Les faux sauvetages d'animaux, nouvelle forme de maltraitance


Un jour avant la parution de cet article, YouTube a prévenu National Geographic que la plateforme allait adopter le 30 juin un nouveau règlement facilitant la suppression des vidéos de sauvetages d’animaux « qui ont été mises en scènes et placent l’animal dans des scénarios dangereux. » Aucun autre détail concernant la façon de procéder ou les délais de mise en place n’a été précisé.

En attendant, des vidéos de faux sauvetage d’animaux continuent d’être publiées.

Les faux sauvetages d'animaux, nouvelle forme de maltraitance

 

ET LES AUTEURS ?

La plupart des vidéos sur les différentes chaînes semblent être filmées en Asie du Sud-Est, peut-être au Cambodge, d’après Jackel et d’autres spécialistes. Le khmer, principale langue du Cambodge, est souvent parlé dans les vidéos. Les serpents présentés sont des espèces endémiques de la région et la végétation semble correspondre à cette hypothèse.

Les emplois se font rares dans la campagne cambodgienne, où vit 90 % de la tranche de population la plus pauvre du pays. Qui plus est, le tourisme, la manufacture et la construction ont enregistré un déclin dramatique pendant la pandémie et ces secteurs représentent 40 % des emplois à l’échelle nationale.

« Au Cambodge ou au Vietnam, il n’est pas rare d’avoir un reptile comme animal de compagnie ou de les élever pour leur viande et d’autres utilisations, tout comme nous élevons des poules, » indique Natusch, qui a regardé plusieurs de ces vidéos pour National Geographic. « Ces animaux vivent probablement en cage la plupart du temps. »

Bellingcat, un site Web de renseignement d’origine source ouverte, a examiné pour National Geographic plus d’une dizaine de vidéos de la chaîne la plus prolifique en matière de faux sauvetage d’animaux. Le groupe a tenté de déceler des indices environnementaux afin d’identifier les potentiels lieux de tournage de ces vidéos.

 » dit-il.

L’endroit où sont filmées ces vidéos est un élément crucial pour ceux qui tentent de mettre un terme à l’exploitation animale, indique Jackel. « Sans localisation, les autorités locales ne pourront rien faire. » Il est également important de trouver le propriétaire de la chaîne qui publie ces vidéos, poursuit-elle. Ce sont des personnes qui reçoivent des paiements de Google si les chaînes sont monétisées et qui pourraient en tirer une certaine notoriété. « Tout le monde cherche à attirer l’attention et parfois, c’est une pente glissante, » indique Jackel. « Même s’ils n’en tirent pas de profit, il y a toujours un danger  : on peut être populaire sur YouTube en torturant des animaux. » 

Il est peu probable que les propriétaires de ces chaînes soient basés au Cambodge, car le pays ne figure pas sur la liste des pays éligibles au Programme Partenaire de YouTube.

Seuls Google et le propriétaire de la chaîne YouTube ont connaissance du pays dans lequel la chaîne est enregistrée pour le paiement et les impôts, explique Urgo de Social Blade. La page « À propos » visible sur chaque chaîne YouTube peut ne pas refléter l’endroit où ces vidéos sont filmées  : une personne listant sa chaîne aux États-Unis peut publier des vidéos de n’importe où.

YouTube a indiqué dans un communiqué que la chaîne analysée par Belligcat n’était pas monétisée.

 

COMMENT AIDER ?

Pour Jackel, la responsabilité de signaler des vidéos problématiques ne devrait pas revenir aux internautes. « Il en va de l’obligation de YouTube de garantir l’absence de cruauté animale sur sa plateforme et la suppression de tout contenu abusif. »

Néanmoins, les utilisateurs de la plateforme devraient tout de même signaler les vidéos qu’ils trouvent cruelles ou mises en scène à YouTube, sans les partager, précise-t-elle. Pour cela, il suffit de cliquer sur le bouton « Signaler » en bas à droite de la vidéo, puis de sélectionner « Contenu violent ou abject » et enfin « Mauvais traitements infligés à des animaux. »

Ce boycott a poussé YouTube à annoncer son intention de renforcer les contrôles. En 2019, la plateforme a mis à jour son règlement sur l’incitation à la haine et le harcèlement en interdisant les vidéos qui prétendent qu’un groupe est supérieur à d’autres afin de justifier la discrimination.

Le contrôle de contenus problématiques est probablement une « guerre sans fin » pour YouTube, relève Schubert de l’Animal Welfare Institute. Néanmoins, il relève toujours de la responsabilité des réseaux sociaux eux-mêmes de mettre au point des algorithmes qui assurent la bonne application de leurs règlements, de recruter suffisamment de personnel pour contrôler les vidéos de maltraitance envers les animaux et de les supprimer le plus rapidement possible.

YouTube pourrait utiliser des programmes pour scanner et reconnaître des espèces menacées dans le contenu animalier afin de générer des notifications automatiques liées au statut de conservation des animaux, avec des informations contextuelles sur l’exploitation animale, suggère Chaber. Les utilisateurs pourraient voir ces notifications avant de lire les vidéos, ajoute-t-elle. La plateforme a déjà adopté une approche similaire pour les vidéos complotistes.

Lorsque des utilisateurs cherchent sur YouTube des sujets sensibles en matière de fausses informations, un avertissement ou une fenêtre contextuelle éducative apparaît. Par exemple, si un utilisateur cherche « coronavirus », un panneau d’information invite l’utilisateur à se renseigner sur le site du gouvernement dédié à la question. La bannière est également visible sous chaque vidéo présente dans la liste des résultats. Une stratégie de ce genre pourrait être employée pour les vidéos animalières.

Mais tous les spécialistes ne s’accordent pas sur l’utilité de ces avertissements. Jackel craint que ce type d’intervention sur les faux sauvetages d’animaux ne fasse que favoriser leur partage ou leur visionnage, simplement pour la nouveauté. Par ailleurs, cela met l’accent sur la nature trompeuse de ces vidéos plutôt que sur la maltraitance infligée aux animaux.  

« L’enjeu le plus pressant est la violence envers les animaux qui ne devrait jamais être autorisée comme divertissement, peu importe son étiquette, » déclare Jackel. Il faut avant tout se concentrer sur la suppression de ces vidéos. « Les vidéos faisant la promotion de la cruauté animale n’ont pas leur place sur YouTube, point. »