Banlieues  : le gouvernement veut répondre sans écouter


Comment répondre aux révoltes dans les quartiers populaires, consécutives au meurtre de Nahel ? La Macronie semble loin d’ouvrir la question du lien à retisser entre la jeunesse des banlieues et la République.

Sa réponse tient dans la répression. « Notre stratégie s’appuie sur quatre piliers  : la mobilisation des “forces de l’ordre”, la fermeté de la réponse pénale, la responsabilisation des réseaux sociaux et un rappel de l’autorité parentale », a insisté, mercredi, la première ministre, Élisabeth Born, e au Sénat.

Banlieues  : le gouvernement veut répondre sans écouter

Alors que le président de la République promet une en réponses aux violences urbaines, ces derniers jours laissent présager plusieurs dangers, entre État de droit enjambé, stigmatisation des pauvres et quartiers abandonnés.

Une justice expéditive

Des dossiers bouclés en quinze minutes, sans revenir pleinement sur les faits et le parcours des prévenus. Des réquisitions et des peines très lourdes. Mais aussi, souvent, un manque de preuves et des condamnations qui ont tout l’air d’être prononcées « pour l’exemple  ».

dégradations ou pillages de magasins.

Même peine pour un vol de canettes, idem pour des lunettes…

« Devant ce même tribunal, un industriel réalisant près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires avait été condamné à 10 000 euros d’amende pour avoir pollué la Méditerranée… » remarque l’avocat Sébastien Mabile, évoquant une « justice de classe ».

« Si seulement on punissait avec la même sévérité les délinquants en col blanc, on récupérerait assez vite les 100 milliards d’euros de fraude fiscale annuelle », a réagi Fabien Roussel, secrétaire national du PCF.

Les parents ciblés

L’emprisonnement des jeunes condamnés pour des vols ne semble pas suffire à l’exécutif. Le gouvernement, dans sa course en avant vers la répression des habitants des cités, veut aussi s’en prendre aux parents. Le ministre de la Justice est ainsi monté au créneau durant les violences  : «  Nous exigeons qu’ils tiennent leurs enfants. Il n’est pas normal que des enfants traînent dans les rues pour aller piller des magasins  !

Le 4 juillet, le président de la République a enfoncé le clou  :  »Il faudrait  qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. Une sorte de tarif minimum dès la première connerie.«  Une sortie qui relève soit de la méconnaissance totale des réalités sociales dans les quartiers, soit du plus pur cynisme politique.

Le sociologue Jérôme Jaffré rappelle que  »pour beaucoup de ces mères, c’est la double peine. Ce sont souvent des familles monoparentales et en plus on explique qu’elles vont devoir payer pour les dégradations de leur gosse.« 

comme le laisse entendre le gouvernement.

Vers une censure des réseaux sociaux ?

Après les jeux vidéo, Emmanuel Macron a trouvé une autre cause de la révolte urbaine. Les réseaux sociaux  »jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours« , a-t-il estimé, mardi, avant de menacer  :  »Il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper.«  Olivier Véran a confirmé cette volonté, mercredi, dans des termes flous.

Le porte-parole du gouvernement évoque des coupes, une  »suspension de fonctionnalités«  ou encore une géolocalisation  »des appels à l’organisation de la haine dans l’espace public« . Avec le risque d’une censure qui rappelle celle de régimes autoritaires comme la Russie, l’Iran, le Soudan ou la Chine.

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Mais cette option de couper les réseaux sociaux lors d’événements particulièrement marquants pourrait se généraliser, à la manière de nombreuses dispositions de l’état d’urgence intégrées dans le droit commun ces dernières années.

D’autant qu’Emmanuel Macron veut pouvoir intervenir sur les réseaux sociaux  »quand les choses s’emballent« . Une définition bien large, peu précise, qui pourrait, si elle était ainsi inscrite dans le droit, s’appliquer à n’importe quel mouvement social.

Des miettes pour les services publics

Mercredi, un texte de loi a été présenté en Conseil des ministres pour accélérer la reconstruction ou la rénovation du millier de bâtiments dégradés depuis la mort de Nahel.

Christophe Béchu, en charge de la Cohésion des territoires, veut aller vite. Il s’agit d’  »accélérer les procédures«  pour  »écraser les délais« . Si aucune commune ne doit  »se retrouver avec une facture à la fin« , il insiste  :  »On n’a pas vocation à se substituer à des assurances.«  Tel est le plan du gouvernement pour faire face à la casse du mobilier urbain.

Mais strictement rien n’est actuellement prévu pour aider les maires à panser les plaies au-delà du bâti. Mardi, devant plusieurs centaines d‘entre eux, Emmanuel Macron a annoncé qu’il n’entendait pas redonner des moyens aux communes afin de prendre soin des services publics et d’assurer le vivre-ensemble.

 »Une fois de plus, on est livrés à nous-mêmes. C’est à nous de faire la République dans les territoires, avec le peu de moyens à notre disposition« , regrette Vincent Bony, maire PCF de Rive-de-Gier (Loire). Aucun plan visant à relancer les politiques de la ville et à mettre un terme aux inégalités criantes entre citoyens et territoires n’est ainsi à l’ordre du jour à l’Élysée.