" Les distributeurs français ont assuré " : Vincent Mayet (Havas Commerce) : Image


Après deux baromètres publiés en mars et juin 2020, L’Observatoire du Commerce et Havas Commerce, publient « La consommation des Français et l’image des enseignes en 2021 ». Décryptage avec Vincent Mayet, directeur général d’Havas Commerce. 

Quelles sont les coulisses de cette étude et son objectif ? 

Vincent Mayet : cette étude se base sur trois enquêtes, ayant eu lieu à trois périodes clé de la pandémie, sur un échantillon représentatif de la population française. C’est le rôle d’Havas Commerce de suivre les tendances de consommation, les grandes évolutions et les transformations du commerce dans le monde. A ce titre, cette période totalement inédite se devait d’avoir son étude. Même si d’autres études de grande qualité ont été menées, je crois que nous avons été les seuls à fonder la nôtre sur une triple consultation échelonnée dans le temps. Ce que nous cherchions à comprendre, ce sont les mutations, les transformations. On a également voulu savoir comment les Français envisagent la sortie de crise. Dans quel état d’esprit ils allaient revenir dans les enseignes, avec quelles envies, quels besoins. Les trois enquêtes cumulées représentent 160 pages de graphiques, d’analyses et d’enseignements pour le futur.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement interpellé ? PEUT-on dégager quelques tendances fortes ?

notamment dans les grandes villes où on ne les attendait pas à ces niveaux les Français ont choisi le parti qui s’est saisi de façon concrète et pragmatique de l’amélioration de leur quotidien les prochaines présidentielles peuvent nous réserver de grandes surprises. Car les changements de comportements sont toujours le fruit d’un événement ou d’un contexte particulier, de ruptures dans la vie quotidienne et d’un emballement médiatique qui accélère les modifications de mentalité. Ce que nous venons de vivre depuis plus d’un an maintenant, concentre tous les ingrédients pour des modifications fortes des attentes et opinions politiques des Français.

Le baromètre évoque un « retour à l’essentiel ». Comment cela se traduit-il ?

65% des Parisiens regrettaient de ne plus pouvoir faire de shopping- c’est plutôt une activité utilitaire pour les pays du Nord Ils attendent une production nationale

Quelles leçons les distributeurs doivent-ils retenir pour l’avenir ?

Je n’ose imaginer ce qu’il serait advenu si les chaînes d’approvisionnement en produits de première nécessité comme les pâtes, le riz, les produits frais, le papier toilette, avaient failli, laissant les rayons vides pendant plusieurs semaines ! Nous aurions vécu une guerre civile. Heureusement pour nous, les chaînes d’approvisionnement ont été robustes et les distributeurs Français ont « assuré ». D’ailleurs, dans les trois études qui ont été menées, les scores des distributeurs alimentaires sont de véritables plébiscites avec un dépassement des 80% d’agrément. Les Français ont reconnu le grand professionnalisme des distributeurs dans tous les domaines : mesures sanitaires, approvisionnement, solidarité, respect de leurs salariés et plus précisément l’engagement des hôtes et hôtesses de caisse en première ligne. Je ne sais pas si nous reviendrons à la normalité d’avant la pandémie, cependant certaines nouvelles habitudes prises, vont le rester. Le télétravail, qui va trouver une vitesse de croisière autour de deux jours de télétravail par semaine, va modifier les jours de course, leurs fréquences et le panier moyen. Le e-commerce a gagné pas moins de 5 ans à la mise en place du click and collect dans certaines enseignes ou l’accélération de la livraison pour d’autres. Les résultats d’Amazon ont marqué les esprits en 2020 – 386 milliards de CA, soit 100 milliards de plus versus 2019 – et des profits qui ont doublé pour dépasser les 20 milliards de dollars. Il faut savoir que le e-commerce alimentaire post-pandémie représente 35% de l’alimentaire en Chine. Il a gagné presque 10 points sur ces deux dernières années. Ce sont des chiffres vertigineux, mais la réalité, c’est que la livraison y compris alimentaire, va s’installer comme la norme dans les prochaines années. Les enseignes qui doivent faire attention ? Je ne vais citer personne. Ce n’est pas mon rôle, ni mon habitude de donner des bons ou mauvais points. D’autant qu’il y a une qualité des professionnels de la distribution en France qui n’ont rien à envier aux meilleurs pays du monde dans le domaine. En revanche, je suis triste pour le secteur du textile qui a un vaste chantier devant lui pour reprendre le fil de la relation. Toutes les enseignes vont devoir réinventer leur modèle pour y développer des produits d’origine Française. Pas sûr que le « conçu en France suffise à terme. La pression sur les prix va rester au cœur des attentes dans les prochains mois, voire années. Sur les trois enquêtes, l’engagement sur les prix bas est cité en premier dans les attentes vis-à-vis des distributeurs. La distribution, et plus précisément l’alimentaire a une responsabilité importante pour le futur de notre pays, de ses paysages. L’enseigne qui saura définir un projet suffisamment crédible et ambitieux pour redonner l’espoir d’un retour à une forme de souveraineté alimentaire aura indéniablement marqué des points auprès d’eux ! Même si Amazon, avec le départ de Jeff Bezos et Alibaba, dans son opposition au gouvernement Chinois, pourraient donner l’impression d’aller moins bien. Les chiffres montrent au contraire qu’ils se portent bien. Les dividendes qu’ils distribuent et le niveau de croissance qu’ils maintiennent, vont les rendre toujours plus présents et pressants sur l’Europe et le marché Français. Nous allons vers une bataille rangée du commerce entre trois business models qui vont s’affronter. Les e-commerçants, les marketplaces et les click and mortar. Ces trois modèles sont présents sur tous les continents. Ils s’affrontent déjà un peu partout, chacun avec leurs arguments. L’exemple de Walmart, pour lequel Havas Commerce va sortir une analyse très fouillée dans les prochaines semaines, montrent que l’issue n’est pas aussi limpide qu’il n’y paraît. Malgré la puissance d’Amazon sur le marché américain (une part de marché de plus de 50% du e-commerce), Walmart continue de croître et a bâti un plan de transformation titanesque. Cela porte ses fruits. Le e-commerce de Walmart connaît une croissance à deux chiffres qui dépasse celle d’Amazon. Walmart a lancé Walmart+, un programme de fidélité qui a déjà conquis plus de 65 000 Américains en quelques mois. Enfin, la bataille des zones de chalandise sera la prochaine bataille du commerce en France. Pour endiguer Amazon Fresh qui s’est déjà déployé dans les pays du sud de l’Europe, il faudra mieux appréhender et mieux traiter les différents bassins de consommation qu’eux. La bataille qui s’annonce déjà, passe par une meilleure connaissance des habitudes et des attentes locales pour y répondre. Nous avons créé avec l’expert des bassins de consommation en France, Xavier Guillon, un indice que l’on a appelé l’IPEL, soit l’indice de pénétration du e-commerce local qui montre de façon limpide où sont les consommateurs du e-commerce local. Sont-ils correctement adressés par les distributeurs ? Qu’est-ce qu’il faut mettre en place d’un point de vue logistique demain pour adresser des zones de potentiel qui peuvent être source de croissance ? Il n’y a aucune fatalité. Nous avons des acteurs suffisamment puissants en France pour lutter contre les plateformes qui ambitionnent de poursuivre leur croissance dans notre pays.

+ 80% des Français attendent des politiques une défense de leur pouvoir d’achat, des engagements sur l’écologie et un soutien à l’agriculture. Quel enseignement faut-il en retenir pour la suite ?

Vincent Mayet : Que les Français ont changé et sans doute, bien plus vite et surtout bien plus profondément que l’on imagine. La pandémie a agi comme un starter. Nous sommes en « l’an 1 » d’un changement des mentalités.

Etude payante et sur demande, via ce lien.