblent perdurer, à travers les siècles, tels des éléments incarnant la puissance de la France.Les peintres français furent parmi les plus admirés au monde, dès qu’il est parvenu au pouvoir le Général de Gaulle a doté la France d’une armée puissante et le droit français est l’un des plus savamment élaboré, du Code civil à la constitution de 1958. « La France ne peut être la France sans la grandeur » disait de Gaulle, qui avait saisi mieux que quiconque l’importance pour le pays de se hisser au sommet du monde.
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Par-delà ces considérations fondatrices de la France, auxquelles on pourrait ajouter une passion irrépressible pour la liberté, la justice ou l’égalité, cette nation est aussi une culture, encore particulièrement affirmée dans les années Pompidou. Derniers instants des « Trente glorieuses », la présidence de Georges Pompidou concentre à la fois l’ambition gaullienne d’une nation debout face au monde et l’irrésistible parfum de légèreté et de liberté auquel aspire désormais une France en paix.

Georges Pompidou enclenche le processus d’ouverture de la France sur le monde

Prolongation des innovations de la France sous le général de Gaulle, ces presque cinq années seront celles d’un pays en voie de modernisation qui consacre ses succès automobiles, aériens, agricoles et ferroviaires. Sur le plan international, Georges Pompidou enclenche le processus d’ouverture de la France sur le monde, revenant sur les réticences du Général quant à la construction européenne ou la relation avec les États-Unis. Ce cycle sera mortifère pour le pays, mais alors qu’il n’en est qu’à ses prémices, les Français profitent encore d’un pays désormais loin du tumulte et des horreurs de la guerre.Socialement la France pompidolienne est homogène, majoritairement chrétienne, encore provinciale en dépit de l’exode rural et dotée d’une immigration principalement intra-européenne. Si l’image d’Épinal de la France d’alors évoque les vacances en voiture avec les bagages sur le toit, les partis de boules au camping et le Ricard en terrasse, c’est que la réalité est probablement assez proche de cette vision. N’importe quelle vidéo de l’INA ou coupure de presse de l’époque illustre d’ailleurs cela assez bien.Depuis 1970 la France a connu la révolution numérique et son lot d’individualisme, la société de consommation et son effet délétère sur l’esprit, la mondialisation et ses funestes conséquences sur la culture française et l’immigration massive qui a modifié en profondeur les récits et les imaginaires. Résulte de ces modifications essentielles une nouvelle France, probablement plus éloignée que jamais de sa propre histoire. On peut s’en désoler ou le glorifier, mais le constat est implacable, la France s’éloigne d’elle-même.

L’uniformisation des cultures est une première étape vers l’effacement des nations

Pour l’heure les Français ont élu un président qui fait sienne cette évolution, l’accepte et même l’encourage. Comme la plupart des élites européennes, Emmanuel Macron semble voir d’un bon œil l’effacement des cultures nationales. Participer à l’uniformisation des cultures est une première étape vers l’effacement des nations, des civilisations et des peuples. C’est un chemin cohérent. Reste qu’aujourd’hui les Français, comme beaucoup de peuples européens ne veulent plus de ce chemin de l’effacement.Toute la question est de savoir combien de temps encore des élites minoritaires pourront présider aux destinées de peuples qui les désapprouvent. Cela peut durer longtemps.