Le résultat auquel est arrivé l’entrepreneur français, c’est un site plutôt bancal appelé Checkhimout.com, où les femmes font leur « shopping » et les hommes sont les « produits » [qui rappelle fortement le site Adopteunmec, jadis populaire en France, ndt]. Seules les femmes peuvent initier le premier contact, même si les hommes peuvent mettre des profils en « favoris ». Rolland affirme que le site compte 59 % d’utilisatrices, aussi ai-je décidé de grossir leurs rangs et de m’adonner à mon tour au « shopping ». Le site m’a suggéré des « produits » disponibles jusqu’à Vancouver – sachant que je vis à Los Angeles, cela laisse entendre que la base d’utilisateurs n’est pas encore exactement massive. Plus ennuyeux encore, je n’y ai pas trouvé un seul homme qui m’ait donné envie de lui envoyer un message. Pire enfin, cette dynamique acheteuse-produit m’a mis extrêmement mal à l’aise et je me suis même carrément sentie sale, pour ainsi dire. Rolland me confirme que ce n’est pas la première fois qu’il entend cette remarque – de la part des femmes, jamais des hommes. Il admet par ailleurs que « pour les hommes, être assimilé à un produit peut s’avérer frustrant. C’est comme dans un supermarché : vous êtes une boîte de conserve, vous êtes là à attendre dans votre rayon, des femmes vous passent devant, problème, vous n’avez pas de bras pour leur faire signe. » Il n’envisage toutefois pas de modifier le concept. Les utilisateurs masculins peuvent même payer un supplément pour apparaître en « tête de gondole » sur la page d’accueil.« En ce qui concerne les contacts, les femmes sont plus sélectives, et également plus avares de leur temps », explique Jessica Carbino, doctorante en sociologie à U.C.L.A. Alors que veulent les femmes au juste ? Si l’on analyse les sites et applis de rencontres lancés par des femmes, denrée aussi rare que précieuse, un modèle se dégage : les femmes veulent avant tout de l’authenticité, de la confidentialité, un environnement plus contrôlé, et une méthode rapide pour pouvoir se rencontrer hors ligne de façon sûre et aisée. Ainsi, lorsque Coffee Meets Bagel, une appli et un site web fondés par trois sœurs, vous envoie un match, vous disposez d’un temps limité pour choisir entre « like » et « pass ». Si vous obtenez un « like » mutuel, vous êtes immédiatement connecté à votre match via SMS (les numéros demeurent masqués). Avec Coffee Meets Bagel, vous pouvez choisir de n’être adressée qu’à des amis d’amis en vous connectant par votre compte Facebook, ou opter pour l’anonymat.« En ce qui concerne les contacts, les femmes sont plus sélectives, et également plus avares de leur temps », explique Jessica Carbino, doctorante en sociologie à U.C.L.A. qui étudie les rencontres en ligne. « Je pense que même les femmes qui recherchent quelque chose de plus occasionnel n’ont pas de temps à perdre. » Carbino travaille avec Talia Goldstein et Valerie Brennan, cofondatrices de Three Day Rule, un service de L.A. qui organise des rencontres entre célibataires et possède également un site dédié. À l’origine, il s’agissait d’un blog sur lequel des femmes échangeaient des conseils sur les meilleurs endroits où aller prendre un verre, selon le genre de type de profil recherché – l’entrepreneur, le fêtard, le surfeur… Elles ont adapté cette philosophie à leur site de rencontres, circonscrit à L.A., et se concentrent sur la mise en relation de personnes en fonction des dix-neuf catégories de personnalité qu’elles ont établies. Mais les leçons qu’elles en ont tirées ne s’appliquent pas nécessairement aux applis de drague. Three Day Rule s’adresse aux femmes qui cherchent le bon mec plutôt que le bon coup. Si la gent féminine se montre si réfractaire aux applis mobiles, c’est peut-être qu’elle peut avoir « l’impression que les hommes sont juste en quête d’un petit cul. Ils ne s’intéressent pas vraiment à ce qu’elles peuvent avoir à proposer d’autre, comme un cerveau ou un sens de l’humour », précise Carbino. Mais elle concède néanmoins que pour les femmes « le visuel a évidemment aussi son importance ».
La fille au bar
Sans grande surprise, la façon dont Three Day Rule cherche à donner « le pouvoir aux femmes » dans un contexte de rencontres est plus nuancée que celle de Checkhimout.com. « Les femmes occupent une position unique de nos jours, explique Brennan. D’un côté, elles sont extrêmement puissantes, représentent une force de travail considérable et ont l’opportunité d’accéder à des jobs aussi passionnants que les hommes. Mais pour autant, elles veulent rester féminines, ne pas forcément être celles qui vont accoster les mecs. C’est un vrai casse-tête. On veut toujours être la fille qui prend un verre au bar, et que ce soit le mec qui vienne vers nous. »