La cinéaste néo-zélandaise est venue à Lyon pour donner une master class et recevoir le Prix Lumière. Récit de cette journée hommage, alors que le Festival se termine ce dimanche soir. Jane Campion est « la réalisatrice des premières fois ». La formule est de Thierry Frémaux, le directeur du Festival Lumière, et elle est bien trouvée. La cinéaste néo-zélandaise fut la première femme à recevoir la Palme d’or, la première réalisatrice à présider le jury du Festival de Cannes. Elle est, désormais, la première femme cinéaste lauréate du Prix Lumière, l’équivalent du Nobel du cinéma. À l’issue de la master class qu’elle a donnée, vendredi après-midi 15 octobre, devant le public conquis d’avance du théâtre des Célestins à Lyon, on pourrait ajouter que Jane Campion est peut-être aussi la première cinéaste au monde à avoir pu concrétiser tous ses projets. « Je sais que c’est inhabituel, a-t-elle reconnu. Mes sujets me choisissent. Quand une histoire se forme dans mon esprit, je m’y tiens et j’arrive à la porter – je suis extrêmement persévérante, comme ma fille qui obtient toujours ce qu’elle veut… Ma confiance absolue en mes idées crée un champ d’énergie, et mon amour envers mes projets me permet de garder cette flamme. » Cette intransigeance vient de loin. « Faire des films était la seule chose que je voulais faire, mes amis me trouvaient d’ailleurs ennuyeuse car je ne parlais que de cinéma. Je pensais film, je rêvais film, mais c’était une obsession heureuse. Je suis entrée à l’école de cinéma à 27 ans, avec soixante-quinze autres étudiants qui avaient les mêmes rêves que moi, ce fut une expérience d’humilité totale. Je suis passée du désir de cinéma à l’action. Il fallait essayer sans avoir peur de se planter : l’important n’était pas de réussir, mais de faire. J’ai découvert très vite le lien sacré entre mon énergie, ma psyché, ce que certains appelleront “créativité”, avec quelque chose qui semble venir d’ailleurs, qui relève de l’inconscient, d’un rapport avec le divin. C’est peut-être pour cela qu’on ne peut m’imposer ce que je ne veux pas. » Jane Campion a, au passage, délivré un conseil aux apprentis cinéastes : « Il faut apprendre à regarder la réalité du monde autant qu’apprendre à utiliser la caméra. Je dois ressentir d’abord le sujet avant de le développer à l’écran. Réaliser un film, c’est comme être un médecin aux urgences face à un patient dont il faut réanimer le coeur. »