Écoanxieux avant l’heure, Claude Villeneuve a fait de ses craintes le moteur de sa vision environnementale, et ce, depuis plus de 50 ans. Recevoir le prix Acfas Pierre-Dansereau pour l’engagement social revêt pour lui une signification toute personnelle : le grand écologiste fut son professeur, son maître à penser et son ami.
Claude Villeneuve se souvient de ses discussions avec le scientifique Pierre Dansereau, qu’il a connu au début des années 1980 et qu’il invitera par la suite, à l’aube de l’an 2000, à rencontrer ses premiers étudiants en écoconseil à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). En compagnie de son frère, le cinéaste Fernand Dansereau, il était venu présenter un documentaire sur son parcours, Quelques raisons d’espérer, titre qui pourrait coiffer les recherches et les états d’âme de Claude Villeneuve.
Celui qui fut également l’étudiant du Dr Hans Selye, figure incontournable dans le domaine des études sur le stress, et un complice du célèbre et regretté réalisateur d’animation Frédéric Back (L’homme qui plantait des arbres, Le fleuve aux grandes eaux) ne fait pas qu’alarmer ses contemporains sur la dégradation accélérée de la planète. Ce biologiste de formation et professeur au Département des sciences fondamentales de l’UQAC a préparé et prépare encore des générations d’étudiants à poursuivre son travail acharné en faveur du développement durable.
« À l’école primaire, on nous enseignait qu’il fallait descendre au sous-sol ou se cacher sous les pupitres en cas d’alerte atomique, se souvient Claude Villeneuve, sourire en coin. Adolescent, j’étais déjà scandalisé par la manière dont les gens traitaient l’environnement, mais je n’étais pas le seul. » En effet, au début des années 1970, dans la foulée des travaux du Club de Rome créé en 1968, de la parution d’un des essais fondateurs de la pensée écologique, Silent Spring (1962), de Rachel Carson, et de l’instauration du Jour de la Terre en 1970, celui qui fut directeur de l’Institut européen pour le Conseil en environnement de Strasbourg (1993-1994) sentait déjà poindre un temps nouveau.
Aujourd’hui très associé au développement durable et à l’importance de comprendre la dynamique des forêts pour en faire des atouts inestimables face aux changements climatiques, Claude Villeneuve s’est vite fait remarquer pour la pertinence de ses signaux d’alarme. Dès son premier essai, Des animaux malades de l’homme ? (1983), il attire l’attention sur la scène internationale. Il est approché par l’UNESCO pour concevoir le tout premier cours universitaire sur le développement durable, inspiré des travaux de Maurice Strong et Francesco di Castri, et repris en 1987 avec le célèbre rapport Brundtland, rédigé par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies.
Mesurer la durabilité
Le professeur se souvient encore d’une question, en apparence banale, d’un de ses premiers étudiants, en 1988, qui allait bousculer la suite de ses travaux. « Il m’a demandé : comment fait-on pour mesurer si quelque chose est durable ? J’ai répondu que je ne savais pas… mais qu’il fallait y travailler ! » Claude Villeneuve s’est vite attelé à la tâche, développant des grilles d’analyse reconnues par les Nations unies, formant plusieurs cohortes d’écoconseillers capables d’insuffler les meilleures pratiques dans tous les milieux, créant aussi Carbone boréale.
Cette chaire de recherche et d’intervention en écoconseil et de l’infrastructure de recherche ressemblait, à sa naissance, en 2001, à « une idée de fou », selon Claude Villeneuve. « Depuis ce temps, nous avons planté 1 700 000 arbres et nous publions des choses qui donnent de l’espoir par rapport à l’utilisation de la forêt boréale pour faire face aux changements climatiques. »
D’ailleurs, celui qui a écrit Est-il trop tard ? Le point sur les changements climatiques a-t-il autant d’espoir que son mentor ? « Dans ce livre publié en 2012, mes prévisions pour les années 2020-22 sont justes et montrent que nous sommes exactement dans la mauvaise voie… Pierre Dansereau disait : “Nos faillites sont celles de l’imagination.” Les êtres humains ont vécu pendant des millions d’années dans un système biologique sans le perturber trop profondément. La clé du développement durable, c’est de trouver la façon dont ils vont y vivre sans le détruire. Nous avons la capacité de nous projeter dans l’avenir, d’envisager des alternatives. »
Et comme pour conclure sur une note optimiste, Claude Villeneuve précise : « Jusqu’à présent, le pessimiste a raison, mais ça ne veut pas dire qu’il aura raison jusqu’au bout. »
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