les analyses de l’autopsie du corps du jeune Alexis contredisent les versions des accusés


Les débats devant la Cour d’assises de la Creuse ont bien du mal à faire émerger une réelle compréhension de la scène de crime. Les lésions traumatiques que présentait le corps d’Alexis ne sont pas compatibles avec les déclarations des deux accusés. Entre mensonges, évolution des versions et hypothèses, le jury, mais aussi l’Avocat général et les avocats de la défense ont une mission difficile.
Troisième jour d’audience. Un juré ayant fait un malaise, le jury se reconstitue avec l’un des trois jurés supplémentaires tirés au sort. Il s’agit d’une femme, la seconde de ce jury de 6 jurés.

Ces paroles ont été tenues avec beaucoup d’assurance à la barre par le grand-père d’Alexis, père de Frédéric Bernady. A bientôt 70 ans mais en paraissant dix de moins, garagiste toujours en exercice, les mains posées fermement sur la barre et d’une voix forte, l’homme demande à la Cour de prononcer « la perpétuité pour ces deux-là puisqu’on ne saura pas la vérité et moi il n’y a qu’une chose que je veux, c’est qu’ils paient à la hauteur de ce qu’ils ont fait. Le gamin était un sacré gaillard, ils n’ont pu être que deux à faire ça ».
Les débats ont repris avec les dépositions des médecins légistes qui ont examiné le corps d’Alexis, décédé ce 28 août 2018. Rappelons qu’il a été retrouvé face contre terre à 6h30 du matin, devant la maison de Roland Michaud.
L’examen médico-légal des lésions traumatiques révèle huit impacts, dont quatre qu’il est possible d’imputer à sa lourde chute de sa propre hauteur. S’il est un point commun dans les déclarations respectives des deux accusés, c’est que chacun dit avoir vu Alexis tomber « comme un piquet ». Les quatre autres lésions relevées ne peuvent avoir été provoquées que par l’intervention d’un tiers. On les trouve à droite, à gauche, à l’arrière et devant la tête d’Alexis. Deux d’entre elles auraient provoqué une asphyxie. Pour les experts, il est possible d’envisager une asphyxie traumatique posturale, avec abolition des réflexes compte-tenu de la forte alcoolisation de la victime (4,56g/l), et/ou une asphyxie mécanique, par écrasement ou compression de la cage thoracique. Un des hématomes témoigne un traumatisme crânien, sans être la cause du décès.
La Cour multiplie les questions auprès des accusés pour obtenir le plus de détails possibles. A ce troisième jour, Frédéric Bernady reconnait avoir secoué Alexis au sol, mais continue à nier totalement avoir porté le moindre coup. « Est-ce que le fait de l’avoir secoué c’est ce qui a provoqué les hématomes, je ne sais pas…  »
Question de la Présidente « Et comment expliquez-vous la pression sur sa cage thoracique ? » « Je sais que j’ai pris appui sur lui pour me relever puisque j’étais tombé quand il m’a donné un coup de poing, mais je ne me souviens plus comment ça s’est passé« ,  répond Frédéric Bernady (précision : le père d’Alexis pèse 90kg et se déplace difficilement compte-tenu de la prothèse de sa jambe).
L’un des assesseurs attire l’attention de Frédéric Bernady sur une possibilité de trou de mémoire due à son imprégnation alcoolique. Il répond évasivement. Une amnésie que l’un des Conseils des parties civiles oppose à son assurance lors de la reconstitution, jusqu’à même fournir un dessin très précis de la position des trois protagonistes d’après lui.
La succession de questions posées à Frédéric Bernady, notamment par les parties civiles, entraine une nouvelle évolution de ses déclarations. « Monsieur Bernady s’adapte au fur et à mesure ! », s’exclame l’avocate de la mère d’Alexis, conjointe de Frédéric Bernady. Ce que constate également la présidente de la Cour.
Question de maître Guillaume Viennois, avocat de Roland Michaud, à Frédéric Bernady : « A la reconstitution, pour la première fois, vous avez représenté mon client près de la voiture, avec une main armée d’un objet, qu’en est-il ? » Parce que j’ai vu son bras se lever et se baisser et j’ai supposé qu’il avait quelque chose à la main ». Maître Guillaume Viennois poursuit par d’autres questions, pointant la contradiction des réponses de Frédéric Bernady pendant la reconstitution avec les constatations de l’enquête.
L’avocat de Frédéric Bernady tente de l’amener à plus de lucidité « on ne peut aller contre les évidences monsieur Bernady, dîtes-nous ce qui s’est réellement passé, on pourrait au moins comprendre… « . Sans succès.

La puissance de la violence de Frédéric Bernady est illustrée par les propos de son frère, qui témoigne d’un coup de poing qu’il lui a asséné en 2012 causant deux fractures de sa mâchoire. « La chirurgienne a pensé que j’avais reçu un coup de batte de base-ball. Je ne souhaite à personne de croiser son chemin quand il sera libéré, c’est gratuit, il ne lui faut pas grand-chose, une parole, un geste, il peut prendre ce qu’il a sous la main ou y aller avec ses poings« . Un témoignage que l’avocat de Frédéric Bernady veut relativiser en lui demandant ce qu’il avait dit pour justifier cette réaction de son client « J’avais insulté ma mère, ce que j’ai d’ailleurs regretté ».
La jeune sœur de Frédéric Bernady confirme cette même violence et rapporte être en froid avec leurs parents, reprochant à ceux-ci de l’avoir toujours soutenu et défendu dans ses accès de violence « avec moi il savait que s’il me touchait un jour ou touchait à mes enfants, ce serait immédiatement la justice ». Sur question de la Cour, elle confirme qu’il peut se montrer menteur et manipulateur.
A l’issue de ces deux témoignages, Frédéric Bernady apparait à la Cour sous un autre jour. Il demande à apporter des précisions, son expression s’emballe, il se montre vulgaire et revendicatif, multipliant les commentaires et faisant évoluer son propos vers un règlement de comptes. Il est interrompu par la présidente de la Cour d’assises. Un épisode qui ne manquera pas d’éclairer les jurés sur sa personnalité.
Une personnalité complexe que décrit le psychologue ayant examiné Frédéric Bernady au cours de sa première année de sa détention.
Il décrit un homme en souffrance, pas froid, pas dénué d’émotion. Il rapporte l’expression d’un fort sentiment de culpabilité, pour deux raisons précise t-il : pour avoir entrainé son fils dans une beuverie et pour ne pas avoir appelé les secours.
Sur les circonstances du drame, l’expert rapporte le flou, la confusion, le malaise de Frédéric Bernady. Sur son parcours de vie, il s’est montré soucieux de réhabiliter son image, en s’affirmant père et conjoint aimant. Il a parlé de la complicité qu’il avait avec son fils. Le psychologue l’a trouvé sincèrement inquiet de l’état de santé de sa compagne qui avait fait une tentative de suicide. Frédéric Bernady lui est apparu disposé et disponible à s’interroger, désireux de comprendre l’homme qu’il était, reconnaissant être sanguin, montant vite dans les tours, ne tirant pas les leçons de ses actes.
De l’entretien, le psychologue retient une personnalité instable, perturbée, minimisant toujours son rôle dans les conséquences de ses actes, n’assumant pas et ayant une perception idéalisée de lui-même.  

D’un côté il y a l’instruction menée pendant plus de deux années. Une enquête qui a permis de constater, d’auditionner, de confronter.
Mais un procès d’assises est un procès oral. Seule la présidente a connaissance du dossier de l’instruction, les deux magistrats assesseurs et les citoyens désignés pour constituer le jury n’ont pas cette connaissance. Ils découvrent tous les éléments du dossier au cours de ces journées d’audience. C’est ce qui est dit et montré au procès qui permet à la Cour de se forger une intime conviction.
Sur quelles hypothèses va-t-elle se fonder ?
Etaient-ils tous les trois près de la portière de la voiture où les coups ont été portés par Roland Michaud, comme l’avance dans sa dernière version Frédéric Bernady ?
N’étaient-ils que tous les deux, père et fils, comme le soutient Roland Michaud, ce dernier assurant ne pas être sorti au-delà de son pas de porte ?
Quelle version retiendra l’accusation soutenue par le Parquet Général ? Si Frédéric Bernady a en réalité porté des coups à son fils, debout et/ou à terre, l’ont-ils pour autant été pour donner la mort à Alexis ?
Acquittement pour Roland Michaud… requalification en coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner… il reste deux jours d’audience avant le verdict vendredi.