Personne ne l’a jamais vu. Son nom et son prénom ont été tenus secrets. Depuis six ans, il fuit les caméras et le moindre micro. Pourtant, dans cette salle bondée du procès du 13 Novembre, tout le monde connaît le rôle qu’il a joué cette nuit-là . Voilà donc le « commissaire de la Bac ».Ce monsieur X s’avance à longues enjambées vers le micro de la cour d’assises spéciale. Chemise blanche, il est en civil, en costume gris anthracite avec un minuscule point rouge à la boutonnière. La légion d’honneur de ce commissaire a la couleur du sang du Bataclan. Et sur sa veste, cette décoration porte bien son nom tant l’honneur de cet homme force le respect. Le commissaire X, à lui tout seul, cette nuit-là , a changé le cours dramatique des choses. Avec son équipier, il a stoppé le carnage, mis un terme à la tuerie, mais aussi, ce qui était largement moins connu avant cette déposition, il a mis en œuvre une « noria » d’évacuation des blessés du Bataclan, permettant, là aussi, de sauver tant de vies supplémentaires.
Confusion totale
Cheveux poivre et sel souhaitant rester discret tuerie dans un bistrot qui « respirait l’amitié »Ce soir du 13 novembre « Un vendredi soir banal, avec un match de foot amical au Stade de France… Je suis en tenue de Bac nuit avec le sigle police dans le dos. J’ai pris mon service à 18 heures. » À partir de 21 h 30 tout va s’enchaîner.« On entend sur les ondes polices qu’a eu lieu une explosion au Stade de France, mais il n’est pas encore question d’une attaque terroriste. » Le commissaire et son équipier, qui prend le volant, démarrent vers Saint-Denis. Mais sur la fréquence radio du 17, la nuit folle commence. Il est vite question d’une fusillade dans le 10e. « Là encore, un vendredi soir, c’est classique », se souvient-il. « Dans un premier temps, cela a été la confusion totale. »
Rendez-vous avec le destin
Est-ce le destin qui va faire en sorte qu’ils foncent exactement là où il faut qu’ils soient  Ils tournent vers la gauche en direction de la place de la République. Ils y arrivent vers 21 h 47 quand, sur les ondes, il est pour la première fois question du Bataclan. « À République, j’ai entendu « tirs au Bataclan ». On a foncé boulevard Voltaire. » Le commissaire X ne le sait pas encore mais trois terroristes viennent de faire irruption dans la salle de concert. « Je ne pensais pas que le Bataclan était si proche, j’ai hurlé, « c’est là   ! » et mon équipier a pilé net, alors qu’on aurait dû s’arrêter un peu en amont », poursuit-il. Les voilà devant le théâtre…
« Une scène apocalyptique »
le commissaire X connaît bien le « tac tac » singulier des Kalachnikov mais de « sécuriser le périmètre ». Personne ne lui commande d’intervenir.
« C’est dans les tripes, on ressent ce qu’on doit faire »
« Ça a été rapide et sont désormais seuls dans le sas du Bataclan le récit minute par minute d’une enquête hors normesÀ la barre, cet homme pudique et discret n’a guère envie de s’étendre sur sa décision. « En tant qu’homme il m’apparaissait inconcevable de rester à l’extérieur », dira-t-il, plus tard, en réponse à la question d’un avocat. « C’est dans les tripes, on ressent ce qu’on doit faire », ajoutera-t-il. Il est 21 h 54. Les trois minutes qui suivent vont décider du sort de nombreuses vies.
« J’ai décidé de viser le corps, et pas la tête »
Ils sont saisis par la lumière « blanche puissante » Par chance et là quelques secondes après impressions et images de ces minutes paraissent gravées à jamais. Il est 21 h 58. Les trois terroristes sont entrés dans le Bataclan il y a moins de dix minutes et le commissaire courage et son équipier viennent de mettre fin au carnage. Les deux autres djihadistes, à tout moment, peuvent riposter avec leurs armes lourdes. « On a pris quelques secondes pour dire au revoir à nos proches, admet sobrement le commissaire X. Pour nous, c’était clair qu’on allait mourir, que notre dernière heure était arrivée. »
« J’ai tout fait d’initiative »
encore une décision heureuse qui m’a dit qu’il ne pouvait plus marcher Une femme depuis l’entrée Le commissaire, pour être silencieux, a coupé sa radio. « Cette nuit-là , j’ai tout fait d’initiative et je ne me suis servi de ma radio que pour rendre compte », dira-t-il plus tard à une question de magistrats. C’est aussi ce qui transparaît de son témoignage  : la solitude et la prise d’initiatives.
« On entendait des gens gémir et puis plus rien… »
impuissants, assiste en direct à l’agonie des blessés de la fosse. Certaines victimes pestent  : « Ils nous demandaient ce qu’on foutait, pourquoi on ne se dépêchait pas plus », se souvient aussi le commissaire. Il ressort. Là encore, comme coupé du monde, mais rejoint par une vingtaine d’effectifs de la Bac nuit, équipés cette fois de boucliers et de fusils à pompes.
« J’ai cette image d’un gamin de cinq ans… »
« tous sains et saufs », ils rejoignent leur base du 17e. « On s’est réconforté. Au petit matin, on est rentré chez soi. Et ensuite, on a essayé de revivre comme avant.Procès du 13-novembre : « On a visé la France et rien d’autre »