Fausse évidences, héroïsation déplacée, messages subliminaux, femmes exclues… le sexisme ordinaire irrigue les esprits, susurrant que la vie et les avis des hommes sont bien plus intéressants que ceux des femmes.
- Propos « déplacés » ? « petite bizarrerie » ? Quand un chroniqueur de France Inter disqualifie une féministe.
Ce lundi matin, sur France Inter, dans sa chronique politique, le journaliste Thomas Legrand commentait le débat de la primaire des écologistes. Un débat qu’il trouvait apaisé, à l’exception d’un propos féministe qu’il jugeait « déplacé ». Un propos tenu par l’une des cinq candidat.es, Sandrine Rousseau. « Sans doute gage plutôt déplacé à ses soutiens féministes » affirme le chroniqueur qui cite à sa façon un extrait de la phrase de la candidate à la primaire : « je suis entrée en campagne pour répondre à une humiliation parce que Gérald Darmanin a été nommé ministre…» Puis, en conclusion, Thomas Legrand parle de « petite bizarrerie » qui auraient rompu le charme de ce débat apaisé.
Economiste, ancienne secrétaire nationale adjointe d’Europe Ecologie-Les Verts, Sandrine Rousseau explique qu’elle veut prendre le pouvoir parce qu’elle ne veut plus de cette «humiliation » : « quand Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main le mouvement de milliers de femmes dont je faisais partie, qui luttaient contre les violences sexistes, en nommant à la tête de la police un ministre lui-même accusé de viol. » Ecoféministe, elle considère que « la question écologique et la question sociétale et sociale sont intimement liées », les comportements de prédateur des hommes de pouvoir étant incompatibles avec le féminisme et avec la protection de la planète. Du haut de son statut de chroniqueur politique Thomas Legrand disqualifie l’idée. Il aurait pu la critiquer ou s’interroger sur une autre façon de voir la politique. Il la déplace hors du champ de la politique. Ou peut-être trouve-t-il « déplacé » de parler des frasques d’un ministre. Dans un cas comme dans l’autre il entretient une vision univoque, patriarcale, de la politique. (lire AFFAIRE DARMANIN : POURQUOI LA « PRÉSOMPTION D’INNOCENCE » EST HORS-SUJET)
- La Une qui biaise le débat
Au cœur de l’été, Libération consacrait sa Une à la semaine de quatre jours. En illustration, un homme dans un hamac et ce titre : « et le cinquième jour, il se reposa »… Toutes les études sur le temps libre dégagé par la réduction du temps de travail ont montré que les hommes augmentaient leur temps de loisir tandis que les femmes consacraient davantage de temps à leur foyer ou à du bénévolat. Pourquoi ne pas les rendre visible ? Avec cette Une, le journal laisse penser que la semaine de quatre jours conduirait à l’oisiveté alors qu’elle devrait permettre d’augmenter le soin aux autres et la production de bien-être. (Lire QUAND LES RICHES CONTRIBUENT À PAYER LA PRODUCTION DE BIEN-ÊTRE)
- L’intox des as de la balayette
Roulement de tambour : Bruno Ginesty annonce la sortie prochaine de son livre « Ménage & vous ». Ce jeune homme fait partie de ces quelques hommes ayant découvert pendant le confinement que leur habitation n’était pas autonettoyante. Alors ils se sont improvisés experts en époussetage et donnent des leçons. Pour ces héros, pas question de faire le ménage discrètement vite fait bien fait. Ils se répandent sur la Toile et transforment une basse besogne jusque-là laissée aux femmes, en odyssée, en peplum, en prouesse technique, en victoire psychologique et sociétale… Et le journal le Monde a même publié, en février dernier, un très long article sur ces nouveaux héros, ce qui est une forme de consécration. Pire : l’article peut laisser croire que les hommes frottent, lessivent, époussettent désormais autant que les femmes alors que toutes les études menées pendant le confinement montrent que les inégalités se sont creusées au détriment des femmes. Il faut dire qu’ils savent se mettre en scène. Bruno Ginesty, qui propose des tutos ménage sur Internet, explique dans Le Monde qu’il a eu eu une « révélation ménagère » pendant le premier confinement. Le voici flanqué de 50 000 abonnés, bardé de partenariats avec des marques et auteur d’un livre… Ces nouveaux héros donnent l’impression que l’injustice ménagère est derrière nous… Dormez. Et cette dissimulation des inégalités sous le tapis de leur visibilité est récurrente dans les médias (Lire : PUB : ON N’EST PAS AIDÉE !)
Un homme est insulté par son patron parce qu’il veut prendre un congé parental. Il est interviewé par RMC /BFM et une bonne partie de la presse reprend son histoire avec force trémolos. L’affaire est parfaitement scandaleuse en effet. Mais pourquoi si peu d’indignation lorsque de telles mésaventures arrivent à des femmes ?… Ce qui est bien plus fréquent. Il faut aller lire des confidences sur les réseaux sociaux ou sur des blogs pour prendre la mesure du problème. Sur le compte de Mother F*cking Stories, on peut lire par exemple : « Une femme à une autre, à son entretien annuel : « Dommage que tu sois enceinte, j’allais demander à ce que tu montes en grade et je te garantis que t’aurais eu une belle augmentation. » Punie d’être enceinte. PS : la discrimination envers les femmes enceintes est punie pénalement.» Mais pour les « grands médias » ce type d »atteinte au droit du travail semble davantage digne de dénonciation quand les victimes sont des hommes.
- La publicité qui met chacun.e à sa place traditionnelle
Dans la famille mise en scène pour une publicité pour des forfaits de l’opérateur Orange, la mère est la seule à ne pas avoir d’écran entre les mains. Elle semble plus occupée à « materner » son fils qui n’a pas l’air ravi qu’elle le dérange. Le père semble absorbé par son écran. Et la fille, jolie adolescente assise à leurs pieds, a bien un écran dans la main, mais elle regarde l’objectif, ses jambes sont au premier plan. Au-delà du message commercial, le message subliminal sur les rôles de chacun.e dans la famille est martellé. Et ces publicités Orange bourrées de stéréotypes inondent les médias.
- Les grands classiques ? des hommes !
Et pour terminer ce court florilège une annonce de la médiathèque numérique qui propose un coffret des « œuvres littéraires incontournables des plus grands auteurs ». Et parmi les 24 auteurs, seulement une autrice, George Sand… qui avait préféré adopter un nom d’homme. Puisque seuls les hommes ont des choses intéressantes à dire. Plus près de notre époque, J. K. Rowling, l’autrice de Harry Poter (vendu à plus de 500 millions d’exemplaires dans le monde), a longtemps caché qu’elle était une femme… (Lire : JE LA LIS, TU LA VOIS, ELLES L’IMITENT)
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