Vignoble cognaçais  : pourquoi les frères Bouygues, propriétaires d’une distillerie à Guimps, cultivent-ils déso...


En 2017, au moment du rachat, les bâtiments de la distillerie de la Métairie à Guimps.
Photo archives CL

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Vignoble cognaçais  : pourquoi les frères Bouygues, propriétaires d’une distillerie à Guimps, cultivent-ils déso...

L’ambition d’atteindre les 250 ha

Des transactions alors médiatisées. En effet, dans le magazine spécialisé Terre de Vins, Hervé Berland, l’ancien responsable du pôle vins et spiritueux des frères Bouygues (Château Montrose, Château Tronquoy-Lalande…), a raconté à plusieurs reprises comment l’ambition de la maison était d’acquérir 200 à 250 hectares dans le vignoble cognaçais, sans pour autant aspirer à la création d’une marque, même si une cuvée confidentielle, Montrose réserve, avait vu le jour en 2020.

On ne se fâche pas avec un groupe comme celui-là.

Depuis 2022, ce dernier a passé la main. Jean-Charles Lorant (1), ancien ingénieur technique chez Rémy-Cointreau, est à la direction de la distillerie de Guimps. Depuis, c’est silence radio. Combien les frères Bouygues possèdent-ils de rangs de vignes dans le Cognaçais ? Difficile de savoir même si le domaine s’étoffe encore, les dernières transactions datant de 2023.

« Des danseuses »

Aucun des viticulteurs approchés n’a souhaité répondre : « On ne se fâche pas avec un groupe comme celui-là », nous dit-on. Mais aussi en raison de l’écho qu’a ce genre de transactions qui font craindre une gentrification du vignoble à l’instar de ce qui a pu se produire dans le Bordelais.
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« Ces grands groupes ont de très gros moyens », explique un représentant syndical, « et ils se moquent de la rentabilité, leurs rachats sont des danseuses qui déstabilisent le prix du foncier provoquant une hausse qui ne permet pas ensuite aux petites exploitations ou à des personnes qui souhaitent transmettre leurs vignes de suivre. Dans le cognac, nous avons un équilibre entre les viticulteurs, les maisons de négoce, etc. S’ils gardent notre vision des choses, c’est très bien, mais s’ils sortent du chemin, les syndicats seront là pour leur rappeler. »
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Une mise en garde qui naîtrait dans les premières transactions menées par les frères Bouygues, dont les prix négociés auraient été au-dessus du marché, selon plusieurs sources. Le magazine Terre de Vins évoquait pour la propriété Gourdet une somme folle de 30 millions d’euros. Probablement par un rachat de parts sociales, une méthode qui a un peu plus jeté ce climat de méfiance.« Dans ce genre de transaction par rachat de parts sociales, clarifie Sylvie Massacré, directrice départementale de la Safer (2), il est difficile de dire s’il y a une augmentation des prix de la vigne car nous avons connaissance du montant global qui entend aussi le rachat des personnels, matériels et/ou stocks. Nous n’avons donc aucune preuve que les prix négociés de la vigne à proprement parler aient été au-dessus du marché. »Elle note toutefois que depuis la loi du 1er avril 2023, une autorisation administrative préalable est requise dans le rachat de parts sociales de sociétés agricoles, « ce qui va permettre une plus grande transparence. De plus, la préfecture, sur instruction du dossier par la Safer, aura pouvoir de demander des mesures compensatoires, c’est-à-dire de céder du foncier à bail ou à vente pour permettre l’installation de personnes ou la consolidation d’exploitations plus petites. »

Changement de braquet ?

Des mesures qui auraient déjà été prises par les frères Bouygues lors de leur dernière transaction, qui, selon une source proche du dossier, « appréhenderaient mieux l’état d’esprit du vignoble cognaçais et ne souhaiteraient plus faire de vagues ». D’ailleurs, le registre du commerce et des sociétés, dans une fusion réalisée en 2023, fait état d’un rachat de l’hectare en Petite-Champagne par les frères Bouygues à hauteur de 34.500€, une fourchette basse quand, en 2022, les prix minimums constatés étaient de 45.000€.
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Être discrets pour ne pas enflammer un monde viticole dans une conjoncture de crise et où « cette dynamique de marché, prisé par des investisseurs français ou étrangers qui ont fait augmenter les prix, est en train de retomber », note un syndicaliste, serait donc la politique désormais employée. Surtout à l’approche d’une année 2024 « où il va nous falloir être résilients », promet un homme du cru, puisque les prix publiés par la Safer – sur lesquels s’appuient les notaires ou centres de gestion en charge des transactions – basés sur l’année 2023 ne sortiront qu’en juin prochain, pas sûr qu’ils collent avec la rentabilité d’alors dans le vignoble.(1) Joint, le directeur de la distillerie n’a pas souhaité répondre à nos questions.(2) Société d’aménagement foncier et d’établissement rural.