Lors d’un échange avec le commissaire européen au Budget et à l’Administration Johannes Hahn, les eurodéputés ont demandé à la Commission de renforcer son outil d’évaluation de l’impact du budget du bloc sur l’égalité entre les sexes.
« Le financement de l’UE est un outil efficace pour promouvoir nos objectifs politiques et amener le changement », a déclaré le commissaire européen jeudi dernier (8 septembre) lors d’une réunion de la commission parlementaire mixte sur la méthodologie de suivi du genre pour le budget de l’Union.
La Commission européenne met actuellement en œuvre un projet pilote de suivi de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les programmes du projet de budget de l’UE pour 2023 afin de développer une méthodologie permettant de mesurer l’impact de ce dernier sur l’égalité entre les sexes.
L’outil de suivi, qui fait partie de l’accord interinstitutionnel pour le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, classe les programmes de l’UE en leur attribuant des notes allant de 0 à 2, en fonction de leur contribution à l’objectif d’égalité des sexes.
Les programmes de l’UE sans interventions ciblées sur l’égalité des sexes sont notés 0, tandis que ceux dont l’égalité des sexes est un objectif déclaré ou une priorité principale sont notés 1 et 2 respectivement. En revanche, les programmes dont l’impact n’est pas clair sont notés 0*.
Sur les 29 programmes analysés, 95 % ont été considérés comme promouvant ou ayant le potentiel de contribuer à l’égalité des sexes, a déclaré le commissaire aux eurodéputés.
« Cela ne devrait pas être une surprise pour aucun d’entre nous, mais je veux être vraiment clair. Le budget de l’Union n’est pas neutre en termes de genre, c’est un instrument très pertinent pour renforcer l’égalité des sexes », a-t-il indiqué.
Réactions
La plupart des eurodéputés ont salué les avancées réalisées par la Commission pour inclure la dimension de genre dans le budget de l’UE, mais ont exhorté l’exécutif à agir rapidement.
« J’espère qu’elle sera mise en œuvre aussi vite que possible, c’est notre devoir », a déclaré Dimitrios Papadimoulis, vice-président du Parlement, avant d’ajouter que la Commission devrait inclure des objectifs spécifiques en la matière.
Selon lui, l’exécutif européen devrait présenter un guide pour l’application et une méthodologie d’évaluation afin de s’assurer que « nous savons quels sont les résultats, où sont les lacunes, ce qui doit être changé ».
Des effets négatifs
Plusieurs eurodéputés ont toutefois exprimé leurs inquiétudes quant à l’absence de scores permettant de mesurer l’impact négatif des politiques européennes sur l’égalité des sexes.
« Comment classez-vous les interventions qui ont un impact négatif sur l’égalité des sexes ? » a demandé Alexandra Geese (Verts/ALE) au commissaire, mentionnant les effets de « distorsion » des fonds dans les programmes agricoles, la grande majorité des terres étant détenues par des hommes.
« Nous ne pourrons pas transformer les fonds agricoles en un programme ayant un impact positif sur l’égalité des sexes d’ici deux ou trois ans. Ce n’est pas réaliste », a déclaré Mme Geese, ajoutant qu’il serait « plus honnête » d’introduire une catégorie relative aux incidences négatives dans le système de notation.
Cependant, M. Hahn a répondu « nous n’avons pas l’intention d’ajouter une catégorie négative », ajoutant que le commissaire européen à l’Égalité et un groupe de travail dédié veilleront à l’inclusion d’une perspective de genre dans toutes les politiques et tous les processus de l’UE.
Plans de relance
La commissaire, les eurodéputés et les experts ont également discuté de l’impact des plans pour la reprise et la résilience post-pandémique sur l’égalité des sexes, une question sur laquelle l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) enquête actuellement.
« Les résultats préliminaires ont malheureusement montré que les exigences liées à l’égalité des sexes et à l’intégration de la dimension de genre n’étaient pas perçues comme une priorité dans de nombreux États membres », a expliqué Maruša Gortnar de l’EIGE.
En outre, une étude commandée par les Verts a révélé qu’en Italie et en Espagne, la plupart des fonds pour la relance bénéficient à des secteurs employant majoritairement des hommes.
« Une réponse politique où 80 % de l’argent public va uniquement à l’emploi masculin ne contribue pas à l’égalité des sexes, elle creuse le fossé entre les sexes », a déclaré Mme Geese.
Les prochaines étapes
Selon M. Papadimoulis, l’Union européenne devrait s’inspirer des bonnes pratiques déjà en place dans certains États, comme l’Autriche, où toutes les lois adoptées sont examinées du point de vue de leur impact sur les hommes et les femmes.
« Nous devons passer de la théorie à la pratique », a-t-il déclaré, ajoutant que l’exécutif européen doit agir rapidement pour s’assurer que les outils de suivi de l’égalité des sexes soient en place d’ici le 1er janvier 2023.
En ce qui concerne les prochaines étapes à suivre, M. Hahn a déclaré qu’une réunion sur la question se tiendra à la mi-octobre, tandis que la présidence suédoise du Conseil organisera une réunion informelle en avril 2023.
En attendant, la Commission a lancé une formation spécialisée pour le personnel sur les pratiques d’intégration de la dimension de genre afin d’impliquer une perspective de genre dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de l’UE.
« L’intégration de la dimension de genre dans le processus de budgétisation de l’UE contribuera sans aucun doute à faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes », a déclaré M. Hahn. « Nous ferons davantage à l’avenir pour garantir qu’elle soit à la hauteur de son potentiel », a-t-il conclu.